L'importance du regard Question sur 8 points type bac

La passion amoureuse étant vivement réprimée, elle ne peut pas s'exprimer librement. C'est pour cette raison qu'elle passe par la vue. D'ailleurs, les personnages de Madame de Lafayette voient plutôt qu'ils ne regardent. C'est pourquoi le champ lexical du regard et de la vue est très utilisé, toujours lié à l'intrigue amoureuse : "Le duc de Guise, qui la voyait souvent, et qui voyait en elle les commencements d'une grande beauté, en devint amoureux et en fut aimé." La naissance de la passion apparaît ici dans la répétition du verbe "voir".

Le regard est donc très important, il joue plusieurs rôles dans la passion amoureuse. Tout d'abord, les personnages peuvent aimer au premier regard, ils voient la personne et en tombent amoureux. Ensuite le regard permet, notamment à Marie, de découvrir "mille marques cachées de la passion" de l'homme qu'elle aime et qui ne peut pas lui témoigner ouvertement ses sentiments. Le regard est donc essentiel car il permet de découvrir l'autre mais aussi parce qu'il peut susciter des réactions, un trouble propre à trahir certains sentiments. Anjou comprend immédiatement lors de l'épisode de la barque que Marie et Guise se connaissent. En effet, c'est la première fois qu'elle le revoit après son mariage et cela suffit à réveiller ses sentiments, qu'elle croyait éteints. En parallèle, Anjou et Guise tombent également sous son charme lorsqu'ils la voient, le narrateur insiste sur sa grande beauté : "dans une beauté qu'ils crurent surnaturelle". La vue est donc à l'origine des sentiments.

Cependant, les personnages ne peuvent véritablement échanger, ouvrir leur cœur ou parler de leurs sentiments. Aux jeux de regards et de séduction viennent donc se greffer des fantasmes nés des projections que font certains personnages sur un être qu'ils désirent. Ainsi, Chabannes a percé à jour le personnage de Guise alors que Marie ne se rendra compte que trop tard de qui il est vraiment. Elle est comme aveuglée par l'amour et la passion.

Vivre sous le regard permanent de son entourage est une des principales caractéristiques de la vie à la cour et de la noblesse. Cependant, afin de préserver leur intimité ou leurs secrets, les courtisans connaissent la nécessité de se cacher de ces regards.

Tout d'abord, il faut parvenir à dissimuler sa passion car s'opposant à la raison, elle fait perdre le contrôle de soi. Allant à l'encontre de la morale, la passion amoureuse ne doit pas éclater au grand jour. C'est pourquoi le lexique lié à la dissimulation, comme le verbe "cacher", est régulièrement employé dans la nouvelle. Il s'agit de cacher ses sentiments, de les contenir, car ils peuvent ne pas correspondre aux règles de la morale. Parfois, l'entourage familial doit être tenu à l'écart des sentiments. Ainsi Marie et Guise s'aiment mais ils ont conscience que depuis toujours Marie est promise au cadet de celui-ci. Ensuite, la passion peut être dissimulée afin de ne pas perdre celui ou celle que l'on aime. C'est le cas de Chabannes, cruellement rejeté par Marie lorsqu'il lui déclare sa flamme. La jeune femme lui répond froidement qu'elle souhaite oublier cette conversation et ne plus jamais en parler avec lui. Il va donc s'efforcer de cacher ses sentiments afin de pouvoir rester auprès de celle qu'il aime. Enfin, l'amour doit rester caché car il peut devenir dangereux, non seulement en ce qui concerne la morale et la vertu mais aussi en ce qui concerne les jeux de pouvoir. Guise a conscience de l'attirance qu'Anjou nourrit pour Marie. Étant le frère du roi, il est préférable de ne pas se placer en travers de son chemin, de ne pas se déclarer ouvertement comme un rival.

Enfin, le regard peut avoir de lourdes conséquences. Marie, par exemple, est au centre de tous les regards masculins. Les hommes sont attirés par sa beauté et chacun tente d'obtenir ses faveurs. Elle n'est pas responsable de cela. Elle entretient certes avec Guise une relation qui outrepasse les règles de la morale mais ne commet pas d'adultère. Concernant Anjou et Chabannes, elle ne les a jamais encouragés à l'aimer. Par contre, son mari n'est pas dupe de ces regards qui trahissent le désir des autres hommes pour sa femme. Il les reproche d'ailleurs à celle-ci, de manière totalement injuste.

Le regard peut donc trahir la tension amoureuse reliant deux personnages, les dévoiler, et même être capable d'emprisonner les amants dans la passion. Toutefois, la fuite ne permet pas la guérison car le regard est à la fois dans le passé et l'avenir. S'éloigner de Guise n'a pas fait taire la passion de Marie, elle pense à lui et la correspondance qu'ils entretiennent attise son désir de le voir. Enfin, le regard semble indispensable à la survie du sentiment et de la personne. En effet, dans la nouvelle, la princesse ne survit pas sans voir Guise.

Tavernier se focalise également sur les jeux de regard dans le film comme l'explique lui-même Bruno de Keyzer dans les dossiers de presse de Studio Canal : "L'émotion passe par le regard des acteurs. Il est primordial qu'on puisse toujours capter cette lueur dans leurs yeux, même quand les scènes se déroulent en pleine pénombre." En tant que directeur de la photographie, il souligne l'importance qui a été apportée à la mise en valeur des regards des acteurs, permettant de traduire les émotions des personnages.

Enfin, le regard permet de percer à jour et de démasquer. L'épisode du bal à la cour de France en est un exemple marquant. Alors qu'elle pense s'adresser à son amant, Guise, Marie dit à Anjou : "N'ayez des yeux ce soir que pour Madame. [...] On m'observe." Par le biais du verbe "observer", Marie évoque à la fois les regards des courtisans posés sur elle mais aussi ceux de son mari, jaloux. Alors qu'elle lui demande de jouer un rôle et de dissimuler leur amour, Marie le dévoile à Anjou, provoquant le début de sa perte.