Après avoir lu le texte suivant, répondre aux questions qui permettront de l'étudier.
La Belle aux cheveux d'or
Madame d'Aulnoy
1697
« Ce fut lundi matin qu'il (Avenant) prit congé du roi et de ses amis, pour aller à son ambassade tout seul, sans pompe et sans bruit. Il ne faisait que rêver aux moyens d'engager la Belle aux cheveux d'or à épouser le roi. Il avait une écritoire dans sa poche, et, quand il lui venait quelque belle pensée à mettre dans sa harangue, il descendait de cheval et s'asseyait sous des arbres pour écrire, afin de ne rien oublier. Un matin qu'il était parti à la petite pointe du jour, en passant dans une grande prairie, il lui vint une pensée fort jolie ; il mit pied à terre, et se plaça contre des saules et des peupliers qui étaient plantés le long d'une petite rivière qui coulait au bord du pré. Après qu'il eut écrit, il regarda de tous côtés, charmé de se trouver en un si bel endroit. Il aperçut sur l'herbe une grosse carpe dorée qui bâillait et qui n'en pouvait plus, car, ayant voulu attraper de petits moucherons, elle avait sauté si hors de l'eau, qu'elle s'était élancée sur l'herbe, où elle était près de mourir. Avenant en eut pitié ; et, quoiqu'il fût jour maigre et qu'il eût pu l'emporter pour son dîner, il fut la prendre et la remit doucement dans la rivière. Dès que ma commère la carpe sent la fraîcheur de l'eau, elle commence à se réjouir, et se laisse couler jusqu'au fond ; puis revenant toute gaillarde au bord de la rivière :
"Avenant, dit-elle, je vous remercie du plaisir que vous venez de me faire ; sans vous je serai morte, et vous m'avez sauvée ; je vous le revaudrai."
Après ce petit compliment, elle s'enfonça dans l'eau ; et Avenant demeura bien surpris de l'esprit et de la grande civilité de la carpe.
Un autre jour qu'il continuait son voyage, il vit un corbeau bien embarrassé : ce pauvre oiseau était poursuivi par un gros aigle (grand mangeur de corbeaux) : il était près de l'attraper, et il l'aurait avalé comme une lentille, si Avenant n'eût éprouvé de la compassion pour cet oiseau.
"Voilà, dit-il, comme les plus forts oppriment les plus faibles : quelle raison a l'aigle de manger le corbeau ?" Il prend son arc qu'il portait toujours, et une flèche, puis, visant bien l'aigle, croc ! il lui décoche la flèche dans le corps et le perce de part en part. L'aigle tombe mort, et le corbeau, ravi, vient se percher sur un arbre.
"Avenant, dit-il, vous êtes bien généreux de m'avoir secouru, moi qui ne suis qu'un misérable corbeau ; mais je ne demeurerai point ingrat, je vous le revaudrai." »
Quel est le genre littéraire de ce texte ?
Il s'agit d'un conte. Entre le XVIIe siècle et le XIXe siècle, plusieurs écrivains comme Madame d'Aulnoy, Charles Perrault, les frères Grimm ou Andersen, ont écrit des contes. Les contes sont ainsi devenus des textes littéraires propices à mettre en place un nouvel univers. Le conte se déroule dans un monde merveilleux dont les limites temporelles et spatiales sont indéfinies : on ne sait ni où, ni quand, se déroule l'histoire.
Quel est le registre de ce texte ?
Le merveilleux est tout ce qui étonne par son caractère inexplicable, surnaturel et magique. Il fait intervenir des créatures fabuleuses. Le merveilleux propose des situations qui ne sont pas possibles dans la réalité. Ici, il y a des animaux qui parlent. Par la présence de ces univers imaginaires, le conte merveilleux transporte le lecteur dans un ailleurs qui lui fait découvrir des horizons imaginaires et surprenants.
Pourquoi Avenant quitte-t-il le Roi et ses amis ?
Avenant quitte le roi et ses amis car il a une ambassade à accomplir. Une ambassade est une mission, la plupart du temps diplomatique. Avenant a donc quelque affaire à négocier ou à traiter.
Quelle mission Avenant doit-il accomplir ?
Sa mission est « d'engager la Belle aux cheveux d'or à épouser le roi ». Pour cela, il réfléchit à la manière dont il va la convaincre : « Il avait une écritoire dans sa poche, et, quand il lui venait quelque belle pensée à mettre dans sa harangue, il descendait de cheval et s'asseyait sous des arbres pour écrire, afin de ne rien oublier ».
Avenant va « à son ambassade tout seul, sans pompe et sans bruit. ».
Qu'est-ce que cela signifie ?
Avenant va accomplir sa mission en toute simplicité car il est « tout seul, sans pompe » et avec beaucoup de discrétion « sans bruit ». Quand on se déplace en grande pompe, cela signifie qu'on se déplace avec tout un cortège et avec beaucoup de faste. Il y a beaucoup de solennité quand on se déplace en grande pompe.
Pourquoi la carpe est-elle sur l'herbe ?
La carpe est sur l'herbe car elle a sauté trop haut et trop loin pour attraper des moucherons. Elle n'a pas su maîtriser son élan pour attraper des moucherons : « Il aperçut sur l'herbe une grosse carpe dorée qui bâillait et qui n'en pouvait plus, car, ayant voulu attraper de petits moucherons, elle avait sauté si hors de l'eau, qu'elle s'était élancée sur l'herbe, où elle était près de mourir. ». Elle est donc dans une fâcheuse posture.
Quel problème le corbeau rencontre-t-il ?
Le corbeau est sur le point de se faire manger par un aigle. Un aigle, « gros mangeur de corbeau », est sur le point de le dévorer : « il vit un corbeau bien embarrassé : ce pauvre oiseau était poursuivi par un gros aigle (grand mangeur de corbeaux) : il était près de l'attraper, et il l'aurait avalé comme une lentille ».
Comment nomme-t-on la figure de style qui consiste à donner la parole aux animaux, comme c'est le cas dans le texte proposé ?
La prosopopée est une figure de style qui consiste à faire parler un mort, un animal, une chose personnifiée, une abstraction.
Quel trait de caractère d'Avenant est montré dans ce texte ?
L'altruisme est la capacité à s'intéresser et à se dévouer à autrui. C'est le contraire de l'égoïsme. Avenant aide généreusement la carpe et le corbeau sans rien attendre en retour. Le personnage principal porte bien son rôle. En effet, l'adjectif qualificatif « avenant » signifie aimable, gracieux, sympathique.
Que dénonce Avenant ?
Avenant dénonce l'oppression des forts sur les faibles. Avenant, devant le spectacle de l'aigle qui attaque le corbeau, se demande comment cela se fait que les forts attaquent toujours les plus faibles : « Voilà, dit-il, comme les plus forts oppriment les plus faibles ». L'univers imaginaire du conte merveilleux invite également à réfléchir sur le monde réel. Le conte donne une autre vision de la réalité et du comportement des hommes. Ainsi, symboliquement, l'aigle qui veut manger le corbeau représente l'oppression du pouvoir sur le peuple. Le conte merveilleux a pour vocation non seulement de plaire mais aussi de faire réfléchir.