Dans chacun des extraits suivants, quel est le registre littéraire utilisé ?
Ô amour, ô pensées, ô désirs pleins de flamme,
Une dame, un objet, un brasier que je sens
Me blesse, me nourrit, conduit mes jeunes ans
À la mort, aux douleurs, au profond d'une lame.
(Étienne Durand, Méditations)
- Vous savez bien, mon anneau ? poursuivit-il après un silence.
- Eh bien ! on l'a pris ?
- Non.
- En ce cas vous l'avez ?
- Non… je… je ne puis l'ôter du doigt de cette diable de Vénus.
- Bon ! vous n'avez pas tiré assez fort.
- Si fait… Mais la Vénus… elle a serré le doigt. Il me regardait fixement d'un air hagard, s'appuyant à l'espagnolette pour ne pas tomber.
- Quel conte ! lui dis-je. Vous avez trop enfoncé l'anneau. Demain vous l'aurez avec des tenailles. Mais prenez garde de gâter la statue.
- Non vous, dis-je. Le doigt de la Vénus est retiré, reployé ; elle serre la main, m'entendez vous ?... C'est ma femme, apparemment, puisque je lui ai donné mon anneau. Elle ne veut plus le rendre.
(Prosper Mérimée, La Vénus d'Ille)
Imaginez un front chauve, bombé, proéminent, retombant en saillie sur un petit nez écrasé, retroussé du bout comme celui de Rabelais ou de Socrate ; une bouche rieuse et ridée, un menton court, fièrement relevé, garni d'une barbe grise taillée en pointe, des yeux vert de mer ternis en apparence par l'âge, mais qui par le contraste du blanc nacré dans lequel flottait la prunelle devaient parfois jeter des regards magnétiques au fort de la colère ou de l'enthousiasme. Le visage était d'ailleurs singulièrement flétri par les fatigues de l'âge, et plus encore par ces pensées qui creusent également l'âme et le corps. Les yeux n'avaient plus de cils, et à peine voyait-on quelques traces de sourcils au-dessus de leurs arcades saillantes. Mettez cette tête sur un corps fluet et débile, entourez-la d'une dentelle étincelante de blancheur et travaillée comme une truelle à poisson, jetez sur le pourpoint noir du vieillard une lourde chaîne d'or, et vous aurez une image imparfaite de ce personnage auquel le jour faible de l'escalier prêtait encore une couleur fantastique.
Vous eussiez dit d'une toile de Rembrandt marchant silencieusement et sans cadre dans la noire atmosphère que s'est appropriée ce grand peintre.
(Honoré de Balzac, "Le Chef-d'œuvre inconnu")
À peine s'avança-t-il vers le bois, que tous ces grands arbres, ces ronces et ces épines s'écartèrent d'elles-mêmes pour le laisser passer : il marche vers le Château qu'il voyait au bout d'une grande avenue où il entra, et ce qui le surprit un peu, il vit que personne de ses gens ne l'avait pu suivre, parce que les arbres s'étaient rapprochés dès qu'il avait été passé. Il ne laissa pas de continuer son chemin : un Prince jeune et amoureux est toujours vaillant. Il entra dans une grande avant-cour où tout ce qu'il vit d'abord était capable de le glacer de crainte : c'était un silence affreux, l'image de la mort s'y présentait partout, et ce n'était que des corps étendus d'hommes et d'animaux, qui paraissaient morts.
(Charles Perrault, La Belle au bois dormant)
Je l'ai démontré d'autre part : l'affaire Dreyfus était l'affaire des bureaux de la guerre, un officier de l'état-major, dénoncé par ses camarades de l'état-major, condamné sous la pression des chefs de l'état-major. Encore une fois, il ne peut revenir innocent sans que tout l'état-major soit coupable. Aussi les bureaux, par tous les moyens imaginables, par des campagnes de presse, par des communications, par des influences, n'ont-ils couvert Esterhazy que pour perdre une seconde fois Dreyfus. Quel coup de balai le gouvernement républicain devrait donner dans cette jésuitière, ainsi que les appelle le général Billot lui-même !
(Émile Zola, "J'accuse...!")