Décrire l'alternance politique sous la Ve République Exercice fondamental

En mai 1981, François Mitterrand devient président de la République : c'est l'alternance. En effet, pour la première fois dans l'histoire de la V^e République, la gauche est aux commandes. Mais à partir de 1986, le régime doit s'adapter à la cohabitation qui fait coexister droite et gauche au sommet de l'État.

Le 10 mai 1981, le "peuple de gauche" exulte : François Mitterrand, le leader du Parti socialiste, entre à l'Élysée après près d'un quart de siècle de pouvoir de droite, et alors même que la gauche, Mitterrand en tête, a toujours critiqué les institutions "monarchiques" de la V^e République. En s'installant au pouvoir, Mitterrand lance un vaste mouvement de réformes. L'une des premières, portée par le garde des Sceaux Robert Badinter, est l'abolition de la peine de mort.
Économiquement, la gauche est porteuse d'un programme généreux qui s'inscrit dans l'héritage du Front populaire de 1936. Le gouvernement accorde ainsi une cinquième semaine de congés payés, nationalise certaines entreprises et abaisse l'âge de la retraite à 60 ans.
La décentralisation est par ailleurs lancée : les collectivités territoriales et locales sont dotées de plus amples pouvoirs aux dépens de l'État central. Enfin, de grandes réformes sont entreprises dans le domaine de la culture : les radios libres sont créées, la fête de la musique est instituée, les musées sont rénovés, l'offre culturelle est étoffée.
Cependant, la crise économique qui frappe le pays depuis les années 1970 (les chocs pétroliers de 1973 et 1979) rappelle rapidement le pouvoir à l'ordre : c'est le tournant de la rigueur de 1983. La lutte contre les déficits impose au gouvernement de se montrer moins généreux et de freiner la dépense publique. L'impopularité grandit, les électeurs de Mitterrand estimant avoir été trahis.

Cette crise politique aboutit à la victoire de la droite menée par Jacques Chirac (président du RPR) aux élections législatives de 1986. Pour la première fois dans l'histoire de la V^e République, le Premier ministre et le président de la République ne partagent pas les mêmes vues. Le système risque le blocage. La Constitution est claire : c'est au Premier ministre de conduire la politique de la nation conformément au mandat qu'il a reçu des électeurs qui ont voté pour son parti. Mais le président peut se prévaloir d'avoir reçu la légitimité du suffrage universel.
Loin de décrédibiliser le chef de l'État, la cohabitation le favorise politiquement : aux élections de 1988, François Mitterrand réussit à battre Jacques Chirac. Mais dès 1993, à l'issue d'un désastre électoral pour la gauche qui subit de plein fouet les conséquences de la crise économique qu'elle n'arrive pas à endiguer, Édouard Balladur, proche de Jacques Chirac, devient à son tour Premier ministre et inaugure la deuxième cohabitation.
En 1995, Mitterrand, vieillissant, quitte le pouvoir au terme de ses deux mandats. Chirac est élu à la présidence, mais en 1997, il dissout l'Assemblée nationale afin de clarifier ses orientations politiques. Il est désavoué et son camp perd les élections : le socialiste Lionel Jospin devient chef du gouvernement, c'est la troisième cohabitation.
Ceci explique en partie la cinglante défaite de la gauche aux présidentielles de 2002 (le "21 avril") et la présence de l'extrême droite au second tour.
Conscients des risques que le système de la cohabitation faisait peser sur les institutions, les responsables politiques avaient pourtant fait adopter une réforme importante en 2000 : le mandat présidentiel serait ramené à cinq ans à partir de 2002. Ainsi, pensait-on, l'Assemblée, élue quelques semaines après le locataire de l'Élysée, et pour une durée similaire, ne pourrait être qu'en cohérence avec lui. Depuis 2002, il n'y a donc pas eu de cohabitation. Mais de ce fait, le quinquennat a renforcé le poids politique de l'Élysée et donc la présidentialisation du pouvoir.

La V^e République, taillée sur mesure pour de Gaulle, a su s'adapter à l'alternance politique. Les cohabitations ont posé des questions de gouvernance, mais n'ont pas bloqué le système.