Après avoir lu le texte suivant, répondre aux questions qui permettront de l'étudier.
Essais
Michel de Montaigne
1580
« Le même pas d'un cheval me semble tantôt difficile, tantôt aisé, et le même chemin une fois plus court, une autre fois plus long ; un même comportement me sera, selon l'heure, plus ou moins agréable. Maintenant je peux tout faire, et, à un autre moment, je ne suis plus capable de faire quoi que ce soit ; ce qui m'est aujourd'hui un plaisir me sera une autre fois un ennui. Je suis le siège de mille mouvements inconsidérés et contingents.
Ou bien je suis sujet à la mélancolie, ou bien d'humeur irascible ; et, avec son autorité particulière, le chagrin en cet instant domine en moi ; ce sera, tout à l'heure, la joie. Si je prends des livres, j'aurai peut-être vu, en tel endroit, des beautés parfaites qui auront frappé mon imagination ; qu'une autre fois je tombe à nouveau sur ces pages, j'aurai beau tourner et virer, j'aurai beau plier et manier mon livre, ce sera à mes yeux un ensemble inconnu et sans beauté.
Même lorsqu'il s'agit de mes propres écrits, je ne retrouve pas toujours le sens de ma première pensée ; je ne sais plus ce que j'ai voulu dire, et je me nuis souvent à vouloir corriger et à ajouter une nouvelle signification, pour avoir perdu la première, qui avait plus d'intérêt. […]
Chacun en dirait à peu près autant de lui-même, s'il s'observait comme je le fais. »
Quel est le genre littéraire de ce texte ?
Le genre littéraire de ce texte est argumentatif.
Montaigne écrit ses Essais. L'essai est une œuvre dans laquelle l'auteur développe une réflexion personnelle en prenant pour sujet les grandes questions de la vie comme la mort, l'amour, la vie et son sens. Le ton est personnel et libre.
L'auteur défend son point de vue en donnant à lire son raisonnement appuyé par des arguments et illustré par des exemples.
En quoi ce texte est-il autobiographique ?
Ce texte est autobiographique car l'auteur raconte une expérience personnelle.
Il parle de lui dans la façon qu'il a de se voir et de comprendre son propre fonctionnement. Pour cela, il s'observe avec assiduité, précision et objectivité : « Chacun en dirait à peu près autant de lui-même, s'il s'observait comme je le fais. »
Dans ce texte autobiographique, quel est le pronom personnel utilisé ?
Dans ce texte autobiographique, le pronom personnel utilisé est le « je », la première personne du singulier.
Ce « je » renvoie à la fois à l'auteur, Montaigne, au narrateur, au personnage. C'est à cette condition que l'on parle de texte autobiographique. La première personne du singulier est mise en évidence dès l'ouverture du texte avec le pronom personnel objet « me » : « Le même pas d'un cheval me semble tantôt difficile ».
Quel est le sujet de cet extrait ?
Le sujet de cet extrait est la recherche et la compréhension de soi.
Montaigne tente de comprendre et de cerner sa propre personnalité, de voir comment il fonctionne intimement. Il souhaite comprendre pourquoi ses émotions ou ses avis changent : « un même comportement me sera, selon l'heure, plus ou moins agréable. Maintenant je peux tout faire, et, à un autre moment, je ne suis plus capable de faire quoi que ce soit ; ce qui m'est aujourd'hui un plaisir me sera une autre fois un ennui. »
À quelle difficulté d'écriture Montaigne est-il confronté en rédigeant ses Essais ?
En rédigeant ses Essais, Montaigne est confronté à une difficulté d'écriture, celle de trouver la bonne phrase qui traduira sa pensée et ses émotions toujours en mouvement.
En effet, l'auteur doit trouver le mot et la tournure de phrase adéquats qui reflètent parfaitement et justement ce qu'il ressent, ce qu'il pense à tel ou tel moment. Le plus difficile est qu'il doit parvenir à dépasser ou à combattre le flux naturel de ses pensées et émotions qui évoluent sans cesse et qu'il doit parvenir à se souvenir avec exactitude ce qu'il voulait dire : « Même lorsqu'il s'agit de mes propres écrits, je ne retrouve pas toujours le sens de ma première pensée ; je ne sais plus ce que j'ai voulu dire, et je me nuis souvent à vouloir corriger et à ajouter une nouvelle signification, pour avoir perdu la première, qui avait plus d'intérêt. »
Quelle est la figure de style utilisée dans la phrase « Je suis le siège de mille mouvements inconsidérés et contingents. » ?
La figure de style utilisée dans la phrase suivante, « Je suis le siège de mille mouvements inconsidérés et contingents. », est une métaphore.
Sans outil de comparaison, Montaigne se compare (« je ») à l'instabilité du monde. Les « mille mouvements inconsidérés et contingents. » sont en fait ses pensées qui ne cessent d'évoluer et de changer. Le mot « siège » est ici à comprendre comme le lieu où se trouve la cause d'un phénomène.
Quelle est la circonstance exprimée par la proposition subordonnée circonstancielle dans la phrase suivante : « Si je prends des livres, j'aurai peut-être vu, en tel endroit, des beautés parfaites qui auront frappé mon imagination. » ?
La circonstance exprimée par cette proposition subordonnée circonstancielle, « Si je prends des livres », dans la phrase « Si je prends des livres, j'aurai peut-être vu, en tel endroit, des beautés parfaites qui auront frappé mon imagination », est l'hypothèse.
Montaigne n'est pas sûr de pouvoir rester concentré sur le livre choisi dans la mesure où il peut voir autre chose à l'extérieur, par exemple, qui l'intéresse tout autant. Montaigne montre ainsi l'instabilité de sa pensée qui est toujours en activité.
Quelle est la circonstance exprimée par la proposition subordonnée circonstancielle dans la phrase suivante : « Même lorsqu'il s'agit de mes propres écrits, je ne retrouve pas toujours le sens de ma première pensée. » ?
La circonstance exprimée par cette proposition subordonnée circonstancielle, « Même lorsqu'il s'agit de mes propres écrits », dans la phrase « Même lorsqu'il s'agit de mes propres écrits, je ne retrouve pas toujours le sens de ma première pensée », est le temps avec une idée de simultanéité.
Au même moment où Montaigne écrit, il perd sa première idée et son sens. L'expression du temps favorise l'idée que ses pensées sont changeantes et instables.
Quelle est la valeur du futur de l'indicatif, « sera », dans la phrase « Ce qui m'est aujourd'hui un plaisir me sera une autre fois un ennui. » ?
La valeur du futur de l'indicatif, « sera », dans cette phrase, « ce qui m'est aujourd'hui un plaisir me sera une autre fois un ennui. », est de situer un fait dans l'avenir comme le suggère le groupe nominal « une autre fois ».
Montaigne projette l'évolution de son plaisir actuel dans un changement possible.
À quel temps et à quel mode est conjugué ce verbe « dirait » dans la phrase « Chacun en dirait à peu près autant de lui-même, s'il s'observait comme je le fais. » ?
Le verbe « dirait » dans la phrase suivante, « Chacun en dirait à peu près autant de lui-même, s'il s'observait comme je le fais. », est conjugué au conditionnel présent.
Il est formé sur le radical du futur du verbe « dire » (dir-) auquel s'ajoute la terminaison de l'imparfait de l'indicatif (-ait).
Quelle est la valeur du verbe au conditionnel présent, « dirait », dans la phrase « Chacun en dirait à peu près autant de lui-même, s'il s'observait comme je le fais. » ?
La valeur du verbe au conditionnel présent, « dirait », dans la phrase suivante, « Chacun en dirait à peu près autant de lui-même, s'il s'observait comme je le fais. », est le potentiel car l'hypothèse exprimée porte sur l'avenir et l'action est encore réalisable.
Le conditionnel présent renvoie aux difficultés de Montaigne qui cherche à se connaître et à se dire tel qu'il est dans chaque instant sans édulcorer la réalité.