Après avoir lu le texte suivant, répondre aux questions qui permettront de l'étudier.
« Les Horloges », Les Bords de la route
Émile Verhaeren
1895
« La nuit, dans le silence en noir de nos demeures,
Béquilles et bâtons qui se cognent, là-bas ;
Montant et dévalant les escaliers des heures,
Les horloges, avec leurs pas ;
Émaux naïfs derrière un verre, emblèmes
Et fleurs d'antan, chiffres maigres et vieux ;
Lunes des corridors vides et blêmes,
Les horloges, avec leurs yeux ;
Sons morts, notes de plomb, marteaux et limes,
Boutique en bois de mots sournois,
Et le babil des secondes minimes,
Les horloges, avec leurs voix ;
Gaines de chêne et bornes d'ombre,
Cercueils scellés dans le mur froid,
Vieux os du temps que grignote le nombre,
Les horloges et leur effroi ;
Les horloges
Volontaires et vigilantes,
Pareilles aux vieilles servantes
Boitant de leurs sabots ou glissant sur leurs bas.
Les horloges que j'interroge
Serrent ma peur en leur compas. »
Quel champ lexical domine dans le texte ?
C'est le champ lexical du temps qui domine dans ce texte : « heures », « horloges », « antan », « secondes », « temps ».
À quel autre champ lexical est associé celui du temps ?
Dans ce texte, on trouve également le champ lexical de la vieillesse et de la mort : « béquilles », « bâtons », « d'antan », « blêmes », « cercueils », « vieux os du temps », « vieilles servantes ». Associé au champ lexical du temps, cela symbolise le temps qui passe et qui nous mène, inéluctablement, vers la mort.
À quel moment de la journée le poème se déroule-t-il ?
Le poème se déroule la nuit. Le vocabulaire de l'obscurité est présent dans tout le poème : « nuit », « noir », « lunes », « ombre ».
Quel sens domine dans le poème ?
Le vocabulaire de l'ouïe est présent dans tout le poème et supplante celui de la vue : « béquilles et bâtons qui se cognent », « pas », « notes de plomb », « babil », « voix », « boitant de leurs sabots ». Dans l'obscurité de la nuit, ces sons sont source d'inquiétude pour l'homme.
Quels vers mentionnent les horloges ?
Le dernier vers de chaque quatrain mentionne les horloges. Cela produit un effet de répétition qui fonctionne comme une sorte de refrain au rythme régulier. Ce rythme symbolise celui marqué par les aiguilles de l'horloge. L'emploi, à deux reprises, du mot « horloges » dans la dernière strophe montre qu'elles sont partout et qu'il est impossible de leur échapper. Il est donc impossible d'échapper au temps qui passe.
Quel type de rimes est employé dans le texte ?
Le poème est composé de rimes croisées, c'est-à-dire une alternance de sons régulière. Les rimes croisées symbolisent le « tic tac » de l'horloge, bruit qui symbolise, quant à lui, le temps qui passe inexorablement.
Quelle figure de style est employée dans le dernier vers de chaque quatrain ?
La personnification consiste à donner à un objet, à un animal ou à une idée des caractéristiques humaines. Les horloges semblent humaines sous bien des aspects. Elle peuvent marcher (« Les horloges, avec leurs pas »), elles peuvent voir (« Les horloges, avec leurs yeux »), elles peuvent parler (« Les horloges, avec leurs voix ») et elles peuvent également ressentir des sentiments (« Les horloges et leur effroi »). La dernière strophe comporte également une personnification des horloges (« Les horloges / Volontaires et vigilantes ») qui montre leur volonté et leur opiniâtreté à marquer le temps qui passe.
Quel effet produit l'emploi des métaphores dans la quatrième strophe ?
Les métaphores sont nombreuses dans la quatrième strophe. Une métaphore est une figure de style qui établit un lien de ressemblance entre deux éléments sans l'emploi d'outil de comparaison. Ces métaphores ont une connotation macabre car elles représentent la mort. Le « chêne » est la matière dont on fait les « cercueils ». Tout rappelle la mort : les « os », le « froid » et le terme « grignote » qui évoque la putréfaction des corps, rongés, grignotés par les insectes. La métaphore qui associe les horloges à la mort est présente dans tout le poème. On appelle cela une « métaphore filée ».
Quelle figure de style est utilisée dans le vers suivant ?
« Pareilles aux vieilles servantes »
La comparaison établit un lien entre deux éléments à partir d'un point commun et crée ainsi une image. La comparaison emploie un outil de comparaison. Cette comparaison est inquiétante. En effet, ces « vieilles servantes » semblent proches de la mort puisqu'elles « boitent » et « glissent ». Cela renforce l'idée que le temps qui passe mène l'homme vers la mort. C'est une image macabre et funeste qui est donnée des horloges.
Quelle atmosphère se dégage du poème ?
Les horloges ressemblent à des créatures étranges qui font peur : « serrent ma peur ». Le champ lexical de l'obscurité (« nuit », « noir », « ombre »), celui de la mort et de la vieillesse (« béquilles », « bâtons », « d'antan », « blêmes », « cercueils », « vieux os du temps », « vieilles servantes »), les personnifications (« Les horloges, avec leurs pas », « Les horloges, avec leurs yeux », « Les horloges, avec leurs voix ») et la comparaison (« Pareilles aux vieilles servantes ») font des horloges, des personnes inquiétantes, source d'angoisse par le rappel du temps qui passe et de la mort qui approche. Émile Verhaeren crée ainsi une atmosphère sombre, remplie de bruits et d'objets inquiétants, marquée par l'idée de mort. Dans ce poème, les objets s'animent la nuit : ils deviennent vivants et suscitent un sentiment de peur. Ils forment un univers étrange, mystérieux et angoissant.