Quel est le registre dominant employé dans les textes suivants ?
« Ô malheureux mortels ! ô terre déplorable !
Ô de tous les mortels assemblage effroyable !
D'inutiles douleurs, éternel entretien !
Philosophes trompés qui criez : « Tout est bien » ;
Accourez, contemplez ces ruines affreuses,
Ces débris, ces lambeaux, ces cendres malheureuses,
Ces femmes, ces enfants l'un sur l'autre entassés,
Sous ces marbres rompus ces membres dispersés ;
Cent mille infortunés que la terre dévore,
Qui, sanglants, déchirés, et palpitants encore,
Enterrés sous leurs toits, terminent sans secours
Dans l'horreur des tourments leurs lamentables jours ! »
Voltaire, Poème sur le désastre de Lisbonne, 1756
Le registre pathétique, du grec pathos qui signifie « souffrance », a pour but de faire ressentir de la compassion au lecteur. Voltaire revient dans ce poème sur le choc provoqué par le tremblement de terre de Lisbonne en novembre 1755. Il cherche à faire ressentir l'ampleur de la catastrophe à l'aide du registre pathétique.
Les procédés littéraires utilisés dans le registre pathétique sont :
- les interjections ;
- les exclamations ;
- les questions rhétoriques ;
- le champ lexical de la souffrance ;
- les métaphores et les comparaisons ;
- les hyperboles.
« Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure »
Guillaume Apollinaire, « Le Pont Mirabeau », Alcools, 1913
Le registre lyrique, du grec lyrikos qui signifie « lyre », a pour but d'exprimer des sentiments personnels de manière spontanée et poétique.
Les procédés littéraires utilisés dans le registre lyrique sont :
- la première personne du singulier ;
- les exclamations ;
- les interjections ;
- les questions rhétoriques ;
- le champ lexical des sentiments ;
- les répétitions ;
- les métaphores et les comparaisons ;
- les hyperboles.
« L'abbé de Châteauneuf la rencontra un jour toute rouge de colère. « Qu'avez-vous donc, madame ? » lui dit-il.
— J'ai ouvert par hasard, répondit-elle, un livre qui traînait dans mon cabinet ; c'est, je crois, quelque recueil de lettres ; j'y ai vu ces paroles: Femmes, soyez soumises à vos maris ; j'ai jeté le livre.
— Comment, madame ! Savez-vous bien que ce sont les Épîtres de saint Paul ?
— Il ne m'importe de qui elles sont ; l'auteur est très-impoli. Jamais Monsieur le maréchal ne m'a écrit dans ce style ; je suis persuadée que votre saint Paul était un homme très-difficile à vivre. Était-il marié ?
— Oui, madame.
— Il fallait que sa femme fût une bien bonne créature : si j'avais été la femme d'un pareil homme, je lui aurais fait voir du pays. Soyez soumises à vos maris ! Encore s'il s'était contenté de dire : Soyez douces, complaisantes, attentives, économes, je dirais : Voilà un homme qui sait vivre ; et pourquoi soumises, s'il vous plaît ? Quand j'épousai M. de Grancey, nous nous promîmes d'être fidèles : je n'ai pas trop gardé ma parole, ni lui la sienne ; mais ni lui ni moi ne promîmes d'obéir. Sommes-nous donc des esclaves ? N'est-ce pas assez qu'un homme, après m'avoir épousée, ait le droit de me donner une maladie de neuf mois, qui quelquefois est mortelle ? N'est-ce pas assez que je mette au jour avec de très-grandes douleurs un enfant qui pourra me plaider quand il sera majeur ? Ne suffit-il pas que je sois sujette tous les mois à des incommodités très désagréables pour une femme de qualité, et que, pour comble, la suppression d'une de ces douze maladies par an soit capable de me donner la mort sans qu'on vienne me dire encore : Obéissez ? »
Voltaire, Femmes, soyez soumises à vos maris, 1759-1768
Le registre satirique a pour but de critiquer quelqu'un ou quelque chose en s'en moquant.
Les procédés littéraires utilisés dans le registre satirique sont :
- le vocabulaire péjoratif ;
- les antiphrases ;
- les métaphores et les comparaisons dévalorisantes ;
- les hyperboles.
« La maison où s'exploite la pension bourgeoise appartient à madame Vauquer. Elle est située dans le bas de la rue Neuve-Sainte-Geneviève, à l'endroit où le terrain s'abaisse vers la rue de l'Arbalète par une pente si brusque et si rude que les chevaux la montent ou la descendent rarement. Cette circonstance est favorable au silence qui règne dans ces rues serrées entre le dôme du Val-de-Grâce et le dôme du Panthéon, deux monuments qui changent les conditions de l'atmosphère en y jetant des tons jaunes, en y assombrissant tout par les teintes sévères que projettent leurs coupoles. Là, les pavés sont secs, les ruisseaux n'ont ni boue ni eau, l'herbe croît le long des murs. L'homme le plus insouciant s'y attriste comme tous les passants, le bruit d'une voiture y devient un événement, les maisons y sont mornes, les murailles y sentent la prison. »
Honoré de Balzac, Le Père Goriot, 1835
Le registre réaliste a pour but de produire un effet de réel, une illusion de réalité.
Les procédés littéraires utilisés dans le registre réaliste sont :
- les indications chiffrées ;
- les expansions du nom (adjectifs) ;
- le niveau de langue familier ;
- les termes techniques ;
- les noms propres réels ou réalistes.
« Ils se battent – combat terrible ! – corps à corps.
Voilà déjà longtemps que leurs chevaux sont morts ;
Ils sont là seuls tous deux dans une île du Rhône.
Le fleuve à grand bruit roule un flot rapide et jaune,
Le vent trempe en sifflant les brins d'herbe dans l'eau.
L'archange saint Michel attaquant Apollo
Ne ferait pas un choc plus étrange et plus sombre.
Déjà, bien avant l'aube, ils combattaient dans l'ombre. »
Victor Hugo, « Le Mariage de Roland », La Légende des siècles, 1859
Le registre épique, du grec epicos qui signifie « qui concerne l'épopée », a pour but de décrire une scène de manière à produire un effet d'agrandissement, de spectaculaire, à la manière des épopées.
Les procédés littéraires utilisés dans le registre épique sont :
- les verbes d'action ;
- le champ lexical du combat ;
- les personnifications ;
- les accumulations ;
- les hyperboles ;
- les superlatifs ;
- les pluriels ;
- les métaphores et les comparaisons.