Après avoir lu le texte suivant, répondre aux questions qui permettront de l'étudier.
Claude Gueux
Victor Hugo
1834
« — Monsieur ! dit Claude.
Le directeur s'arrêta et se détourna à demi.
— Monsieur, reprit Claude, est-ce que c'est vrai qu'on a changé Albin de quartier ?
— Oui, répondit le directeur.
— Monsieur, poursuivit Claude, j'ai besoin d'Albin pour vivre.
Il ajouta :
— Vous savez que je n'ai pas assez de quoi manger avec la ration de la maison, et qu'Albin partageait son pain avec moi.
— C'était son affaire, dit le directeur.
— Monsieur, est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de faire remettre Albin dans le même quartier que moi ?
— Impossible. Il y a décision prise.
— Par qui ?
— Par moi.
— Monsieur D., reprit Claude, c'est la vie ou la mort pour moi, et cela dépend de vous.
— Je ne reviens jamais sur mes décisions.
— Monsieur, est-ce que je vous ai fait quelque chose ?
— Rien.
— En ce cas, dit Claude, pourquoi me séparez-vous d'Albin ?
— Parce que, dit le directeur. […]
— Que fais-tu là, toi ? dit le directeur ; pourquoi n'es-tu pas à ta place ?
Car un homme n'est plus un homme là, c'est un chien, on le tutoie.
Claude Gueux répondit respectueusement.
— C'est que j'ai à vous parler, Monsieur le directeur.
— De quoi ?
— D'Albin.
— Encore ! dit le directeur.
— Toujours ! dit Claude.
— Ah çà, reprit le directeur en continuant de marcher, tu n'as donc pas eu assez de vingt-quatre heures de cachot ?
Claude répondit en continuant de le suivre :
— Monsieur le directeur, rendez-moi mon camarade.
— Impossible.
— Monsieur le directeur, dit Claude avec une voix qui eût attendri le démon, je vous en supplie, remettez Albin avec moi, vous verrez comme je travaillerai bien. Vous qui êtes libre, cela vous est égal, vous ne savez pas ce que c'est qu'un ami ; mais, moi, je n'ai que les quatre murs de ma prison. […] Moi je n'ai qu'Albin. Rendez-le moi. […]
— Impossible. C'est dit. Voyons, ne m'en reparle plus. Tu m'ennuies.
Et, comme il était pressé, il doubla le pas. Claude aussi. […]
Claude toucha doucement le bras du directeur.
— Mais au moins que je sache pourquoi je suis condamné à mort. Dites-moi pourquoi vous l'avez séparé de moi.
— Je te l'ai déjà dit, répondit le directeur, parce que.
Et, tournant le dos à Claude, il avança la main vers le loquet de la porte de sortie.
À la réponse du directeur, Claude avait reculé d'un pas. Les quatre-vingt statues qui étaient là virent sortir de son pantalon sa main droite avec la hache. Cette main se leva, et, avant que le directeur eût pu pousser un cri, trois coups de hache, chose affreuse à dire, assénés tous les trois dans la même entaille, lui avaient ouvert le crâne. »
Quel est le genre littéraire de ce texte ?
Il s'agit d'un texte romanesque. C'est un extrait du roman écrit par Victor Hugo, Claude Gueux.
Quel est le type de discours utilisé dans ce passage ?
Le type de discours utilisé dans ce passage est le discours direct : les deux personnages échangent des paroles matérialisées par des retours à la ligne, par l'utilisation du tiret à chaque prise de parole et par l'emploi fréquent de verbes de parole comme « dit Claude », « reprit Claude », « dit le directeur ».
Quels sont les personnages principaux de ce passage ?
Les personnages principaux de ce passage sont Claude et le directeur. Il est question d'Albin, mais il n'intervient pas directement. Quant aux autres prisonniers, ils assistent à la scène de dialogue entre Claude et le directeur mais sans véritablement intervenir.
Pour quelle raison Claude interpelle-t-il le directeur ?
Claude interpelle le directeur car il ne comprend pas sa décision et veut savoir pourquoi il a été séparé sans raison d'Albin, comme le soulignent sa deuxième prise de parole au début de l'extrait : « Monsieur, reprit Claude, est-ce que c'est vrai qu'on a changé Albin de quartier ? » et sa répétition plus vers la fin de l'extrait : « En ce cas, dit Claude, pourquoi me séparez-vous d'Albin ? ».
Quels sont les arguments que Claude donne au directeur pour le convaincre de le remettre avec Albin ?
Les arguments que Claude donne au directeur de le convaincre de le remettre avec Albin sont sa survie grâce au partage de la ration de pain (« Vous savez que je n'ai pas assez de quoi manger avec la ration de la maison, et qu'Albin partageait son pain avec moi »), leur amitié (« rendez-moi mon camarade » et « vous ne savez pas ce que c'est qu'un ami »), son bon travail et la promesse de faire mieux (« vous verrez comme je travaillerai bien »).
Pour s'adresser à Claude, quel pronom personnel le directeur utilise-t-il ?
Pour s'adresser à Claude, le directeur utilise le pronom personnel « tu ». Cela est peu respectueux et souligne bien le manque de considération envers Claude qu'il traite d'ailleurs comme un animal : « Car un homme n'est plus un homme là, c'est un chien, on le tutoie. » Par opposition, Claude ne manque jamais de respect au directeur car il s'adresse à lui en le vouvoyant et en ponctuant ses adresses de « monsieur ».
Quelle est la figure de style utilisée dans « virent sortir de son pantalon sa main droite avec la hache » ?
La figure de style utilisée dans cette expression « virent sortir de son pantalon sa main droite avec la hache » est la métonymie qui désigne une partie du corps humain, ici la main, pour désigner l'ensemble de la personne, ici Claude. Les deux, la main et le corps, entretiennent un rapport logique et appartiennent à la même personne. La métonymie permet de se focaliser sur un élément précis pour bien le mettre en valeur, ici la main qui va donner la mort.
Quelle est la figure de style utilisée dans « Les quatre-vingt statues qui étaient là » ?
La figure de style utilisée dans cette expression, « Les quatre-vingt statues qui étaient là », est une métaphore : les hommes qui sont emprisonnés avec Claude sont comparés implicitement là des « statues » pour dire qu'ils ne bougent pas, qu'ils restent immobiles pour observer ce qui va se passer, à savoir le meurtre du directeur par Claude. Ils sont pétrifiés et ils ont peur.
De quelle manière peut-on interpréter le geste final de Claude Gueux qui tue le directeur pour réagir contre le changement de quartier injustifié d'Albin ?
On peut interpréter le geste final de Claude Gueux qui tue le directeur pour réagir contre le changement de quartier injustifié d'Albin comme une immense colère face à cette injustice. Le directeur n'a donné aucune justification valable et recevable quant à sa décision de séparer Claude et Albin. Le directeur a agi ainsi seulement par jalousie pour leur amitié. Il a voulu les faire souffrir gratuitement.