Après avoir lu le texte suivant, répondre aux questions qui permettront de l'étudier.
Mémoires d'une jeune fille rangée
Simone de Beauvoir
© Gallimard, 1958
« Le jour où j'entrai en quatrième-première – j'allais sur mes dix ans – le tabouret voisin du mien était occupé par une nouvelle : une petite noiraude, aux cheveux coupés court. En attendant Mademoiselle, et à la sortie de la classe, nous causâmes. Elle s'appelait Élizabeth Mabille, elle avait mon âge. […] Il ne m'était jamais rien arrivé de si important : elle me parut tout de suite un personnage. La manière dont elle parlait aux professeurs m'étonna ; son naturel contrastait avec la voix stéréotypée des autres élèves. Dans la semaine qui suivit, elle acheva de me séduire : elle singeait à merveille Mlle Bodet ; tout ce qu'elle disait était intéressant ou drôle.
Malgré les lacunes dues à son oisiveté forcée, Élizabeth se rangea parmi les premières de la classe ; aux compositions, je la battais de justesse. Notre émulation plut à nos institutrices : elles encouragèrent notre amitié. […]
Zaza aimait comme moi les livres et l'étude ; en outre, elle était dotée d'une quantité de talents qui me faisaient défaut. Quelquefois, quand je sonnais rue de Varenne, je la trouvais occupée à confectionner des sablés, des caramels ; elle piquait sur une aiguille à tricoter des quartiers d'orange, des dattes, des pruneaux et les plongeait dans une casserole où cuisait un sirop à l'odeur de vinaigre chaud : ses fruits déguisés avaient aussi bonne mine que ceux des confiseurs. Elle polycopiait elle-même, à une dizaine d'exemplaires, une Chronique familiale, qu'elle rédigeait chaque semaine à l'intention des grands-mères, oncles, tantes, absents de Paris ; j'admirais, autant que la vivacité de ses récits, son adresse à fabriquer un objet qui ressemblait à un vrai journal. »
Quel est le point de vue du narrateur dans ce texte ?
Le récit se fait à la première personne : « Le jour où j'entrai en quatrième-première – j'allais sur mes dix ans ». La narration est donc interne.
Quel lien unit les deux petites filles ?
L'amitié est une relation privilégiée et unique. Celle des deux petites filles repose sur des goûts communs (« Zaza aimait comme moi les livres et l'étude »), mais aussi sur des différences (« elle était dotée d'une quantité de talents qui me faisaient défaut »). Elles sont aussi complices et Simone admire son amie (« tout ce qu'elle disait était intéressant ou drôle »).
À quel genre littéraire cet extrait appartient-il ?
Dans l'autobiographie, l'auteur fait le récit de sa propre vie en veillant à dire la vérité et à être juste dans ses propos. Il écrit à la première personne. L'auteur, le narrateur et le personnage constituent une seule et même personne. Comme l'auteur raconte son passé et ses souvenirs, deux regards se mêlent : celui du narrateur adulte et celui du narrateur enfant. Se souvenir permet aussi à l'auteur de faire revivre ses relations avec l'autre. Ici, Simone de Beauvoir raconte sa relation avec son amie d'enfance, Elizabeth.
Où Simone et Élizabeth se sont-elles rencontrées ?
L'école est souvent le lieu où se nouent les premières amitiés. C'est le cas de Simone de Beauvoir et d'Élizabeth Mabille qui se rencontrent à l'école : « Le jour où j'entrai en quatrième-première [...] le tabouret voisin du mien était occupé par une nouvelle [...]. Elle s'appelait Élizabeth Mabille, elle avait mon âge ».
Quels points communs ont les deux petites filles ?
Les deux jeunes filles partagent plusieurs points communs : l'amour des livres et des études mais aussi un très bon niveau scolaire. Une très grande complicité amicale les lie au point qu'elles semblent inséparables.
Qu'est-ce que Simone admire chez Élizabeth ?
Simone admire les qualités littéraires de son amie mais aussi sa faculté à créer elle-même (écriture et impression) une chronique familiale qui avait toutes les caractéristiques d'un véritable journal : « j'admirais, autant que la vivacité de ses récits, son adresse à fabriquer un objet qui ressemblait à un vrai journal ».
Pourquoi les institutrices encouragent-elles Simone et Élizabeth à rester amies ?
Les deux petites entretiennent une saine concurrence et c'est ce qui plaît aux maîtresses : « Notre émulation plut à nos institutrices : elles encouragèrent notre amitié ». Simone et Élizabeth s'amusent à essayer de battre les notes de l'autre. De ce fait, elles travaillent beaucoup et augmentent leurs résultats.
Qu'est-ce qui a fait que Simone s'est véritablement liée d'amitié avec Élizabeth ?
Simone admire énormément Élizabeth et semble totalement conquise par la petite fille : « Dans la semaine qui suivit, elle acheva de me séduire : elle singeait à merveille Mlle Bodet ; tout ce qu'elle disait était intéressant ou drôle. »
Dans l'extrait suivant, comment les propositions sont-elles reliées entre elles ?
« Quelquefois, quand je sonnais rue de Varenne, je la trouvais occupée à confectionner des sablés, des caramels ; elle piquait sur une aiguille à tricoter des quartiers d'orange, des dattes, des pruneaux et les plongeait dans une casserole où cuisait un sirop à l'odeur de vinaigre chaud : ses fruits déguisés avaient aussi bonne mine que ceux des confiseurs. Elle polycopiait elle-même, à une dizaine d'exemplaires, une Chronique familiale, qu'elle rédigeait chaque semaine à l'intention des grands-mères, oncles, tantes, absents de Paris ; j'admirais, autant que la vivacité de ses récits, son adresse à fabriquer un objet qui ressemblait à un vrai journal. »
Dans ce passage, les propositions sont juxtaposées. Cela donne une impression d'abondance et fonctionne comme une énumération. Cela montre tout ce que Zaza sait faire avec talent. La juxtaposition des propositions souligne l'admiration que la narratrice porte à son ami.
Quel regard Simone porte-t-elle sur Élizabeth ?
Zaza exerce une véritable fascination sur Simone : « Il ne m'était jamais rien arrivé de si important : elle me parut tout de suite un personnage. », « Dans la semaine qui suivit, elle acheva de me séduire ». La narratrice admire son amie car elle voit en elle tout ce qu'elle n'est pas : « elle était dotée d'une quantité de talents qui me faisaient défaut ». Elle semble se sentir inférieure à son amie.