Le goût n'est pas suffisant pour connaître avec précision la concentration d'une espèce dissoute dans une eau de boisson. Les normes (en particulier les critères de potabilité) imposent la détermination précise de la concentration de nombreuses espèces chimiques dissoutes dans les eaux, comme par exemple celle des ions hydrogénocarbonates présents dans une eau minérale. Le travail du chimiste dans l'analyse des eaux n'est pas seulement qualitatif, il est surtout quantitatif.
L'objectif de ce problème est de savoir si l'eau minérale analysée par un technicien chimiste répond à un des critères de potabilité imposés à l'eau du robinet.
Les eaux minérales
D'après les sites www.coursdeau.com/junior, www.doctissimo.fr et www.wikipédia.org
Les eaux minérales sont des eaux de source qui présentent des propriétés particulières : elles contiennent des minéraux et des oligo-éléments qui peuvent leur conférer certaines vertus thérapeutiques. En France, une eau ne peut être qualifiée de "minérale" que si elle a été reconnue par l'Académie nationale de médecine.
Cependant, les eaux minérales n'obéissent pas aux normes de potabilité des eaux du robinet ou des eaux de source.
Une eau minérale ne respecte donc pas forcément les critères d'une eau potable.
Une eau minérale n'en est pas pour autant impropre à la consommation. Ses qualités thérapeutiques proviennent même de sa forte minéralisation.
| Concentration massique en mg.l-1 | Contrex | Évian | Courmayeur | Volvic |
|---|---|---|---|---|
| Sodium \ce{Na+} | 9,1 | 5 | 1 | 9,4 |
| Calcium \ce{Ca^{2+}} | 486 | 78 | 517 | 9,9 |
| Magnésium \ce{Mg^{2+}} | 84 | 24 | 67 | 6,1 |
| Hydrogénocarbonate \ce{HCO3-} | 403 | 357 | 168 | 65,3 |
Titre alcalimétrique et titre alcalimétrique complet
Dans les eaux minérales destinées à l'alimentation, l'alcalinité (synonyme de basicité) est principalement due à la présence d'ions carbonates \ce{CO3^{2–}} et hydrogénocarbonates \ce{HCO3^{–}}.
L'alcalinité d'une eau est déterminée à l'aide de titrages réalisés avec un acide fort.
Par convention, on exprime cette alcalinité par le Titre alcalimétrique (TA) et par le Titre alcalimétrique complet (TAC) ; ces deux titres sont exprimés en degrés français (°f).
Le TA d'une eau permet de connaître la teneur d'une eau en ions carbonates et en bases fortes grâce à un titrage en présence de phénolphtaléine.
Le TAC permet de connaître la teneur d'une eau en bases fortes, en ions carbonates et hydrogénocarbonates grâce à un titrage en présence de vert de bromocrésol rhodamine.
Le TAC, exprimé en degrés français (°f), est la valeur du volume d'acide (exprimée en ml) à une concentration molaire C_A = 0{,}0200 mol.l-1 en ions oxoniums \ce{H3O^{+}} nécessaire pour doser 100,0 ml d'eau en présence de vert de bromocrésol rhodamine.
Le TAC peut être déterminé aisément dans le cas d'une eau minérale dont le pH est inférieur à 8,2 car, dans ce cas, l'eau contient uniquement comme bases des ions \ce{HCO3^{–}} et ne contient pratiquement pas d'ions carbonates \ce{CO3^{2–}}. Pour cette eau, une valeur de TAC d'un degré français (1°f) équivaut alors à 12,2 mg.l-1 d'ions hydrogénocarbonates (\ce{HCO3^{–}}).
Le TAC doit être inférieur à 50°f pour une eau potable.
Masse molaire des ions hydrogénocarbonates \ce{HCO3^{–}} : M = 61{,}0 g.mol-1
Diagramme de distribution, en fonction du pH, des différentes espèces chimiques des couples acide/base dans lesquels sont engagés les ions hydrogénocarbonates et carbonates
Couples acido-basiques et pKa :
- \ce{CO2,H2O_{(aq)} / HCO3^{–}_{(aq)}} : pKa_1 = 6{,}4
- \ce{HCO3^{–}_{(aq)} / CO3^{2–}_{(aq)}} : pKa_2 = 10{,}3

Zone de virages de quelques indicateurs colorés
| Indicateur coloré | Couleur | Zone de virage | Largeur de la zone de virage | |
|---|---|---|---|---|
| Forme acide | Forme basique | |||
| Bleu de bromophénol | Jaune | Bleu | 3,4 - 4,5 | 2,4 |
| Vert de bromocrésol rhodamine | Jaune | Bleu | 3,8 - 5,4 | 1,6 |
| Bleu de bromothymol | Jaune | Bleu | 6,0 - 7,6 | 1,6 |
| Phénolphtaléine | Incolore | Rose | 8,2 - 10,0 | 1,8 |
Analyse de l'eau minérale réalisée par le technicien chimiste
Le titrage a été effectué sur un échantillon prélevé de volume V = 50{,}0 ml d'eau minérale à étudier. Cet échantillon a été titré par une solution d'acide chlorhydrique de concentration molaire C_A = 0{,}0200 mol.l-1 en ions \ce{H3O+}.
Le suivi par pHmétrie de ce titrage a amené le technicien chimiste à tracer la courbe d'évolution du pH en fonction du volume d'acide versé pH = f\left(VA\right) sur le graphe ci-dessous.

Dans le document 2, il est dit :
"On détermine le TAC si le pH d'une eau est inférieur à 8,2 car dans ce cas, l'eau contient pratiquement et uniquement des ions \ce{HCO3^{–}} et ne contient pratiquement pas d'ions carbonates \ce{CO3^{2–}}."
Comment peut-on justifier, à l'aide du document 3, cette affirmation ?
D'après les données de l'énoncé, on sait que le pKa du couple \ce{HCO3^{-}_{(aq)}} / \ce{CO3^{2-}_{(aq)}} vaut 10,3, ce qui signifie que pour un pH inférieur à 8,2, l'espèce prédominante du couple est l'acide \ce{HCO3^{-}_{(aq)}}.
On remarque même grâce au graphe représentant la distribution de chaque espèce en fonction du pH de la solution, qu'à partir de pH=8{,}2 et en dessous, la base \ce{CO3^{2-}_{(aq)}} n'est présente qu'à un pourcentage extrêmement proche de 0%.
De plus, l'énoncé affirme que la basicité d'une eau est principalement due à la présence d'ions carbonate, et hydrogénocarbonate dans l'eau.
Pour des valeurs de pH inférieures à 8,2, l'eau ne contient donc pratiquement comme bases que des ions \ce{HCO3^{-}_{(aq)}} - qui est à la fois acide du couple précédent et base du couple formé avec \ce{CO2,H2O_{(aq)}} - et quasiment pas d'ions \ce{CO3^{2-}_{(aq)}} comme l'annonce l'énoncé.
D'après le graphe de pourcentages en fonction du pH, on peut conclure qu'il n'y a quasiment pas d'ions \ce{CO3^{2-}_{(aq)}} pour un pH inférieur à 8,2 et pratiquement uniquement des ions \ce{HCO3^{-}_{(aq)}}.
Quelle est l'équation de la réaction du titrage réalisée par le technicien ?
Les deux couples mis en jeu dans la réaction de titrage sont \ce{CO2,H2O_{(aq)}} / \ce{HCO3^{-}_{(aq)}} et \ce{H3O^{+}_{(aq)}} / \ce{H2O} dont les demi-équations acido-basiques respectives sont les suivantes :
- \ce{HCO3^{-}_{(aq)} + H+ =CO2,H2O_{(aq)}}
- \ce{H2O_{(l)} +H+ = H3O^{+}_{(aq)} }
L'équation de réaction du titrage réalisé par le technicien est donc la suivante :
\ce{HCO3_{(aq)}^{-} +H3O+_{(aq)}}\ce{- \gt }\ce{ CO2,H2O_{(aq)} + H2O{(l)} }
Comment peut-on justifier le choix du vert de bromocrésol rhodamine comme indicateur coloré pour doser les ions hydrogénocarbonates de cette eau ?
Pour juger de la pertinence du choix d'un indicateur coloré pour détecter l'équivalence, il faut connaître le pH à l'équivalence. Pour ce faire, on peut utiliser la méthode des tangentes. Par cette méthode, on obtient un pH de 4,5 pour un volume à l'équivalence de 15,0 ml.
4,5 est compris entre 3,8 et 5,4 qui est la zone de virage du vert de bromocrésol rhodamine.
Le pH à l'équivalence de la réaction est situé dans la zone de virage de l'indicateur coloré choisi, donc ce dernier est bien choisi.
On souhaite identifier l'eau minérale analysée et déterminer si elle satisfait au critère de potabilité.
Quelle est la construction correcte permettant de déterminer le volume équivalent du titrage ?

D'après l'équation de la réaction du titrage, quelle relation lie la quantité de matière initiale en ions hydrogénocarbonates et celle en ions oxoniums versés à l'équivalence ?
Lors de l'équivalence, les réactifs ont été apportés en proportions stœchiométriques, donc les quantités de matière en ions \ce{H3O+_{(aq)}} versés à l'équivalence et en ions \ce{HCO3_{(aq)}^{-} } présents initialement dans l'échantillon d'eau sont égales :
n_{\ce{HCO3^{-}_{(aq)}}} =n_{\ce{H3O^{+}_{(aq)}}}
Quel est alors le calcul correct de la concentration molaire en ions hydrogénocarbonates dans l'eau dosée ?
On a donc :
\left[\ce{HCO3^{-}_{(aq)}}\right]=\dfrac{C_A\times V_{éq}}{V}
Par déduction, quelle est la concentration en masse des hydrogénocarbonates dans l'eau dosée ?
On en déduit alors que :
C_m=\dfrac{C_A\times V_E\times M}{V}
Ce qui donne :
C_m=\dfrac{0{,}0200\times15{,}0 \times 61{,}0}{50{,}0}
Soit :
C_m=0{,}366 g.l-1
Quelle eau minérale peut-on ainsi identifier ?
On a donc :
C_m=366 mg.l-1
Aucune des eaux données dans l'énoncé ne correspond à cette concentration précisément. Cependant, les valeurs sont données à 5% près et l'eau la plus proche est l'Évian dont la concentration massique en ions hydrogénocarbonate vaut \left(357 \pm 5\%\right) mg.l-1.
On calcule la plage de concentrations massiques correspondante à cette précision :
\dfrac{5\times 357}{100}=17{,}85
La plage de concentrations massiques est donc [357-17,9 ; 357 +17,9] soit [339 ; 375]. La valeur obtenue par titrage étant contenue dans cette plage de valeurs, on peut alors affirmer que l'eau testée est de l'Évian.
D'après la définition du TAC, quel volume d'eau minérale doit être dosé par les ions oxoniums ?
D'après la définition du TAC, le volume d'eau minérale doit être dosé par les ions oxoniums est 100,0 ml.
Étant donné que le technicien a dosé 50,0 ml d'eau minérale, quel est le TAC de celle-ci ?
Ici, le technicien a dosé 50,0 ml d'eau et a obtenu un volume à l'équivalence de 15,0 ml. Pour un volume d'eau de 100,0 ml, il aurait donc obtenu un volume à l'équivalence de 30,0 ml car la quantité de matière en ions hydrogénocarbonate aurait été doublée.
Est-ce que cette eau minérale est potable ?
Le TAC de cette eau vaut donc 30°f. Pour qu'une eau soit potable, il faut que le TAC soit inférieur à 50°f, ce qui est le cas ici. L'eau d'Évian est donc potable.