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  4. Cours : Le roman, un poème narratif

Le roman, un poème narratif Cours

Sommaire

ILe projet littéraire de FlaubertAFlaubert et son "livre sur rien"BLa présence de Flaubert dans le roman1L'ironie, la marque de Flaubert2L'utilisation flaubertienne du présent3Une œuvre teintée par le pessimisme de Flaubert4La subjectivitéIILa place particulière de Flaubert dans la littérature du XIXe siècleALe réalisme subjectif de Flaubert1L'inscription de Flaubert dans le courant réaliste2L'utilisation des descriptions par Flaubert3Une utilisation symbolique des objetsBUne littérature en opposition au romantismeIIIUne écriture poétiqueALa quête de poésie, un travail difficileBUne écriture musicale1L'obsession de Flaubert pour la musicalité2Un rythme ternaireCUne écriture fluide

Le projet poétique de Flaubert est complexe et protéiforme. Il veut atteindre "l'impersonnalité" en écrivant un "livre sur rien". Son but est de rester neutre et de livrer une œuvre avant tout artistique, mais l'ironie et le pessimisme de l'auteur sont bien présents dans son texte, ce qui questionne son objectif.

Le projet littéraire de Flaubert est associé au réalisme, car il utilise beaucoup les descriptions et cherche à représenter la réalité. Toutefois, il se montre souvent symbolique, notamment dans l'utilisation des objets. Surtout, Flaubert écrit contre le romantisme. Son écriture poétique est difficile à réaliser, car il est toujours en quête de musicalité et de fluidité.

I

Le projet littéraire de Flaubert

A

Flaubert et son "livre sur rien"

Ce qui me semble beau, ce que je voudrais faire, c'est un livre sur rien, un livre sans attache extérieure, qui se tiendrait de lui-même par la force interne de son style.

Gustave Flaubert

Lettre à Louise Colet

16 janvier 1852

Flaubert veut atteindre "l'impersonnalité". Son but est de rester neutre et de livrer une œuvre avant tout artistique. Contrairement à Balzac ou Stendhal, il essaie de ne pas exprimer ses opinions, de ne pas commenter les événements.

Madame Bovary peut se lire comme un roman qui fait le deuil du romanesque. Flaubert rejette plusieurs caractéristiques de la littérature telle qu'elle est conçue à son époque :

  • Il refuse les péripéties qui constituent habituellement les intrigues romanesques.
  • Il ne permet pas à ses personnages de vivre la passion amoureuse.
  • Il s'intéresse à une histoire banale, à des protagonistes médiocres.
  • Il dépeint d'une façon presque clinique la bourgeoisie provinciale.

Il critique, à travers Emma, la "maladie du romanesque", le mauvais usage, finalement, qui peut être fait de la littérature.

Flaubert propose une nouvelle vision de la littérature dans ce roman. Le genre romanesque cesse d'exister à travers une intrigue, à travers des personnages "hors normes". Le roman devient un objet d'art, un objet poétique, dont l'histoire n'est pas trépidante, dont les personnages ne sont pas exceptionnels.

Toutefois, on peut se demander si la neutralité que revendique Flaubert n'a pas des limites.

B

La présence de Flaubert dans le roman

1

L'ironie, la marque de Flaubert

En effet, Flaubert ne parvient pas à s'effacer complètement de son œuvre. Il est bien plus présent qu'il ne l'admet. À travers les descriptions et les portraits transpire son ironie. Le choix du style indirect libre est révélateur. Il permet de transmettre les pensées et les émotions de ses personnages, mais cela les empêche également de s'exprimer avec une totale autonomie : le narrateur s'exprime avec eux.

Elle se sentit molle et tout abandonnée comme un duvet d'oiseau qui tournoie dans la tempête.

Gustave Flaubert

Madame Bovary

1856

La présence de l'auteur se remarque notamment dans l'utilisation des images. L'émotion est bien celle d'Emma, mais la comparaison souligne le regard que porte Flaubert sur la jeune femme. La frontière entre ce que ressent le personnage et ce qu'exprime l'auteur est floue.

L'écrivain se livre aussi à certains jugements ou des critiques sociales.

L'aplomb dépend des milieux où il se pose : on ne parle pas à l'entresol comme au quatrième étage, et la femme riche semble avoir autour d'elle, pour garder sa vertu, tous ses billets de banque, comme une cuirasse, dans la doublure de son corset.

Gustave Flaubert

Madame Bovary

1856

Flaubert livre ici une critique acerbe sur une femme riche, se moquant d'elle et de sa prétendue vertu.

On trouve cette ironie flaubertienne a plusieurs moments, surtout quand il évoque la bourgeoisie : "Tous ces gens-là se ressemblaient."

L'ironie est souvent discrète, mais elle n'en est pas moins mordante. Dès lors, peut-on dire que le roman est "un livre sur rien", ou que l'auteur est neutre ?

Au bal à Vaubyessard, Flaubert se moque de la vacuité des conversations. En effet, les invités se concentrent sur "la grosseur des piliers de Saint-Pierre".

À la mort d'Emma, M. Canivet est décrit qui "regardait vaguement sur la place". Le choix de l'adverbe "vaguement" est hautement ironique de la part de l'écrivain.

2

L'utilisation flaubertienne du présent

À plusieurs reprises dans le roman, Flaubert écrit des phrases qui peuvent passer pour des maximes. Il utilise alors le présent qui a valeur de vérité générale.

La parole humaine est comme un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles.

Gustave Flaubert

Madame Bovary

1856

L'utilisation du présent général permet ici de donner à la phrase la tonalité d'une maxime. Flaubert semble alors livrer une réflexion universelle sur la parole humaine.

Certains passages relèvent presque du discours philosophique.

Un homme, au moins, est libre ; il peut parcourir les passions et les pays, traverser les obstacles, mordre aux bonheurs les plus lointains. Mais une femme est empêchée continuellement. Inerte et flexible à la fois, elle a contre elle les mollesses de la chair avec les dépendances de la loi. Sa volonté, comme le voile de son chapeau retenu par un cordon, palpite à tous les vents ; il y a toujours quelque désir qui entraîne, quelque convenance qui retient.

Gustave Flaubert

Madame Bovary

1856

L'utilisation du présent général permet ici à Flaubert de livrer une réflexion universelle sur la liberté de l'homme.

En général, lorsque Flaubert utilise le présent, il marque sa présence.

Dans le reste du roman, c'est l'imparfait qui domine.

3

Une œuvre teintée par le pessimisme de Flaubert

La présence ironique de Flaubert traduit généralement son profond pessimisme. Il est sans concession pour le monde qui l'entoure. Souvent, l'écrivain frôle la cruauté.

Quand elle se mettait à genoux sur son prie-Dieu gothique, elle adressait au Seigneur les mêmes paroles de suavité qu'elle murmurait jadis à son amant, dans les épanchements de l'adultère.

Gustave Flaubert

Madame Bovary

1856

Flaubert se moque ici d'Emma qui se tourne avec opportunisme vers la religion.

Flaubert dresse un sombre portrait de l'âme humaine et de ses faiblesses. Il expose notamment sa désillusion sur l'amour.

Chaque sourire cachait un bâillement d'ennui, chaque joie une malédiction, tout plaisir son dégoût, et les meilleurs baisers ne vous laissaient sur la lèvre qu'une irréalisable envie d'une volupté plus haute.

Gustave Flaubert

Madame Bovary

1856

Flaubert peint l'amour comme étant hypocrite.

Ironie et pessimisme sont deux raisons qui permettent d'assurer que Flaubert n'est pas absent de son œuvre. L'impersonnalité artistique est une illusion. Madame Bovary est bien marquée par la personnalité de Flaubert.

Nul lyrisme, pas de réflexions, personnalité de l'auteur absente...

Gustave Flaubert

Correspondance

31 janvier 1852

Madame Bovary ne répond définitivement pas à cette exigence flaubertienne.

4

La subjectivité

Les œuvres les plus belles sont celles où il y a le moins de matières ; plus l'expression se rapproche de la pensée plus le mot colle dessus et disparaît, plus c'est beau [...] C'est pour cela qu'il n'y a ni beaux ni vilains sujets et qu'on pourrait presque établir comme axiome, en se posant au point de vue de l'Art pur, qu'il n'y en a aucun, le style étant à lui tout seul une manière absolue de voir les choses.

Gustave Flaubert

Lettre à Louise Colet

16 janvier 1852

Le réalisme subjectif est né chez Stendhal. C'est un réalisme qui se base sur la subjectivité de chaque personnage, mais également du narrateur. Le lecteur a accès à différentes visions, différentes façons de voir un même élément. Stendhal estime que chacun est enfermé dans sa façon de voir les choses.

Flaubert s'inscrit dans ce courant. Il plonge en effet le lecteur dans les pensées de différents personnages au cours du roman Madame Bovary :

  • Emma
  • Charles
  • Homais
  • Lheureux
  • Rodolphe
  • Léon
  • Bournisien

Flaubert multiplie donc les points de vue. Il dit d'ailleurs : "Il n'y a que des manières de voir." Il y a bien un point de vue du narrateur, mais celui-ci laisse très souvent la place à d'autres tempéraments, particulièrement à celui d'Emma.

La raison pour laquelle on estime que Flaubert n'a pas réussi à atteindre l'impersonnalité qu'il désirait acquérir est que ce n'est pas simplement la subjectivité du narrateur qui apparaît, mais bien celle de Flaubert lui-même, ses propres réflexions, sentiments ou opinions.

Le roman est teinté d'un très noir pessimisme du narrateur, qui est celui de Flaubert.

Pour Flaubert, la subjectivité du texte est liée à l'art. L'écrivain peut traiter de n'importe quel sujet avec beauté. Ce qui compte, c'est le point de vue de l'artiste sur un sujet. Ainsi, Flaubert s'inscrit dans le réalisme subjectif, car il multiplie les points de vue du narrateur et des personnages dans son roman, mais également parce qu'il propose, en tant qu'artiste, une certaine vision de l'art.

II

La place particulière de Flaubert dans la littérature du XIXe siècle

A

Le réalisme subjectif de Flaubert

On me croit épris du réel, tandis que je l'exècre. Car c'est en haine du réalisme que j'ai entrepris ce roman. Mais je n'en déteste pas moins la fausse idéalité.

Gustave Flaubert

Correspondance

30 octobre 1856

1

L'inscription de Flaubert dans le courant réaliste

Le roman de Flaubert s'inscrit dans le mouvement réaliste, bien que l'auteur revendique surtout son aspect poétique. Si Flaubert est considéré comme réaliste, il faut toutefois nuancer ce réalisme. En effet, il dit lui-même qu'il est "en haine du réalisme". Il écrit au contraire sur quelque chose qu'il ne connaît pas, donc ce n'est pas réaliste. Il explique qu'il voit la rédaction de son roman comme un exercice, et il a simplement peur que cela le dégoûte des "sujets à milieu commun" (lettre à Louise Colet du 26 août 1853).

Mais Flaubert ne peut complètement rejeter l'adjectif "réaliste" qu'on lui attribue, et ce pour plusieurs raisons :

  • Il refuse le lyrisme.
  • Il applique une démarche presque scientifique à sa technique d'écriture.
  • Il prend pour sujet la réalité banale.
  • Il dépeint avec précision les différents milieux sociaux.
  • Il prête beaucoup d'attention à la peinture psychologique de ses personnages.

Contrairement à ce qu'il dit, Flaubert est rarement objectif. On parle donc pour lui de réalisme subjectif.

2

L'utilisation des descriptions par Flaubert

Certains critiques ont reproché à Flaubert son "obstination pour la description". L'utilisation que Flaubert fait de la description est un des éléments qui a permis de le rapprocher de Balzac, et donc du réalisme :

  • Comme Balzac, Flaubert plante le décor d'Yonville avant de présenter les personnages (partie II).
  • Flaubert donne de nombreux détails sur les lieux.
  • Flaubert est précis et méticuleux quand il s'agit de décrire des objets.

Mais les descriptions n'ont pas qu'une fonction réaliste, elles participent à la poétique de Flaubert. Il s'efface souvent derrière ses personnages. Il décrit le décor à travers la subjectivité des protagonistes du roman. Si ce n'est la description de la ville d'Yonville, les passages descriptifs sont souvent brefs dans le roman, et s'insèrent parfaitement dans la narration. Cette technique permet de donner une impression d'osmose, où êtres vivants et paysage ne font qu'un, où les actions des personnages sont intimement liées au décor.

3

Une utilisation symbolique des objets

Les objets ont souvent une valeur symbolique dans l'œuvre de Flaubert, ce qui participe à son projet poétique. La place des objets dans Madame Bovary est singulière et originale. Ils permettent à Flaubert de symboliser la société, de mettre en scène les relations entre les personnages sans avoir toujours à les expliciter.

Les objets que possèdent les hommes permettent de les définir.

Flaubert s'attarde longuement sur l'ameublement des logements des personnages. Cela permet de souligner la classe sociale à laquelle ils appartiennent :

  • Rodolphe accumule les objets coûteux pour montrer qu'il a de l'argent.
  • Homais entasse toutes ses possessions, ce qui souligne son opulence.
  • Charles vit humblement avant qu'Emma ne remeuble tout, ce qui souligne son caractère économe.

Les objets permettent de rappeler l'évolution de la société.

Flaubert met en scène des produits nouveaux dans la société du XIXe siècle, qui sont considérés comme un grand luxe. Ainsi, Emma veut des fauteuils, des tapis.

Flaubert décrit également la façon dont les nouveaux moyens de transport transforment la façon de voyager, avec le train qui permet à Emma d'aller d'Yonville à Rouen rapidement.

Flaubert rappelle que l'ère de la reproductibilité a commencé.

Rodolphe a un porte-cigares "tout pareil à celui du vicomte", et Guillaumin possède des reproductions d'œuvres d'art.

Les objets précisent un trait de caractère des personnages.

La casquette de Charles Bovary, au début du roman, traduit la gaucherie du personnage.

Emma a de nombreux objets symboliques. On peut citer :

  • Le gilet d'homme et la cigarette, objets masculins qui traduisent son indépendance.
  • Les assiettes sur lesquelles on trouve des images des rêveries romantiques d'Emma, symboles de l'idéal qu'elle cherche à atteindre.

Les objets reflètent les relations entre les personnages.

Emma offre de nombreux cadeaux :

  • À Léon, elle offre un tapis.
  • À Rodolphe, elle offre une cravache.
  • À Charles, elle offre une tête phrénologique.

Le tapis symbolise la richesse d'Emma et son désir de vivre avec Léon. La cravache montre que Rodolphe contrôle Emma et qu'il est fougueux, mais en même temps, elle le choisit ainsi (c'est elle qui lui offre cet objet symbolique). Le cadeau qu'Emma fait à Charles est en lien avec la médecine, mais souligne surtout le manque de lien charnel ou amoureux entre eux.

Il y a une sorte d'entassement, de profusion d'objets dans le roman. Il est intéressant de noter que cette accumulation est vaine. Les objets ne permettent pas d'avoir véritablement quelque chose. Emma, en s'entourant ainsi, finit sans rien. Elle va au contraire vers le néant. Cette symbolique accordée aux objets n'est pas caractéristique du réalisme, et souligne au contraire l'originalité de Flaubert. Elle montre aussi qu'il a pour but de créer un monde littéraire dans lequel rien n'est anodin, tout signifie quelque chose, tout est pensé.

B

Une littérature en opposition au romantisme

Madame Bovary se présente comme une critique du romantisme. C'est un roman qui développe une nouvelle idéologie littéraire basée sur le rejet du lyrisme romantique. Flaubert livre dans son roman des pastiches du genre. Ainsi, il se moque des discours amoureux de Rodolphe, qui utilise des poncifs romantiques.

Le chapitre 13 de la deuxième partie est révélateur de la critique romantique. Rodolphe est montré luttant pour écrire une lettre de rupture amoureuse à Emma, et le lecteur se rend compte qu'il ne pense pas un mot de ce qu'il écrit, il tente seulement d'avoir l'air triste. Il écrit : "Est-ce ma faute ? Ô mon Dieu ! non, non, n'en accusez que la fatalité !" Mais il pense : "Voilà un mot qui fait toujours de l'effet."

Flaubert se moque des lectures romantiques d'Emma.

On peut relever plusieurs clichés romanesques que Flaubert utilise pour définir les lectures d'Emma : "mélancolies romantiques", "messieurs qui pleurent comme des urnes".

Flaubert cite explicitement Walter Scott, écrivain anglais romantique, dont il moque les drames historiques.

Elle se laissa donc glisser dans les méandres lamartiniens, écouta les harpes sur les lacs, tous les chants de cygnes mourants, toutes les chutes de feuilles, les vierges pures qui montent au ciel et la voix de l'Éternel discourant dans les vallons.

Gustave Flaubert

Madame Bovary

1856

Flaubert fait ici une mention ironique à Lamartine et à son poème "Le Lac".

La critique du romantisme apparaît aussi dans la scène où Emma et Léon font une promenade en barque. Instant qui devrait être romantique, mais Flaubert invente un arrière-fond sonore peu propice à l'amour : on entend "retentir le maillet des calfats contre la coque des vaisseaux".

La fumée du goudron s'échappait d'entre les arbres, et l'on voyait sur la rivière de larges gouttes grasses, ondulant inégalement [...] comme des plaques de bronze qui flottaient.

Gustave Flaubert

Madame Bovary

1856

Le paysage dans lequel Emma et Léon évoluent n'est pas vraiment romantique. Flaubert montre l'envers du décor.

Tout le roman, finalement, est celui de la désillusion d'Emma, qui aspire à une grande histoire d'amour romantique, et réalise qu'elle ne peut connaître une telle relation. Le projet poétique de Flaubert s'inscrit donc dans une opposition au genre romantique, et une dénonciation de ses conséquences sur l'imagination des êtres comme Emma.

III

Une écriture poétique

Flaubert écrit un roman, il raconte une histoire. En cela, son œuvre est bien narrative. Toutefois, Flaubert conçoit le roman comme un poème narratif, dans le sens où il estime que la prose doit être aussi poétique que la poésie. Son projet littéraire est donc également un projet poétique. Il travaille donc particulièrement son style pour le rapprocher le plus possible de la poésie.

A

La quête de poésie, un travail difficile

Quand mon roman sera fini, dans un an, je t'apporterai mon manuscrit complet par curiosité. Tu verras par quelle mécanique compliquée j'arrive à faire une phrase.

Gustave Flaubert

Lettre à Louise Colet

15 avril 1852

La recherche de poésie de Flaubert s'avère difficile.

Je suis au milieu des affaires financières de la Bovary. C'est d'une difficulté atroce. Il est temps que cela finisse, je succombe sous le faix.

Gustave Flaubert

Lettre à Louise Colet

17 août 1855

Flaubert accorde une très grande importance au style, qu'il veut poétique. Il reconnaît qu'il ne faut pas perdre de vue l'histoire racontée, mais il travaille de façon très précise sur le rythme des phrases, le choix des mots, la musicalité de l'ensemble. Le travail n'est pas simplement sur l'écriture même, mais également sur lui. Il explique ainsi qu'il a lui-même des tendances au lyrisme, aux images, et qu'il doit se contrôler.

Je suis dévoré de comparaisons, comme on l'est de poux, et je ne passe mon temps qu'à les écraser ; mes phrases en grouillent.

Gustave Flaubert

Lettre à Louise Colet

27 décembre 1852

Flaubert explique bien ici que ce n'est pas "naturel" pour lui de ne pas être lyrique. Il doit se contrôler, il doit lutter contre ses tendances à l'embellissement.

Flaubert veut rendre poétique ce qui ne l'est pas, comme par exemple la trivialité. Il décrit son entreprise comme un véritable numéro d'équilibriste.

Toute la valeur de mon livre, s'il en a une, sera d'avoir su marcher droit sur un cheveu, suspendu entre le double abîme du lyrisme et du vulgaire.

Gustave Flaubert

Lettre à Louise Colet

20 mars 1852

B

Une écriture musicale

Quelle chienne de chose que la prose ! […] je crois pourtant qu'on peut lui donner la consistance du vers. Une bonne phrase de prose doit être comme un bon vers, inchangeable, aussi rythmée, aussi sonore.

Gustave Flaubert

Lettre à Louise Colet

22 juillet 1852

1

L'obsession de Flaubert pour la musicalité

Flaubert est obnubilé par la musicalité de l'écriture. Il a une conception de la prose et de la poésie assez originale. Il semble se tourner vers les écrivains antiques, rappelant dans une lettre à Louise Colet datée du 24 avril 1852 que "le vers est la forme par excellence des littératures anciennes".

Ce qu'il souhaite, c'est donner à la prose le rythme du vers. Son originalité se trouve dans l'envie de rendre poétique des sujets mineurs, voire triviaux.

On parle déjà de style poétique pour Chateaubriand ou Victor Hugo, mais ils traitent leurs histoires avec lyrisme et s'attachent à raconter la vie de personnages extraordinaires ou romantiques. Flaubert s'intéresse à la médiocrité du quotidien.

Le projet de Flaubert est donc particulièrement singulier. Il exige de la littérature tout à la fois, la vérité (ce qui l'a rapproché du réalisme) et la beauté (d'où sa quête constante de poésie dans le langage).

Flaubert joue avec les mots, avec les sons, il entend créer un style musical.

On relève de nombreuses allitérations en [s], [f], [t], [ch], consonnes sourdes, lors de la scène au château de la Huchette. L'atmosphère devient alors menaçante : "[...] balançaient, en sifflant, leur longues branches."

Dans la scène du bal à Vaubyessard, on trouve des assonances en [an], en [ai] et en [è]. Flaubert souhaite ici décrire une atmosphère lourde, pesante : "[...] écrémant avec son doigt les terrines de lait, dans la laiterie."

2

Un rythme ternaire

Flaubert utilise souvent un rythme ternaire, visible dans la structure même du roman, découpé en trois parties. Les mots ou groupes de mots vont souvent par trois, les phrases se découpent en trois parties.

Le pré commençait à se remplir, et les ménagères vous heurtaient avec leurs grands parapluies, leurs paniers et leurs bambins.

Gustave Flaubert

Madame Bovary

1856

Extraite du huitième chapitre de la deuxième partie du roman, cette phrase est construite sur un rythme ternaire, visible à l'utilisation des virgules qui la structurent.

Elle était pleine de convoitises, de rage, de haine.

Gustave Flaubert

Madame Bovary

1856

Dans cette phrase extraite du chapitre cinq de la deuxième partie du roman, le rythme ternaire sert à souligner un crescendo, par une accumulation d'adjectifs.

Dans tous les cas, la cadence ternaire permet d'équilibrer le style.

C

Une écriture fluide

Flaubert veut donner une impression d'unité à son œuvre. Pour que cet effet de continuité prenne, l'écrivain travaille son style pour qu'il soit le plus fluide possible. En général, il rejette tout effet de rupture, préférant lier entre eux les différents événements de l'histoire, les différentes scènes. Le roman semble réellement suivre une courbe. Pour homogénéiser le texte, Flaubert utilise différents procédés littéraires.

  • Le discours indirect libre : Flaubert choisit de rapporter les paroles des personnages de façon presque systématique. Les propos sont rapportés après un verbe déclaratif (dire, parler), mais sans terme d'introduction (conjonction de subordination). Cette technique permet de rendre le style plus élégant, plus souple. Le discours indirect libre s'intègre sans rupture dans la narration. Flaubert l'utilise beaucoup pour rapporter les monologues intérieurs des personnages, ce qui est original.
  • La parataxe : c'est-à-dire la juxtaposition de membres d'une phrase sans mots de liaison.
  • L'enchaînement des points de vue : Flaubert rapporte les pensées de plusieurs personnages. Si ce sont celles d'Emma auxquelles le lecteur a le plus souvent accès, Flaubert le plonge aussi dans la tête d'autres protagonistes. Il procède par glissements subtils, les changements ne sont jamais brusques.
  • L'imparfait : c'est le temps qui domine le récit. Le choix de ce temps est justifié par plusieurs raisons. D'une part, Flaubert relate une biographie, il ne s'intéresse pas aux péripéties. D'autre part, l'imparfait est le temps de la durée, de la longueur, de l'habitude, il permet donc de mieux transmettre au lecteur l'impression d'ennui d'Emma.
  • Les parallélismes : Flaubert utilise souvent cette structure.

Elle y sera, je la verrai.

Gustave Flaubert

Madame Bovary

1856

Dans cette phrase extraite du chapitre sept de la deuxième partie, on relève un parallélisme syntaxique.

Voir aussi
  • Quiz : Le roman, un poème narratif

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