Pondichéry, 2013, voie S
Après avoir précisément déterminé les raisons pour lesquelles les meurtriers commettent leur crime, vous examinerez comment les trois extraits du corpus parviennent à représenter ou évoquer ces actes violents.
Texte A : Pierre Corneille, Horace, acte IV, scène 5, extrait
1641
Deux Romains, Horace et Camille sont frère et sœur. Par un tragique hasard, Horace doit combattre l'époux de Camille, un guerrier issu de la cité voisine, Albe. N'écoutant que son devoir patriotique, il tue cet ennemi provoquant la colère de sa sœur Camille.
HORACE :
Suis moins ta passion, règle mieux tes désirs,
Ne me fais plus rougir d'entendre tes soupirs ;
Tes flammes désormais doivent être étouffées ;
Bannis-les de ton âme, et songe à mes trophées :
Qu'ils soient dorénavant ton unique entretien1.
CAMILLE :
Donne-moi donc, barbare, un cœur comme le tien ;
Et si tu veux enfin je t'ouvre mon âme,
Rends-moi mon Curiace2, ou laisse agir ma flamme :
Ma joie et mes douleurs dépendaient de son sort ;
Je l'adorais vivant, et je le pleure mort.
Ne cherche plus ta sœur où tu l'avais laissée ;
Tu ne revois en moi qu'une amante offensée,
Qui comme une furie attachée à tes pas,
Te veut incessamment reprocher son trépas3.
Tigre assoiffé de sang, qui me défends les larmes,
Qui veut que dans sa mort je trouve encor des charmes
Et que jusques au ciel élevant tes exploits,
Moi-même je le tue une seconde fois !
Puissent tant de malheurs accompagner ta vie,
Que tu tombes au point de me porter envie4 ;
Et toi, bientôt souiller par quelque lâcheté
Cette gloire si chère à ta brutalité !
HORACE :
Ô ciel ! qui vit jamais une pareille rage
Crois-tu donc que je sois insensible à l'outrage,
Que je souffre en mon sang ce mortel déshonneur ?
Aime, aime cette mort qui fait notre bonheur,
Et préfère du moins au souvenir d'un homme
Ce que doit ta naissance aux intérêts de Rome.
CAMILLE :
Rome, l'unique objet de mon ressentiment !
Rome, à qui vient ton bras d'immoler mon amant5 !
Rome qui t'a vu naître, et que ton cœur adore !
Rome enfin que je hais parce qu'elle t'honore !
Puissent tous ses voisins ensemble conjurés
Saper ses fondements encor mal assurés !
Et si ce n'est assez de toute l'Italie,
Que l'Orient contre elle à l'Occident s'allie ;
Que cent peuples unis des bouts de l'univers
Passent pour la détruire et les monts et les mers !
Qu'elle-même sur soi renverse ses murailles,
Et de ses propres mains déchire ses entrailles !
Que le courroux du ciel allumé par mes vœux
Fasse pleuvoir sur elle un déluge de feux !
Puissé-je de mes yeux y voir tomber la foudre,
Voir ses maisons en cendre, et tes lauriers en poudre,
Voir le dernier Romain à son dernier soupir,
Moi seule en être cause, et mourir de plaisir !
HORACE (mettant l'épée à la main, et poursuivant sa sœur qui s'enfuit) :
C'est trop, ma patience à la raison fait place ;
Va dedans les enfers plaindre ton Curiace !
CAMILLE (blessée derrière le théâtre1) :
Ah ! traître !
HORACE (revenant sur le théâtre2) :
Ainsi reçoive un châtiment soudain
Quiconque ose pleurer un ennemi romain !
1 Horace reproche à sa sœur Camille de pleurer la mort son époux, et lui ordonne de se réjouir plutôt de sa victoire.
2 Curiace : époux passionnément aimé de Camille
3 Trépas : mort violente
4 Puisse ta vie être plus malheureuse que la mienne.
5 Horace a tué l'époux de Camille, Curiace, pour honorer Rome.
6 Camille, assassinée dans les coulisses
7 Horace, revenant sur scène
Texte B : Alfred de Musset, Lorenzaccio, Acte IV, scène 11
1834
Le duc de Florence, un débauché tyrannique, est craint et détesté par tous les habitants de la ville. Lorenzo, surnommé Lorenzaccio, a gagné la confiance du duc pour l'assassiner. Il lui a donné rendez-vous dans sa chambre, lui faisant croire que sa tante Catherine est prête à passer la nuit avec lui. Il est accompagné de son valet Scoronconcolo.
(La chambre de Lorenzo. Entrent le duc et Lorenzo.)
LE DUC :
Je suis transi, - il fait vraiment froid. (il ôte son épée.) Eh bien, mignon, qu'est-ce que tu fais donc ?
LORENZO :
Je roule votre baudrier1 autour de votre épée, et je la mets sous votre chevet. Il est bon d'avoir toujours une arme sous la main.
(Il entortille le baudrier de manière à empêcher l'épée de sortir du fourreau.)
LE DUC :
Tu sais que je n'aime pas les bavardes, et il m'est revenu que la Catherine était une belle parleuse. Pour éviter les conversations, je vais me mettre au lit. - À propos, pourquoi donc as-tu fait demander des chevaux de poste à l'évêque de Marzi ?
LORENZO :
Pour aller voir mon frère, qui est très malade, à ce qu'il m'écrit.
LE DUC :
Va donc chercher ta tante.
LORENZO :
Dans un instant.
(Il sort.)
LE DUC (seul) :
Faire la cour à une femme qui vous répond "oui" lorsqu'on lui demande "oui ou non", cela m'a toujours paru très sot et tout à fait digne d'un français. Aujourd'hui surtout que j'ai soupé comme trois moines, je serais incapable de dire seulement : "Mon cœur", ou "Mes chères entrailles", à l'infante d'Espagne2. Je veux faire semblant de dormir ; ce sera peut-être cavalier3, mais ce sera commode.
(Il se couche. Lorenzo entre l'épée à la main.)
LORENZO :
Dormez-vous, seigneur ?
(Il le frappe.)
LE DUC :
C'est toi, Renzo ?
LORENZO :
Seigneur, n'en doutez pas.
(Il le frappe de nouveau. Entre Scoronconcolo.)
SCORONCONCOLO :
Est-ce fait ?
LORENZO :
Regarde, il m'a mordu au doigt. Je garderai jusqu'à la mort cette bague sanglante, inestimable diamant.
SCORONCONCOLO :
Ah ! mon Dieu ! C'est le duc de Florence !
LORENZO (s'asseyant sur le bord de la fenêtre) :
Que la nuit est belle ! Que l'air du ciel est pur ! Respire, respire, cœur navré4 de joie !
SCORONCONCOLO :
Viens, maître, nous en avons trop fait ; sauvons-nous.
LORENZO :
Que le vent du soir est doux et embaumé ! Comme les fleurs des prairies s'entrouvrent ! Ô nature magnifique, ô éternel repos !
SCORONCONCOLO :
Le vent va glacer sur votre visage la sueur qui en découle. Venez, seigneur.
LORENZO :
Ah ! Dieu de bonté ! quel moment !
SCORONCONCOLO (à part) :
Son âme se dilate singulièrement. Quant à moi, je prendrai les devants.
(Il veut sortir.)
LORENZO :
Attends ! Tire ces rideaux. Maintenant, donne-moi la clef de cette chambre.
SCORONCONCOLO :
Pourvu que les voisins n'aient rien entendu !
LORENZO :
Ne te souviens-tu pas qu'ils sont habitués à notre tapage ? Viens, partons.
(Ils sortent.)
1 Baudrier : sangle qui permet de porter une arme en bandoulière.
2 Infante : titre donné à une princesse d'Espagne.
3 Cavalier : se comporter de façon cavalière signifie se comporter avec sans-gêne.
4 Cœur navré : cœur blessé par la joie.
Texte C : Jean Giraudoux, Électre, Acte II, scène 9, extrait
1937
Clytemnestre, aidée de son amant Égisthe, a assassiné son mari le roi Agamemnon. Un tel crime, commis à l'insu de tous, leur a permis d'usurper le pouvoir. Vers la fin de la pièce, le Mendiant dévoile aux personnages présents les circonstances de ce meurtre encore impuni.
LE MENDIANT :
Alors le roi des rois1 donna de grands coups de pied dans le dos de Clytemnestre, à chacun elle sursautait toute, la tête muette sursautait et se crispait, et il cria, et alors pour couvrir la voix, Égisthe poussait de grands éclats de rire, d'un visage rigide. Et il plongea l'épée. Et le roi des rois n'était pas ce bloc d'airain et de fer qu'il imaginait, c'était une douce chair, facile à transpercer comme l'agneau ; il y alla trop fort, l'épée entailla la dalle. Les assassins ont tort de blesser le marbre, il a sa rancune : c'est à cette entaille que moi j'ai deviné le crime. Alors il cessa de lutter ; entre cette femme de plus en plus laide et cet homme de plus en plus beau, il se laissa aller ; la mort a ceci de bon qu'on peut se confier à elle ; c'était sa seule amie dans ce guet-apens, la mort : elle avait d'ailleurs un air de famille, un air qu'il reconnaissait, et il appela ses enfants, le garçon d'abord, Oreste, pour le remercier de le venger un jour, puis la fille, Électre, pour la remercier de prêter ainsi pour une minute son visage et ses mains à la mort. Et Clytemnestre ne le lâchait pas, une mousse à ses lèvres, et Agamemnon voulait bien mourir, mais pas que cette femme crachât sur son visage, sur sa barbe. Et elle ne cracha pas, tout occupée à tourner autour du corps, à cause du sang qu'elle évitait aux sandales, elle tournait dans sa robe rouge, et lui déjà agonisait, et il croyait voir tourner autour de lui le soleil. Puis vint l'ombre. C'est que soudain, chacun d'eux par un bras l'avait retourné contre le sol. À la main droite quatre doigts déjà ne bougeaient plus. Et puis, comme Égisthe avait retiré l'épée sans y penser, ils le retournèrent à nouveau, et lui la remit bien doucement, bien posément dans la plaie.
1 Le roi des rois : cette expression désigne Agamemnon.
Comment est représenté le meurtre ?
Texte C : Jean Giraudoux, Électre, Acte II, scène 9, extrait
1937
Clytemnestre, aidée de son amant Égisthe, a assassiné son mari le roi Agamemnon. Un tel crime, commis à l'insu de tous, leur a permis d'usurper le pouvoir. Vers la fin de la pièce, le Mendiant dévoile aux personnages présents les circonstances de ce meurtre encore impuni.
LE MENDIANT :
Alors le roi des rois1 donna de grands coups de pied dans le dos de Clytemnestre, à chacun elle sursautait toute, la tête muette sursautait et se crispait, et il cria, et alors pour couvrir la voix, Égisthe poussait de grands éclats de rire, d'un visage rigide. Et il plongea l'épée. Et le roi des rois n'était pas ce bloc d'airain et de fer qu'il imaginait, c'était une douce chair, facile à transpercer comme l'agneau ; il y alla trop fort, l'épée entailla la dalle. Les assassins ont tort de blesser le marbre, il a sa rancune : c'est à cette entaille que moi j'ai deviné le crime. Alors il cessa de lutter ; entre cette femme de plus en plus laide et cet homme de plus en plus beau, il se laissa aller ; la mort a ceci de bon qu'on peut se confier à elle ; c'était sa seule amie dans ce guet-apens, la mort : elle avait d'ailleurs un air de famille, un air qu'il reconnaissait, et il appela ses enfants, le garçon d'abord, Oreste, pour le remercier de le venger un jour, puis la fille, Électre, pour la remercier de prêter ainsi pour une minute son visage et ses mains à la mort. Et Clytemnestre ne le lâchait pas, une mousse à ses lèvres, et Agamemnon voulait bien mourir, mais pas que cette femme crachât sur son visage, sur sa barbe. Et elle ne cracha pas, tout occupée à tourner autour du corps, à cause du sang qu'elle évitait aux sandales, elle tournait dans sa robe rouge, et lui déjà agonisait, et il croyait voir tourner autour de lui le soleil. Puis vint l'ombre. C'est que soudain, chacun d'eux par un bras l'avait retourné contre le sol. À la main droite quatre doigts déjà ne bougeaient plus. Et puis, comme Égisthe avait retiré l'épée sans y penser, ils le retournèrent à nouveau, et lui la remit bien doucement, bien posément dans la plaie.
1 Le roi des rois : cette expression désigne Agamemnon.
Pourquoi Lorenzo tue-t-il le duc ?
Texte B : Alfred de Musset, Lorenzaccio, Acte IV, scène 11
1834
Le duc de Florence, un débauché tyrannique, est craint et détesté par tous les habitants de la ville. Lorenzo, surnommé Lorenzaccio, a gagné la confiance du duc pour l'assassiner. Il lui a donné rendez-vous dans sa chambre, lui faisant croire que sa tante Catherine est prête à passer la nuit avec lui. Il est accompagné de son valet Scoronconcolo.
(La chambre de Lorenzo. Entrent le duc et Lorenzo.)
LE DUC :
Je suis transi, - il fait vraiment froid. (il ôte son épée.) Eh bien, mignon, qu'est-ce que tu fais donc ?
LORENZO :
Je roule votre baudrier1 autour de votre épée, et je la mets sous votre chevet. Il est bon d'avoir toujours une arme sous la main.
(Il entortille le baudrier de manière à empêcher l'épée de sortir du fourreau.)
LE DUC :
Tu sais que je n'aime pas les bavardes, et il m'est revenu que la Catherine était une belle parleuse. Pour éviter les conversations, je vais me mettre au lit. - À propos, pourquoi donc as-tu fait demander des chevaux de poste à l'évêque de Marzi ?
LORENZO :
Pour aller voir mon frère, qui est très malade, à ce qu'il m'écrit.
LE DUC :
Va donc chercher ta tante.
LORENZO :
Dans un instant.
(Il sort.)
LE DUC (seul) :
Faire la cour à une femme qui vous répond "oui" lorsqu'on lui demande "oui ou non", cela m'a toujours paru très sot et tout à fait digne d'un français. Aujourd'hui surtout que j'ai soupé comme trois moines, je serais incapable de dire seulement : "Mon cœur", ou "Mes chères entrailles", à l'infante d'Espagne2. Je veux faire semblant de dormir ; ce sera peut-être cavalier3, mais ce sera commode.
(Il se couche. Lorenzo entre l'épée à la main.)
LORENZO :
Dormez-vous, seigneur ?
(Il le frappe.)
LE DUC :
C'est toi, Renzo ?
LORENZO :
Seigneur, n'en doutez pas.
(Il le frappe de nouveau. Entre Scoronconcolo.)
SCORONCONCOLO :
Est-ce fait ?
LORENZO :
Regarde, il m'a mordu au doigt. Je garderai jusqu'à la mort cette bague sanglante, inestimable diamant.
SCORONCONCOLO :
Ah ! mon Dieu ! C'est le duc de Florence !
LORENZO (s'asseyant sur le bord de la fenêtre) :
Que la nuit est belle ! Que l'air du ciel est pur ! Respire, respire, cœur navré4 de joie !
SCORONCONCOLO :
Viens, maître, nous en avons trop fait ; sauvons-nous.
LORENZO :
Que le vent du soir est doux et embaumé ! Comme les fleurs des prairies s'entrouvrent ! Ô nature magnifique, ô éternel repos !
SCORONCONCOLO :
Le vent va glacer sur votre visage la sueur qui en découle. Venez, seigneur.
LORENZO :
Ah ! Dieu de bonté ! quel moment !
SCORONCONCOLO (à part) :
Son âme se dilate singulièrement. Quant à moi, je prendrai les devants.
(Il veut sortir.)
LORENZO :
Attends ! Tire ces rideaux. Maintenant, donne-moi la clef de cette chambre.
SCORONCONCOLO :
Pourvu que les voisins n'aient rien entendu !
LORENZO :
Ne te souviens-tu pas qu'ils sont habitués à notre tapage ? Viens, partons.
(Ils sortent.)
1 Baudrier : sangle qui permet de porter une arme en bandoulière.
2 Infante : titre donné à une princesse d'Espagne.
3 Cavalier : se comporter de façon cavalière signifie se comporter avec sans-gêne.
4 Cœur navré : cœur blessé par la joie.
Pourquoi le meurtre a-t-il lieu en coulisses ?
Texte A : Pierre Corneille, Horace, acte IV, scène 5, extrait
1641
Deux Romains, Horace et Camille sont frère et sœur. Par un tragique hasard, Horace doit combattre l'époux de Camille, un guerrier issu de la cité voisine, Albe. N'écoutant que son devoir patriotique, il tue cet ennemi provoquant la colère de sa sœur Camille.
HORACE :
Suis moins ta passion, règle mieux tes désirs,
Ne me fais plus rougir d'entendre tes soupirs ;
Tes flammes désormais doivent être étouffées ;
Bannis-les de ton âme, et songe à mes trophées :
Qu'ils soient dorénavant ton unique entretien1.
CAMILLE :
Donne-moi donc, barbare, un cœur comme le tien ;
Et si tu veux enfin je t'ouvre mon âme,
Rends-moi mon Curiace2, ou laisse agir ma flamme :
Ma joie et mes douleurs dépendaient de son sort ;
Je l'adorais vivant, et je le pleure mort.
Ne cherche plus ta sœur où tu l'avais laissée ;
Tu ne revois en moi qu'une amante offensée,
Qui comme une furie attachée à tes pas,
Te veut incessamment reprocher son trépas3.
Tigre assoiffé de sang, qui me défends les larmes,
Qui veut que dans sa mort je trouve encor des charmes
Et que jusques au ciel élevant tes exploits,
Moi-même je le tue une seconde fois !
Puissent tant de malheurs accompagner ta vie,
Que tu tombes au point de me porter envie4 ;
Et toi, bientôt souiller par quelque lâcheté
Cette gloire si chère à ta brutalité !
HORACE :
Ô ciel ! qui vit jamais une pareille rage
Crois-tu donc que je sois insensible à l'outrage,
Que je souffre en mon sang ce mortel déshonneur ?
Aime, aime cette mort qui fait notre bonheur,
Et préfère du moins au souvenir d'un homme
Ce que doit ta naissance aux intérêts de Rome.
CAMILLE :
Rome, l'unique objet de mon ressentiment !
Rome, à qui vient ton bras d'immoler mon amant5 !
Rome qui t'a vu naître, et que ton cœur adore !
Rome enfin que je hais parce qu'elle t'honore !
Puissent tous ses voisins ensemble conjurés
Saper ses fondements encor mal assurés !
Et si ce n'est assez de toute l'Italie,
Que l'Orient contre elle à l'Occident s'allie ;
Que cent peuples unis des bouts de l'univers
Passent pour la détruire et les monts et les mers !
Qu'elle-même sur soi renverse ses murailles,
Et de ses propres mains déchire ses entrailles !
Que le courroux du ciel allumé par mes vœux
Fasse pleuvoir sur elle un déluge de feux !
Puissé-je de mes yeux y voir tomber la foudre,
Voir ses maisons en cendre, et tes lauriers en poudre,
Voir le dernier Romain à son dernier soupir,
Moi seule en être cause, et mourir de plaisir !
HORACE (mettant l'épée à la main, et poursuivant sa sœur qui s'enfuit) :
C'est trop, ma patience à la raison fait place ;
Va dedans les enfers plaindre ton Curiace !
CAMILLE (blessée derrière le théâtre1) :
Ah ! traître !
HORACE (revenant sur le théâtre2) :
Ainsi reçoive un châtiment soudain
Quiconque ose pleurer un ennemi romain !
1 Horace reproche à sa sœur Camille de pleurer la mort son époux, et lui ordonne de se réjouir plutôt de sa victoire.
2 Curiace : époux passionnément aimé de Camille.
3 Trépas : mort violente.
4 Puisse ta vie être plus malheureuse que la mienne.
5 Horace a tué l'époux de Camille, Curiace, pour honorer Rome.
6 Camille, assassinée dans les coulisses.
7 Horace, revenant sur scène.