Après avoir lu le texte suivant, répondre aux questions qui permettront de l'étudier.
Jeannot et Colin
Voltaire
1764
« Plusieurs personnes dignes de foi ont vu Jeannot et Colin à l'école dans la ville d'Issoire, en Auvergne, ville fameuse dans tout l'univers par son collège et par ses chaudrons. Jeannot était fils d'un marchand de mulets très renommé, et Colin devait le jour à un brave laboureur des environs, qui cultivait la terre avec quatre mulets, et qui, après avoir payé la taille, le taillon, les aides et gabelles, le sou pour livre, la capitation et les vingtièmes, ne se trouvait pas puissamment riche au bout de l'année.
Jeannot et Colin étaient fort jolis pour des Auvergnats ; ils s'aimaient beaucoup, et ils avaient ensemble de petites privautés, de petites familiarités, dont on se ressouvient toujours avec agrément quand on se rencontre ensuite dans le monde.
Le temps de leurs études était sur le point de finir, quand un tailleur apporta à Jeannot un habit de velours à trois couleurs, avec une veste de Lyon de fort bon goût ; le tout était accompagné d'une lettre à monsieur de La Jeannotière. Colin admira l'habit, et ne fut point jaloux ; mais Jeannot prit un air de supériorité qui affligea Colin. Dès ce moment Jeannot n'étudia plus, se regarda au miroir, et méprisa tout le monde. Quelque temps après un valet de chambre arrive en poste, et apporte une seconde lettre à monsieur le marquis de La Jeannotière : c'était un ordre de monsieur son père de faire venir monsieur son fils à Paris. Jeannot monta en chaise en tendant la main à Colin avec un sourire de protection assez noble. Colin sentit son néant, et pleura. Jeannot partit dans toute la pompe de sa gloire.
Les lecteurs qui aiment à s'instruire doivent savoir que monsieur Jeannot le père avait acquis assez rapidement des biens immenses dans les affaires. Vous demandez comment on fait ces grandes fortunes ? C'est parce qu'on est heureux. Monsieur Jeannot était bien fait, sa femme aussi, et elle avait encore de la fraîcheur. Ils allèrent à Paris pour un procès qui les ruinait, lorsque la fortune, qui élève et qui abaisse les hommes à son gré, les présenta à la femme d'un entrepreneur des hôpitaux des armées, homme d'un grand talent, et qui pouvait se vanter d'avoir tué plus de soldats en un an que le canon n'en fait périr en dix. Jeannot plus à madame ; la femme de Jeannot plut à monsieur. Jeannot fut bientôt de part dans l'entreprise ; il entra dans d'autres affaires. […] C'est ce qui arriva à Jeannot le père, qui fut bientôt monsieur de La Jeannotière, et qui ayant acheté un marquisat au bout de six mois, retira de l'école monsieur le marquis son fils, pour le mettre à Paris dans le beau monde.
Colin, toujours tendre, écrivit une lettre de compliments à son ancien camarade ; et lui fit ces lignes pour le congratuler. Le petit marquis ne lui fit point de réponse : Colin en fut malade de douleur. »
Quel est le genre littéraire de ce texte ?
Le genre littéraire de ce texte est romanesque. C'est un extrait du roman de Voltaire intitulé Jeannot et Colin.
Quel est le type de ce texte ?
Le type de ce texte est narratif. Il raconte l'histoire de Jeannot et de Colin, leur amitié et plus particulièrement l'ascension sociale de Jeannot : « Colin, toujours tendre, écrivit une lettre de compliments à son ancien camarade ; et lui fit ces lignes pour le congratuler. Le petit marquis ne lui fit point de réponse : Colin en fut malade de douleur. »
Quel est le point de vue utilisé dans cet extrait ?
Le point de vue utilisé dans cet extrait est le point de vue omniscient car le narrateur sait tout sur les personnages, leurs origines, leur histoire d'amitié, l'évolution de Jeannot devenu noble, les pensées de chacun également : « Colin admira l'habit, et ne fut point jaloux ; mais Jeannot prit un air de supériorité qui affligea Colin. »
Quels sont les personnages principaux de ce texte ?
Les personnages principaux de ce texte sont Jeannot et Colin, deux amis originaires d'Auvergne. Jeannot est nommé dans le texte le marquis de La Jeannotière au moment où son père qui s'est enrichi (« monsieur Jeannot le père avait acquis assez rapidement des biens immenses dans les affaires. ») lui envoie une lettre et « un habit de velours à trois couleurs, avec une veste de Lyon de fort bon goût ». Jeannot sera ensuite appelé par son père à Paris pour poursuivre son ascension sociale.
Qu'est-ce qui sépare les deux amis ?
Les deux amis sont séparés par l'ascension sociale et l'argent. Dès que Jeannot devient riche grâce à son père et qu'il part à Paris pour poursuivre son ascension sociale, il devient ingrat, méprisant, renie son amitié pour Colin qui, lui, demeure fidèle et aimant dans son amitié comme le suggère la fin du texte : « Colin, toujours tendre, écrivit une lettre de compliments à son ancien camarade ; et lui fit ces lignes pour le congratuler. Le petit marquis ne lui fit point de réponse : Colin en fut malade de douleur. »
Quelle est la portée de l'expression « dans toute la pompe de sa gloire » ?
La portée de l'expression « dans toute la pompe de sa gloire » est ironique car Voltaire exagère la situation de Jeannot en utilisant le nom « gloire » dans la mesure où il n'est tout de même que le fils d'un marquis, le marquis n'étant pas le plus haut niveau dans la société nobiliaire, et que son père n'est qu'un simple marchand quoique riche. Voltaire suggère implicitement que cette gloire venue trop rapidement est peut-être fragile et en cela, éphémère.
Quelle est la valeur du verbe à l'imparfait de l'indicatif « étaient » dans la phrase « Jeannot et Colin étaient fort jolis pour des Auvergnats » ?
La valeur du verbe à l'imparfait de l'indicatif « étaient » dans la phrase « Jeannot et Colin étaient fort jolis pour des Auvergnats » a une valeur descriptive. Voltaire souligne la beauté physique de ces deux jeunes gens et, plus implicitement, la beauté de leur amitié.
Quelle est la valeur du verbe au passé simple de l'indicatif « apporta » dans la phrase « quand un tailleur apporta à Jeannot un habit de velours à trois couleurs, avec une veste de Lyon de fort bon goût ; » ?
Le verbe au passé simple de l'indicatif « apporta » dans la phrase « quand un tailleur apporta à Jeannot un habit de velours à trois couleurs, avec une veste de Lyon de fort bon goût ; » a valeur de premier plan. Le passé simple marque la rupture avec la situation initiale (la tranquillité de l'amitié de Jeannot et de Colin) en amenant l'élément perturbateur à leur histoire : la fortune du père de Jeannot.
Quelle est la valeur des verbes au passé simple de l'indicatif « sentit » et « pleura » dans la phrase « Colin sentit son néant, et pleura » ?
Les verbes au passé simple de l'indicatif « sentit » et « pleura » dans la phrase « Colin sentit son néant, et pleura. » ont valeur d'actions successives car Colin réagit immédiatement avec tristesse au départ de son ami ; les actions s'enchaînent les unes après les autres.
Quelle est la valeur du verbe au passé simple de l'indicatif « partit » dans la phrase « Jeannot partit dans toute la pompe de sa gloire » ?
Le verbe au passé simple de l'indicatif « partit » dans la phrase « Jeannot partit dans toute la pompe de sa gloire » a une valeur d'action achevée. C'est une action terminée, délimitée dans le temps qui a eu lieu à un moment précis. La valeur du passé simple s'accorde ici parfaitement au sens du verbe et à l'attitude de Jeannot : parti, il oublie tout son passé voire renie son amitié de jeunesse pour ne penser qu'à sa fortune à venir.