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L'humanisme comme ouverture à l'autre et interrogation sur l'autre Dissertation type bac

Ce contenu a été rédigé par l'équipe éditoriale de Kartable.

Dernière modification : 24/10/2018 - Conforme au programme 2018-2019

Métropole, 2012, voie L

Vous répondrez à cette question en vous appuyant sur les textes du corpus et sur vos connaissances et lectures personnelles.

Dans le premier livre des Essais, Michel de Montaigne explique que, pour se former, il faut "frotter et limer notre cervelle contre celle d'autrui". En quoi peut-on dire que l'humanisme, à la Renaissance, se caractérise par une ouverture à l'Autre et une interrogation sur l'Autre ?

Document 1

Texte A : Jean de Léry, Histoire d'un voyage fait en la terre du Brésil, chapitre XIII (orthographe modernisée)

1578

Artisan d'origine modeste et de religion protestante, Jean de Léry participa à une expédition française au Brésil. À cette occasion, il partagea pendant quelques temps la vie des indiens Tupinambas. Vingt ans après son retour en France, il fit paraître un récit de son voyage.

Au reste, parce que nos Tupinambas sont fort ébahis de voir les Français et autres des pays lointains prendre tant de peine d'aller quérir1 leur Arabotan, c'est-à-dire bois de Brésil, il y eut une fois un vieillard d'entre eux qui sur cela me fit telle demande : "Que veux dire que vous autres Mairs et Peros, c'est-à-dire Français et Portugais, veniez de si loin pour quérir du bois pour vous chauffer, n'y en a-t-il point en votre pays ?"
À quoi lui ayant répondu que oui et en grande quantité, mais non pas de telles sortes que les leurs, ni même2 du bois de Brésil, lequel nous ne brûlions pas comme il pensait, ains3 (comme eux-mêmes en usaient pour rougir leurs cordons de coton, plumages et autres choses) que les nôtres l'emmenaient pour faire de la teinture, il me répliqua soudain :
"Voire4, mais vous en faut-il tant ?"
- Oui, lui dis-je, car (en lui faisant trouver bon5) y ayant tel marchand en notre pays qui a plus de frises6 et de draps rouges, voire même (m'accommodant7 toujours à lui parler de choses qui lui étaient connues) de couteaux, ciseaux, miroirs et autres marchandises que vous n'en avez jamais vu par deçà8, un tel seul achètera tout le bois de Brésil dont plusieurs navires s'en retournent chargés de ton pays.
- Ha, ha, dit mon sauvage, tu me contes merveilles."
Puis ayant bien retenu ce que je lui venais de dire, m'interrogeant plus outre, dit :
"Mais cet homme tant riche dont tu me parles, ne meurt-il point ?"
- Si fait, si fait, lui dis-je, aussi bien que les autres."
Sur quoi, comme ils sont aussi grands discoureurs, et poursuivent fort bien un propos jusqu'au bout, il me demanda derechef :
"- Et quand donc il est mort, à qui est tout le bien qu'il laisse ?"
"- À ses enfants, s'il en a, et à défaut d'iceux9 à ses frères, sœurs et plus prochains parents."
"- Vraiment, dit alors mon vieillard (lequel comme vous jugerez n'était nullement lourdaud), à cette heure connais-je10 que vous autres Mairs, c'est-à-dire Français, êtes de grand fols : car vous faut-il tant travailler à passer la mer, sur laquelle (comme vous nous dites étant arrivés par-deçà) vous endurez tant de maux, pour amasser des richesses ou à vos enfants ou à ceux qui survivent pour les nourrir ? Nous avons (ajouta-t-il), des parents et des enfants, lesquels, comme tu vois, nous aimons et chérissons ; mais parce que nous nous assurons qu'après notre mort la terre qui nous a nourris les nourrira, sans nous en soucier plus avant, nous nous reposons sur cela."
Voilà sommairement et au vrai le discours que j'ai ouï de la propre bouche d'un pauvre sauvage américain.

1 Quérir : aller chercher
2 Ni même : ni surtout
3 Ains : mais
4 Voire : soit
5 En lui faisant trouver bon : pour le persuader
6 Frises : étoffes de laine
7 M'accommodant : essayant
8 Par deçà : chez les Tupinambas, au Brésil
9 À défaut d'iceux : s'il n'a pas d'enfants.
10 Connais-je : je me rends compte.

Document 2

Texte B : Jean de Léry, Histoire d'un voyage fait en la terre du Brésil, chapitre XVIII, (orthographe modernisée)

1578

(…) Combien que1 nos Tupinambas reçoivent fort humainement les étrangers amis qui les vont visiter, si est-ce néanmoins2 que les Français et autres de par deçà3 qui n'entendent pas leur langage se trouvent du commencement4 merveilleusement étonnés parmi eux. Et de ma part, la première fois que je les fréquentai, qui fut trois semaines après que nous fûmes arrivés en l'île de Villegagnon, qu'un truchement5 me mena avec lui en terre ferme en quatre ou cinq villages : quand nous fûmes arrivés au premier, nommé Yabouraci en langage du pays, et par les Français Pépin (à cause d'un navire qui y chargea une fois, le maître duquel se nommait ainsi), qui n'était qu'à deux lieues de notre fort, me voyant tout incontinent6 environné de sauvages, lesquels me demandaient : "Marapé-dereré, marapé-dereré ?", c'est-à-dire : "Comment as-tu nom, comment as-tu nom ?" (à quoi alors je n'entendais que le haut allemand7) et, au reste, l'un ayant pris mon chapeau qu'il mis sur sa tête, l'autre mon épée et ma ceinture qu'il ceignit sur un corps tout nu, l'autre ma casaque qu'il vêtit, eux, dis-je, m'étourdissant de leurs crieries8 et courant de cette façon parmi leur village avec mes hardes, non seulement je croyais avoir tout perdu, mais aussi je ne savais où j'en étais. Mais comme l'expérience m'a montré plusieurs fois depuis, ce n'était que faute de savoir leur manière de faire : car faisant le même9 après qu'ils se sont ainsi un peu joués des besognes10 d'autrui, ils rapportent et rendent le tout à ceux à qui elles appartiennent. Là-dessus, le truchement m'ayant averti qu'ils désiraient surtout de savoir mon nom, mais que de leur dire Pierre, Guillaume ou Jean, eux ne les pouvant prononcer ni retenir (comme de fait au lieu de dire Jean ils disaient Nian), il me fallait accommoder de leur nommer quelque chose qui leur fût connue : cela, comme il me dit, étant si bien venu à propos de mon surnom11, Léry, signifie une huître en leur langage, je leur dis que je m'appelais Léry-oussou, c'est-à-dire une grosse huître. De quoi eux se tenant bien satisfaits, avec leur admiration12Teh ! se prenant à rire, dirent : "Vraiment voilà un beau nom et nous n'avions point encore vu de Mair, c'est-à-dire Français, qui s'appelât ainsi."

1 Combien que : bien que
2 Autres de par deçà : désigne ici les Européens.
3 Si est-ce néanmoins que : il est certain néanmoins que.
4 Du commencement : au commencement
5 Truchement : interprète qui connaît la langue des Tupinambas.
6 Tout incontinent : immédiatement
7 Je n'entendais que le haut allemand : je ne comprenais rien.
8 Crieries : criailleries
9 Le même : la même chose
10 Besognes : affaires, objets
11 Surnom : nom de famille
12 Avec leur admiration Teh ! : les Tupinambas expriment leur admiration par l'interjection Teh ! et se mettent à rire.

Document 3

Texte C : Michel de Montaigne, Essais, Livre III, chapitre VI "Des coches"

1588

Dans ce passage de ses Essais, Montaigne se fonde sur les témoignages qu'il a lus pour critiquer le comportement des conquérants européens dans le Nouveau Monde.

La plupart de leurs réponses et des négociations faites avec eux1 montrent que ­(ces hommes) ne nous étaient nullement inférieurs en clarté d'esprit naturelle et en justesse (d'esprit). La merveilleuse magnificence des villes de Cusco2 et de Mexico et, parmi beaucoup d'autres choses semblables, le jardin de ce roi, où tous les arbres, les fruits et toutes les herbes, selon l'ordre et la grandeur qu'ils ont dans un jardin (normal), étaient excellemment façonnés en or, comme, dans son cabinet3, tous les animaux qui naissent dans son État et dans ses mers, et la beauté de leurs ouvrages en joaillerie, en plume, en coton, dans la peinture, montrent qu'ils ne nous étaient pas non plus inférieurs en habileté. Mais en ce qui concerne la dévotion, l'observance des lois, la bonté, la libéralité4, la franchise, il a été très utile pour nous de ne pas en avoir autant qu'eux. Ils ont été perdus par cet avantage et se sont vendus et trahis eux-mêmes. Quant à la hardiesse et au courage, quant à la fermeté, la résistance, la résolution contre les douleurs et la faim et la mort, je ne craindrais pas d'opposer les exemples que je trouverais parmi eux aux plus fameux exemples anciens que nous ayons dans les recueils de souvenirs de notre monde de ce côté-ci (de l'Océan). Car, que ceux qui les ont subjugués suppriment les ruses et les tours d'adresse dont ils se sont servis pour les tromper, et l'effroi bien justifié qu'apportait à ces peuples-là le fait de voir arriver aussi inopinément des gens barbus, différents d'eux par le langage, la religion, par l'aspect extérieur et le comportement, venant d'un endroit du monde où ils n'avaient jamais imaginé qu'il y eût des habitants, quels qu'ils fussent, (gens) montés sur de grands monstres inconnus, contre eux qui non seulement n'avaient jamais vu de cheval mais même bête quelconque dressée à porter et à voir sur son dos un homme ou une autre charge, munis d'une peau luisante et dure5 et d'une arme (offensive) tranchante et resplendissante, contre eux qui, contre la lueur qui les émerveillait d'un miroir ou d'un couteau, échangeaient facilement une grande richesse en or et en perles, et qui n'avaient ni science ni matière grâce auxquelles ils pussent, même à loisir, percer notre acier ; ajoutez à cela les foudres et les tonnerres de nos pièces (d'artillerie) et de nos arquebuses, capables de troubler César lui-même, si on l'avait surpris avec la même inexpérience de ces armes, et (qui étaient employées) à ce moment contre des peuples nus, sauf aux endroits où s'était faite l'invention de quelque tissu de coton, sans autres armes, tout au plus, que des arcs, des pierres, des bâtons et des boucliers de bois ; des peuples surpris, sous une apparence d'amitié et de bonne foi, par la curiosité de voir des choses étrangères et inconnues : mettez en compte, dis-je, chez les conquérants cette inégalité, vous leur ôtez toute la cause de tant de victoires.

1 Eux : Il s'agit des peuples indiens d'Amérique du Sud victimes des conquérants européens.
2 Cusco : alors capitale du Pérou
3 Cabinet : bureau
4 Libéralité : générosité
5 Peau luisante et dure : il s'agit de l'armure.

Document 4

Texte D : Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques

1955

Lors d'une expédition au Brésil, en 1938, l'ethnologue Claude Lévi-Strauss a partagé la vie quotidienne d'un peuple indien, les Nambikwara.

Pour moi, qui les ai connus à une époque où les maladies introduites par l'homme blanc les avaient déjà décimés, mais où – depuis des tentatives toujours humaines de Rondon1 – nul n'avait entrepris de les soumettre, je voudrais oublier cette description navrante2 et ne rien conserver dans la mémoire, que ce tableau repris de mes carnets de notes où je le griffonnai une nuit à la lueur de ma lampe de poche :

"Dans la savane obscure, les feux de campement brillent. Autour du foyer, seule protection contre le froid qui descend, derrière le frêle paravent de palmes et de branchages hâtivement planté dans le sol du côté d'où on redoute le vent ou la pluie ; auprès des hottes emplies des pauvres objets qui constituent toute une richesse terrestre ; couchés à même la terre qui s'étend alentour, hantée par d'autres bandes également hostiles et craintives, les époux, étroitement enlacés, se perçoivent comme étant l'un pour l'autre le soutien, le réconfort, l'unique secours contre les difficultés quotidiennes et la mélancolie rêveuse, le réconfort, l'unique secours envahit l'âme nambikwara. Le visiteur qui, pour la première fois campe dans la brousse avec les Indiens, se sent pris d'angoisse et de pitié devant le spectacle de cette humanité si totalement démunie ; écrasée, semble-t-il, contre le sol d'une terre hostile par quelque implacable cataclysme ; nue, grelottante auprès des feux vacillants. Il circule à tâtons parmi les broussailles, évitant de heurter une main, un bras, un torse, dont on devine les chauds reflets à la lueur des feux. Mais cette misère est animée de chuchotement et de rires. Les couples s'étreignent comme dans la nostalgie d'une unité perdue ; les caresses ne s'interrompent pas au passage de l'étranger. On devine chez tous une immense gentillesse, une profonde insouciance, une naïve et charmante satisfaction animale, et, rassemblant ces sentiments divers, quelque chose comme l'expression la plus émouvante et la plus véridique de la tendresse humaine."

1 Rondon (1865 - 1958), explorateur brésilien qui tenta d'adapter les Indiens à la vie moderne tout en cherchant à préserver leurs mœurs et coutumes.
2 Lévi-Strauss vient de lire un compte-rendu ethnologique indiquant que la situation de la tribu dont il avait partagé la vie quinze ans auparavant s'est extrêmement dégradée.

Dans ce dialogue, qui ressort vainqueur ?

Texte A : Jean de Léry, Histoire d'un voyage fait en la terre du Brésil, chapitre XIII, (orthographe modernisée)

1578

Artisan d'origine modeste et de religion protestante, Jean de Léry participa à une expédition française au Brésil. À cette occasion, il partagea pendant quelques temps la vie des indiens Tupinambas. Vingt ans après son retour en France, il fit paraître un récit de son voyage.

Au reste, parce que nos Tupinambas sont fort ébahis de voir les Français et autres des pays lointains prendre tant de peine d'aller quérir1 leur Arabotan, c'est-à-dire bois de Brésil, il y eut une fois un vieillard d'entre eux qui sur cela me fit telle demande : "Que veux dire que vous autres Mairs et Peros, c'est-à-dire Français et Portugais, veniez de si loin pour quérir du bois pour vous chauffer, n'y en a-t-il point en votre pays ?"
À quoi lui ayant répondu que oui et en grande quantité, mais non pas de telles sortes que les leurs, ni même2 du bois de Brésil, lequel nous ne brûlions pas comme il pensait, ains3 (comme eux-mêmes en usaient pour rougir leurs cordons de coton, plumages et autres choses) que les nôtres l'emmenaient pour faire de la teinture, il me répliqua soudain :
"Voire4, mais vous en faut-il tant ?"
- Oui, lui dis-je, car (en lui faisant trouver bon5) y ayant tel marchand en notre pays qui a plus de frises6 et de draps rouges, voire même (m'accommodant7 toujours à lui parler de choses qui lui étaient connues) de couteaux, ciseaux, miroirs et autres marchandises que vous n'en avez jamais vu par deçà8, un tel seul achètera tout le bois de Brésil dont plusieurs navires s'en retournent chargés de ton pays.
- Ha, ha, dit mon sauvage, tu me contes merveilles."
Puis ayant bien retenu ce que je lui venais de dire, m'interrogeant plus outre, dit :
"Mais cet homme tant riche dont tu me parles, ne meurt-il point ?"
- Si fait, si fait, lui dis-je, aussi bien que les autres."
Sur quoi, comme ils sont aussi grands discoureurs, et poursuivent fort bien un propos jusqu'au bout, il me demanda derechef :
"- Et quand donc il est mort, à qui est tout le bien qu'il laisse ?"
"- À ses enfants, s'il en a, et à défaut d'iceux9 à ses frères, sœurs et plus prochains parents."
"- Vraiment, dit alors mon vieillard (lequel comme vous jugerez n'était nullement lourdaud), à cette heure connais-je10 que vous autres Mairs, c'est-à-dire Français, êtes de grand fols : car vous faut-il tant travailler à passer la mer, sur laquelle (comme vous nous dites étant arrivés par-deçà) vous endurez tant de maux, pour amasser des richesses ou à vos enfants ou à ceux qui survivent pour les nourrir ? Nous avons (ajouta-t-il), des parents et des enfants, lesquels, comme tu vois, nous aimons et chérissons ; mais parce que nous nous assurons qu'après notre mort la terre qui nous a nourris les nourrira, sans nous en soucier plus avant, nous nous reposons sur cela."
Voilà sommairement et au vrai le discours que j'ai ouï de la propre bouche d'un pauvre sauvage américain.

1 Quérir : aller chercher
2 Ni même : ni surtout
3 Ains : mais
4 Voire : soit
5 En lui faisant trouver bon : pour le persuader
6 Frises : étoffes de laine
7 M'accommodant : essayant
8 Par deçà : chez les Tupinambas, au Brésil
9 À défaut d'iceux : s'il n'a pas d'enfants.
10 Connais-je : je me rends compte.

Quelle technique utilise l'auteur ?

Texte B : Jean de Léry, Histoire d'un voyage fait en la terre du Brésil, chapitre XVIII, (orthographe modernisée)

1578

(…) Combien que1 nos Tupinambas reçoivent fort humainement les étrangers amis qui les vont visiter, si est-ce néanmoins2 que les Français et autres de par deçà3 qui n'entendent pas leur langage se trouvent du commencement4 merveilleusement étonnés parmi eux. Et de ma part, la première fois que je les fréquentai, qui fut trois semaines après que nous fûmes arrivés en l'île de Villegagnon, qu'un truchement5 me mena avec lui en terre ferme en quatre ou cinq villages : quand nous fûmes arrivés au premier, nommé Yabouraci en langage du pays, et par les Français Pépin (à cause d'un navire qui y chargea une fois, le maître duquel se nommait ainsi), qui n'était qu'à deux lieues de notre fort, me voyant tout incontinent6 environné de sauvages, lesquels me demandaient : "Marapé-dereré, marapé-dereré ?", c'est-à-dire : "Comment as-tu nom, comment as-tu nom ?" (à quoi alors je n'entendais que le haut allemand7) et, au reste, l'un ayant pris mon chapeau qu'il mis sur sa tête, l'autre mon épée et ma ceinture qu'il ceignit sur un corps tout nu, l'autre ma casaque qu'il vêtit, eux, dis-je, m'étourdissant de leurs crieries8 et courant de cette façon parmi leur village avec mes hardes, non seulement je croyais avoir tout perdu, mais aussi je ne savais où j'en étais. Mais comme l'expérience m'a montré plusieurs fois depuis, ce n'était que faute de savoir leur manière de faire : car faisant le même9 après qu'ils se sont ainsi un peu joués des besognes10 d'autrui, ils rapportent et rendent le tout à ceux à qui elles appartiennent. Là-dessus, le truchement m'ayant averti qu'ils désiraient surtout de savoir mon nom, mais que de leur dire Pierre, Guillaume ou Jean, eux ne les pouvant prononcer ni retenir (comme de fait au lieu de dire Jean ils disaient Nian), il me fallait accommoder de leur nommer quelque chose qui leur fût connue : cela, comme il me dit, étant si bien venu à propos de mon surnom11, Léry, signifie une huître en leur langage, je leur dis que je m'appelais Léry-oussou, c'est-à-dire une grosse huître. De quoi eux se tenant bien satisfaits, avec leur admiration12Teh ! se prenant à rire, dirent : "Vraiment voilà un beau nom et nous n'avions point encore vu de Mair, c'est-à-dire Français, qui s'appelât ainsi."

1 Combien que : bien que
2 Autres de par deçà : désigne ici les Européens.
3 Si est-ce néanmoins que : il est certain néanmoins que.
4 Du commencement : au commencement
5 Truchement : interprète qui connaît la langue des Tupinambas.
6 Tout incontinent : immédiatement
7 Je n'entendais que le haut allemand : je ne comprenais rien.
8 Crieries : criailleries
9 Le même : la même chose
10 Besognes : affaires, objets
11 Surnom : nom de famille
12 Avec leur admiration Teh ! : les Tupinambas expriment leur admiration par l'interjection Teh ! et se mettent à rire.

À quel genre appartient ce texte ?

Texte C : Michel de Montaigne, Essais, Livre III, chapitre VI "Des coches"

1588

Dans ce passage de ses Essais, Montaigne se fonde sur les témoignages qu'il a lus pour critiquer le comportement des conquérants européens dans le Nouveau Monde.

La plupart de leurs réponses et des négociations faites avec eux1 montrent que ­(ces hommes) ne nous étaient nullement inférieurs en clarté d'esprit naturelle et en justesse (d'esprit). La merveilleuse magnificence des villes de Cusco2 et de Mexico et, parmi beaucoup d'autres choses semblables, le jardin de ce roi, où tous les arbres, les fruits et toutes les herbes, selon l'ordre et la grandeur qu'ils ont dans un jardin (normal), étaient excellemment façonnés en or, comme, dans son cabinet3, tous les animaux qui naissent dans son État et dans ses mers, et la beauté de leurs ouvrages en joaillerie, en plume, en coton, dans la peinture, montrent qu'ils ne nous étaient pas non plus inférieurs en habileté. Mais en ce qui concerne la dévotion, l'observance des lois, la bonté, la libéralité4, la franchise, il a été très utile pour nous de ne pas en avoir autant qu'eux. Ils ont été perdus par cet avantage et se sont vendus et trahis eux-mêmes. Quant à la hardiesse et au courage, quant à la fermeté, la résistance, la résolution contre les douleurs et la faim et la mort, je ne craindrais pas d'opposer les exemples que je trouverais parmi eux aux plus fameux exemples anciens que nous ayons dans les recueils de souvenirs de notre monde de ce côté-ci (de l'Océan). Car, que ceux qui les ont subjugués suppriment les ruses et les tours d'adresse dont ils se sont servis pour les tromper, et l'effroi bien justifié qu'apportait à ces peuples-là le fait de voir arriver aussi inopinément des gens barbus, différents d'eux par le langage, la religion, par l'aspect extérieur et le comportement, venant d'un endroit du monde où ils n'avaient jamais imaginé qu'il y eût des habitants, quels qu'ils fussent, (gens) montés sur de grands monstres inconnus, contre eux qui non seulement n'avaient jamais vu de cheval mais même bête quelconque dressée à porter et à voir sur son dos un homme ou une autre charge, munis d'une peau luisante et dure5 et d'une arme (offensive) tranchante et resplendissante, contre eux qui, contre la lueur qui les émerveillait d'un miroir ou d'un couteau, échangeaient facilement une grande richesse en or et en perles, et qui n'avaient ni science ni matière grâce auxquelles ils pussent, même à loisir, percer notre acier ; ajoutez à cela les foudres et les tonnerres de nos pièces (d'artillerie) et de nos arquebuses, capables de troubler César lui-même, si on l'avait surpris avec la même inexpérience de ces armes, et (qui étaient employées) à ce moment contre des peuples nus, sauf aux endroits où s'était faite l'invention de quelque tissu de coton, sans autres armes, tout au plus, que des arcs, des pierres, des bâtons et des boucliers de bois ; des peuples surpris, sous une apparence d'amitié et de bonne foi, par la curiosité de voir des choses étrangères et inconnues : mettez en compte, dis-je, chez les conquérants cette inégalité, vous leur ôtez toute la cause de tant de victoires.

1 Eux : Il s'agit des peuples indiens d'Amérique du Sud victimes des conquérants européens.
2 Cusco : alors capitale du Pérou
3 Cabinet : bureau
4 Libéralité : générosité
5 Peau luisante et dure : il s'agit de l'armure.

Dans ce texte, que condamne Lévi-Strauss ?

Texte D : Claude Lévi-Strauss, Tristes Tropiques

1955

Lors d'une expédition au Brésil, en 1938, l'ethnologue Claude Lévi-Strauss a partagé la vie quotidienne d'un peuple indien, les Nambikwara.

Pour moi, qui les ai connus à une époque où les maladies introduites par l'homme blanc les avaient déjà décimés, mais où – depuis des tentatives toujours humaines de Rondon1 – nul n'avait entrepris de les soumettre, je voudrais oublier cette description navrante2 et ne rien conserver dans la mémoire, que ce tableau repris de mes carnets de notes où je le griffonnai une nuit à la lueur de ma lampe de poche :

"Dans la savane obscure, les feux de campement brillent. Autour du foyer, seule protection contre le froid qui descend, derrière le frêle paravent de palmes et de branchages hâtivement planté dans le sol du côté d'où on redoute le vent ou la pluie ; auprès des hottes emplies des pauvres objets qui constituent toute une richesse terrestre ; couchés à même la terre qui s'étend alentour, hantée par d'autres bandes également hostiles et craintives, les époux, étroitement enlacés, se perçoivent comme étant l'un pour l'autre le soutien, le réconfort, l'unique secours contre les difficultés quotidiennes et la mélancolie rêveuse, le réconfort, l'unique secours envahit l'âme nambikwara. Le visiteur qui, pour la première fois campe dans la brousse avec les Indiens, se sent pris d'angoisse et de pitié devant le spectacle de cette humanité si totalement démunie ; écrasée, semble-t-il, contre le sol d'une terre hostile par quelque implacable cataclysme ; nue, grelottante auprès des feux vacillants. Il circule à tâtons parmi les broussailles, évitant de heurter une main, un bras, un torse, dont on devine les chauds reflets à la lueur des feux. Mais cette misère est animée de chuchotement et de rires. Les couples s'étreignent comme dans la nostalgie d'une unité perdue ; les caresses ne s'interrompent pas au passage de l'étranger. On devine chez tous une immense gentillesse, une profonde insouciance, une naïve et charmante satisfaction animale, et, rassemblant ces sentiments divers, quelque chose comme l'expression la plus émouvante et la plus véridique de la tendresse humaine."

1 Rondon (1865 - 1958), explorateur brésilien qui tenta d'adapter les Indiens à la vie moderne tout en cherchant à préserver leurs mœurs et coutumes.
2 Lévi-Strauss vient de lire un compte-rendu ethnologique indiquant que la situation de la tribu dont il avait partagé la vie quinze ans auparavant s'est extrêmement dégradée.

Qu'est-ce qui caractérise le mouvement humaniste ?

Parmi ces auteurs, lequel s'inscrit dans le courant humaniste ?

Avec quel fait historique le mouvement humaniste coïncide-t-il ?

D'après les humanistes, pourquoi l'ouverture à l'Autre est-elle importante ?

Le mouvement humaniste se répand dès le début de la Renaissance de l'Italie à toute l'Europe. C'est un mouvement intellectuel qui donne à l'éducation une très grande importance. Les écrits de Rabelais ont souvent un but éducatif. Les géants comme Pantagruel et Gargantua suivent une éducation humaniste. Cette formation se fonde sur la redécouverte des textes de l'Antiquité, mais aussi sur l'apprentissage des nouvelles idées et découvertes scientifiques. Les intellectuels humanistes insistent sur l'importance de s'ouvrir à d'autres cultures, de maîtriser différentes langues, et surtout de voyager car "le voyage forme la jeunesse". Montaigne, fervent humaniste, écrit dans le premier livre des Essais, que pour se former il faut "frotter et limer notre cervelle contre celle d'autrui".
En quoi l'ouverture à l'Autre permet-elle de former les individus et quelle est sa place dans l'éducation humaniste ?
Dans un premier temps, nous verrons comment l'ouverture à l'Autre permet de découvrir de nouvelles choses. Dans une seconde partie, nous analyserons comment cela permet de se remettre en question. Enfin, nous verrons comment elle permet une réflexion philosophique sur la nature humaine en général.

I

L'ouverture à l'Autre

A

Les voyages

  • L'humanisme coïncide avec l'époque des grandes découvertes : le Nouveau Monde découvert par Christophe Colomb.
  • Il y a des innovations techniques : boussole, astrolabe.
  • La Renaissance est donc une époque de voyages et de découvertes de nouvelles civilisations. Ces nouvelles découvertes provoquent l'étonnement et la curiosité : Jean de Léry dans le deuxième texte écrit que les Français sont "merveilleusement étonnés". Montaigne écrit : "Le voyage me semble un exercice profitable. L'âme y a une continuelle exercitation à remarquer les choses inconnues et nouvelles".
  • Les voyageurs rendent compte de ce qu'ils ont vu (premier texte de Jean de Léry). Ils écrivent leur voyage (exemple de Marco Polo).
B

Les échanges d'idées

  • Les humanistes insistent sur l'importance d'échanger des idées.
  • Les textes humanistes circulent à travers toute l'Europe.
  • Les humanistes correspondent entre eux : Érasme et Thomas More.
  • Les intellectuels voyagent à travers l'Europe comme en témoigne le Journal de voyage en Italie de Montaigne. Dans "De la vanité" (les Essais), ce dernier parle également de son passage en Suisse et en Allemagne.
  • Nombreux sont les humanistes qui démontrent l'importance d'apprendre une nouvelle langue. Le le latin et le grec ne sont plus les langues les plus importantes. À cette époque, les langues nationales se développent et deviennent littéraires (Luther et la Bible).
C

Un retour à l'Antiquité

  • L'invention de l'imprimerie par Gutenberg vers 1450 permet la publication et la transmission des textes anciens et de la Bible. Les textes n'étant plus manuscrits, on peut en publier plusieurs, ce qui permet la diffusion des connaissances pour tout le monde.
  • C'est une période de redécouverte des textes anciens et fondateurs comme La République de Platon. Érasme écrit : "C'est aux sources mêmes qu'il faut puiser la doctrine". On cherche à imiter les Anciens mais aussi à les surpasser.
  • On confronte les anciennes traductions et les textes originaux. On réinterprète.
  • Montaigne écrit les Essais en s'inspirant des Anciens.

L'ouverture à l'Autre permet surtout de se remettre en question.

II

La remise en question

A

Une confrontation avec soi-même

  • La nécessaire comparaison avec l'Autre force à se remettre en cause.
  • L'ouverture à l'Autre permet d'empêcher l'ethnocentrisme. Elle permet de se rendre compte de ce qui ne va pas dans sa propre civilisation. On voit le monde à travers les yeux de l'Autre. C'est un révélateur des erreurs comme le montrent le premier texte de Léry avec le vieillard, mais également le texte "Les coches" de Montaigne.
  • On apprécie de nouvelles qualités. Montaigne parle de la "hardiesse" et du "courage" des Indiens du Mexique. Il remet en question les "exemples anciens" et critique la cruauté de sa société.
B

De nouveaux modèles

  • La découverte de nouvelles cultures et civilisations permet de trouver de nouveaux modèles. Pour Léry, le vieillard incarne la sagesse et les Tupinambas incarnent l'hospitalité. Montaigne met en avant l'habilité des Indiens.
  • On crée le mythe du bon sauvage : en littérature, les écrivains mettent en scène des "bons sauvages", des hommes étrangers qui sont en vérité plus "purs" et plus "vrais" que les Européens, pervertis par leur civilisation. Les écrivains mènent une réflexion sur la nature fondamentalement bonne de l'humain à l'état naturel.
  • On se pose la question de la légitimité de sa culture, de sa religion, de ses valeurs, on se remet en question.
  • Certaines questions sont redéfinies, comme la définition du bonheur avec un fantasme de l'homme à l'état naturel et libre. Il en va de même pour les notions de "sauvage", de "barbare" et "civilisé". Montaigne écrit : "Chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage".
  • On assiste à la naissance du relativisme, avec une remise en perspective de certaines idées.
  • C'est un éloge de la tolérance et surtout un refus des préjugés.

Cette nouvelle ouverture à l'Autre, qui permet de se remettre en question, est à l'origine d'une nouvelle vision de la condition de l'homme, plus universelle et tolérante.

III

Repenser la condition humaine

A

Une nouvelle définition de l'homme

  • C'est l'ouverture à l'Autre qui permet de définir une nouvelle définition de l'homme. Montaigne écrit ainsi : "Un honnête homme, c'est un homme mêlé". Il faut donc savoir prendre de la distance, utiliser son esprit critique pour repenser le monde.
  • L'homme qui voyage, l'homme qui s'ouvre à l'Autre, l'homme qui se remet en question est capable d'avoir une vision plus large de l'humanité.
  • Il n'y a pas un seul idéal, une seule vision juste. L'ouverture à l'Autre permet la tolérance, l'acceptation de la différence comme source et trésor de l'humanité.
B

Une nouvelle éducation

  • L'éducation humaniste est fondée sur l'ouverture à l'Autre. Il ne faut pas simplement réfléchir et étudier. L'humaniste est un homme qui est en contact avec le reste du monde. Il s'ouvre à tout.
  • La place de la médecine est très importante. Plusieurs écrivains s'intéressent à ce sujet. Rabelais est aussi médecin et publie Le Petit Art médical de Galien.
  • L'homme devient le centre de l'éducation. Il est au cœur de la réflexion humaniste.
  • On se moque de l'éducation médiévale et de la scolastique.
  • L'éducation doit permettre "une tête bien faite dans un corps sain".
C

"La forme entière de l'humaine condition"

  • Apprendre à se connaître, c'est apprendre à connaître l'Autre. Étudier l'Autre, c'est apprendre à s'étudier soi-même.
  • Se "frotter" à Autrui ce n'est pas simplement découvrir un individu en particulier, c'est les découvrir tous.
  • S'ouvrir à l'Autre, c'est mieux se comprendre soi-même, mais c'est surtout comprendre l'humanité entière, "la forme entière de l'humaine condition" comme le dit Montaigne.
  • En étudiant les autres hommes et les autres civilisations, l'homme comprend mieux l'humanité en général.

La Renaissance est donc le siècle des découvertes. En apprenant des autres civilisations, les humanistes développent une nouvelle conception de l'homme, qu'ils placent au cœur de leur éducation. L'être humain devient plus complexe, mais surtout il devient bon. Les humanistes en effet ont foi en l'humanité. Ils croient que l'on peut apprendre de l'Autre, car on peut se remettre en question, découvrir de nouvelles façons de penser, de vivre.
S'ouvrir à l'Autre c'est surtout apprendre à mieux se connaître soi, à se voir à travers les yeux des autres. Enfin, cela permet une vision plus large et critique de ce qu'est l'homme. On peut donc dire que l'ouverture à l'Autre permet de mieux saisir la condition humaine. Ces idées seront reprises par les philosophes du siècle des Lumières qui doivent beaucoup aux humanistes.

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  • Cours : La Renaissance et l'humanisme
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