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  4. Cours : Entretiens sur la pluralité des mondes, Fontenelle

Entretiens sur la pluralité des mondes, Fontenelle Cours

Sommaire

IL'intitulé du parcours « Goût de la science »IIFontenelle en son tempsASa vie et son œuvre1Quelques éléments biographiques2Ses contemporainsBFontenelle, un écrivain qui s'inscrit dans les mutations des XVIIe et XVIIIe siècles1Le contexte historique : une alternance de règnes2Le contexte culturel : un auteur à la croisée du classicisme et des Lumières3Une société qui se transforme sous l'impulsion des progrès scientifiques4La place des femmes face à ces mutations socialesIIIEntretiens sur la pluralité des mondesALe titre de l'œuvreBLes enjeux de la préface1Premier temps de la préface2Le deuxième temps de la préface3Le troisième temps de la préfaceCL'œuvre1L'organisation de l'œuvre2Le résumé de chaque SoirDLes personnages1Le philosophe narrateur2La marquiseELa place de la science dans l'œuvre1Les théories scientifiques au cœur des Entretiens2Une démarche guidée par la raison

Ce contenu a été rédigé par l'équipe éditoriale de Kartable.

Dernière modification : 28/08/2025 - Conforme au programme 2025-2026

I

L'intitulé du parcours « Goût de la science »

L'intitulé du parcours nous invite à nous interroger sur la place et le goût de la science au XVIIe siècle, sur le plaisir que cette dernière peut procurer, sur la nécessité de la travailler.

Au cours d'une conversation galante et mondaine, le narrateur philosophe féru d'astronomie s'entretient avec une marquise qui prend goût au savoir mais aussi à la démarche qui applique la raison à l'observation de toute chose. La vivacité et le raffinement des échanges montrent le plaisir ressenti lorsque de tels sujets sont abordés. De ce « goût pour la science » découlent la curiosité maintenue dans son dynamisme, le plaisir d'apprendre, la réflexion sur la place de l'homme dans l'Univers.

Le narrateur philosophe fait preuve de « goût », d'une manière poétiquement raffinée pour aborder les questions scientifiques et peut avoir recours à l'imagination afin de mieux faire passer ses idées et de faciliter ainsi la compréhension du contenu abordé.

Les sujets scientifiques abordés suscitent un « goût », un plaisir, une forme d'appétence qui génère une avidité à vouloir savoir toujours plus et mieux.

L'objectif est de transmettre le goût de la science :

  • L'œuvre s'inscrit parfaitement dans le cadre de la littérature d'idées : l'aspect scientifique est le point de départ d'une fantaisie, et associe science et littérature.
  • La mise en scène du dialogue s'éloigne des codes attendus dans un ouvrage de science. Dès les premières lignes, le lecteur peut être surpris par le cadre spatio-temporel : un jardin, la nuit.

Les termes du parcours « Goût de la science » invitent donc à mener plusieurs réflexions :

  • En quoi l'écriture et ses pouvoirs peuvent-ils servir à la compréhension de questions scientifiques ?
  • Comment la transmission de la science peut-elle se faire avec goût ?
  • Quel est le statut et la validité de la science quand elle se transmet avec goût, quand elle devient plaisir ?
  • De quelle manière la science s'écrit-elle ?
  • Quelle est l'origine du plaisir du texte scientifique ?
II

Fontenelle en son temps

A

Sa vie et son œuvre

1

Quelques éléments biographiques

Issu d'une famille de magistrats, neveu de l'écrivain Pierre Corneille, Fontenelle fait des études de droit tout en publiant des poèmes dans la revue Le Mercure galant.

Fontenelle est l'auteur d'une œuvre variée, allant de la poésie au théâtre et aux essais scientifiques et philosophiques. Il privilégie le raffinement de la langue, qu'il associe étroitement à son érudition.

  • En 1683, il rencontre un premier succès avec les Nouveaux dialogues des morts, des entretiens fictifs avec des personnes célèbres du passé.
  • En 1686, il publie l'Histoire des oracles, texte qui lui permet de remettre en question les superstitions et d'inviter les lecteurs à s'engager en faveur d'une pensée critique.
  • La même année, il compose les Entretiens sur la pluralité des mondes.
  • Ses succès littéraires lui ouvrent les portes de l'Académie française en 1691 puis celles de l'Académie royale des sciences, dont il devient le secrétaire perpétuel en 1697. Les salons littéraires lui deviennent accessibles.

La première publication des Entretiens se fait sous un format de « poche », mettant ainsi l'œuvre à portée d'un public amateur de littérature plus que d'un public de scientifiques. Le succès tient à la manière dont il va rendre divertissante la science tout en s'amusant à contrer les préceptes astronomiques dépassés. Les concepts scientifiques que Fontenelle défend dans cette œuvre seront très vite eux aussi dépassés, et la longévité du succès de l'œuvre relèvera davantage du plaisir à voir s'élaborer le cheminement d'une réflexion critique.

Fontenelle revendique son attachement aux Modernes, auteurs qui privilégient des œuvres en écho avec leur époque (tandis que les Anciens posent l'Antiquité comme modèle à suivre).

On garde de l'œuvre de Fontenelle sa capacité à éradiquer les superstitions, sa volonté de trouver une explication rationnelle. On a pu voir en lui un précurseur de la science-fiction avec ses passages sur les planètes habitées.

2

Ses contemporains

Fontenelle est le contemporain de grands auteurs :

  • La Fontaine qui rédige ses Fables (1668/1678/1694) ;
  • Cyrano de Bergerac, auteur des Histoire comique des États et Empires de la Lune et Histoire comique des États et Empires du Soleil, œuvres dont les enjeux sont proches des Entretiens sur la pluralité des mondes.

Il est également contemporain de philosophes et scientifiques :

  • Descartes, considéré comme le fondateur de la philosophie moderne notamment avec le Discours de la méthode (1637) ;
  • Pascal, qui publie un traité de géométrie, invente la première machine à calculer et lance la théorie des calculs à probabilités ;
  • Gassendi, qui a réintroduit la notion d'atome et défendu la théorie du vide ;
  • Pierre Bayle, philosophe, écrivain, lexicographe français.
B

Fontenelle, un écrivain qui s'inscrit dans les mutations des XVIIe et XVIIIe siècles

1

Le contexte historique : une alternance de règnes

Fontenelle vit entre le règne de Louis XIV, la régence de Philippe d'Orléans et le règne de Louis XV.

Afin de contraindre les frondeurs qui ont cherché à s'opposer à lui, Louis XIV exerce tous les pouvoirs (autorité politique, religieuse, culturelle) et met en place un système reposant sur une hiérarchie de courtisans qu'il installe en 1682 à Versailles. Le faste y règne et la place accordée aux arts et aux lettres fait de Versailles le centre symbolique de la monarchie absolue. La fin du règne de Louis XIV sera marquée par la répression envers les protestants et la multiplication des guerres.

Fontenelle va connaître la régence de Philippe d'Orléans de 1715 à 1723, période offrant davantage de libertés. C'est durant le règne de Louis XV, de 1723 à 1774, que vont paraître les Lettres philosophiques de Voltaire, ouvrage proposant une diffusion des idées des Lumières et une réflexion sur les formes d'intolérance religieuses. Fontenelle publie Éléments de géométrie de l'infini en 1727. Dans cette œuvre, il rend accessible les concepts mathématiques.

2

Le contexte culturel : un auteur à la croisée du classicisme et des Lumières

Fontenelle vit dans une période de transition entre le classicisme et les Lumières.

Classicisme

Le classicisme est un mouvement littéraire et culturel dont les principes reposent sur l'imitation des Anciens, des textes de l'Antiquité, l'instauration de règles de mesure, d'ordre.

Lumières

On appelle « Lumières » le mouvement littéraire et culturel européen du XVIIIe siècle. La réflexion est mise au centre de tous les écrits. Les écrivains vont chercher à remettre en question l'exercice du pouvoir absolu, à éduquer le peuple afin qu'il puisse exercer son esprit critique et développer son libre arbitre. L'intolérance religieuse, les superstitions n'ont de de cesse d'être combattues.

Fontenelle assiste à la querelle des Anciens et des Modernes :

  • d'un côté, les Anciens, comme Nicolas Boileau ou Jean de La Fontaine ;
  • de l'autre côté, les Modernes, qui considèrent que l'on doit dépasser l'imitation des modèles et proposer de nouvelles formes pour être en adéquation avec un siècle guidé par le progrès.

Fontenelle se rallie à la cause des Modernes. Il va la défendre par la réflexion philosophique.

En esprit digne des Lumières, Fontenelle va appliquer ces principes dans ses Entretiens : analyser, confronter et discuter seront les maîtres-mots du dialogue philosophique que vont mener les deux interlocuteurs.

3

Une société qui se transforme sous l'impulsion des progrès scientifiques

  • La représentation du monde change : Copernic propose la théorie de l'héliocentrisme selon laquelle la Terre n'est plus au centre de l'Univers, mais tourne autour du Soleil.
  • Galilée favorise l'observation de l'Univers par l'usage des lunettes astronomiques et confirme la théorie de Copernic.
  • En 1633, l'Église romaine contraint Galilée à renier ses thèses.
  • Descartes, philosophe majeur du XVIIe siècle, publiera ses Principes de la philosophie uniquement en latin.

Fontenelle se trouve à la croisée de deux siècles. On a souvent vu en lui un précurseur des Lumières. Remise en cause des dogmes religieux, vulgarisation des savoirs, exercice de la raison sur toutes les observations : c'est ce que l'auteur va mettre en œuvre dans ses Entretiens sur la pluralité des mondes.

4

La place des femmes face à ces mutations sociales

Une partie de la noblesse des XVIIe et XVIIIe siècles, devenue courtisane et privée de toute action politique, va se tourner vers la littérature et les arts. Les salons vont devenir les lieux où se tiennent rencontres et échanges intellectuels.

Les salons sont tenus par des femmes qui mettent au centre de leurs attentes l'art de bien parler : élégance, maîtrise de la rhétorique, traits d'esprit. On y parle d'amour et de savoirs scientifiques.

Fontenelle fréquente différents salons tout au long de sa vie : celui de la marquise de Lambert ou encore celui de Madame de Tencin.

III

Entretiens sur la pluralité des mondes

A

Le titre de l'œuvre

Le titre de l'œuvre de Fontenelle renseigne à la fois sur son genre et sur son contenu.

Le mot « entretiens » fait référence aux différentes conversations menées dans les salons autour des questions de littérature, de philosophie, de sciences. Au pluriel, il laisse présager que le livre en contient plusieurs. Ces conversations peuvent être galantes. Le terme « entretiens » revêt aussi le sens du talent de bien parler, point présent dans l'œuvre de Fontenelle. Enfin, le mot « entretiens » engage au moins deux personnes dans l'échange, ici, le narrateur philosophe et la marquise ; les deux se vouvoient dans leurs échanges.

Fontenelle s'inscrit dans le genre du dialogue philosophique qui remonte à l'époque de Platon (427-347 av. J.-C.). Platon rapporte les discussions entre Socrate et ses interlocuteurs sur des sujets aussi divers que l'amour, le savoir, la justice.

Le groupe nominal « la pluralité des mondes » renseigne sur le sujet même de ces « entretiens ». Visiblement, ils portent sur des questions scientifiques et sur la diversité de ces « mondes ». Les « mondes habités » sont une tradition littéraire du XVIIe siècle. On imagine que d'autres planètes pourraient receler un mode vie identique ou autre que le nôtre, alimentant toute une part de l'imaginaire collectif.

En 1657, Cyrano de Bergerac publie Histoire comique des États et Empires de la Lune : les découvertes faites sur la Lune ou le Soleil sont le prétexte à une satire sociale.

B

Les enjeux de la préface

Passage attendu dans les œuvres du XVIIe siècle, la préface permet à la fois de présenter le projet et d'anticiper les critiques qui pourraient être formulées envers l'ouvrage. Fontenelle construit sa préface en trois étapes.

1

Premier temps de la préface

Fontenelle compare sa démarche à celle de Cicéron. Établir un lien avec Cicéron lui permet de valoriser sa démarche et de lui donner un précédent prestigieux. Lors de la transposition des sujets grecs en langue latine, Cicéron a rencontré deux types d'objections :

  • la première pouvant venir d'érudits critiques devant la qualité de la traduction ;
  • la seconde venant d'un public peu enclin à la philosophie, et ce quels que soient les moyens utilisés pour rendre l'œuvre accessible.

Fontenelle définit son intention : divertir ceux qui sont déjà savants et instruire en amusant ceux qui ne savent rien de la philosophie. Il répond ainsi à la devise du XVIIe siècle : « Plaire et Instruire ».

J'ai voulu traiter la philosophie d'une manière qui ne fût point philosophique.

Fontenelle

Fontenelle pose ainsi la difficulté de satisfaire le public et annonce sa démarche.

Fontenelle s'explique sur :

  • le choix du sujet : motivé par l'intérêt que toute personne devrait porter pour comprendre le monde ;
  • le choix de ses protagonistes : une femme à instruire sur des notions inconnues d'elle afin de susciter l'envie de comprendre chez les autres femmes qui peuvent prendre pour modèle cette femme imaginaire ;
  • la forme qu'il choisit : « de vrais raisonnements », « idées de physique […] contentent la raison », « donnent à l'imagination un spectacle qui lui plaît » ;
  • le rôle des digressions : l'auteur leur reconnaît un rôle nécessaire mais en use autant que le genre de la conversation peut le lui permettre : « le vrai et le faux sont mêlés ici mais toujours aisés à distinguer ».
2

Le deuxième temps de la préface

Dans la deuxième partie de la préface, Fontenelle répond par anticipation aux objections que les théologiens pourraient lui faire, en particulier sur le sujet des mondes habités. Il les désigne par le terme de « gens scrupuleux » qui pourront s'imaginer qu'il y a du danger par rapport à la religion, à mettre des habitants ailleurs que sur la Terre. Or, s'il mentionne que la Lune est habitée, il n'est pas question d'hommes qui seraient « fils d'Adam » : « J'y mets des habitants qui ne sont point du tout des hommes ».

Selon Fontenelle, seuls de mauvais lecteurs, plus précisément des personnes n'ayant pas lu les Entretiens, pourraient être à l'origine de cette objection.

3

Le troisième temps de la préface

La préface se termine par une lettre adressée à un dédicataire fictif : « Monsieur L... ». Le procédé est habituel pour donner la caution de vérité à la fiction. Il lui annonce que la restitution des entretiens sera matérialisée par « un livre ; et ce qu'il y a de pis, un livre de philosophie ».

Au XVIIe siècle, l'astronomie (l'étude des phénomènes naturels) est une des branches de la philosophie.

Pour moi, je la tiens savante à cause de l'extrême facilité qu'elle avait à le devenir.

Fontenelle

Préface des Entretiens sur la pluralité des mondes

La manière dont le narrateur évoque la marquise la valorise. Elle devient savante, d'une part car elle y est naturellement destinée par son origine sociale et, d'autre part, car elle reçoit un enseignement de qualité de la part du narrateur philosophe. C'est une manière détournée de louer la valeur didactique des entretiens qui vont ponctuer chaque soirée.

On dit souvent que Fontenelle fait une œuvre de vulgarisation. Le mot « vulgarisation », qui vient du latin vulgus qui signifie « commun », consiste à rendre accessible des notions complexes pour les mettre à la portée de tous. Or, la marquise est noble. Dans l'entretien du Sixième Soir, on peut lire : « Contentons-nous d'être une petite troupe choisie qui les cotoyons, et ne divulguons pas nos mystères dans le peuple ». Le public des Entretiens n'est pas issu du monde des personnes communes.

C

L'œuvre

1

L'organisation de l'œuvre

J'ai mis dans ces entretiens une femme que l'on instruit, et qui n'a jamais ouï parler de ces choses-là. J'ai cru que cette fiction me servirait et à rendre l'ouvrage plus susceptible d'agrément, et à encourager les dames par l'exemple d'une femme qui, ne sortant jamais des bornes d'une personne qui n'a nulle teinture de science, ne laisse pas d'entendre ce qu'on lui dit, et de ranger dans sa tête sans confusion les tourbillons et les mondes.

Fontenelle

Préface aux Entretiens sur la pluralité des mondes

Les Entretiens sur la pluralité des mondes sont divisés en six Soirs : le soir est le moment le plus propice pour échanger calmement, surtout sous la voûte céleste. Il est tout à tour question de la Terre, de la Lune, des autres planètes, de leurs habitants, des étoiles fixes. Chaque Soir offre au lecteur l'occasion de réfléchir sur quelques idées de l'auteur, par exemple son scepticisme à l'égard de la métaphysique et du merveilleux, l'importance de la méthode scientifique, la satire des hommes qui se croient au centre de l'Univers, la croyance en le progrès qui fera évoluer et grandir l'homme.

Fontenelle propose une forme de pédagogie pour faciliter la compréhension de la marquise : il adopte une progression à travers les différents mondes allant du plus proche au plus lointain. Il part du plus visible et du plus familier (la Lune) pour aller vers le moins visible et donc le plus surprenant (les planètes qui tournent autour des étoiles fixes).

La progression par « mondes » ne correspond pas obligatoirement au découpage par Soirs : par exemple, le Troisième Soir termine la conversation sur la Lune commencée le Soir précédent, à savoir le Deuxième, et commence l'examen des autres planètes qui se terminera au Quatrième Soir. C'est une façon de ménager des effets de surprise.

Les cinq premiers Soirs se suivent dans la fiction et dans l'écriture alors que le Sixième Soir est ajouté en 1687 et se déroule bien longtemps après : « Il y avait longtemps que nous ne parlions plus des mondes, Madame L. M. D. G. et moi […] ».

2

Le résumé de chaque Soir

Le Premier Soir s'intitule « Que la Terre est une planète qui tourne sur elle-même, et autour du Soleil ».

Après la rêverie de la beauté du jour et de la nuit, le narrateur philosophe révèle son point de vue : « chaque étoile pourrait bien être un monde ». Les questions de la marquise l'invitent à préciser sa théorie. La suite va lui permettre de mettre en place deux outils nécessaires au raisonnement philosophique : la vue et la curiosité. Il souligne l'importance de Descartes, explique l'organisation de l'Univers et le placement de chaque planète dans ce dernier, la rotation de la Terre en reprenant la théorie de Copernic.

Le Premier Soir fonctionne comme une introduction, le double enjeu de l'ouvrage s'y trouve présent :

  • Une dimension scientifique : la nature est comparée à un grand spectacle qui ressemble à celui de l'opéra. Les rouages et les artifices sont cachés et, pour les comprendre, il faut savoir observer. Fontenelle révoque le système de Ptolémée et pose celui de Copernic, expliquant ainsi l'alternance du jour et de la nuit.
  • Une dimension galante : les images concrètes et l'insouciance de la marquise permettent de donner le ton plaisant à l'échange. Les Entretiens sont bien une œuvre qui peut être lue dans les salons mondains.

Le Deuxième Soir s'intitule « Que la Lune est une terre habitée ».

Le sujet porte sur la difficulté à accepter qu'une autre planète puisse être habitée. Ce sont les préjugés liés à la distance entre la Terre et la Lune qui l'alimentent.

  • La question de départ est : la Lune est-elle habitée ? Pour y répondre, la philosophe pose le postulat suivant : la Lune est un monde comme l'est la Terre. Il l'affirme en établissant des points de comparaison entre les deux.
  • Il affirme ensuite que si la Lune est un monde comme l'est la Terre, alors elle est aussi habitée.
  • Des théories scientifiques sont étudiées : celle de la réflexion de la lumière du Soleil, prenant appui sur les théories de Descartes.
  • La discussion aborde la question des éclipses, point de départ d'un échange sur les superstitions et le ridicule des croyances.
  • La remarque sur les lunettes astronomiques (qui ont permis de découvrir les cratères sur la lune) impulse une digression plus légère avec l'évocation du Roland furieux (poème épique composé par Arioste au XVIe siècle, référence accessible pour la marquise).
  • La démonstration s'achève sur l'interrogation de l'existence d'hommes sur la Lune. Pour y répondre, il faudra se rendre sur la Lune, ce que l'auteur envisage comme probable dans le futur.

Je veux seulement vous faire voir qu'on peut assez bien soutenir une opinion chimérique pour embarrasser une personne d'esprit, mais non pas assez bien pour la persuader.

Fontenelle

Entretiens sur la pluralité des mondes

Le Troisième Soir s'intitule « Particularités du monde de la Lune. Que les autres planètes sont habitées aussi. »

Cet entretien du Troisième Soir va assurer la transition entre le sujet qui a été débattu jusque-là (la Lune) et l'annonce du sujet suivant : la présentation des autres planètes.

Le philosophe crée un effet de surprise en démontant l'idée proposée précédemment (des habitants sur la Lune), improbable à cause de l'absence d'atmosphère. Ces changements déstabilisent la marquise, ce qui permet au philosophe de rappeler qu'il faut garder son esprit critique en éveil.

Il faut ne donner que la moitié de son esprit aux choses de cette espèce que l'on croit, et en réserver une autre moitié libre, où le contraire puisse être admis, s'il en est besoin.

Fontenelle

Entretiens sur la pluralité des mondes

Le narrateur enchaîne sur une succession d'observations : un autre type d'atmosphère, présence d'eau, habitats sous les cratères (hypothèse du physicien Kepler à partir des observations de Galilée), absence d'aurore et de crépuscule, la Terre vue à partir de la perspective de la Lune. Cette série de remarques pose la question de la perspective et du point de vue.

La nature a bien de l'esprit […] il me paraît qu'elle nous a mis dans l'imagination certaines lunettes, au travers desquelles on voit tout, et qui changent fort les objets à l'égard de chaque homme.

Fontenelle

Entretiens sur la pluralité des mondes

Le philosophe revient à l'hypothèse de mondes habités sur les autres planètes. Leur étrangeté peut nous surprendre. Il recommence une description étrange, pour finir par réveler que ce monde étrange est en réalité le monde des abeilles.

Le philosophe ne cesse de contredire ce qu'il vient de dire, posant le principe du « pourquoi non ? ».

Le Quatrième Soir s'intitule « Particularités des mondes de Vénus, de Mercure, de Mars, de Jupiter et de Saturne ».

Les deux interlocuteurs passent en revue le système solaire tel qu'il était perçu à l'époque. Aux caractéristiques des planètes vont être associées les particularités de leurs habitants : Vénus, lieu de galanterie ; Mercure, monde ardent car proche du Soleil. Le Soleil, lui, est à part, car il est l'astre qui régit les autres planètes. On s'interroge sur la nature des taches qu'il montre et que Galilée a contribué à découvrir en 1610.

Il est la source de toute cette lumière que les planètes ne font que se renvoyer les une aux autres après l'avoir reçue.

Fontenelle

Entretiens sur la pluralité des mondes

Puis ce sont les tourbillons (théorie de Descartes) qui se trouvent au centre de la discussion, les satellites de Jupiter, et enfin Saturne, ses cinq satellites et son anneau. La discussion va ainsi de planète en planète avec des petites fictions au sujet des peuples de chaque planète. Le lecteur d'aujourd'hui ne peut s'empêcher de sourire car les habitants de ces planètes ont leurs explorateurs présentés comme Christophe Colomb.

Un ordre harmonieux règne dans l'agencement de ces planètes, ce qui satisfait le philosophe et la marquise. Cet enthousiasme renforce l'idée que la science peut être une philosophie aimable.

Le Cinquième Soir s'intitule « Que les étoiles fixes sont autant de Soleils, dont chacun éclaire un monde ».

Dans le Cinquième Soir, un nouvel objet alimente leur conversation : les étoiles fixes. Les étoiles fixes renvoient à des mondes que l'on ne peut dénombrer et bien plus éloignés. Le paradoxe de leurs observations est :

  • qu'elles sont source de joie pour le philosophe qui se réjouit d'une telle source de savoirs et de découvertes potentielles ;
  • qu'elles sont également source d'inquiétude, comme en témoignent les questions de la marquise.

« Voilà l'univers si grand que je m'y perds » ; « Mais savez-vous bien qu'à force de me multiplier les mondes si libéralement, vous me faites naître une véritable difficulté ? [...] je veux m'imaginer cela, et je sens bien que je ne le puis ».

Fontenelle

Entretiens sur la pluralité des mondes

Les comètes sont également évoquées, ainsi que les superstitions qu'elle suscitent (le passage d'une comète était associé à un mauvais présage).

En 1680, Fontenelle écrivit une comédie, La Comète, dans laquelle il fustigeait les superstitions.

La révélation finale de l'entretien du Cinquième Soir est celle d'un Univers en constante évolution, avec ces Soleils qui s'éteignent, tandis que d'autres naissent.

En 1572, l'astronome Tycho Brahe découvre une supernova (implosion d'une étoile qui accroît sa luminosité). Cette découverte est bouleversant pour l'époque car elle pose et renverse la théorie d'Aristote selon laquelle l'Univers était perçu comme immuable.

Les entretiens se terminaient dans la première édition de 1686 sur ce Cinquième Soir, ce pourquoi la marquise s'exclame : « J'ai dans la tête tout le système de l'Univers ! Je suis savante ? »

La galanterie clôt ce Cinquième Soir, le philosophe conclut par un compliment, comme il avait ouvert le Premier Soir.

Le Sixième Soir s'intitule « Nouvelles pensées qui confirment celles des entretiens précédents. Dernières découvertes qui ont été faites dans le ciel. »

Le dernier entretien s'effectue dans un temps différé par rapport aux cinq premiers. La marquise et le narrateur philosophe sont restés « longtemps » sans se voir. Fontenelle maintient ainsi une forme de suspens tout comme il le fait avec la référence à l'échange que la marquise vient d'avoir avec « deux hommes d'esprit », des savants apparemment, qui lui font mettre en doute ce que le narrateur philosophe lui a appris. Ce dernier la rassure avec raison et lui fait part de ses dernières découvertes, de ses dernières connaissances sur l'Univers : le temps de rotation de la Terre autour du Soleil, celui des autres planètes, les habitants des autres lieux de l'Univers, l'évolution de la géographie de la Lune.

D

Les personnages

1

Le philosophe narrateur

Philosophie

Au XVIIe siècle, le mot « philosophie » recouvre un sens très large comme en témoigne la définition du Dictionnaire de l'Académie de 1694 : « Science qui consiste à connaître les choses par leurs causes et leurs effets. On divise la philosophie en quatre parties, logique, morale, physique et métaphysique. »

Le narrateur philosophe de Fontenelle incarne bien tous les éléments de cette définition : il propose un raisonnement fait de logique et d'esprit critique ; il donne des leçons à la marquise, il aborde des sujets de physique et de métaphysique portant sur le domaine de l'astronomie.

Il montre plusieurs traits de son caractère :

  • Il aime « rêver », à savoir autant « dire ou penser des choses extravagantes » que « penser, méditer profondément sur quelque chose » : « Ce spectacle me fit rêver ; et peut-être sans la marquise eussé-je rêvé assez longtemps ».
  • Il est sensible à la personnalité de la marquise, à sa curiosité, à son langage, à son raffinement : « une si aimable dame ».
  • Il est savant et s'adapte volontiers aux disponibilités intellectuelles de la marquise : « car avec une personne comme elle, qui ne savait rien en matière de physique, il fallait prendre les choses de bien loin, pour lui prouver que la Terre pouvait être une planète, et les planètes autant de terres, et toutes les étoiles autant de soleils qui éclairaient des mondes. […] À la fin cependant, pour lui donner une idée générale de la philosophie, voici par où je commençais. »
  • Il use à la fois de la philosophie et de la poésie : « je vous entretiens de visions, tantôt philosophiques, tantôt poétiques. »
  • Il fait preuve d'esprit critique, de jugement raisonné.
  • Il prend plaisir à ses raisonnements philosophiques et à l'étude : « Je ne jurerais pourtant pas que cela fût vrai, mais je le tiens pour vrai, parce qu'il me fait plaisir à croire. C'est une idée qui me plaît, et qui s'est placée dans mon esprit d'une manière riante. Selon moi, il n'y a pas jusqu'aux vérités à qui l'agrément ne soit nécessaire. »
  • Il est visionnaire pour l'évolution des découvertes scientifiques : « L'art de voler ne fait encore que de naître, il se perfectionnera, et quelque jour on ira jusqu'à la Lune. Prétendons-nous avoir découvert toutes choses, ou les avoir mises à un point qu'on n'y puisse rien ajouter ? Eh de grâce, consentons qu'il y ait encore quelque chose à faire pour les siècles à venir. »
  • Il reconnaît honnêtement des connaissances encore partielles, en cours de développement : « On dit qu'il pourrait bien nous manquer un sixième sens naturel, qui nous apprendrait beaucoup de choses que nous ignorons. Ce sixième sens est apparemment dans quelque autre monde, où il manque quelqu'un des cinq que nous possédons. Peut être même y a-t-il effectivement un grand nombre de sens naturels ; mais dans le partage que nous avons fait avec les habitants des autres planètes, il ne nous en est échu que cinq, dont nous nous contentons faute d'en connaître d'autres. »
2

La marquise

La marquise est un personnage imaginaire qui ne correspond à aucune personne en réalité. Elle appartient à un rang social élevé : sa maison se situe à la campagne et possède a priori un grand parc qui est le lieu des différents entretiens nocturnes, elle reçoit du monde dans ses appartements et fait tout pour se libérer les soirs (début du Deuxième Soir). On ne connaît pas son nom mais ses initiales figurent au début du Sixième Soir : Madame L. M. D. G.

La marquise montre plusieurs traits de son caractère :

  • Elle est aimable, c'est-à-dire qu'elle attire autant la sympathie qu'elle est aussi agréable à regarder : « une si aimable dame ».
  • Elle est ouverte à l'apprentissage et fait preuve de dynamisme intellectuel : « Pour moi, je la tiens savante, à cause de l'extrême facilité qu'elle aurait à le devenir. Qu'est-ce qui lui manque ? d'avoir ouvert les yeux sur des livres. »
  • Elle veut apprendre et éprouve du plaisir à savoir : « je croirai sur les étoiles tout ce que vous voudrez, pourvu que j'y trouve du plaisir. »
  • Elle se montre satisfaite de ce qu'elle apprend et signale ses goûts et ses compétences : « Je suis bien aise, dit la marquise, d'avoir appris cette généalogie des sciences, et je vois bien qu'il faut que je m'en tienne à l'astronomie. La géométrise, selon ce que vous me dites, demanderait une âme plus intéressée que je ne l'ai, et la poésie en demanderait une plus tendre, mais j'ai autant de loisir que l'astronomie en peut demander. »
  • Elle pose des questions, met en évidence ses réflexions et son intérêt ; elle exerce son esprit critique : « Mais, répliqua-t-elle encore, comment la terre avec tout son poids se soutient-elle sur votre matière céleste qui doit être bien légère, puisqu'elle est si fluide ? »
  • Elle a « le discernement vif et prompt » et n'hésite pas à souligner parfois le manque de connaissances du narrateur philosophe : « C'est-à-dire, me dit la marquise, que vous savez seulement que tout est bien, sans savoir comment il est : c'est beaucoup d'ignorance sur bien peu de science ; mais il faut s'en consoler, je suis encore trop heureuse que vous ayez rendu à la Lune ses habitants. »
  • Elle est curieuse : « Mais, reprit-elle, je serais bien aise de savoir encore plus en détail comment est fait le dedans du pays. »
  • Elle fait preuve d'impatience à apprendre : « la marquise voulut m'engager pendant le jour à poursuivre nos entretiens, mais je lui représentai que nous ne devions confier de telles rêveries qu'à la Lune et aux étoiles […] Vous allez bien vite, repris-je […] ».
  • Elle exprime son enthousiasme et sa joie à être plus intelligente, à avoir plus de connaissances alors même que les femmes au XVIIe siècle ne recevaient pas d'instruction : « Quoi ! s'écria-t-elle, j'ai dans la tête tout le système de l'Univers ! Je suis savante ! »
E

La place de la science dans l'œuvre

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Les théories scientifiques au cœur des Entretiens

Les noms des scientifiques sont cités au sein de chaque soir :

  • Ptolémée, astronome grec du IIe siècle qui fixe la théorie du géocentrisme.
  • Copernic, astronome polonais du XVIe siècle. Il présente la théorie de l'héliocentrisme avec le Soleil au centre de l'Univers. Il va révolutionner la représentation du monde, décentrant et relativisant ainsi la place de l'homme au sein de l'Univers.
  • Galilée, astronome italien des XVIe et XVIIe siècles, qui enrichit la lunette astronomique et confirme la théorie de Copernic.
  • Cassini, premier directeur de l'Observatoire de Paris, qui pose le système des cartes lunaires au XVIIe siècle.
  • Kepler, astronome allemand, qui conçoit la théorie des lois du mouvement elliptique des planètes et renforce la théorie de Copernic.
  • Newton, scientifique et philosophe anglais des XVIIe et XVIIIe siècles, qui avance la théorie de la gravitation universelle, dépassant ainsi la théorie des « tourbillons ».

Les Entretiens sur la pluralité des mondes vont évoquer les tourbillons cartésiens, le système Copernicien, la théorie des planètes principales et de la Lune habitées, les étoiles fixes, autant de Soleils qui éclairent les autres planètes, les comètes vues comme des planètes issues des tourbillons, ou encore la théorie des Soleils qui peuvent s'éteindre.

Il s'agit pour Fontenelle de dresser un état des lieux de la science, des recherches, des controverses qui ont cours à son époque. Il cherche à expliquer les phénomènes complexes, à les porter à la connaissance des gens d'esprit mais surtout à appliquer une démarche rationnelle pour l'examen de tout sujet d'étude. On voit en lui le précurseur des Lumières.

J'ai tâché de l'amener [la science] à un point où elle ne fût ni trop sèche pour les gens du monde, ni trop badine pour les savants.

Fontenelle

Entretiens sur la pluralité des mondes

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Une démarche guidée par la raison

La soif de savoir est au centre de cet ouvrage, un savoir qui se construit grâce à l'agrément porté à la mise en forme narrative. Les Entretiens sur la pluralité des mondes est une œuvre qui conjugue la devise du XVIIe siècle (« Plaire et instruire ») avec celle de la raison, emblème de l'esprit critique du XVIIIe siècle.

Les questions de la marquise rythment les échanges et leur permettent d'évoluer au gré des soirées mais aussi des promenades qu'ils font. L'oisiveté de la vie de château est ici enrichie par une réflexion constante et la pensée se développe au fur et à mesure. De manière mimétique, la pensée avance ou recule de jour en jour pour mieux consolider ou invalider des hypothèses.

C'est l'association de faits et d'explications qui va permettre de mettre la raison au centre de la démarche du narrateur philosophe.

Mais, interrompit la marquise, en disant toujours pourquoi non ? vous m'allez mettre des habitants dans toutes les planètes ? N'en doutez pas, répliquai-je, ce pourquoi non ? a une vertu qui peuplera tout.

Fontenelle

Entretiens sur la pluralité des mondes

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