Après avoir lu le texte suivant, répondre aux questions qui permettront de l'étudier.
« Le Lac », Méditations poétiques
Alphonse de Lamartine
1820
« Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour ?
Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu'elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m'asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s'asseoir !
Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes ;
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés ;
Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.
Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ;
On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.
Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos,
Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère
Laissa tomber ces mots :
"Ô temps, suspends ton vol ! et vous, heures propices,
Suspendez votre cours !
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !
"Assez de malheureux ici-bas vous implorent ;
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.
"Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m'échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : "Sois plus lente" ; et l'aurore
Va dissiper la nuit.
"Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! »
Quel est le genre littéraire de ce texte ?
Le genre littéraire de ce texte est poétique. C'est un poème écrit par Alphonse de Lamartine.
Par quels types de vers sont constitués les quatrains (strophe de 4 vers) ?
Chaque quatrain (strophe de 4 vers) est constitué de trois alexandrins (vers de 12 syllabes) et d'un hexasyllabe (vers 6 syllabes) de la manière suivante :
- Ain/si/, tou/jours/ pou/ssés/ vers/ de/ nou/veaux/ ri/vages, = 12 syllabes (le -e muet de la dernière syllabe ne peut être compté)
- Je/ter/ l'an/cre un/ seul/ jour/ ? = 6 syllabes
À qui renvoie chaque pronom personnel, « je », « tu », « la », dans ces deux vers « Regarde ! je viens seul m'asseoir sur cette pierre / Où tu la vis s'asseoir ! » ?
Dans ces deux vers, le pronom personnel « je » renvoie au poète Lamartine, le pronom personnel « tu » au lac et le pronom personnel « la » à la femme.
Quel est le sujet de ce poème ?
Le sujet de ce poème est le souvenir d'un moment passé au bord du lac avec sa bien-aimée. Le poète, Lamartine, se recueille, près du lac où il allait avec sa bien-aimée, Elvire, nom donnée pour signifier Julie Charles. Il contemple maintenant seul le paysage car sa bien-aimée est morte. Il se souvient de cette nuit de bonheur (« Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ; ») non sans tristesse puisqu'il est désormais seul : « je viens seul m'asseoir sur cette pierre ».
Quelles caractéristiques permettent de dire que ce poème appartient au courant littéraire et artistique du romantisme ?
On peut dire que ce poème appartient au courant littéraire et artistique du romantisme du fait de l'utilisation du pronom personnel « je » (« je viens seul »), l'expression des sentiments intimes comme l'amour (« aimons donc, aimons donc »), la solitude (« seul »), la nostalgie des souvenirs (troisième strophe), la souffrance à l'égard du temps qui passe (« sur l'océan des âges / Jeter l'ancre un seul jour »), l'adresse directe au temps avec des ordres qui lui sont donnés (« Ô temps », « suspends », « suspendez », « laissez-nous ») et qui expriment le regret du poète à voir le temps défiler trop vite. Le poète se réfugie dans la nature, ici au bord du lac, qui se veut immuable et rassurante face au monde qui change et face aux êtres chers qui meurent.
Quelle est la figure de style utilisée dans les vers « sur l'océan des âges/ Jeter l'ancre un seul jour » ?
La figure de style utilisée dans ces vers est une métaphore. Elle met en évidence le passage trop rapide du temps, son écoulement incessant. En parlant de l'ancre, Lamartine souhaiterait arrêter le cours du temps afin de profiter encore un peu d'Elvire qui est morte malheureusement.
Qui prononce les paroles au discours direct dans les strophes 6, 7, 8 et 9 ?
Les paroles au discours direct dans les strophes 6, 7, 8 et 9 sont prononcées par Elvire, l'amante défunte du poète. À la strophe précédente, elle est désignée par la périphrase « La voix qui m'est chère ». En s'adressant directement à lui par un système d'apostrophe, Elvire supplie en effet le temps de lui laisser passer encore des moments de bonheur avec le poète, de repousser au loin sa mort malgré sa grave maladie comme le suggèrent les verbes à l'impératif : « Ô temps, suspends ton vol ! et vous, heures propices, / Suspendez votre cours ! / Laissez-nous savourer les rapides délices /Des plus beaux de nos jours ! »
Elvire est heureuse et vit de grands instants de bonheur avec le poète, elle souhaite en profiter le plus possible.
Quelles sont les reprises nominales puis pronominales utilisées pour désigner Elvire ?
Les reprises nominales puis pronominales utilisées pour désigner Elvire sont « la voix qui m'est chère » (vers 19) et « sur ses pieds adorés » (vers 12), qui sont des périphrases, « elle » (vers 6), « la » (vers 7), « je » (vers 29), « m' » (vers 30) qui sont des pronoms personnels. Les reprises nominales et pronominales sont utilisées pour éviter les répétitions et pour apporter des précisions sur l'élément dont il est question. L'abondance des reprises nominales et pronominales montrent ici toute l'importance d'Elvire pour le poète qui l'aime et qui pense énormément à elle malgré sa mort.
Quelle circonstance les compléments circonstanciels « Dans la nuit éternelle emportés sans retour » et « Un soir » indiquent-ils ?
La circonstance qu'indiquent ces compléments circonstanciels est le temps, pour montrer l'omniprésence du temps dans ce poème. Il est source d'angoisse et de regret pour le poète qui déplore, comme Elvire, son écoulement trop rapide.
Quelle est la valeur des verbes à l'impératif présent dans la dernière strophe « suspends », « suspendez », « Coulez », « Prenez », « Sois » ?
La valeur des verbes à l'impératif présent dans la dernière strophe est l'ordre. Elvire souhaiterait que le temps ralentisse son rythme afin qu'elle puisse encore profiter de la vie et de l'amour du poète.
Quelle est la figure de style utilisée dans le vers « Ô temps, suspends ton vol ! » ?
La figure de style utilisée dans ce vers est une métaphore : le poète compare implicitement, sans outil de comparaison, l'écoulement du temps au « vol » d'un oiseau pour dire toute sa rapidité.