Après avoir lu le texte suivant, répondre aux questions qui permettront de l'étudier.
Le Médecin malgré lui, acte III, scène 6
Molière
1666
« LUCINDE.
Non, je ne suis point du tout capable de changer de sentiments.
GÉRONTE.
Voilà ma fille qui parle ! Ô grande vertu du remède ! Ô admirable médecin ! Que je vous suis obligé, Monsieur, de cette guérison merveilleuse ! et que puis-je faire pour vous après un tel service ?
SGANARELLE, se promenant sur le théâtre, et s'essuyant le front.
Voilà une maladie qui m'a bien donné de la peine !
LUCINDE.
Oui, mon père, j'ai recouvré la parole ; mais je l'ai recouvrée pour vous dire que je n'aurai jamais d'autre époux que Léandre, et que c'est inutilement que vous voulez me donner Horace.
GÉRONTE.
Mais…
LUCINDE.
Rien n'est capable d'ébranler la résolution que j'ai prise.
GÉRONTE.
Quoi ?...
LUCINDE.
Vous m'opposerez en vain de belles raisons.
GÉRONTE.
Si…
LUCINDE.
Tous vos discours ne serviront de rien. […] Il n'est puissance paternelle qui me puisse obliger à me marier malgré moi. […] Mon cœur ne saurait se soumettre à cette tyrannie. […]
GÉRONTE.
Ah ! quelle impétuosité de paroles ! Il n'y a pas moyen d'y résister. Monsieur, je vous prie de la faire redevenir muette.
SGANARELLE.
C'est une chose qui m'est impossible. Tout ce que je puis faire pour votre service est de vous rendre sourd, si vous voulez. […]
GÉRONTE.
Serait-il possible, Monsieur, que vous puissiez aussi guérir cette maladie d'esprit ?
SGANARELLE.
Oui, laissez-moi faire, j'ai des remèdes pour tout, et notre Apothicaire nous servira pour cette cure. (Il appelle l'Apothicaire et lui parle.) Un mot. Vous voyez que l'ardeur qu'elle a pour ce Léandre est tout à fait contraire aux volontés du père, qu'il n'y a point de temps à perdre, que les humeurs sont fort aigries, et qu'il est nécessaire de trouver promptement un remède à ce mal, qui pourrait empirer par le retardement. Pour moi, je n'y en vois qu'un seul, qui est une prise de fuite purgative, que vous mêlerez comme il faut aux deux drachmes de matrimonium en pilules. […] Allez-vous-en lui faire faire un petit tour de jardin, afin de préparer les humeurs, tandis que j'entretiendrai ici son père ; mais surtout ne perdez point de temps : au remède, vite, au remède spécifique. »
Comment Lucinde a-t-elle retrouvé la parole ?
Géronte ressent de la reconnaissance pour Sganarelle qui n'a pourtant rien fait. Lucinde dit à son père : « Oui, mon père, j'ai recouvré la parole ; mais je l'ai recouvrée pour vous dire que je n'aurai jamais d'autre époux que Léandre, et que c'est inutilement que vous voulez me donner Horace », ce qui montre qu'elle a décidé, d'elle-même, de reparler.
Pourquoi Lucinde avait-elle décidé de ne plus parler ?
Dans Le Médecin malgré lui, Lucinde ruse en restant muette pour échapper au mariage décidé par son père Géronte (« Oui, mon père, j'ai recouvré la parole ; mais je l'ai recouvrée pour vous dire que je n'aurai jamais d'autre époux que Léandre, et que c'est inutilement que vous voulez me donner Horace »). Elle détourne ainsi l'attention de son père. Celui-ci cherche donc désespérément un remède à son étrange maladie pour ne pas compromettre ses projets de mariage avec Horace pendant qu'elle prépare avec Léandre leur fuite afin qu'ils puissent se marier.
Quelle forme de ruse Lucinde utilise-t-elle ?
D'une certaine manière, Lucinde utilise la ruse par le mensonge. Le mensonge repose sur un travestissement de la réalité, un détournement de la vérité. Ici, Lucinde fait semblant d'être devenue subitement muette et ment donc sur son état de santé.
Pour qui Sganarelle se fait-il passer ?
Sganarelle se fait passer pour un médecin. Géronte dit de lui qu'il est un « admirable médecin » et pense qu'il a guéri sa fille de son mutisme.
Quelle forme de ruse Sganarelle utilise-t-il ?
Sganarelle trompe Géronte en se faisant passer pour un médecin. Ses traitements sont farfelus (« Tout ce que je puis faire pour votre service est de vous rendre sourd »). Il contrefait le langage difficile à comprendre des médecins (« les humeurs sont fort aigries, et qu'il est nécessaire de trouver promptement un remède à ce mal, qui pourrait empirer par le retardement »). Il profite de la naïveté de Sganarelle qui ne se rend compte de rien même quand les solutions qu'il propose sont grossières et risibles (« Oui, laissez-moi faire, j'ai des remèdes pour tout »).
Comment la surprise de Géronte, face à la rébellion de sa fille, est-elle retranscrite ?
Géronte ne sait pas quoi dire. La stichomythie, qui est une succession de répliques très courtes au théâtre, montre cette surprise. Géronte ne sait que dire des mots d'une seule syllabe (« Mais ... », « Quoi ?... » et « Si ... »). Les points de suspension qui suivent ces mots marquent tout particulièrement son étonnement.
Quel type de comique est utilisé dans les répliques suivantes de Géronte ?
« GÉRONTE.
Voilà ma fille qui parle ! Ô grande vertu du remède ! Ô admirable médecin ! Que je vous suis obligé, Monsieur, de cette guérison merveilleuse ! et que puis-je faire pour vous après un tel service ?
GÉRONTE.
Ah ! quelle impétuosité de paroles ! Il n'y a pas moyen d'y résister. Monsieur, je vous prie de la faire redevenir muette. »
Le comique de situation repose sur une situation qui suscite le rire. Ici, les réactions de Géronte sont drôles :
- Tout d'abord parce qu'il est emballé, ahuri par la guérison de sa fille qu'il attribue à Sganarelle et qu'il trouve miraculeuse.
- Ensuite parce que, ennuyé par les propos de sa fille qui lui tient tête, il demande à Sganarelle de la rendre de nouveau muette. Cette réaction est très amusante car elle montre que même si Géronte voulait voir sa fille guérie, il ne veut pas faire face à son insoumission.
- Mais cela montre aussi l'intransigeance du personnage qui agit en véritable pater familias régissant toute la vie de sa fille.
Quelle est la ruse de Sganarelle dans l'extrait suivant ?
« Vous voyez que l'ardeur qu'elle a pour ce Léandre est tout à fait contraire aux volontés du père, qu'il n'y a point de temps à perdre, que les humeurs sont fort aigries, et qu'il est nécessaire de trouver promptement un remède à ce mal, qui pourrait empirer par le retardement. Pour moi, je n'y en vois qu'un seul, qui est une prise de fuite purgative, que vous mêlerez comme il faut aux deux drachmes de matrimonium en pilules. […] Allez-vous-en lui faire faire un petit tour de jardin, afin de préparer les humeurs, tandis que j'entretiendrai ici son père ; mais surtout ne perdez point de temps : au remède, vite, au remède spécifique. »
Dans cette réplique, Sganarelle prescrit un bien mystérieux remède à Lucinde : « une prise de fuite purgative » et « deux drachmes de matrimonium en pilules ». « Matrimonium » est un mot latin qui signifie « mariage ». Ainsi, discrètement, Sganarelle ordonne à Lucinde et l'apothicaire (qui est en fait Léandre), de s'enfuir (« une prise de fuite purgative ») et de se marier au plus vite (« matrimonium »). Sganarelle exploite tout d'abord la naïveté de Géronte qui n'a toujours pas compris la supercherie. Ensuite, il se sert du langage obscur des médecins. Ces derniers emploient un jargon incompréhensible pour les malades. En reproduisant ce langage, Sganarelle se fait non seulement passer pour un médecin mais, en plus, il peut donner des ordres aux deux amoureux sans risque de se trahir.
Qui est le maître du jeu dans cet extrait ?
Dans cet extrait, le maître du jeu est Sganarelle. Il maîtrise la situation, conduit la conversation et oriente même la suite de l'action. Géronte lui est complètement soumis dans une admiration sans bornes. Lucinde, quant à elle, a besoin de lui pour réussir à échapper au mariage forcé auquel la destine son père. Sganarelle a tout prévu, même la fuite des deux amoureux au nez et à la barbe du père de Lucinde.
Quelle est la finalité des ruses de Sganarelle et Lucinde ?
L'utilisation de la ruse en littérature incite le lecteur ou le spectateur à réfléchir sur les rapports humains. Cette réflexion aboutit généralement à une critique de la société et des rapports humains dans différents domaines : social, religieux, sentimental. Ici, Molière propose aux spectateurs de réfléchir sur les rapports père-fille, sur les mariages arrangés et sur le crédit que les gens du XVIIe siècle accordent aux médecins.