Dans chacun des extraits suivants, quelle est la figure de style utilisée ?
Cet homme marchait pur loin des sentiers obliques,
Vêtu de probité candide et de lin blanc.
(Victor Hugo, "Booz Endormi")
- La "probité" et le "lin blanc" sont mis sur le même plan du point de vue syntaxique. Or l'un est une valeur dont Booz est revêtu métaphoriquement alors que l'autre est une matière dont il est vêtu concrètement.
- La figure repose sur une ellipse : le participe passé "vêtu" devrait être répété pour distinguer les deux niveaux de sens (moral, figuré d'un côté et matériel et concret de l'autre).
Il s'agit d'un zeugma.
Se regardant de leurs yeux noirs et symétriques,
Par la banlieue, à l'infini.
Ronflent le jour, la nuit,
Les usines et les fabriques.
(Émile Verhaeren, "Les Usines")
- Les "usines et les fabriques" "ronflent" comme le feraient des humains.
- On attribue à des objets inanimés des comportements mais aussi des caractères humains (les "yeux noirs").
Il s'agit d'une personnification.
Jeune homme on te maudit, on t'adore vieillard.
(Victor Hugo, "Tristesse d'Olympio")
- Le second vers est construit sur une structure binaire AB/BA.
- L'ordre entre attribut (d'abord antéposé puis postposé) et verbe est inversé de part et d'autre de la virgule qui sépare le vers en deux hémistiches.
Il s'agit d'un chiasme.
Si je mourais là-bas sur le front de l'armée
Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée
Et puis mon souvenir s'éteindrait comme meurt
Un obus éclatant sur le front de l'armée
Un bel obus semblable aux mimosas en fleur.
(Guillaume Apollinaire, "Si je mourais là-bas")
- Le poète crée une équivalence explicite entre son souvenir et un obus à l'aide de l'outil comparatif "comme" : l'un est le comparé et l'autre le comparant.
- Il fait de même entre "un bel obus" et "des mimosas en fleurs" grâce au groupe prépositionnel "semblable à".
Il s'agit de deux comparaisons.
Et toutefois j'aime, j'adore et prise
Ce qui m'étreint, qui me brûle et entame.
(Joachim Du Bellay, "Les Cheveux d'or")
- L'énumération des verbes de sentiment va en gagnant en force : chaque verbe est plus fort que le précédent dans "j'aime, j'adore et prise".
- De même, dans le vers suivant, le poète accumule les verbes de souffrance qui vont en gagnant en intensité : "qui m'étreint, me brûle et m'entame".
Il s'agit de gradations.
Et rose elle a vécu, ce que vivent les roses
(François de Malherbe, "Consolation à M. Du Perrier sur la mort de sa fille")
Ils savent compter l'heure, et que leur terre est ronde
(Alfred de Musset, "Premières poésies")
Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous menace et nous dit : " Souviens-toi !
Les vibrantes Douleurs dans ton cœur plein d'effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible."
(Charles Baudelaire, "L'Horloge")
Peindre d'abord une cage
avec une porte ouverte
peindre ensuite quelque chose de joli
quelque chose de simple
quelque chose de beau
quelque chose d'utile
(Jacques Prévert, "Pour faire le portrait d'un oiseau")
Je suis le Ténébreux, le Veuf, l'Inconsolé,
Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Étoile est morte, et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.
(Gérard de Nerval, "El Desdichado")