Adapté de Métropole, 2011, voies technologiques
Quelle est la fonction principale de ces deux scènes d'ouverture ?
Texte A : Beaumarchais, Le Barbier de Séville, Acte I, scènes 1 et 2
1775
ACTE PREMIER
(Le théâtre représente une rue de Séville, où toutes les croisées1 sont grillées2.)
SCÈNE PREMIÈRE
LE COMTE : (seul, en grand manteau brun et chapeau rabattu. Il tire sa montre en se promenant.)
Le jour est moins avancé que je ne croyais. L'heure à laquelle elle3 a coutume de se montrer derrière sa jalousie4 est encore éloignée. N'importe ; il vaut mieux arriver trop tôt que de manquer l'instant de la voir. Si quelque aimable de la cour pouvait me deviner à cent lieues de Madrid, arrêté tous les matins sous les fenêtres d'une femme à qui je n'ai jamais parlé, il me prendrait pour un Espagnol du temps d'Isabelle5. Pourquoi non ? Chacun court après le bonheur. Il est pour moi dans le cœur de Rosine. Mais quoi ! suivre une femme à Séville, quand Madrid et la cour offrent de toutes parts des plaisirs si faciles ? Et c'est cela même que je fuis. Je suis las6 des conquêtes que l'intérêt, la convenance ou la vanité7 nous présentent sans cesse. Il est si doux d'être aimé pour soi-même ; et si je pouvais m'assurer sous ce déguisement... Au diable l'importun8 !
SCÈNE 2
FIGARO, LE COMTE (caché)
FIGARO : (une guitare sur le dos attachée en bandoulière avec un large ruban ; il chantonne gaiement, un papier et un crayon à la main.)
Bannissons le chagrin,
Il nous consume :
Sans le feu du bon vin,
Qui nous rallume,
Réduit à languir,
L'homme, sans plaisir,
Vivrait comme un sot,
Et mourrait bientôt.
Jusque-là ceci ne va pas mal, hein, hein !
...Et mourrait bientôt.
Le vin et la paresse
Se disputent mon cœur...
Eh non ! ils ne se le disputent pas, ils y règnent paisiblement ensemble...
Se partagent... mon cœur.
Dit-on "se partagent" ?... Eh ! mon Dieu, nos faiseurs d'opéras-comiques n'y regardent pas de si près. Aujourd'hui, ce qui ne vaut pas la peine d'être dit, on le chante. (Il chante.)
Le vin et la paresse
Se partagent mon cœur...
Je voudrais finir par quelque chose de beau, de brillant, de scintillant, qui eût l'air d'une pensée. (Il met un genou en terre, et écrit en chantant.)
Se partagent mon cœur.
Si l'une a ma tendresse...
L'autre fait mon bonheur.
Fi donc ! c'est plat. Ce n'est pas ça... Il me faut une opposition, une antithèse :
Si l'une... est ma maîtresse,
L'autre...
Eh ! parbleu, j'y suis !...
L'autre est mon serviteur.
Fort bien, Figaro !... (Il écrit en chantant.)
Le vin et la paresse
Se partagent mon cœur ;
Si l'une est ma maîtresse,
L'autre est mon serviteur,
L'autre est mon serviteur,
L'autre est mon serviteur.
Hein, hein, quand il y aura des accompagnements là-dessous, nous verrons encore, messieurs de la cabale9, si je ne sais ce que je dis. (Il aperçoit le Comte.) J'ai vu cet abbé10-là quelque part. (Il se relève.)
1 Les croisées : les fenêtres.
2 Grillées : grillagées.
3 "Elle" désigne Rosine, la jeune fille dont le comte est amoureux.
4 Jalousie : grillage de fer ou de bois qui couvre une fenêtre et permet de voir sans être vu.
5 Isabelle : La reine Isabelle la catholique (1451 - 1504). Le comte considère que sa conduite amoureuse relève d'une époque lointaine, révolue.
6 Las : fatigué.
7 Vanité : arrogance, prétention.
8 Importun : personne dont la présence n'est pas souhaitée.
9 Cabale : manœuvres secrètes et collectives menées contre un auteur en vue de provoquer l'échec d'une pièce.
10 C'est la tenue du comte qui le fait ressembler à un abbé en soutane.
Texte C : Eugène Labiche, Un chapeau de paille d'Italie, Acte I, scène 1
1851
ACTE PREMIER
(Chez Fadinard)
(Un salon octogone. - Au fond, porte à deux battants s'ouvrant sur la scène. - Une porte dans chaque pan coupé. - Deux portes aux premiers plans latéraux. - À gauche, contre la cloison, une table avec tapis, sur laquelle est un plateau portant carafe, verre, sucrier. - Chaises.)
SCÈNE PREMIÈRE
VIRGINIE, FÉLIX
VIRGINIE : (à Félix, qui cherche à l'embrasser)
Non, laissez-moi, monsieur Félix !... Je n'ai pas le temps de jouer.
FÉLIX :
Rien qu'un baiser ?
VIRGINIE :
Je ne veux pas !...
FÉLIX :
Puisque je suis de votre pays1 !... je suis de Rambouillet...
VIRGINIE :
Ah ! ben ! s'il fallait embrasser tous ceux qui sont de Rambouillet !...
FÉLIX :
Il n'y a que quatre mille habitants.
VIRGINIE :
Il ne s'agit pas de ça... M. Fadinard, votre bourgeois, se marie aujourd'hui... Vous m'avez invitée à venir voir la corbeille... voyons la corbeille !...
FÉLIX :
Nous avons bien le temps... Mon maître est parti, hier soir, pour aller signer son contrat chez le beau-père... il ne revient qu'à onze heures, avec toute sa noce, pour aller à la mairie.
VIRGINIE :
La mariée est-elle jolie ?
FÉLIX :
Peuh !... je lui trouve l'air godiche2 ; mais elle est d'une bonne famille... c'est la fille d'un pépiniériste de Charentonneau... le père Nonancourt.
VIRGINIE :
Dites donc, monsieur Félix... si vous entendez dire qu'elle ait besoin d'une femme de chambre... pensez à moi.
FÉLIX :
Vous voulez donc quitter votre maître... M. Beauperthuis ?
VIRGINIE :
Ne m'en parlez pas... c'est un acariâtre3, premier numéro... Il est grognon, maussade, sournois, jaloux... et sa femme donc !... Certainement, je n'aime pas à dire du mal des maîtres...
FÉLIX :
Oh ! non !...
VIRGINIE :
Une chipie ! une bégueule4, qui ne vaut pas mieux qu'une autre.
FÉLIX :
Parbleu !
VIRGINIE :
Dès que Monsieur part... crac ! elle part... et où va-t-elle ?... elle ne me l'a jamais dit... jamais !...
FÉLIX :
Oh ! vous ne pouvez pas rester dans cette maison-là.
VIRGINIE : (baissant les yeux)
Et puis, ça me ferait tant plaisir de servir avec quelqu'un de Rambouillet...
FÉLIX : (l'embrassant)
Seine-et-Oise !
1 Pays : région, ville ou village natal.
2 Godiche : gauche, maladroit.
3 Acariâtre : colérique.
4 Bégueule : farouche, rigide.
Sur quel type de discours théâtral reposent les deux extraits suivants ?
Texte A : Beaumarchais, Le Barbier de Séville, Acte I, scènes 1 et 2
1775
ACTE PREMIER
(Le théâtre représente une rue de Séville, où toutes les croisées1 sont grillées2.)
SCÈNE PREMIÈRE
LE COMTE : (seul, en grand manteau brun et chapeau rabattu. Il tire sa montre en se promenant.)
Le jour est moins avancé que je ne croyais. L'heure à laquelle elle3 a coutume de se montrer derrière sa jalousie4 est encore éloignée. N'importe ; il vaut mieux arriver trop tôt que de manquer l'instant de la voir. Si quelque aimable de la cour pouvait me deviner à cent lieues de Madrid, arrêté tous les matins sous les fenêtres d'une femme à qui je n'ai jamais parlé, il me prendrait pour un Espagnol du temps d'Isabelle5. Pourquoi non ? Chacun court après le bonheur. Il est pour moi dans le cœur de Rosine. Mais quoi ! suivre une femme à Séville, quand Madrid et la cour offrent de toutes parts des plaisirs si faciles ? Et c'est cela même que je fuis. Je suis las6 des conquêtes que l'intérêt, la convenance ou la vanité7 nous présentent sans cesse. Il est si doux d'être aimé pour soi-même ; et si je pouvais m'assurer sous ce déguisement... Au diable l'importun8 !
SCÈNE 2
FIGARO, LE COMTE (caché)
FIGARO : (une guitare sur le dos attachée en bandoulière avec un large ruban ; il chantonne gaiement, un papier et un crayon à la main.)
Bannissons le chagrin,
Il nous consume :
Sans le feu du bon vin,
Qui nous rallume,
Réduit à languir,
L'homme, sans plaisir,
Vivrait comme un sot,
Et mourrait bientôt.
Jusque-là ceci ne va pas mal, hein, hein !
...Et mourrait bientôt.
Le vin et la paresse
Se disputent mon cœur...
Eh non ! ils ne se le disputent pas, ils y règnent paisiblement ensemble...
Se partagent... mon cœur.
Dit-on "se partagent" ?... Eh ! mon Dieu, nos faiseurs d'opéras-comiques n'y regardent pas de si près. Aujourd'hui, ce qui ne vaut pas la peine d'être dit, on le chante. (Il chante.)
Le vin et la paresse
Se partagent mon cœur...
Je voudrais finir par quelque chose de beau, de brillant, de scintillant, qui eût l'air d'une pensée. (Il met un genou en terre, et écrit en chantant.)
Se partagent mon cœur.
Si l'une a ma tendresse...
L'autre fait mon bonheur.
Fi donc ! c'est plat. Ce n'est pas ça... Il me faut une opposition, une antithèse :
Si l'une... est ma maîtresse,
L'autre...
Eh ! parbleu, j'y suis !...
L'autre est mon serviteur.
Fort bien, Figaro !... (Il écrit en chantant.)
Le vin et la paresse
Se partagent mon cœur ;
Si l'une est ma maîtresse,
L'autre est mon serviteur,
L'autre est mon serviteur,
L'autre est mon serviteur.
Hein, hein, quand il y aura des accompagnements là-dessous, nous verrons encore, messieurs de la cabale9, si je ne sais ce que je dis. (Il aperçoit le Comte.) J'ai vu cet abbé10-là quelque part. (Il se relève.)
1 Les croisées : les fenêtres.
2 Grillées : grillagées.
3 "Elle" désigne Rosine, la jeune fille dont le comte est amoureux.
4 Jalousie : grillage de fer ou de bois qui couvre une fenêtre et permet de voir sans être vu.
5 Isabelle : La reine Isabelle la catholique (1451 - 1504). Le comte considère que sa conduite amoureuse relève d'une époque lointaine, révolue.
6 Las : fatigué.
7 Vanité : arrogance, prétention.
8 Importun : personne dont la présence n'est pas souhaitée.
9 Cabale : manœuvres secrètes et collectives menées contre un auteur en vue de provoquer l'échec d'une pièce.
10 C'est la tenue du comte qui le fait ressembler à un abbé en soutane.
Texte C : Eugène Labiche, Un chapeau de paille d'Italie, Acte I, scène 1
1851
ACTE PREMIER
(Chez Fadinard)
(Un salon octogone. - Au fond, porte à deux battants s'ouvrant sur la scène. - Une porte dans chaque pan coupé. - Deux portes aux premiers plans latéraux. - À gauche, contre la cloison, une table avec tapis, sur laquelle est un plateau portant carafe, verre, sucrier. - Chaises.)
SCÈNE PREMIÈRE
VIRGINIE, FÉLIX
VIRGINIE : (à Félix, qui cherche à l'embrasser)
Non, laissez-moi, monsieur Félix !... Je n'ai pas le temps de jouer.
FÉLIX :
Rien qu'un baiser ?
VIRGINIE :
Je ne veux pas !...
FÉLIX :
Puisque je suis de votre pays1 !... je suis de Rambouillet...
VIRGINIE :
Ah ! ben ! s'il fallait embrasser tous ceux qui sont de Rambouillet !...
FÉLIX :
Il n'y a que quatre mille habitants.
VIRGINIE :
Il ne s'agit pas de ça... M. Fadinard, votre bourgeois, se marie aujourd'hui... Vous m'avez invitée à venir voir la corbeille... voyons la corbeille !...
FÉLIX :
Nous avons bien le temps... Mon maître est parti, hier soir, pour aller signer son contrat chez le beau-père... il ne revient qu'à onze heures, avec toute sa noce, pour aller à la mairie.
VIRGINIE :
La mariée est-elle jolie ?
FÉLIX :
Peuh !... je lui trouve l'air godiche2 ; mais elle est d'une bonne famille... c'est la fille d'un pépiniériste de Charentonneau... le père Nonancourt.
VIRGINIE :
Dites donc, monsieur Félix... si vous entendez dire qu'elle ait besoin d'une femme de chambre... pensez à moi.
FÉLIX :
Vous voulez donc quitter votre maître... M. Beauperthuis ?
VIRGINIE :
Ne m'en parlez pas... c'est un acariâtre3, premier numéro... Il est grognon, maussade, sournois, jaloux... et sa femme donc !... Certainement, je n'aime pas à dire du mal des maîtres...
FÉLIX :
Oh ! non !...
VIRGINIE :
Une chipie ! une bégueule4, qui ne vaut pas mieux qu'une autre.
FÉLIX :
Parbleu !
VIRGINIE :
Dès que Monsieur part... crac ! elle part... et où va-t-elle ?... elle ne me l'a jamais dit... jamais !...
FÉLIX :
Oh ! vous ne pouvez pas rester dans cette maison-là.
VIRGINIE : (baissant les yeux)
Et puis, ça me ferait tant plaisir de servir avec quelqu'un de Rambouillet...
FÉLIX : (l'embrassant)
Seine-et-Oise !
1 Pays : région, ville ou village natal.
2 Godiche : gauche, maladroit.
3 Acariâtre : colérique.
4 Bégueule : farouche, rigide.
À quel genre théâtral appartiennent les extraits suivants ?
Texte A : Beaumarchais, Le Barbier de Séville, Acte I, scènes 1 et 2
1775
ACTE PREMIER
(Le théâtre représente une rue de Séville, où toutes les croisées1 sont grillées2.)
SCÈNE PREMIÈRE
LE COMTE : (seul, en grand manteau brun et chapeau rabattu. Il tire sa montre en se promenant.)
Le jour est moins avancé que je ne croyais. L'heure à laquelle elle3 a coutume de se montrer derrière sa jalousie4 est encore éloignée. N'importe ; il vaut mieux arriver trop tôt que de manquer l'instant de la voir. Si quelque aimable de la cour pouvait me deviner à cent lieues de Madrid, arrêté tous les matins sous les fenêtres d'une femme à qui je n'ai jamais parlé, il me prendrait pour un Espagnol du temps d'Isabelle5. Pourquoi non ? Chacun court après le bonheur. Il est pour moi dans le cœur de Rosine. Mais quoi ! suivre une femme à Séville, quand Madrid et la cour offrent de toutes parts des plaisirs si faciles ? Et c'est cela même que je fuis. Je suis las6 des conquêtes que l'intérêt, la convenance ou la vanité7 nous présentent sans cesse. Il est si doux d'être aimé pour soi-même ; et si je pouvais m'assurer sous ce déguisement... Au diable l'importun8 !
SCÈNE 2
FIGARO, LE COMTE (caché)
FIGARO : (une guitare sur le dos attachée en bandoulière avec un large ruban ; il chantonne gaiement, un papier et un crayon à la main.)
Bannissons le chagrin,
Il nous consume :
Sans le feu du bon vin,
Qui nous rallume,
Réduit à languir,
L'homme, sans plaisir,
Vivrait comme un sot,
Et mourrait bientôt.
Jusque-là ceci ne va pas mal, hein, hein !
...Et mourrait bientôt.
Le vin et la paresse
Se disputent mon cœur...
Eh non ! ils ne se le disputent pas, ils y règnent paisiblement ensemble...
Se partagent... mon cœur.
Dit-on "se partagent" ?... Eh ! mon Dieu, nos faiseurs d'opéras-comiques n'y regardent pas de si près. Aujourd'hui, ce qui ne vaut pas la peine d'être dit, on le chante. (Il chante.)
Le vin et la paresse
Se partagent mon cœur...
Je voudrais finir par quelque chose de beau, de brillant, de scintillant, qui eût l'air d'une pensée. (Il met un genou en terre, et écrit en chantant.)
Se partagent mon cœur.
Si l'une a ma tendresse...
L'autre fait mon bonheur.
Fi donc ! c'est plat. Ce n'est pas ça... Il me faut une opposition, une antithèse :
Si l'une... est ma maîtresse,
L'autre...
Eh ! parbleu, j'y suis !...
L'autre est mon serviteur.
Fort bien, Figaro !... (Il écrit en chantant.)
Le vin et la paresse
Se partagent mon cœur ;
Si l'une est ma maîtresse,
L'autre est mon serviteur,
L'autre est mon serviteur,
L'autre est mon serviteur.
Hein, hein, quand il y aura des accompagnements là-dessous, nous verrons encore, messieurs de la cabale9, si je ne sais ce que je dis. (Il aperçoit le Comte.) J'ai vu cet abbé10-là quelque part. (Il se relève.)
1 Les croisées : les fenêtres.
2 Grillées : grillagées.
3 "Elle" désigne Rosine, la jeune fille dont le comte est amoureux.
4 Jalousie : grillage de fer ou de bois qui couvre une fenêtre et permet de voir sans être vu.
5 Isabelle : La reine Isabelle la catholique (1451 - 1504). Le comte considère que sa conduite amoureuse relève d'une époque lointaine, révolue.
6 Las : fatigué.
7 Vanité : arrogance, prétention.
8 Importun : personne dont la présence n'est pas souhaitée.
9 Cabale : manœuvres secrètes et collectives menées contre un auteur en vue de provoquer l'échec d'une pièce.
10 C'est la tenue du comte qui le fait ressembler à un abbé en soutane.
Texte C : Eugène Labiche, Un chapeau de paille d'Italie, Acte I, scène 1
1851
ACTE PREMIER
(Chez Fadinard)
(Un salon octogone. - Au fond, porte à deux battants s'ouvrant sur la scène. - Une porte dans chaque pan coupé. - Deux portes aux premiers plans latéraux. - À gauche, contre la cloison, une table avec tapis, sur laquelle est un plateau portant carafe, verre, sucrier. - Chaises.)
SCÈNE PREMIÈRE
VIRGINIE, FÉLIX
VIRGINIE : (à Félix, qui cherche à l'embrasser)
Non, laissez-moi, monsieur Félix !... Je n'ai pas le temps de jouer.
FÉLIX :
Rien qu'un baiser ?
VIRGINIE :
Je ne veux pas !...
FÉLIX :
Puisque je suis de votre pays1 !... je suis de Rambouillet...
VIRGINIE :
Ah ! ben ! s'il fallait embrasser tous ceux qui sont de Rambouillet !...
FÉLIX :
Il n'y a que quatre mille habitants.
VIRGINIE :
Il ne s'agit pas de ça... M. Fadinard, votre bourgeois, se marie aujourd'hui... Vous m'avez invitée à venir voir la corbeille... voyons la corbeille !...
FÉLIX :
Nous avons bien le temps... Mon maître est parti, hier soir, pour aller signer son contrat chez le beau-père... il ne revient qu'à onze heures, avec toute sa noce, pour aller à la mairie.
VIRGINIE :
La mariée est-elle jolie ?
FÉLIX :
Peuh !... je lui trouve l'air godiche2 ; mais elle est d'une bonne famille... c'est la fille d'un pépiniériste de Charentonneau... le père Nonancourt.
VIRGINIE :
Dites donc, monsieur Félix... si vous entendez dire qu'elle ait besoin d'une femme de chambre... pensez à moi.
FÉLIX :
Vous voulez donc quitter votre maître... M. Beauperthuis ?
VIRGINIE :
Ne m'en parlez pas... c'est un acariâtre3, premier numéro... Il est grognon, maussade, sournois, jaloux... et sa femme donc !... Certainement, je n'aime pas à dire du mal des maîtres...
FÉLIX :
Oh ! non !...
VIRGINIE :
Une chipie ! une bégueule4, qui ne vaut pas mieux qu'une autre.
FÉLIX :
Parbleu !
VIRGINIE :
Dès que Monsieur part... crac ! elle part... et où va-t-elle ?... elle ne me l'a jamais dit... jamais !...
FÉLIX :
Oh ! vous ne pouvez pas rester dans cette maison-là.
VIRGINIE : (baissant les yeux)
Et puis, ça me ferait tant plaisir de servir avec quelqu'un de Rambouillet...
FÉLIX : (l'embrassant)
Seine-et-Oise !
1 Pays : région, ville ou village natal.
2 Godiche : gauche, maladroit.
3 Acariâtre : colérique.
4 Bégueule : farouche, rigide.
Quel est le statut social des deux personnages dans l'extrait suivant ?
Texte A : Beaumarchais, Le Barbier de Séville, Acte I, scènes 1 et 2
1775
ACTE PREMIER
(Le théâtre représente une rue de Séville, où toutes les croisées1 sont grillées2.)
SCÈNE PREMIÈRE
LE COMTE : (seul, en grand manteau brun et chapeau rabattu. Il tire sa montre en se promenant.)
Le jour est moins avancé que je ne croyais. L'heure à laquelle elle3 a coutume de se montrer derrière sa jalousie4 est encore éloignée. N'importe ; il vaut mieux arriver trop tôt que de manquer l'instant de la voir. Si quelque aimable de la cour pouvait me deviner à cent lieues de Madrid, arrêté tous les matins sous les fenêtres d'une femme à qui je n'ai jamais parlé, il me prendrait pour un Espagnol du temps d'Isabelle5. Pourquoi non ? Chacun court après le bonheur. Il est pour moi dans le cœur de Rosine. Mais quoi ! suivre une femme à Séville, quand Madrid et la cour offrent de toutes parts des plaisirs si faciles ? Et c'est cela même que je fuis. Je suis las6 des conquêtes que l'intérêt, la convenance ou la vanité7 nous présentent sans cesse. Il est si doux d'être aimé pour soi-même ; et si je pouvais m'assurer sous ce déguisement... Au diable l'importun8 !
SCÈNE 2
FIGARO, LE COMTE (caché)
FIGARO : (une guitare sur le dos attachée en bandoulière avec un large ruban ; il chantonne gaiement, un papier et un crayon à la main.)
Bannissons le chagrin,
Il nous consume :
Sans le feu du bon vin,
Qui nous rallume,
Réduit à languir,
L'homme, sans plaisir,
Vivrait comme un sot,
Et mourrait bientôt.
Jusque-là ceci ne va pas mal, hein, hein !
...Et mourrait bientôt.
Le vin et la paresse
Se disputent mon cœur...
Eh non ! ils ne se le disputent pas, ils y règnent paisiblement ensemble...
Se partagent... mon cœur.
Dit-on "se partagent" ?... Eh ! mon Dieu, nos faiseurs d'opéras-comiques n'y regardent pas de si près. Aujourd'hui, ce qui ne vaut pas la peine d'être dit, on le chante. (Il chante.)
Le vin et la paresse
Se partagent mon cœur...
Je voudrais finir par quelque chose de beau, de brillant, de scintillant, qui eût l'air d'une pensée. (Il met un genou en terre, et écrit en chantant.)
Se partagent mon cœur.
Si l'une a ma tendresse...
L'autre fait mon bonheur.
Fi donc ! c'est plat. Ce n'est pas ça... Il me faut une opposition, une antithèse :
Si l'une... est ma maîtresse,
L'autre...
Eh ! parbleu, j'y suis !...
L'autre est mon serviteur.
Fort bien, Figaro !... (Il écrit en chantant.)
Le vin et la paresse
Se partagent mon cœur ;
Si l'une est ma maîtresse,
L'autre est mon serviteur,
L'autre est mon serviteur,
L'autre est mon serviteur.
Hein, hein, quand il y aura des accompagnements là-dessous, nous verrons encore, messieurs de la cabale9, si je ne sais ce que je dis. (Il aperçoit le Comte.) J'ai vu cet abbé10-là quelque part. (Il se relève.)
1 Les croisées : les fenêtres.
2 Grillées : grillagées.
3 "Elle" désigne Rosine, la jeune fille dont le comte est amoureux.
4 Jalousie : grillage de fer ou de bois qui couvre une fenêtre et permet de voir sans être vu.
5 Isabelle : La reine Isabelle la catholique (1451 - 1504). Le comte considère que sa conduite amoureuse relève d'une époque lointaine, révolue.
6 Las : fatigué.
7 Vanité : arrogance, prétention.
8 Importun : personne dont la présence n'est pas souhaitée.
9 Cabale : manœuvres secrètes et collectives menées contre un auteur en vue de provoquer l'échec d'une pièce.
10 C'est la tenue du comte qui le fait ressembler à un abbé en soutane.
Texte C : Eugène Labiche, Un chapeau de paille d'Italie, Acte I, scène 1
1851
ACTE PREMIER
(Chez Fadinard)
(Un salon octogone. - Au fond, porte à deux battants s'ouvrant sur la scène. - Une porte dans chaque pan coupé. - Deux portes aux premiers plans latéraux. - À gauche, contre la cloison, une table avec tapis, sur laquelle est un plateau portant carafe, verre, sucrier. - Chaises.)
SCÈNE PREMIÈRE
VIRGINIE, FÉLIX
VIRGINIE : (à Félix, qui cherche à l'embrasser)
Non, laissez-moi, monsieur Félix !... Je n'ai pas le temps de jouer.
FÉLIX :
Rien qu'un baiser ?
VIRGINIE :
Je ne veux pas !...
FÉLIX :
Puisque je suis de votre pays1 !... je suis de Rambouillet...
VIRGINIE :
Ah ! ben ! s'il fallait embrasser tous ceux qui sont de Rambouillet !...
FÉLIX :
Il n'y a que quatre mille habitants.
VIRGINIE :
Il ne s'agit pas de ça... M. Fadinard, votre bourgeois, se marie aujourd'hui... Vous m'avez invitée à venir voir la corbeille... voyons la corbeille !...
FÉLIX :
Nous avons bien le temps... Mon maître est parti, hier soir, pour aller signer son contrat chez le beau-père... il ne revient qu'à onze heures, avec toute sa noce, pour aller à la mairie.
VIRGINIE :
La mariée est-elle jolie ?
FÉLIX :
Peuh !... je lui trouve l'air godiche2 ; mais elle est d'une bonne famille... c'est la fille d'un pépiniériste de Charentonneau... le père Nonancourt.
VIRGINIE :
Dites donc, monsieur Félix... si vous entendez dire qu'elle ait besoin d'une femme de chambre... pensez à moi.
FÉLIX :
Vous voulez donc quitter votre maître... M. Beauperthuis ?
VIRGINIE :
Ne m'en parlez pas... c'est un acariâtre3, premier numéro... Il est grognon, maussade, sournois, jaloux... et sa femme donc !... Certainement, je n'aime pas à dire du mal des maîtres...
FÉLIX :
Oh ! non !...
VIRGINIE :
Une chipie ! une bégueule4, qui ne vaut pas mieux qu'une autre.
FÉLIX :
Parbleu !
VIRGINIE :
Dès que Monsieur part... crac ! elle part... et où va-t-elle ?... elle ne me l'a jamais dit... jamais !...
FÉLIX :
Oh ! vous ne pouvez pas rester dans cette maison-là.
VIRGINIE : (baissant les yeux)
Et puis, ça me ferait tant plaisir de servir avec quelqu'un de Rambouillet...
FÉLIX : (l'embrassant)
Seine-et-Oise !
1 Pays : région, ville ou village natal.
2 Godiche : gauche, maladroit.
3 Acariâtre : colérique.
4 Bégueule : farouche, rigide.
Quels sont les thèmes communs aux deux textes ?
Texte A : Beaumarchais, Le Barbier de Séville, Acte I, scènes 1 et 2
1775
ACTE PREMIER
(Le théâtre représente une rue de Séville, où toutes les croisées1 sont grillées2.)
SCÈNE PREMIÈRE
LE COMTE : (seul, en grand manteau brun et chapeau rabattu. Il tire sa montre en se promenant.)
Le jour est moins avancé que je ne croyais. L'heure à laquelle elle3 a coutume de se montrer derrière sa jalousie4 est encore éloignée. N'importe ; il vaut mieux arriver trop tôt que de manquer l'instant de la voir. Si quelque aimable de la cour pouvait me deviner à cent lieues de Madrid, arrêté tous les matins sous les fenêtres d'une femme à qui je n'ai jamais parlé, il me prendrait pour un Espagnol du temps d'Isabelle5. Pourquoi non ? Chacun court après le bonheur. Il est pour moi dans le cœur de Rosine. Mais quoi ! suivre une femme à Séville, quand Madrid et la cour offrent de toutes parts des plaisirs si faciles ? Et c'est cela même que je fuis. Je suis las6 des conquêtes que l'intérêt, la convenance ou la vanité7 nous présentent sans cesse. Il est si doux d'être aimé pour soi-même ; et si je pouvais m'assurer sous ce déguisement... Au diable l'importun8 !
SCÈNE 2
FIGARO, LE COMTE (caché)
FIGARO : (une guitare sur le dos attachée en bandoulière avec un large ruban ; il chantonne gaiement, un papier et un crayon à la main.)
Bannissons le chagrin,
Il nous consume :
Sans le feu du bon vin,
Qui nous rallume,
Réduit à languir,
L'homme, sans plaisir,
Vivrait comme un sot,
Et mourrait bientôt.
Jusque-là ceci ne va pas mal, hein, hein !
...Et mourrait bientôt.
Le vin et la paresse
Se disputent mon cœur...
Eh non ! ils ne se le disputent pas, ils y règnent paisiblement ensemble...
Se partagent... mon cœur.
Dit-on "se partagent" ?... Eh ! mon Dieu, nos faiseurs d'opéras-comiques n'y regardent pas de si près. Aujourd'hui, ce qui ne vaut pas la peine d'être dit, on le chante. (Il chante.)
Le vin et la paresse
Se partagent mon cœur...
Je voudrais finir par quelque chose de beau, de brillant, de scintillant, qui eût l'air d'une pensée. (Il met un genou en terre, et écrit en chantant.)
Se partagent mon cœur.
Si l'une a ma tendresse...
L'autre fait mon bonheur.
Fi donc ! c'est plat. Ce n'est pas ça... Il me faut une opposition, une antithèse :
Si l'une... est ma maîtresse,
L'autre...
Eh ! parbleu, j'y suis !...
L'autre est mon serviteur.
Fort bien, Figaro !... (Il écrit en chantant.)
Le vin et la paresse
Se partagent mon cœur ;
Si l'une est ma maîtresse,
L'autre est mon serviteur,
L'autre est mon serviteur,
L'autre est mon serviteur.
Hein, hein, quand il y aura des accompagnements là-dessous, nous verrons encore, messieurs de la cabale9, si je ne sais ce que je dis. (Il aperçoit le Comte.) J'ai vu cet abbé10-là quelque part. (Il se relève.)
1 Les croisées : les fenêtres.
2 Grillées : grillagées.
3 "Elle" désigne Rosine, la jeune fille dont le comte est amoureux.
4 Jalousie : grillage de fer ou de bois qui couvre une fenêtre et permet de voir sans être vu.
5 Isabelle : La reine Isabelle la catholique (1451 - 1504). Le comte considère que sa conduite amoureuse relève d'une époque lointaine, révolue.
6 Las : fatigué.
7 Vanité : arrogance, prétention.
8 Importun : personne dont la présence n'est pas souhaitée.
9 Cabale : manœuvres secrètes et collectives menées contre un auteur en vue de provoquer l'échec d'une pièce.
10 C'est la tenue du comte qui le fait ressembler à un abbé en soutane.
Texte C : Eugène Labiche, Un chapeau de paille d'Italie, Acte I, scène 1
1851
ACTE PREMIER
(Chez Fadinard)
(Un salon octogone. - Au fond, porte à deux battants s'ouvrant sur la scène. - Une porte dans chaque pan coupé. - Deux portes aux premiers plans latéraux. - À gauche, contre la cloison, une table avec tapis, sur laquelle est un plateau portant carafe, verre, sucrier. - Chaises.)
SCÈNE PREMIÈRE
VIRGINIE, FÉLIX
VIRGINIE : (à Félix, qui cherche à l'embrasser)
Non, laissez-moi, monsieur Félix !... Je n'ai pas le temps de jouer.
FÉLIX :
Rien qu'un baiser ?
VIRGINIE :
Je ne veux pas !...
FÉLIX :
Puisque je suis de votre pays1 !... je suis de Rambouillet...
VIRGINIE :
Ah ! ben ! s'il fallait embrasser tous ceux qui sont de Rambouillet !...
FÉLIX :
Il n'y a que quatre mille habitants.
VIRGINIE :
Il ne s'agit pas de ça... M. Fadinard, votre bourgeois, se marie aujourd'hui... Vous m'avez invitée à venir voir la corbeille... voyons la corbeille !...
FÉLIX :
Nous avons bien le temps... Mon maître est parti, hier soir, pour aller signer son contrat chez le beau-père... il ne revient qu'à onze heures, avec toute sa noce, pour aller à la mairie.
VIRGINIE :
La mariée est-elle jolie ?
FÉLIX :
Peuh !... je lui trouve l'air godiche2 ; mais elle est d'une bonne famille... c'est la fille d'un pépiniériste de Charentonneau... le père Nonancourt.
VIRGINIE :
Dites donc, monsieur Félix... si vous entendez dire qu'elle ait besoin d'une femme de chambre... pensez à moi.
FÉLIX :
Vous voulez donc quitter votre maître... M. Beauperthuis ?
VIRGINIE :
Ne m'en parlez pas... c'est un acariâtre3, premier numéro... Il est grognon, maussade, sournois, jaloux... et sa femme donc !... Certainement, je n'aime pas à dire du mal des maîtres...
FÉLIX :
Oh ! non !...
VIRGINIE :
Une chipie ! une bégueule4, qui ne vaut pas mieux qu'une autre.
FÉLIX :
Parbleu !
VIRGINIE :
Dès que Monsieur part... crac ! elle part... et où va-t-elle ?... elle ne me l'a jamais dit... jamais !...
FÉLIX :
Oh ! vous ne pouvez pas rester dans cette maison-là.
VIRGINIE : (baissant les yeux)
Et puis, ça me ferait tant plaisir de servir avec quelqu'un de Rambouillet...
FÉLIX : (l'embrassant)
Seine-et-Oise !
1 Pays : région, ville ou village natal.
2 Godiche : gauche, maladroit.
3 Acariâtre : colérique.
4 Bégueule : farouche, rigide.