Après avoir lu le texte suivant, répondre aux questions qui permettront de l'étudier.
Gargantua
François Rabelais
1534
« Ce disant, mit bas son grand habit et se saisit du bâton de la croix, qui était de cœur de cormier, long comme une lance, rond à plein poing et quelque peu semé de fleurs de lys, toutes presque effacées. Ainsi, sortit en beau sayon, mit son froc en écharpe et de son bâton de la croix et donna si brusquement sur les ennemis […] sans dire gare qu'il les renversait comme des porcs, frappant à tort et à travers, à vieille escrime.
Aux uns écrabouillait la cervelle, aux autres rompait bras et jambes, aux autres délochait les spondyles du cou, aux autres démoulait les reins, avalait le nez, pochait les yeux, fendait les mandibules, enfonçait les dents en la gueule, décroulait les omoplates, sphacelait les grèves, dégondait les ischies, débézillait les faucilles. […]
À d'autres donnant sur la faute des côtes, leur subvertissait l'estomac, et mouraient soudainement. Aux autres, tant fièrement il frappait le nombril qu'il leur faisait sortir les tripes. Aux autres parmi les couillons perçait le boyau cullier. Croyez que c'était le plus horrible spectacle qu'on vit oncques. […]
Ainsi, par sa prouesse, furent déconfits tous ceux de l'armée qui étaient entrés dedans le clos, jusqu'au nombre de treize mille six cent vingt et deux, sans les femmes et les petits enfants, cela s'entend toujours. »
Quel est le genre littéraire de ce texte ?
Le genre littéraire de ce texte est romanesque. C'est un extrait du roman de François Rabelais intitulé Gargantua.
Quel est le type de ce texte ?
Le type de ce texte est descriptif comme le suggèrent les nombreux verbes à l'imparfait de l'indicatif (« écrabouillait », « rompait », « délochait », « démoulait », etc.), les divers détails donnés par les adjectifs qualificatifs et les expansions du nom (« grand », « de la croix », « long », « qui était de cœur de cormier », etc.).
Quel est le sujet de cet extrait ?
Le sujet de cet extrait est la description d'un combat mené par le Frère Jean des Entommeures qui décide de défendre son abbaye que l'ambitieux roi Picrochole veut piller. On relève en effet le champ lexical du combat « renversait », « frappant », « à vieille escrime », « écrabouillait la cervelle », « rompait bras et jambes », « fendait », « enfonçait », etc.
Quel objet sacré Frère Jean utilise-t-il pour se battre contre les hommes de Picrochole ?
L'objet sacré que Frère Jean utilise pour se battre contre les hommes de Picrochole est le bâton de la croix comme le souligne la première phrase : « mit bas son grand habit et se saisit du bâton de la croix ». Le personnage fait de son attribut religieux, son arme. Cela est donc très surprenant pour un moine. Par le combat qu'il entreprend, ce dernier n'incarne pas l'image traditionnelle du religieux.
Par quels procédés stylistiques Rabelais rend-il le combat comique ?
Les procédés stylistiques qui rendent le combat comique sont l'accumulation des propositions (dans le deuxième paragraphe, toutes les propositions sont juxtaposées au point de s'accumuler et de ne faire qu'une seule et même phrase), le champ lexical du combat (« renversait », « frappant », « à vieille escrime », « écrabouillait la cervelle », « rompait bras et jambes », « fendait », « enfonçait », « décroulait », « sphacelait », « dégondait », « débezillait », « subvertissait », « mourait », « faisait sortir », « perçait »), le système alternatif (« aux uns », « aux autres »), les hyperboles (« mouraient soudainement », « tant fièrement il frappait le nombril qu'il leur faisait sortir les tripes », « jusqu'au nombre de treize mille six cent vingt et deux, sans les femmes et les petits enfants, », « si brusquement sur les ennemis »), les gradations pour montrer la gravité des coups portés qui aboutissent à la mort des soldats.
De quelle manière se définit une parodie ?
La parodie est l'imitation d'un texte sérieux destiné à le tourner en ridicule en utilisant l'exagération et la déformation. Ici, Rabelais imite le combat des chevaliers présents dans les textes épiques, notamment les chansons de geste, pour le tourner en ridicule.
Quelle est la figure de style utilisée dans l'expression « et se saisit du bâton de la croix, qui était de cœur de cormier, long comme une lance » ?
La figure de style utilisée dans « et se saisit du bâton de la croix, qui était de cœur de cormier, long comme une lance » est la comparaison, mise en évidence par l'outil de comparaison « comme ». La longueur du bâton de Frère Jean est comparée à une lance, celle traditionnellement utilisée par les chevaliers lors de leur joute ou combat, afin de montrer à la fois que ce bâton est hors du commun et qu'il est détourné de son attribut religieux habituel.
Quelle est la nature grammaticale du groupe de mots « de la croix » dans l'expression « bâton de la croix » ?
La nature grammaticale du groupe de mots « de la croix » dans l'expression « bâton de la croix » est groupe nominal car le mot noyau est un nom, « croix ». Ce groupe nominal met en évidence la nature du bâton porté par Frère Jean, similaire à celui porté par les moines.
Quelle est la fonction grammaticale du groupe de mots « de la croix » dans l'expression « bâton de la croix » ?
La fonction grammaticale du groupe de mots « de la croix » dans l'expression « bâton de la croix » est complément du nom « bâton ». Il apporte une précision sur la matière et la fonction de ce bâton. Détourné de son usage habituel, le lecteur se rend compte de la pointe ironique glissée par Rabelais.
Quelle est la valeur des verbes à l'imparfait utilisés dans le deuxième paragraphe : « écrabouillait », « rompait », « délochait », « démoulait », « avalait », « pochait », « fendait », « enfonçait », « décroulait », « sphacelait », « dégondait », « débezillait » ?
La valeur des verbes à l'imparfait utilisés dans le deuxième paragraphe « écrabouillait », « rompait », « délochait », « démoulait », « avalait », « pochait », « fendait », « enfonçait », « décroulait », « sphacelait », « dégondait », « débezillait » est la description : Rabelais décrit chaque geste de Frère Jean, chaque coup porté pour montrer son côté héroïque et pour souligner, non sans parodie, son côté chevaleresque inhabituel pour un moine. Ce dernier est destiné à la prière, non au combat.