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  4. Cours : Discours de la servitude volontaire, La Boétie

Discours de la servitude volontaire, La Boétie Cours

Sommaire

ILes enjeux du parcours « Défendre » et « entretenir » la libertéAL'intitulé du parcoursBLes enjeux du parcoursIIL'auteur et le contexteASa vie1Sa jeunesse2Son œuvre3Son amitié avec MontaigneBUne œuvre dans son contexte historique et culturel1Une période de mutations et de tensions2Une période de mutations sur le plan des idéesIIIL'œuvreATitre et structure de l'œuvre1Le titre de l'œuvre2La structure de l'œuvreBL'écriture et la diffusion de l'œuvre1Les inspirations de l'écriture2La polémique autour de l'écriture3La diffusion de l'œuvreCLa nature de l'œuvre1Une œuvre de philosophie politique2Un discours rhétorique et humaniste3Un texte pour « défendre et entretenir la liberté »DLes thèmes abordés dans l'œuvre1La servitude2La liberté3La figure du tyran

Ce contenu a été rédigé par l'équipe éditoriale de Kartable.

Dernière modification : 28/08/2025 - Conforme au programme 2025-2026

I

Les enjeux du parcours « Défendre » et « entretenir » la liberté

A

L'intitulé du parcours

L'intitulé du parcours sollicite notre esprit critique par deux verbes à l'infinitif placés entre guillemets : « défendre » et « entretenir ». Il s'agit de voir comment une nation doit reconnaître la notion de liberté, s'attacher à la défendre et trouver les moyens pour la maintenir.

  • « Défendre » : face à la tyrannie, il est indispensable de refuser la passivité et d'entrer dans l'action. Mettre son esprit critique en alerte, interroger l'autorité, observer ce qui peut conduire à la perte progressive de la liberté, autant d'actions au service de cette défense.
  • « Entretenir » : la connaissance et l'éducation du plus grand nombre sont au centre des idéaux humanistes. C'est par l'instruction que l'on peut donner les clés d'interprétation de ce qu'est la servitude et vaincre ainsi la facilité à se soumettre à toute forme excessive du pouvoir.
  • « La liberté » : le droit à la liberté fait partie de tout individu. De fait, la soumission n'est en rien naturelle. « Défendre » et « entretenir » la liberté sont deux devoirs auxquels chacun doit s'attacher afin de respecter ce droit naturel.

Le Discours de la servitude volontaire propose une réflexion sur ce qui pousse des individus, a priori libres, à légitimer un état de « servitude volontaire ».

B

Les enjeux du parcours

La liberté est un thème central du Discours de la servitude volontaire (au même titre que la servitude qui est d'ailleurs son antonyme). La défense de la liberté est un impératif pour La Boétie.

Il l'écrivit par manière d'essai en sa première jeunesse, à l'honneur de la liberté contre les tyrans.

Montaigne

Essais, chapitre XXVIII du livre I

La liberté est au cœur du propos de La Boétie, voire à l'origine du Discours de la servitude volontaire.

Non seulement nous naissons avec notre liberté, mais aussi avec la volonté de la défendre.

La Boétie

Pour La Boétie, la défense de la liberté doit se faire avec courage, avec vaillance, avec détermination.

La liberté est un bien précieux et La Boétie le considère comme source de bonheur, d'épanouissement. C'est également un bien naturel qui ne peut normalement être ôté à l'homme. En cela, la liberté se confond avec l'homme lui-même, avec le fait d'être homme qui implique naturellement le fait d'être libre ou d'être obligé de redevenir libre.

Néanmoins, la liberté est un bien fragile dont il faut prendre soin et qu'il faut savoir protéger, défendre. La Boétie le dit ainsi : « il [un bien] se perd s'il n'est entretenu ». Il faut donc en prendre soin, il faut faire preuve de vigilance à son égard. Pour La Boétie, l'obstacle à la liberté réside en l'homme lui-même : ce dernier manque de détermination à l'avoir, à la reprendre, à la maintenir, à l'entretenir, se laissant trop vite aller à une forme de facilité pour la perdre ou pour la voir diminuer. Tout le Discours de la servitude volontaire est ainsi consacré à l'élucidation de la perte de la liberté et à l'exposition des possibles raisons : l'habitude, le fait d'être né sous le joug de la tyrannie, etc.

Il existe tout un chemin pour défendre et pour entretenir la liberté qui est exposé dans l'œuvre : par « l'étude », par « l'éducation », par le « savoir ».

II

L'auteur et le contexte

A

Sa vie

1

Sa jeunesse

Étienne de La Boétie est un écrivain français né le 1er novembre 1530 à Sarlat dans le Périgord et mort, très jeune, subitement, le 18 août 1563 à Germignan, dans la région bordelaise. Il appartient à une petite noblesse de robe. Orphelin très jeune, il se retrouve élevé par son oncle, un ecclésiastique passionné de droit, de culture antique et de théologie.Il complète les bases de sa culture humaniste en matière de philosophie et d'art avec les leçons du cardinal Gaddi, évêque de Sarlat, cousin des Médicis. La Boétie suit des études de droit et obtient son grade de licencié en droit civil le 23 septembre 1553. Il devient conseiller au Parlement de Bordeaux puis à la cour. Il voue une passion particulière aux études, à la philologie (c'est-à-dire à l'étude historique d'une langue par l'analyse critique des textes), à l'écriture. Il occupe son temps libre à traduire Plutarque, Aristote, à écrire des vers en grecs ou en latin, à rédiger 29 sonnets amoureux dédiés à son épouse.

2

Son œuvre

Son œuvre principale est le Discours de la servitude volontaire, rédigé entre 1546 et 1548. À la fin de l'année 1561, il écrit un important Mémoire sur la pacification des troubles. En 1562, il rédige probablement son Mémoire sur l'édit de janvier 1562. Lorsqu'il meurt à 33 ans, il laisse des traductions de Plutarque, de Xénophon, de l'Arioste, une correspondance, des sonnets et des poésies latines.

3

Son amitié avec Montaigne

Sa charge de conseiller au Parlement de Bordeaux lui permet de rencontrer Michel de Montaigne en 1557, de trois ans son cadet. Les liens qu'ils nouent reposent autant sur les valeurs de l'amitié que sur leur partage d'un idéal moral hérité de l'Antiquité.

Je l'aimais… parce que c'était lui, parce que c'était moi.

Montaigne

Essais

À la mort de La Boétie, Montaigne devient le dépositaire de ses œuvres et s'occupera de les faire publier, notamment le Discours de la servitude volontaire.

B

Une œuvre dans son contexte historique et culturel

1

Une période de mutations et de tensions

Le XVe siècle va permettre à la monarchie française de se détacher de la période féodale en proposant une centralisation du pouvoir. Le roi règne avec l'appui des parlements, François Ier et Henri II vont multiplier les créations de postes, achetés par ceux qui les occupent, créant ainsi des institutions dévouées au Roi.

En 1544, François Ier crée l'impôt de la gabelle, impôt sur le sel (il servait à conserver les aliments) dans la région de Guyenne. En 1548, une révolte populaire est réprimée dans le sang, les insurgés sont massacrés et le roi accuse les parlementaires d'avoir manqué de fermeté. Il applique alors une politique de sanctions : bannissements, pouvoirs restreints.

La France connaît une période complexe liée à la montée du protestantisme. En 1517, Martin Luther a publié « 95 thèses », positions contraires à celles du pape. L'affaire des Placards, en 1534, incite François Ier à s'opposer à la Réforme protestante. Ce sera le point de départ des guerres de religion.

2

Une période de mutations sur le plan des idées

Humanisme

L'humanisme est un mouvement littéraire et culturel venu d'Italie. Il privilégie le retour aux textes de l'Antiquité. L'étude du grec et de l'hébreu est encouragée par Guillaume Budé.

Gargantua et Pantagruel de François Rabelais sont des œuvres de satire sociale.

Pléiade

Les poètes de la Pléiade œuvrent pour un renouvellement de la langue française et s'inspirent des modèles antiques. Le sonnet (hérité de Pétrarque, auteur Italien) est remis au goût du jour.

L'essor de l'imprimerie permet une large diffusion des idées et des débats, en particulier sur la matière religieuse et sur les questions de politique et du pouvoir.

En 1553 paraît en France l'ouvrage de Machiavel, Le Prince, un traité de réflexion politique sur l'usage du pouvoir.

Le Discours de la servitude volontaire paraît intégralement en 1576.

III

L'œuvre

A

Titre et structure de l'œuvre

1

Le titre de l'œuvre

Discours de la servitude volontaire

Le titre de l'œuvre porte les marques d'une éducation humaniste reçue par La Boétie, tout comme le contenu même du texte :

  • Le mot « discours » renvoie au genre littéraire de l'argumentation et peut recevoir comme synonyme celui de « dissertation ».
  • Le nom « servitude », quant à lui, se présente comme l'antonyme de « liberté », terme présent dans les mots du parcours.
  • L'adjectif qualificatif « volontaire » engage la responsabilité de l'homme à s'être plié, selon La Boétie, à cet état de soumission, à cet état annulant sa liberté personnelle, sa liberté d'être homme.

D'emblée, le titre de l'œuvre de La Boétie joue de la provocation par l'oxymore qu'il contient. Comment est-il possible que l'homme désire devenir soumis ? Comment est-il possible que l'homme désire perdre sa liberté ? C'est bien ce paradoxe que cherchera à éclaircir La Boétie dans son œuvre.

2

La structure de l'œuvre

Le texte de La Boétie respecte les différentes parties rhétoriques attendues d'un discours.

L'exorde (première partie d'un discours, entrée en matière) : La Boétie part de vers de l'Iliade dits par le personnage d'Ulysse que l'auteur réfute immédiatement. Le propos principal se résume en une question : pourquoi une multitude d'individus accepte-t-elle la soumission d'un seul ? Ce n'est plus la force qui légitime la tyrannie mais la passivité du groupe qui la cautionne.

Un développement qui va se charger de comprendre ce qu'est la servitude :

  • Tout d'abord, il blâme la servitude volontaire. Pour rendre son explication concrète, l'auteur recourt à deux métaphores : la passivité est devenue maladie, tandis que le tyran est un « colosse aux pieds d'argile » qui, lorsqu'il perd son « socle » (le peuple), perd sa légitimité de tyran. La Boétie harangue les « pauvres et misérables peuples insensés ».
  • Ensuite, il cherche à expliquer les causes de cet état de soumission. La nature humaine est d'être libre, or la coutume (l'habitude) nous fait perdre cette conscience (exemples de Mithridate, Lycurgue et ses chiens, la fable des Cimmériens, Xerxès roi de Perse, Caton). Il rappelle que certains « mieux nés », comme Ulysse ou des philosophes, parviennent à rester des esprits libres. Il qualifie tous ces exemples de « digressions » avant de passer à l'idée suivante.
  • Les tyrans sont en mesure de corrompre ceux qui sont moins « vertueux » par plusieurs types d'outils : des distractions (Cyrus et les Lydiens), des miracles (rois d'Assyrie, pouvoir miraculeux de Pyrrhus) ou encore la religion, pour laquelle il prend ses exemples en France (tout nuançant ses propos envers les rois de France élus de Dieu).
  • Les favoris ne sont pas enviables car leur place reste précaire. Aucune amitié n'est possible avec le tyran (argument qu'il emprunte à Aristote).

La péroraison (conclusion d'un discours) : une invitation à renouer avec la véritable nature humaine et se rendre digne de ce que Dieu a offert aux hommes.

B

L'écriture et la diffusion de l'œuvre

1

Les inspirations de l'écriture

Le Discours de la servitude volontaire est une œuvre qui côtoie plusieurs domaines : philosophique, historique, philologique, culture antique et poétique mais aussi politique.

La Boétie a étudié le droit ; il a obtenu son grade de licencié en 1553. Le Discours de la servitude volontaire hérite de toutes ses connaissances juridiques qui sont amplement complétées par la philosophie, l'histoire, la philologie, la poésie, les humanités que l'auteur maîtrise parfaitement.

Le Discours de la servitude volontaire a pu être également nourri par les expériences professionnelles de La Boétie, qui travaille au Parlement de Bordeaux, lieu où il rencontre celui qui sera son plus fidèle et grand ami, Montaigne. C'est aussi à cet endroit que La Boétie doit faire face à des questions politiques et juridiques qui peuvent agiter son pays.

  • En 1548, il est témoin de la révolte paysanne contre la gabelle (impôt indirect sur le sel sous l'Ancien Régime en France) qui se solde par une répression sanglante.
  • La Boétie assiste également aux troubles religieux qui opposent catholiques et protestants. En 1560, par la conjuration d'Amboise, les Réformés veulent affranchir le jeune François II de la tutelle de la famille de Guise, favorable aux catholiques. La Boétie, témoin des conflits, prône la tolérance et compose son Mémoire sur la pacification des troubles.
2

La polémique autour de l'écriture

La date de la composition du Discours de la servitude volontaire demeure entourée d'un certain mystère car aucun manuscrit original ne demeure. La Boétie aurait rédigé son texte entre 1546 ou 1548. Montaigne signale dans les Essais que son jeune ami n'avait pas dix-huit ans lorsqu'il écrivit le Discours. Ces dates font polémique : comment un si jeune homme peut-il faire preuve de tant de réflexions, de perspicacité, d'ingéniosité pour écrire un tel texte ?

Un autre point pose question : l'autorité intellectuelle de l'auteur sur son texte. Des critiques suggèrent que ce texte ne serait pas écrit par La Boétie, ou pas uniquement de sa main. De telles suspicions viennent du fait que Montaigne ait possédé une copie du manuscrit, ait été nommé dépositaire de l'œuvre de La Boétie, ait soutenu et permis la diffusion du texte ; pour autant, il n'a apporté que de légères corrections dues à sa relecture attentive du texte de son ami.

3

La diffusion de l'œuvre

Dépositaire de l'œuvre de La Boétie, Montaigne souhaite, à la mort de son ami, publier certains de ses textes en les intégrant à ses Essais. Mais il renonce à cette idée et se justifie en ces mots dans L'Avertissement au lecteur qui accompagne la publication des vers latins et des traductions de La Boétie : « Je leur trouve la façon trop délicate et mignarde pour les abandonner au grossier et pesant air d'une si malplaisante saison. » En fait, Montaigne craint que le texte de La Boétie soit mal compris et qu'il soit interprété en fonction de la guerre civile qui agite le pays.

Dès 1574, des partisans protestants publient le Discours de la servitude volontaire en modifiant librement et sans aucun scrupule le manuscrit ; ils vont même jusqu'à changer de titre pour Contr'Un. À la même époque, le Discours de la servitude volontaire est publié aux Pays-Bas et en Suisse : il devient une arme pour dénoncer la monarchie catholique et appeler à la révolte afin de défendre les protestants.

En 1789, le Discours de la servitude volontaire est publié de manière fidèle. En raison du contexte historique, il est aussitôt récupéré par les révolutionnaires qui voient dans ce texte un appel à l'insurrection. Cette lecture simplifiée, inexacte et erronée se poursuivra jusqu'au siècle suivant.

En 1835, en pleine période d'insurrections du peuple à Paris et à Lyon, le texte de La Boétie sera lu cette fois comme une défense de la démocratie.

Les multiples lectures faites du texte de La Boétie prouvent sa richesse inépuisable et confirment bien les thèmes du parcours : l'important est de défendre et d'entretenir la liberté.

C

La nature de l'œuvre

Depuis le Moyen Âge, le fait d'écrire sur le pouvoir royal constitue un genre à part entière, avec pour fonction de servir de livre de préceptes destinés à l'éducation d'un prince idéal.

1

Une œuvre de philosophie politique

Plusieurs auteurs du XVIe siècle réfléchissent à la question de la politique dans des œuvres philosophiques, notamment suite au massacre de la Saint-Barthélemy (Lefèvre d'Étaples qui remet à l'honneur la Politique d'Aristote, Érasme qui s'intéresse à la figure du prince, Machiavel et Thomas Moore qui rendent compte des bouleversements politiques de leur temps). Les passions politiques s'expriment dans les œuvres avec la volonté toujours constante de défendre la liberté des peuples.

La Boétie est témoin de la persécution des hérétiques en 1525 et de l'affaire des Placards (placardage clandestin d'un texte anticatholique sur les murs des lieux publics à Paris et dans plusieurs villes de province) en 1534 qui avait conduit une quarantaine d'opposants au bûcher. Durant la même période, l'humanisme fait son entrée dans différentes universités, Orléans, Toulouse, Bourges par exemple. Des tendances nouvelles se font jour : la volonté du libre examen, l'exercice de la critique, la remise en question du principe d'autorité. C'est dans ce climat intellectuel que La Boétie suit ses études à l'université d'Orléans.

Le Discours de la servitude volontaire apparaît comme l'œuvre d'un penseur philosophique et témoigne de sa volonté à faire évoluer les idées dans le domaine politique.

Il faut noter que La Boétie ne cherche pas à comparer des régimes politiques. Son intention n'est pas de faire un plaidoyer « contre » la monarchie mais plutôt de proposer une réflexion sur les mécanismes qui entraînent un peuple à cautionner sa soumission.

En revanche, il se sert des exemples du passé pour construire sa démonstration. En ce sens, on peut assimiler sa démarche à la démarche didactique : se servir d'exemples pour instruire.

Pour ce coup, je ne voudrais (rien) sinon entendre comme il se peut faire que tant d'hommes, tant de bourgs, tant de villes, tant de nations endurent quelquefois un tyran seul, qui n'a puissance que celle qu'ils lui donnent ; qui n'a pouvoir de leur nuire, sinon qu'ils ont pouvoir de l'endurer ; qui ne saurait leur faire mal aucun, sinon lorsqu'ils aiment mieux le souffrir que lui contredire.

La Boétie

Discours de la servitude volontaire

Le Discours de la servitude volontaire contient la critique de l'autorité despotique, celle de la place du tyran et du rôle d'un peuple soumis.

Les uns ont le royaume par élection du peuple, les autres par la force des armes, les autres par succession de leur race.

La Boétie

Discours de la servitude volontaire

La Boétie distingue trois sortes de tyrans.

2

Un discours rhétorique et humaniste

La visée didactique de l'œuvre est constante : instruire pour faire changer les comportements, comprendre les mécanismes pour mieux les dénoncer. La démarche de La Boétie s'adresse au plus grand nombre. Afin de convaincre ses interlocuteurs, La Boétie utilise des principes de la rhétorique notamment pratiqués par les humanistes :

  • La Boétie n'a de cesse de recourir au « vous » et aux questions oratoires, donnant ainsi l'illusion d'un dialogue. Ce principe, appelé la captatio benevolentiae, est un procédé consistant à attirer l'attention du public à qui l'on s'adresse. Le public est ainsi incité à réagir, à faire preuve d'esprit critique face au sujet abordé (ici le pouvoir).
  • Il recourt également à l'éloquence (l'art de bien parler). L'amplification à l'aide d'anaphores, d'exagérations et de gradations est fréquemment utilisée, afin de susciter la réaction des lecteurs. On relève une multitude d'histoires que La Boétie désigne par le terme de « digressions » et qui entrent dans le processus global d'« instruire toute en cherchant à plaire ».

La culture des humanistes est enfin activée par des références aux textes grecs et latins et des exemples venus de l'Antiquité, créant un horizon de reconnaissance historique et culturel pour les lecteurs de son époque et autant d'exemples ayant valeur d'arguments d'autorité.

Le Discours de la servitude volontaire comporte des références à Tite-Live (historien), Cicéron (philosophe latin), Thucydide et Hérodote (historiens grecs).

3

Un texte pour « défendre et entretenir la liberté »

Dans le Discours de la servitude volontaire, La Boétie exprime, avec un ton fougueux et enflammé, ses idées quant à la nécessaire liberté et son indignation contre les procédés honteux dont usent les tyrans.

Notre nature est ainsi, que les communs devoirs de l'amitié l'emportent une bonne partie du cours de notre vie ; il est raisonnable d'aimer la vertu, d'estimer les beaux faits, de reconnaître le bien où l'on l'a reçu, et diminuer souvent de notre aise pour augmenter l'honneur et avantage de celui qu'on aime et qui le mérite. (…)

Mais, ô bon Dieu ! que peut être cela ? comment dirons-nous que cela s'appelle ? quel malheur est celui-là ? quel vice, ou plutôt quel malheureux vice ? Voir un nombre infini de personnes non pas obéir, mais servir ; non pas être gouvernés, mais tyrannisés ; n'ayant ni biens ni parents, femmes ni enfants, ni leur vie même qui soit à eux !

La Boétie

Discours de la servitude volontaire

Au rappel des biens de la nature et de la nécessaire amitié succèdent les questions rhétoriques de La Boétie à propos de la tyrannie et de ses conséquences vues comme un vice. L'auteur s'insurge avec sensibilité et inquiétude quant à cet état des hommes. La suite du texte lui permettra de développer ses idées quant à la défense et au maintien de la liberté.

D

Les thèmes abordés dans l'œuvre

1

La servitude

La Boétie constate que les peuples sont souvent asservis, soumis à la tyrannie. Il veut donc comprendre comment et pourquoi un peuple se soumet à la tyrannie d'un seul homme, et pourquoi un peuple préfère souffrir que reconquérir sa liberté.

C'est un extrême malheur d'être sujet à un maître, duquel on ne se peut jamais assurer qu'il soit bon, puisqu'il est toujours en sa puissance d'être mauvais quand il voudra ; et d'avoir plusieurs maîtres, c'est, autant qu'on en a, autant de fois être extrêmement malheureux.

La Boétie

Discours de la servitude volontaire

La Boétie se retrouve face à un mystère de la nature humaine : il ne comprend pas comment « un million de millions d'hommes » peuvent se soumettre et servir un seul homme mauvais et méchant à leur égard.

Mais, à la vérité, c'est bien pour néant de débattre si la liberté est naturelle, puisqu'on ne peut tenir aucun en servitude sans lui faire tort, et qu'il n'y a rien si contraire au monde à la nature, étant tout raisonnable, que l'injure. Reste donc la liberté être naturelle, et par même moyen, à mon avis, que nous ne sommes pas nés seulement en possession de notre franchise, mais aussi avec affectation de la défendre.

La Boétie

Discours de la servitude volontaire

La Boétie estime qu'il n'est pas normal qu'un peuple ploie sous le joug d'un tyran, car l'homme est né naturellement libre.

La Boétie trouve des causes à cette servitude :

  • la couardise, le manque de courage : l'homme perd confiance en lui. La nature originelle de l'homme a été complétée, grandie, enrichie par les leçons reçues de ses parents ;
  • l'aveuglement des peuples ;
  • la coutume et l'habitude : sous leur poids, l'homme laisse éteindre sa force naturelle qu'est sa liberté. Par paresse de l'habitude et de la coutume, l'homme en perdra même sa dignité.

La Boétie expose également les effets de la servitude volontaire : la corruption de la vie sociale s'installe et la vertu de l'homme s'abîme.

Donc quel monstre de vice est ceci qui ne mérite pas encore le titre de couardise, qui ne trouve point de nom assez vilain, que la nature désavoue avoir fait et la langue refuse de nommer ?

La Boétie

Discours de la servitude volontaire

Ce sont donc les peuples mêmes qui se laissent ou plutôt se font gourmander, puisqu'en cessant de servir ils en seraient quittes ; c'est le peuple qui s'asservit, qui se coupe la gorge, qui, ayant le choix ou d'être serf ou d'être libre, quitte la franchise et prend le joug, qui consent à son mal, ou plutôt le pourchasse.

La Boétie

Discours de la servitude volontaire

C'est cela, que les hommes naissant sous le joug, et puis nourris et élevés dans le servage, sans regarder plus avant, se contentent de vivre comme ils sont nés, et ne pensent point avoir autre bien ni autre droit que ce qu'ils ont trouvé, ils prennent pour leur naturel l'état de leur naissance.

La Boétie

Discours de la servitude volontaire

La Boétie expose également les effets de la servitude volontaire : la corruption de la vie sociale s'installe et la vertu de l'homme s'abîme.

2

La liberté

L'autre thème important dans le Discours de la servitude volontaire et sous-jacent à celui de la servitude est la liberté.

La Boétie recourt au terme « nature » pour évoquer la nature humaine, terme qu'il oppose à celui de « coutume ». L'habitude fait oublier l'état de liberté et provoque l'asservissement de l'individu. Il faut retrouver cet état de nature, notamment par le biais de l'éducation et des livres.

C'est le rôle des humanistes d'aider l'homme à recouvrer la liberté. « Ceux qui ont l'esprit droit […] rectifié par l'étude et le savoir » sont les garants du souvenir de la liberté.

Soyez donc résolus à ne plus servir, et vous serez libres.

La Boétie

Discours de la servitude volontaire

L'auteur rappelle qu'il faut avoir connu la liberté pour pouvoir en faire l'exercice.

La Boétie défend la liberté et sa nécessaire importance, non pas dans un discours contestataire voire révolutionnaire face au pouvoir, mais en conservant les principes d'une autorité juste, en gardant la paix et la justice.

De reconnaître autre seigneur que le roi et la raison.

La Boétie

Discours de la servitude volontaire

La Boétie n'appelle pas au tyrannicide car il ne voit dans le meurtre du tyran que pure violence, qu'un usage non raisonné de la force contre la force. Pour lui, le meilleur remède contre le tyran n'est pas son élimination, mais la force du peuple à se sortir de son joug en croyant véritablement à son état naturel de liberté. Le peuple doit refuser de servir le tyran.

Je ne veux pas que vous heurtiez [le tyran] ni que vous l'ébranliez, mais seulement ne le soutenez plus, et vous le verrez, comme un grand colosse dont on dérobe la base, tomber de son propre poids et se briser.

La Boétie

Discours de la servitude volontaire

Idée nouvelle à l'époque, La Boétie montre que si le peuple a des devoirs envers son roi, le roi en a également à l'égard de son peuple.

Enfin, La Boétie propose une forme de morale politique dans laquelle se mêlent raison et liberté. L'homme a pour devoir de préserver sa liberté, et en cela, il consolide par lui-même sa vérité d'homme.

Reste donc la liberté naturelle, et par même moyen, à mon avis, que nous ne sommes pas nés seulement en possession de notre franchise, mais aussi avec affectation de la défendre.

La Boétie

Discours de la servitude volontaire

3

La figure du tyran

La monarchie n'est pas contestée. Ce qui l'est, c'est le mauvais roi qui oublie que le règne doit être au service du bien du peuple. Le Discours de la servitude volontaire se focalise sur un portrait du tyran et sur les mécanismes qui lui permettent d'asseoir son autorité.

Le champ lexical de la vue est omniprésent, pour souligner l'aveuglement des sujets et le fait qu'ils perdent tout discernement face aux stratégies mises en place par le tyran.

La Boétie va démontrer les principes qui facilitent la mise en place d'un régime tyrannique :

  • don de cadeaux pour montrer sa générosité (distribuer du blé, offrir une coupe de vin) ;
  • manipulation des sentiments : le tyran fait croire à l'amitié alors qu'il n'a même pas de considération pour ses favoris ;
  • manipulation par le jeu et les diverses distractions ;
  • utilisation des superstitions et autres contes pour s'assimiler à un dieu et freiner la capacité de penser chez ses sujets ;
  • cultivation d'une solitude qui lui donne force et autorité, son pouvoir tyrannique ne pouvant ainsi être ébranlé.

C'est cela que certainement le tyran n'est jamais aimé ni aime. L'amitié, c'est un nom sacré, c'est une chose sainte ; elle ne se met jamais qu'entre gens de bien, et ne se prend que par une mutuelle estime ; elle s'entretient non tant par bienfaits que par la bonne vie.

La Boétie

Discours de la servitude volontaire

Ce moyen, cette pratique, ces allèchements avaient les anciens tyrans pour endormir leurs sujets sous le joug. Ainsi les peuples, assotis, trouvent beaux ces passe-temps, amusés d'un vain plaisir, qui leur passait devant les yeux, s'accoutumaient à servir aussi niaisement, mais plus mal, que les petits enfants qui, pour voir les luisantes images des livres enluminés, apprennent à lire.

La Boétie

Discours de la servitude volontaire

Or, communément, le bon zèle et affection de ceux qui ont gardé malgré le temps la dévotion à la franchise, pour si grand nombre qu'il y en ait, demeure sans effet pour ne s'entreconnaître point : la liberté leur est toute ôtée, sous le tyran, de faire, de parler et quasi de penser.

La Boétie

Discours de la servitude volontaire

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