Après avoir lu le texte suivant, répondre aux questions qui permettront de l'étudier.
Le Roman de Renart
Entre 1170 et 1250
« À la distance d'une portée d'arc, Renart reconnut aisément les lamproies et les anguilles. Son plan est bientôt fait : il rampe sans être aperçu jusqu'au milieu du chemin, il s'étend et se vautre, jambes écartées, dents rechignées, la langue pantelante, sans mouvement et sans haleine. La voiture avance ; un des marchands regarde, voit un corps immobile, et appelant son compagnon :
"Je ne me trompe pas, c'est un goupil ou un blaireau.
— C'est un goupil, dit l'autre ; descendons, emparons-nous-en, et surtout qu'il ne nous échappe. […]
— Nous n'avions pas besoin d'user de grande adresse ; mais que peut valoir sa pelisse ? […]"
Ainsi dit, ainsi fait. On le saisit par les pieds ; on le lance entre les paniers, et la voiture se remet en mouvement. […] Sans perdre de temps, il (Renart) étend la patte sur le bord d'un panier, se dresse doucement, dérange la couverture, et tire à lui deux douzaines des plus beaux harengs. […] Dans le panier voisin frétillaient les anguilles : il en attira vers lui cinq à six des plus belles ; la difficulté était de les emporter, car il n'avait plus faim. Que fait-il ? Il aperçoit dans la charrette une botte de ces ardillons d'osier qui servent à embrocher les poissons : il en prend deux ou trois, les passe dans la tête des anguilles, puis se roule de façon à former de ces ardillons une triple ceinture, dont il rapproche les extrémités en tresse. il s'agissait maintenant de quitter la voiture ; ce fut un jeu pour lui : seulement il attendit que l'ornière vînt trancher sur le vert gazon, pour se couler sans bruit et sans risque de laisser après lui les anguilles.
Et cela fait, il aurait eu regret d'épargner un brocard aux voituriers.
"Dieu vous maintienne en joie, beaux vendeurs de poisson ! leur cria-t-il. J'ai fait avec vous un partage de frère : j'ai mangé vos plus gros harengs et j'emporte vos meilleures anguilles ; mais je laisse le plus grand nombre !" »
Quelle forme de ruse Renart emploie-t-il ?
Renard emploie la ruse par le déguisement qui repose sur une feinte ou une simulation : le personnage transforme son aspect physique pour piéger ou tromper quelqu'un. Dans cet extrait, Renart fait semblant d'être mort : « il s'étend et se vautre, jambes écartées, dents rechignées, la langue pantelante, sans mouvement et sans haleine ».
De quels défauts des marchands Renart profite-t-il pour les tromper ?
Renart profite du désir d'argent des marchands et de leur crédulité pour les tromper. La ruse de Renart repose donc sur son intelligence mais aussi sur la stupidité des marchands qui se croient malins : « Je ne me trompe pas, c'est un goupil ou un blaireau », « Nous n'avions pas besoin d'user de grande adresse » et sur leur cupidité « mais que peut valoir sa pelisse ? ».
De quelles qualités Renart fait-il preuve pour mettre en œuvre sa ruse ?
Renart fait preuve de beaucoup de qualités. Ce n'est donc pas pour rien qu'il est au centre du roman. Renart est menteur, sournois, dissimulateur mais il est aussi intelligent et il a le sens de l'observation. En effet, il voit de loin ce que les marchands transportent, ce qui lui permet de mettre rapidement au point un plan au point et il sait instantanément comment faire pour tromper les marchands. Il possède donc des « qualités » essentielles pour tromper et duper. Traditionnellement, en littérature, la ruse est souvent incarnée par un renard car cet animal est reconnu pour sa fourberie et son intelligence. C'est d'ailleurs depuis le Roman de Renart que l'on emploie le terme « renard » pour désigner l'animal. Avant on appelait cela un goupil. Le procédé qui consiste à faire d'un nom propre un nom commun s'appelle « l'antonomase ».
À la fin de l'extrait, pourquoi Renart ne se sauve-t-il pas discrètement ?
Renart veut se moquer des marchands et leur donner une leçon. Il a également envie de voir leur réaction quand ils découvriront qu'ils ont été trompés. C'est pour cela qu'il s'enfuit en leur lançant un « brocard », c'est-à-dire un petit trait moqueur, une raillerie.
Quel est le registre utilisé dans la réplique suivante ?
« Dieu vous maintienne en joie, beaux vendeurs de poisson ! leur cria-t-il. J'ai fait avec vous un partage de frère : j'ai mangé vos plus gros harengs et j'emporte vos meilleures anguilles ; mais je laisse le plus grand nombre ! »
Le registre ironique consiste à exprimer le contraire de ce que l'on pense pour se moquer de l'adversaire. Renart n'est pas sincère lorsqu'il dit aux marchands qu'il a fait un « partage de frères ». Tout d'abord, il a pris bien plus que ce dont il avait besoin. Ensuite, il s'est emparé des plus beaux poissons et a laissé les moins bons aux marchands : « j'ai mangé vos plus gros harengs et j'emporte vos meilleures anguilles ; mais je laisse le plus grand nombre ! ». Le partage n'est donc pas du tout équitable. C'est une façon de se moquer des marchands.
Sur quelle figure de style, qui consiste à prêter aux animaux des traits humains, l'extrait étudié repose-t-il ?
Il s'agit de la personnification. En effet, Renart a des caractéristiques humaines et notamment la parole « leur cria-t-il », que l'on relève dans le discours rapporté au style direct : « "Dieu vous maintienne en joie, beaux vendeurs de poisson ! leur cria-t-il. J'ai fait avec vous un partage de frère : j'ai mangé vos plus gros harengs et j'emporte vos meilleures anguilles ; mais je laisse le plus grand nombre !" ». Cependant, il conserve des traits propres à son animalité comme la ruse. En effet, le renard est un animal connu pour son intelligence et sa fourberie.
Quelle figure de style est employée dans l'extrait suivant ?
« il attendit que l'ornière vînt trancher sur le vert gazon, pour se couler sans bruit et sans risque de laisser après lui les anguilles »
La métaphore est une figure de style qui rapproche comparé et comparant sans outil de comparaison. Ici, la métaphore donne des indices sur la manière dont Renart sort du charriot. Le verbe « se couler » insiste sur la sournoiserie de Renart qui semble glisser comme de l'eau. Cela donne l'impression qu'il est presque impalpable.
Pour quelles raisons Renart a-t-il employé la ruse ?
Renart emploie la ruse tout d'abord par nécessité parce qu'il a faim. Mais il l'emploie également par plaisir car il prend plus de poissons qu'il n'en a besoin (« la difficulté était de les emporter, car il n'avait plus faim ») et s'amuse du tour qu'il a joué aux marchands. Par fainéantise enfin, car cela lui permet de se nourrir sans faire d'effort et d'emporter des provisions avec lui pour la suite.
Quel type de comique retrouve-t-on dans cet extrait du Roman de Renart ?
Le comique de situation repose sur une situation qui suscite le rire. Dans cet extrait, de nombreuses situations prêtent à rire : Renart qui fait semblant d'être mort puis qui se goinfre et qui, finalement, s'enfuie non sans narguer les marchands. L'assurance et la tranquillité des marchands relèvent également du comique de situation. En effet, ils ne se rendent pas compte de ce qui se trame dans leur dos.
Quelle morale ressort de ce texte ?
Cette morale découle directement du fait que les marchands ont été abusés par la ruse d'une simulation. Les deux hommes ont cru que le goupil était mort et ils l'ont chargé sur leur charrette sans vérifier. Il faut donc toujours se méfier des apparences et faire preuve de recul et d'esprit critique.