On donne un texte extrait de l'essai Impromptus de André Comte-Sponville (Texte A) et un texte extrait de l'article "Faut-il lire les journaux ?" du Spectateur Français de Marivaux (Texte B).
Texte A
De nos jours, certes, le téléphone pourrait surmonter l'obstacle de la distance, et le surmonte en effet, qui transmet la parole à travers les pays ou les continents. On continue pourtant de s'écrire, et point seulement par économie. Plusieurs même, et j'en suis, préfèrent recevoir une lettre plutôt qu'un coup de fil. Pour quelle raison ? Parce que le téléphone est importun, indiscret, bavard. Aussi, surtout, parce que quelque chose ne peut être dit, ou mal, que seule l'écriture peut porter. L'écriture naît de l'impossibilité de la parole, de sa difficulté, de ses limites, de son échec. De cela qu'on ne peut dire, ou qu'on n'ose pas, ou qu'on ne sait pas. Cet impossible qu'on porte en soi. Cet impossible qui est soi. Il y a les lettres qui remplacent la parole, comme un ersatz, un substitut. Puis celles qui la dépassent, qui touchent par là au silence. Celles-là ne remplacent rien, et sont irremplaçables. Ce dont on ne peut parler, il faut l'écrire.
Texte B
Ce discours surprit un peu mon homme. Il ne savait s'il devait se fâcher ou se taire ; je ne lui donnai pas le temps de se déterminer. Monsieur, lui dis-je encore, en lui présentant un assez gros livre que je tenais, voici un Traité de morale. Le volume n'est pas extrêmement gros, et à la rigueur on pourrait le chicaner sur la médiocrité de sa forme ; mais je vous conseille pourtant de lui faire grâce en faveur de sa matière ; c'est de la morale, et de la morale déterminée, toute crue. Malepeste ! vous voyez bien que cela fait une lecture importante, et digne du flegme d'un homme sensé ; peut-être même la trouverez-vous ennuyeuse, et tant mieux ! À notre âge, il est beau de soutenir l'ennui que peut donner une matière naturellement froide, sérieuse, sans art, et scrupuleusement conservée dans son caractère. Si l'on avait du plaisir à la lire, cela gâterait tout. Voilà une plaisante morale que celle qui instruit agréablement ! Tout le monde peut s'instruire à ce prix-là, ce n'est pas là de quoi l'homme raisonnable doit être avide ; ce n'est pas tant l'utile qu'il faut, que l'honneur d'agir en homme capable de se fatiguer pour chercher cet utile, et la vaste sécheresse d'un gros livre fait justement son affaire.
Chacun a son goût, et je vois bien que vous n'êtes pas du mien, me dit alors le personnage qui se retira mécontent et décontenancé, et que peut-être notre conversation réconciliera dans la suite avec les brochures ; si ce n'est avec les miennes, qui peuvent ne le pas mériter, ce sera du moins avec celles des autres.
Quelle est la thèse défendue par le texte A ?
Quelle est la thèse défendue par le texte B ?
Lequel de ces textes est convaincant ? Lequel est persuasif ?