Après avoir lu le texte suivant, répondre aux questions qui permettront de l'étudier.
Les Fourberies de Scapin, acte III, scène 2
Molière
1671
« SCAPIN.
Cachez-vous, voici un spadassin qui vous cherche. (En contrefaisant sa voix) "Quoi ! jé n'aurai pas l'abantage dé tuer cé géronte et quelqu'un par charité né m'enseigner pas où il est ?" (À Géronte, avec sa voix ordinaire.) Ne branlez pas. (Reprenant son ton contrefait.) "Cadédis ! jé lé trouberai, sé cachât-il au centre dé la terre." […] Le seigneur Géronte, Monsieur, n'est ni fat, ni maraud, ni bélître, et vous devriez, s'il vous plaît, parler d'autre façon ? – Comment ! tu mé traites, à moi, avec cette hauteur ? […] (Il donne plusieurs coups de bâton sur le sac.) – Tiens ! boilà cé qué jé té vaille pour lui. […] (en se plaignant et en remuant le dos, comme s'il avait reçu les coups de bâton). […]
GÉRONTE, sortant la tête du sac.
Ah ! Je suis roué.
SCAPIN.
Ah ! Je suis mort.
GÉRONTE.
Pourquoi diantre faut-il qu'ils frappent sur mon dos ?
SCAPIN, lui remettant la tête dans le sac.
Prenez garde, voici une demi-douzaine de soldats tout ensemble. (Il contrefait plusieurs personnes ensemble.) "Allons, tâchons à trouver ce Géronte, cherchons partout. N'épargnons point nos pas. Courons toute la ville. N'oublions aucun lieu. Visitons tout. Furetons de tous les côtés […]". Cachez-vous bien. "Ah ! Camarades, voici son valet. Allons, coquin, il faut que tu nous enseignes où est ton maître." – Eh ! Messieurs, ne me maltraitez point. – Allons, dis-nous où il est. Parle. Hâte-toi. Expédions. Dépêche vite. Tôt. – Eh ! Messieurs, doucement. (Géronte met doucement la tête hors du sac et aperçoit la fourberie de Scapin.) – Si tu ne nous fais trouver ton maître tout à l'heure, nous allons faire pleuvoir sur toi une ondée de coups de bâton. – J'aime mieux souffrir toute chose que de vous découvrir mon maître. – Nous allons t'assommer. – Faites tout ce qu'il vous plaira. – Tu as envie d'être battu ? – Je ne trahirai point mon maître. – Ah ! tu en veux tâter ? Voilà… – Oh ! (Comme il est prêt de frapper, Géronte sort du sac et Scapin s'enfuit.)
GÉRONTE.
Ah ! Infâme ! Ah ! Traître ! Ah ! Scélérat ! C'est ainsi que tu m'assassines ! »
De quel sous-genre de la comédie cet extrait des Fourberies de Scapin relève-t-il ?
La farce est une courte pièce qui repose sur une intrigue simple. Elle a pour but de provoquer le rire par des moyens simples (jeux de mots, insultes, coups, etc.). Cette scène appartient au sous-genre de la farce car le comique naît des coups de bâton donnés à Géronte et du jeu théâtral de Scapin qui imite les différents spadassins. La ruse et la duperie sont des thèmes récurrents dans la farce.
Quel est le statut de Scapin ?
Scapin est le valet de Géronte. Plusieurs indices nous le montrent. Tout d'abord, il vouvoie Géronte « Cachez-vous » alors que ce dernier le tutoie « C'est ainsi que tu m'assassines ». Ensuite, en imitant un spadassin Scapin dit : « Si tu ne nous fais trouver ton maître tout à l'heure. »
Quelle est la ruse de Scapin ?
La ruse de Scapin consiste à faire croire à Géronte qu'il est recherché par des spadassins : « Cachez-vous, voici un spadassin qui vous cherche ». Alors que c'est Scapin lui-même qui imite des spadassins et bat son maître.
Quels sont les deux éléments sur lesquels repose la ruse de Scapin ?
La ruse de Scapin repose à la fois sur son intelligence car il met en place un stratagème malin et bien pensé mais aussi sur la naïveté de Géronte qui se laisse enfermer dans un sac sans broncher.
Quelle forme de ruse Scapin emploie-t-il ici ?
Le mensonge est une des ruses les plus utilisées, par laquelle le personnage rusé parvient à convaincre sa victime d'une chose fausse. Le mensonge repose sur un travestissement de la réalité, un détournement de la vérité. Ici, Scapin « contrefait » sa voix, invente des soldats imaginaires et imite leurs paroles afin de pouvoir rouer de coups son maître qu'il a enfermé dans un sac.
Comment le lecteur comprend-il que Scapin est en train de duper son maître ?
Les didascalies sont des indications de mise en scène. On les repère parce qu'elles sont souvent en italique ou placées entre parenthèses. Dans cet extrait, les didascalies permettent au lecteur de bien comprendre la situation (« en contrefaisant sa voix » ), (« en se plaignant et en remuant le dos, comme s'il avait reçu les coups de bâton »).
Pourquoi Scapin s'exclame-t-il « oh ! » à la fin de sa dernière réplique ?
Scapin s'enfuit parce que Géronte s'est rendu compte de sa ruse. Ce sont les didascalies qui indiquent que Géronte n'est plus dupe du mauvais tour que lui joue son valet. Tout d'abord « Géronte met doucement la tête hors du sac et aperçoit la fourberie de Scapin » puis il « sort du sac » ce qui effraie Scapin qui est pris sur le fait.
Quels types de comique sont présents dans cet extrait ?
Le rire, dans cette scène, se base sur deux procédés : le comique de situation et le comique de gestes. Le comique de situation repose sur une situation qui suscite le rire. Ici, le double-jeu de Scapin qui transforme sa voix et fait semblant d'avoir été battu, relève du comique de situation. Le comique de gestes repose sur les gestes des personnages qui font rire. Ici, les coups de bâton donnés par Scapin à Géronte amusent le spectateur. Cette scène relève donc également du comique de gestes.
Quel procédé théâtral est employé dans cette scène ?
On parle de « mise en abyme » quand la scène représente elle-même une pièce de théâtre ou des acteurs en train de jouer un rôle. Ici, Scapin joue le rôle des spadassins qui sont censés être à la recherche de Géronte. Les didascalies nous indiquent qu'il contrefait sa voix pour faire un dialogue imaginaire et qu'il fait semblant d'avoir reçu des coups de bâton. Il se met donc en scène et propose un véritable jeu d'acteur afin de duper son maître.
Dans l'extrait suivant, quelle est la figure de style employée ?
« Le seigneur Géronte, Monsieur, n'est ni fat, ni maraud, ni bélître, et vous devriez, s'il vous plaît, parler d'autre façon ? »
La gradation est une figure de l'amplification. Elle consiste en une succession ordonnée de termes. On dit que la gradation est ascendante lorsque les termes sont de plus en plus forts. On dit que la gradation est descendante lorsque les termes sont de moins en moins forts. Ici, la gradation est ascendante à deux niveaux. Tout d'abord parce que les insultes sont de plus en plus fortes mais aussi parce que chaque mot a une syllabe de plus que l'autre « fat » (1 syllabe), « maraud » (2 syllabes) et « bélître » (3 syllabes). Scapin fait semblant de prendre la défense de son maître. Ainsi, il passe pour un bon valet alors qu'il insulte indirectement son maître.