Après avoir lu le texte suivant, répondre aux questions qui permettront de l'étudier.
Illusions perdues
Honoré de Balzac
1837-1843
« Chemin faisant, il admira les boutiques des tailleurs, et songeant aux toilettes qu'il avait vues le matin : "Non, s'écria-t-il, je ne paraîtrai pas fagoté comme je le suis devant Mme d'Espard." Il courut avec une vélocité de cerf jusqu'à l'hôtel du Gaillard-Bois, monta dans sa chambre, y prit cent écus, et redescendit au Palais-Royal pour s'y habiller de pied en cap. Il avait vu des bottiers, des lingers, des giletiers, des coiffeurs au Palais-Royal où sa future élégance était éparse dans dix boutiques. Le premier tailleur chez lequel il entra lui fit essayer autant d'habits qu'il voulut en mettre, et lui persuada qu'ils étaient tous de la dernière mode. Lucien sortit possédant un habit vert, un pantalon blanc et un gilet de fantaisie pour la somme de deux cents francs. Il eut bientôt trouvé une paire de bottes fort élégante et à son pied. Enfin après avoir fait emplette de tout ce qui lui était nécessaire, il demanda le coiffeur chez lui où chaque fournisseur apporta sa marchandise. À sept heures du soir, il monta dans un fiacre et se fit conduire à l'Opéra, frisé comme un saint Jean de procession, bien gileté, bien cravaté, mais un peu gêné dans cette espèce d'étui où il se trouvait pour la première fois. Suivant la recommandation de Mme de Bargeton, il demanda la loge des Premiers Gentilshommes de la Chambre. À l'aspect d'un homme dont l'élégance empruntée le faisait ressembler à un premier garçon de noces, le contrôleur le pria de montrer son coupon.
"— Je n'en ai pas.
— Vous ne pouvez pas entrer, lui répondit-on sèchement.
— Mais je suis de la société de Mme d'Espard, dit-il.
— Nous ne sommes pas tenus de savoir cela », dit l'employé qui ne put s'empêcher d'échanger un imperceptible sourire avec ses collègues du contrôle.
En ce moment une voiture s'arrêta sous le péristyle. Un chasseur, que Lucien ne reconnut pas, déplia le marchepied d'un coupé d'où sortirent deux femmes parées. Lucien, qui ne voulut pas recevoir du contrôleur quelque impertinent avis pour se ranger, fit place aux deux femmes.
— Mais cette dame est la marquise d'Espard que vous prétendez connaître, monsieur", dit ironiquement le contrôleur à Lucien.
Lucien fut d'autant plus abasourdi que Mme de Bargeton n'avait pas l'air de le reconnaître dans son nouveau plumage ; mais quand il l'aborda, elle lui sourit et lui dit : "Cela se trouve à merveille, venez !"
Les gens du contrôle étaient redevenus sérieux. Lucien suivit Mme de Bargeton, qui, tout en montant le vaste escalier de l'Opéra, présenta de Rubempré à sa cousine. La loge des Premiers gentilshommes est celle qui se trouve dans l'un des deux pans coupés au fond de la salle : on y est vu comme on y voit de tous côtés. Lucien se mit derrière sa cousine, sur une chaise, heureux d'être dans l'ombre. »
Quel est le genre littéraire de ce texte ?
Le genre littéraire de ce texte est romanesque. C'est un extrait du roman de Balzac intitulé Illusions perdues.
Quels sont les types de ce texte ?
Ce texte est descriptif et narratif. Balzac consacre le début de son texte à la description de Lucien de Rubempré en quête de nouveaux vêtements. La suite du texte est narrative car Lucien de Rubempré arrive à l'Opéra. L'auteur met en évidence son arrivée, les échanges de parole avec le contrôleur et son installation dans la salle.
Quel est le point de vue utilisé dans les phrases « Chemin faisant, il admira les boutiques des tailleurs, et songeant aux toilettes qu'il avait vues le matin » et « Il avait vu des bottiers, des lingers, des giletiers, des coiffeurs au Palais-Royal où sa future élégance était éparse dans dix boutiques. » ?
Le point de vue utilisé dans ces phrases est le point de vue interne, comme le suggèrent les deux verbes de vue « admira » et « avait vues ». Le lecteur perçoit les choses, les vêtements, par l'intermédiaire du regard de Lucien.
Quels sont les personnages principaux de ce texte ?
Les personnages principaux de ce texte sont Lucien de Rubempré, Mme de Bargeton, le contrôleur. Lucien de Rubempré, de son vrai nom Lucien Chardon, a quitté sa province natale, Angoulême, pour venir à Paris et connaître la gloire. Il est amoureux de Mme de Bargeton qui est la cousine de la marquise d'Espard. Tous les noms sont dotés d'une particule pour souligner le statut social des personnages.
Pour quelle raison Lucien accorde-t-il autant d'importance à son apparence physique ?
Lucien accorde autant d'importance à son apparence physique pour réussir ses premiers pas dans la haute société parisienne. Il sait que l'apparence physique compte énormément et que l'on juge un homme sur sa tenue vestimentaire. Il lui faut donc de nouvelles tenues ; c'est pour cela que Lucien se dépêche de revoir sa garde-robe et n'hésite pas à dépenser son argent (« Il courut avec une vélocité de cerf jusqu'à l'hôtel du Gaillard-Bois, monta dans sa chambre, y prit cent écus, et redescendit au Palais-Royal pour s'y habiller de pied en cap. »)
Comment peut-on qualifier les termes utilisés pour décrire Lucien lors de son arrivée à l'Opéra ?
Les termes utilisés pour décrire Lucien lors de son arrivée à l'Opéra sont mélioratifs, comme le suggèrent le nom « élégance » et la comparaison « à un premier garçon de noces ». Néanmoins, Balzac laisse passer une pointe d'ironie dans la comparaison en suggérant que Lucien en est à ses premières tentatives vestimentaires et qu'il devra encore les améliorer pour mieux paraître dans la société.
Que signifie la dernière phrase de l'extrait : « Lucien se mit derrière sa cousine, sur une chaise, heureux d'être dans l'ombre. » ?
La dernière phrase de l'extrait, « Lucien se mit derrière sa cousine, sur une chaise, heureux d'être dans l'ombre », signifie que soulagé d'être arrivé à l'Opéra, Lucien doit se contenter d'une chaise et se réjouit pour la première fois de n'être pas trop vu.
Quelle est la figure de style utilisée dans la phrase « Il avait vu des bottiers, des lingers, des giletiers, des coiffeurs au Palais-Royal » ?
La figure de style utilisée dans cette phrase est une accumulation. Balzac énumère plusieurs groupes de même nature grammaticale, ici des groupes nominaux, pour montrer l'abondance des magasins vus par Lucien. Lucien est empressé de s'acheter les vêtements adéquats pour paraître dans la haute société et pour essayer de s'y faire une place.
Quelle est la figure de style utilisée dans la phrase « l'élégance empruntée le faisait ressembler à un premier garçon de noces » ?
La figure de style utilisée dans cette phrase « l'élégance empruntée le faisait ressembler à un premier garçon de noces » est la comparaison mise en évidence par le verbe « ressembler ». Lucien de Rubempré est comparé « à un premier garçon de noces » : sa beauté, sa jeunesse sont ainsi mises en évidence.
Quelle est la circonstance exprimée par le complément circonstanciel « avec une vélocité de cerf » ?
La circonstance exprimée par le complément circonstanciel « avec une vélocité de cerf » est le but. Ce complément sert à montrer tout l'empressement de Lucien à effectuer ses achats vestimentaires.
Quelle est la valeur des verbes au passé simple de l'indicatif « courut », « monta », « prit », « redescendit » dans la phrase « Il courut avec une vélocité de cerf jusqu'à l'hôtel du Gaillard-Bois, monta dans sa chambre, y prit cent écus, et redescendit au Palais-Royal pour s'y habiller de pied en cap » ?
Les verbes au passé simple de l'indicatif « courut », « monta », « prit », « redescendit » dans la phrase « Il courut avec une vélocité de cerf jusqu'à l'hôtel du Gaillard-Bois, monta dans sa chambre, y prit cent écus, et redescendit au Palais-Royal pour s'y habiller de pied en cap. » ont valeur d'actions successives. Elles sont effectuées les unes après les autres. Elles suggèrent tout l'empressement que Lucien met pour acheter ses vêtements.