Après avoir lu le texte suivant, répondre aux questions qui permettront de l'étudier.
Le Grand Secret
René Barjavel
1973
« Scientifiquement, Bahanba n'aurait de certitude absolue en ce qui concernait l'action de JL3 sur le vieillissement humain que lorsqu'il aurait dépassé de façon déraisonnable la durée habituelle de la vie. Il ne pouvait pas attendre cent ans pour prendre une décision. Cette décision était déjà formulée dans son esprit.
Hindouiste et croyant, il pensait que la mort est nécessaire. Elle n'est qu'une porte entre deux vies. C'est seulement après avoir passé une infinité de portes que l'âme humaine se trouve nettoyée, purifiée, libérée, et peut alors rejoindre Dieu. Supprimer la mort, c'était fermer ces portes, condamner les âmes incarnées à rester à tout jamais prisonnières de la matière, des illusions et des douleurs. C'était le bagne pour l'éternité.
En dehors de toutes croyances, que se passerait-il si les propriétés du JL3 étaient divulguées ? Ou bien les gens au pouvoir, arguant du danger de donner l'immortalité à tout le monde restreindraient ou interdiraient l'emploi du vaccin, c'est-à-dire se le réserveraient. Alors s'instituerait une effrayante inégalité, celle de la vie et de la mort, qui susciterait les plus sanglantes révolutions.
Ou bien, au nom de l'égalité et de la justice, l'humanité entière serait vaccinée en quelques années et, la non-mortalité des adultes s'ajoutant à la non-mortalité infantile, la densité de la population deviendrait telle que la mort prendrait abominablement sa revanche par la famine, l'assassinat des vieillards et des enfants, l'empoisonnement général par les déchets, et l'asphyxie.
Bahanba était indien. Il connaissait de ses yeux et de son cœur les effets de la surpopulation et du manque d'aliments. Il avait vu à Calcutta les camions ramasser chaque matin dans les rues les cadavres d'enfants morts de faim. Contre cette agonie-là, le JL3 ne pouvait rien. Il ne pouvait que la rendre universelle. Tous les stocks de bombes H du monde feraient moins de ravages que l'immortalité.
C'est pourquoi, dès qu'il fut certain que le JL3 avait été partout détruit comme il l'avait demandé, son soulagement fut immense.
Or voici que son assistant Acharya, qui n'avait pas reçu d'inoculation du vaccin, présentait tout à coup, après avoir travaillé auprès de lui pendant trois semaines, le premier symptôme de l'infection par le virus. Ou bien il avait été infecté, avant son départ, par les souris, ou, depuis son retour, par Bahanda lui-même. Conclusion identique : l'immortalité était contagieuse… »
Quel est le genre littéraire de ce texte ?
Le genre littéraire de ce texte est romanesque. C'est un roman écrit par René Barjavel et intitulé Le Grand Secret.
Quelle est la spécificité de ce roman ?
La spécificité de ce roman est d'être un roman d'anticipation qui est un sous-genre de la science-fiction. L'action du roman d'anticipation peut se passer dans un futur plus ou moins proche. Le roman d'anticipation utilise des évolutions technologiques et scientifiques comme ici l'expérimentation des propriétés du nouveau virus JL3 et de son vaccin. Le roman d'anticipation vise à ancrer son action dans un cadre réaliste et crédible afin que le lecteur puisse se projeter dans cet univers.
Quel est le type de ce texte ?
Le type de ce texte est narratif car Bahanda, un scientifique indien, est en train d'expérimenter les propriétés du nouveau virus JL3 et s'interroge à son propos : « Scientifiquement, Bahanba n'aurait de certitude absolue en ce qui concernait l'action de JL3 sur le vieillissement humain que lorsqu'il aurait dépassé de façon déraisonnable la durée habituelle de la vie. » La suite de l'extrait raconte la progression de ses recherches, les réflexions menées et l'observation faite sur son assistant Acharya.
Quel est le registre utilisé dans ce texte ?
Le registre utilisé dans ce texte est réaliste car l'origine du personnage corrobore avec ses pensées et croyances (« Hindouiste et croyant, il pensait que la mort est nécessaire. Elle n'est qu'une porte entre deux vies »), des lieux et des faits réels sont évoqués (« Il avait vu à Calcutta les camions ramasser chaque matin dans les rues les cadavres d'enfants morts de faim »), l'utilisation d'un vaccin est également crédible.
Quelles sont les propriétés du virus JL3 ?
Les propriétés du virus JL3 sont de ralentir le vieillissement humain, supprimer la mort, donner l'immortalité à tous les hommes.
Quelle vision donne Bahanda du progrès scientifique ?
Bahanda donne une vision du progrès scientifique dans lequel se mêlent le rêve et le danger. Les propriétés du virus JL3 offrent un véritable rêve aux hommes, celui de vivre éternellement, mais c'est un danger également car la mort est nécessaire et fait partie de la vie. Ce virus peut aussi générer des inégalités car « les gens au pouvoir, arguant du danger de donner l'immortalité à tout le monde restreindraient ou interdiraient l'emploi du vaccin, c'est-à-dire se le réserveraient. » C'est pourquoi Bahanda s'interroge personnellement sur les conséquences de faire connaître les propriétés de ce virus : « En dehors de toutes croyances, que se passerait-il si les propriétés du JL3 étaient divulguées ? »
Quelle est la figure de style utilisée dans la phrase suivante : « Elle n'est qu'une porte entre deux vies » ?
La figure de style utilisée dans la phrase suivante, « Elle n'est qu'une porte entre deux vies », est la métaphore car l'auteur compare implicitement, sans outil de comparaison, la mort que remplace le pronom personnel « elle » à « une porte », c'est-à-dire à un passage qui permet d'aller dans l'au-delà, qui permet d'accéder à un autre monde nécessaire aux hommes comme le pense l'Indien Bahanda.
Quelle est la figure de style utilisée dans la phrase suivante : « C'était le bagne pour l'éternité » ?
La figure de style utilisée dans la phrase suivante, « C'était le bagne pour l'éternité », est une métaphore car la suppression de la mort est implicitement comparée à une prison, à un « bagne ». Paradoxalement, la suppression pourrait être une délivrance pour l'humanité mais ce serait tout le contraire pour Bahanda qui explique la nécessité de respecter le fonctionnement naturel de la vie qui se pense aussi avec la mort et donc, de ne pas vouloir interférer ce bon fonctionnement par des interventions de la science.
Quel est le radical du mot « déraisonnable » ?
Le radical du mot « déraisonnable » est raison-. Dé- est le préfixe ; -able est le suffixe. Cet adjectif qualificatif suggère qu'il ne vaut mieux pas intervenir sur le fonctionnement de la vie qui s'équilibre avec la mort.
Quel est le type de phrase utilisé dans la phrase « En dehors de toutes croyances, que se passerait-il si les propriétés du JL3 étaient divulguées ? » ?
La phrase « En dehors de toutes croyances, que se passerait-il si les propriétés du JL3 étaient divulguées ? » est interrogative comme le suggèrent le point d'interrogation placé en fin de phrase et l'inversion sujet-verbe sur « se passerait-il ». Cette interrogation témoigne de la question que se pose Bahanda au cours de ses réflexions personnelles.