Dans Le Paradoxe sur le Comédien, quelle différence Diderot fait-il entre "jouer d’âme" et "jouer d'intelligence" ?
Dans le "jeu d'intelligence", qu'est-ce qui permet à l'acteur d'incarner l'émotion ?
Que désigne le "paradoxe du comédien" ?
À qui Diderot compare le comédien qui "joue d'intelligence" ?
Quelle est la différence première entre "jeu d'âme" et "jeu d'intelligence"?
Que reproche Diderot au "jeu d'âme" ?
Dans son essai théorique sur le théâtre, Diderot différencie le "jeu d'âme" et le "jeu d'intelligence" en s'inspirant d'auteurs antiques tels que Cicéron qui décrit le bon orateur dans De Oratore. On verra tout d'abord la différence entre les deux catégories d'acteurs définies par Diderot. Puis, dans un second temps, on s'intéressera aux raisons de sa préférence pour le "jeu d'intelligence".
Tout d'abord, Diderot crée deux catégories d'acteurs. Ceux qui "jouent d'âme" ne jouent bien que s'ils ressentent réellement les émotions qu'ils représentent. Ils s'appliquent donc à éprouver les sentiments qu'ils doivent jouer, ils tentent de forcer leur propre ressenti. Diderot leur reproche leur manque d'unité, de constance car ils ne peuvent contrôler ce qu'ils vont ressentir à chaque représentation : ils pourront donc être "alternativement fort et faible, chaud et froid, plat et sublime" écrit-il, car leur jeu est aussi fluctuant et irrégulier que les émotions humaines. En revanche, "jouer d'intelligence" met l'accent sur le paraître : le comédien est capable de jouer des émotions qu'il ne ressent pas, il conserve du recul par rapport à ce qu'on lui demande de paraître. C'est son corps, dans le jeu théâtral, qui exprime les sentiments, tandis que son psychisme, son esprit, n'éprouve rien. Le paradoxe du comédien repose donc sur cette différence entre paraître et être, entre un corps qui joue une émotion et une intériorité qui ne la ressent pas : il peut pleurer sans être triste, rire sans être joyeux.
Diderot fait l'éloge de ce jeu d'intelligence car pour lui, le comédien peut alors jouer toutes les situations, s'adapter à tous les personnages, incarner toutes les émotions grâce à un travail rigoureux et discipliné. Il prend l'exemple de Mademoiselle Clairon, célèbre pour ses interprétations tragiques à l'époque. Le comédien qui joue d'intelligence "sera un, le même à toutes les représentations, toujours également parfait : tout a été mesuré, combiné, appris, ordonné dans sa tête ; il n'y a dans sa déclamation ni monotonie, ni dissonance." Diderot le compare même à un poète : "Ainsi que le poète, il va sans cesse puiser dans le fonds inépuisable de la nature, au lieu qu'il aurait bientôt vu le terme de sa propre richesse." Il montre par là que, contrairement au comédien qui "joue d'âme" et doit du coup s'inspirer uniquement de ses propres émotions, le comédien qui "joue d'intelligence" prend la nature entière pour modèle et n'a donc pas de limite dans l'éventail des émotions qu'il peut incarner.
- Pour "jouer d'âme", il faut ressentir les émotions que l'on joue.
- Dans le "jeu d'intelligence", l'acteur ne ressent pas les émotions que son corps parvient pourtant à incarner.
- Diderot fait l'éloge du "jeu d'intelligence", dans lequel le comédien est capable d'incarner toutes les émotions avec constance.