Sommaire
ILes objectifs du domaine d'étudeIILes objectifs pour Madame Bovary AL'analyse de la genèseBL'analyse du processus d'écritureCÉtudier une nouvelle esthétique littéraireDAnalyser la difficile publication de l'œuvreLe domaine d'étude "lire, écrire, publier" a pour objectif de comprendre le "fait littéraire". Le but est d'analyser les relations entre production, réception et diffusion d'une œuvre. Le travail de l'écrivain, de la recherche à l'écriture, est particulièrement mis en lumière. La publication d'un roman et son inscription dans une époque donnée, une culture particulière, permettent de comprendre la réception d'une œuvre.
Le premier roman de Flaubert, Madame Bovary, est une œuvre novatrice. L'écrivain a travaillé très longuement sur ce roman, se documentant, retravaillant ses plans, ses phrases. Ce travail titanesque est porteur d'une nouvelle esthétique littéraire, et a provoqué le scandale dans la société française corsetée du XIXe siècle.
Les objectifs du domaine d'étude
L'objectif premier de l'objet d'étude "lire, écrire, publier" est de réfléchir "sur le choix et l'évolution des supports et sur la manière dont ils conditionnent la production et la réception des textes".
Le but est une "compréhension plus complète du fait littéraire". Il s'agit de :
- Mettre en perspective une œuvre littéraire dans son contexte social. Il s'agit d'étudier la façon dont une œuvre s'inscrit dans une société, et d'analyser comment sa production, sa réception ou encore sa diffusion dépendent de cette société.
- Plonger dans le processus de création d'un écrivain, réfléchir sur la façon dont une œuvre se construit, dont un style se crée.
- Revenir sur la réception d'une œuvre, car certains ouvrages, aujourd'hui considérés comme des chefs-d'œuvre absolus de la littérature, ont été jugés scandaleux à leur sortie et ont provoqué des débats.
Les objectifs pour Madame Bovary
Vous ne savez peut-être pas quel plaisir c'est : composer ! Écrire, oh ! écrire, c'est s'emparer du monde […]. C'est sentir sa pensée naître, grandir, vivre, se dresser debout sur son piédestal, et y rester toujours.
Gustave Flaubert
Un parfum à sentir ou Les Baladins
1836
L'analyse de la genèse
L'analyse de la genèse du roman permet de pénétrer dans le laboratoire de l'écrivain et de s'interroger sur le processus de création du roman.
L'œuvre de Flaubert a nécessité un véritable travail de recherche. Flaubert a envoyé des lettres à un spécialiste du droit pour se renseigner sur la façon dont sont traitées les affaires judiciaires liées aux dettes. Il a également entretenu une correspondance avec un ami spécialiste de cathédrales avant de se lancer dans la description de celle de Rouen. Il a lu des livres de médecine pour savoir comment mettre en scène une opération et comment se déroule une agonie. Il a voyagé sur les lieux dont il voulait s'inspirer, et même lu les romans qu'Emma aime tant.
Tous les documents préparatoires que Flaubert a laissés ont retenu l'attention des chercheurs qui se sont penchés dessus. Quatre ans et demi ont été nécessaires à l'écrivain pour mener à bien l'écriture de Madame Bovary. Chaque étape de la genèse peut être précisément datée. La méthode de travail de Flaubert est devenue légendaire.
L'analyse du processus d'écriture
L'analyse de l'écriture du roman, vaste poème narratif, permet d'appréhender une écriture qui s'astreint à une double exigence de justesse absolue sur le plan syntaxique comme sur celui de la fiction.
Les manuscrits de l'œuvre permettent de constater que Flaubert travaille longuement sur son écriture. Ils comptent 3814 feuillets reliés en neuf volumes. Ils permettent de se pencher sur le travail de lecture, de relecture, et surtout de correction de Flaubert, qui ne cesse de revenir sur ce qu'il écrit pour l'approfondir.
Flaubert s'est livré à une abondante correspondance pendant la rédaction de son œuvre. Ces lettres permettent de se plonger dans son travail d'écriture titanesque. Il y relate ses avancements, ses obstacles, ses découragements et ses succès. Il précise qu'il est difficile d'atteindre le style poétique qu'il cherche à tout prix à toucher.
Étudier une nouvelle esthétique littéraire
L'étude du roman permet aussi de constater que Flaubert a inventé un nouveau rapport au monde. Il recherche la neutralité dans la littérature, et souhaite traiter avec égalité les différents personnages et sujets, mais aussi les différents points de vue. C'est une nouvelle esthétique littéraire que Flaubert propose avec Madame Bovary.
L'auteur ne raconte pas seulement une histoire, il présente une véritable réflexion sur l'écriture à travers un style maîtrisé et poétique. Le roman peut se lire comme un poème narratif :
- Flaubert recherche la justesse syntaxique. Il se montre presque obsessionnel quand il s'agit de choisir un mot. Il accorde une grande importance à la musicalité de son style.
- Il y a une double exigence de justesse absolue sur le plan de la diction et de la fiction. Fiction et esthétique sont très intimement liées. La structure et le style de l'œuvre permettent de raconter au mieux l'histoire banale d'Emma, jeune bourgeoise qui s'ennuie à la campagne.
- Flaubert ne cesse de raturer ses brouillons, de revenir sur tel ou tel mot, telle ou telle phrase. Il corrige sans cesse, il supprime, il ajoute. Le souci esthétique de Flaubert permet de mieux comprendre la façon dont il travaille.
Les manuscrits de l'œuvre sont conservés à la bibliothèque municipale de Rouen.
Analyser la difficile publication de l'œuvre
Cette nouvelle esthétique pose problème. En effet, le roman rencontre des difficultés de publication. Il y a des réticences de la part de l'éditeur. La réception très polémique du roman en 1857 aboutit à un procès.
Madame Bovary est une œuvre qui a fait scandale. Si de nombreuses critiques ont été élogieuses, de grands auteurs comme Baudelaire félicitant Flaubert pour son œuvre, le roman choque la morale d'une société encore très puritaine. Le livre subit la censure, mais les coupures n'empêchent pas Flaubert d'être poursuivi en justice pour "outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs".
La réception du roman en 1857 permet d'analyser la société du XIXe dans laquelle Flaubert évolue. Le procès du roman pose la question de la moralité. Flaubert lui fait subir un déplacement décisif. Il y a une opposition entre une littérature édifiante et corsetée par une morale prescriptive, que Flaubert rejette, et une éthique de l'écriture et de la lecture fondée sur l'affirmation de l'autonomie de l'art.