De quel événement historique du XXe siècle le texte suivant, extrait de Si c'est un homme de Primo Levi, traite-t-il ?
Vous qui vivez en toute quiétude
Bien au chaud dans vos maisons,
Vous qui trouvez le soir en rentrant
La table mise et des visages amis,
Considérez si c'est un homme
Que celui qui peine dans la boue,
Qui ne connaît pas de repos,
Qui se bat pour un quignon de pain,
Qui meurt pour un oui ou pour un non.
Considérez si c'est une femme
Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux
Et jusqu'à la force de se souvenir,
Les yeux vides et le sein froid
Comme une grenouille en hiver.
N'oubliez pas que cela fut,
Non, ne l'oubliez pas :
Gravez ces mots dans votre cœur,
Pensez-y chez vous, dans la rue,
En vous couchant, en vous levant ;
Répétez-les à vos enfants,
Ou que votre maison s'écroule,
Que la maladie vous accable,
Que vos enfants se détournent de vous.
De quel événement historique du XXe siècle le texte suivant, extrait de Mon ami Frédéric de Hans Peter Richter, traite-t-il ?
J'approuvai en sautant à pieds joints au-dessus d'une plaque d'égout et, comme quelqu'un approchait, j'interrompis le jeu un instant. Dès que le passant se fut éloigné, je renvoyai la balle à Frédéric. Mon geste le surprit et il manqua la balle. Il y eut un bruit clair, un bruit de verre cassé, et la balle me revint, roulant innocemment sur la chaussée. Bouche bée, Frédéric contemplait les débris de la vitrine, je me penchai pour ramasser la balle sans bien réaliser encore ce qui s'était passé. Mais une femme avait surgi devant nous, elle s'en prit à Frédéric et se mit à vociférer en le secouant par le bras. À ses cris, les portes et les fenêtres s'ouvrirent tout autour de nous et très vite les curieux se rassemblèrent.
- Petits brigands ! Vauriens !
Devant la porte de la boutique, un homme fumait sa pipe avec indifférence, les mains dans les poches ; c'était le mari de la commerçante.
- Ce lourdaud de Juif, disait la femme à qui voulait l'entendre, casse ma vitrine pour voler mes marchandises ! Puis, se tournant vers Frédéric : Mais tu as manqué ton coup cette fois encore ; je t'ai à l'œil. Je te connais bien, tu ne m'échapperas pas. Vous autres, canailles de Juifs, on devrait tous vous exterminer. Ça vous met par terre une affaire avec leurs grands magasins, et ça vient, en plus, vous voler. Attendez un peu, Hitler va vous faire voir !
De quel événement historique du XXe siècle le texte suivant, extrait des Mémoires de Jean Monnet, traite-t-il ?
"La guerre jugée inévitable", on a peine aujourd'hui à reconstituer cette psychose de 1950 que les événements n'ont pas confirmée. Mais la coexistence des blocs était précaire alors, et le dialogue Est-Ouest ne connaissait d'autre règle que la force dont l'épreuve venait d'être faite à Berlin au profit des Occidentaux après un an de blocus. Le pont aérien américain avait mis en œuvre des moyens militaires fantastiques qui firent céder les Soviétiques en mai 1949. Mais il y aurait décidément deux Allemagnes, chacune incorporée dans une zone stratégique. L'Allemagne d'Adenauer était couverte par l'alliance Atlantique nouvellement créée et l'on se préoccupait de la faire participer activement à la défense commune. Jusqu'où irait la réaction des Russes qui détenaient depuis peu la bombe atomique ? La question ainsi posée appelait dans des milieux de plus en plus influents une réponse sage en apparence : "Laissons l'Europe en dehors de ces affrontements."
De quel événement historique du XXe siècle le texte suivant, extrait du roman Le Feu de Henri Barbusse, traite-t-il ?
C'est le barrage. Il faut passer dans ce tourbillon de flammes et ces horribles nuées verticales. On passe. On est passé, au hasard ; j'ai vu, çà et là, des formes tournoyer, s'enlever et se coucher, éclairées d'un brusque reflet d'au-delà. J'ai entrevu des faces étranges qui poussaient des espèces de cris, qu'on apercevait sans les entendre dans l'anéantissement du vacarme. Un brasier avec d'immenses et furieuses masses rouges et noires tombait autour de moi, creusant la terre, l'ôtant de dessous mes pieds, et me jetant de côté, comme un jouet rebondissant. Je me rappelle avoir enjambé un cadavre qui brûlait, tout noir, avec une nappe de sang vermeil qui grésillait sur lui, et je me souviens aussi que les pans de la capote qui se déplaçait près de moi avaient pris feu et laissaient un sillon de fumée. À notre droite, tout au long du boyau 97, on avait le regard attiré et ébloui par une file d'illuminations affreuses, serrées l'une contre l'autre comme des hommes.
De quel événement historique du XXe siècle le texte suivant, extrait de Si c'est un homme de Primo Levi, traite-t-il ?
Et brusquement ce fut le dénouement. La portière s'ouvrit avec fracas ; l'obscurité retentit d'ordres hurlés dans une langue étrangère, et de ces aboiements barbares naturels aux Allemands quand ils commandent, et qui semblent libérer une hargne séculaire. Nous découvrîmes un large quai, éclairé par des projecteurs. Un peu plus loin, une file de camions. Puis tout se tut à nouveau. Quelqu'un traduisit les ordres : il fallait descendre avec les bagages et les déposer le long du train. En un instant, le quai fourmillait d'ombres ; mais nous avions peur de rompre le silence, et tous s'affairaient autour des bagages, se cherchaient, s'interpellaient, mais timidement, à mi-voix. Une dizaine de SS, plantés sur leurs jambes écartées, se tenaient à distance, l'air indifférent. À un moment donné, ils s'approchèrent, et sans élever la voix, le visage impassible, ils se mirent à interroger certains d'entre nous en les prenant à part, rapidement : "Quel âge ? En bonne santé ou malade ?" et selon la réponse, ils nous indiquaient deux directions différentes.
De quel événement historique du XXe siècle le texte suivant, extrait de L'Armée des ombres de Joseph Kessel, traite-t-il ?
Beaucoup parmi les gens de la résistance passent la plupart de leur temps dans les trains. On ne peut rien confier au téléphone, au télégraphe, aux lettres. Tout courrier doit être porté. Toute confidence, tout contact exigent un déplacement. Et il y a les distributions d'armes, de journaux, de postes émetteurs, de matériel de sabotage. Ce qui explique la nécessité d'une armée d'agents de liaison qui tournent à travers la France comme des chevaux de manège. Ce qui explique aussi les coups terribles qui les atteignent. L'ennemi sait aussi bien que nous l'obligation où nous sommes de voyager sans cesse.
De quel événement historique du XXe siècle le texte suivant, extrait du roman Un long dimanche de fiançailles de Sébastien Japrisot, traite-t-il ?
Il était une fois cinq soldats français qui faisaient la guerre, parce que les choses sont ainsi.
Le premier, jadis aventureux et gai, portait à son cou le matricule 2124 d'un bureau de recrutement de la Seine. Il avait des bottes à ses pieds, prises à un Allemand, et ces bottes s'enfonçaient dans la boue, de tranchée en tranchée, à travers la labyrinthe abandonné de Dieu qui menait aux premières lignes.
L'un suivant l'autre et peinant à chaque pas, ils allaient tous les cinq vers les premières lignes, les bras liés dans le dos. Des hommes avec des fusils les conduisaient, de tranchée en tranchée - floc et floc des bottes dans la boue prises à un Allemand -, vers les grands reflets froids du soir par-delà les premières lignes, par-delà le cheval mort et les caisses de munitions perdues, et toutes ces choses ensevelies sous la neige.