Après avoir lu le texte suivant, répondre aux questions qui permettront de l'étudier.
Phèdre, acte III, scène 3
Jean Racine
1677
« ŒNONE.
Vous mourrez ?
PHÈDRE.
Juste ciel ! Qu'ai-je fait aujourd'hui ?
Mon époux va paraître, et son fils avec lui.
Je verrai le témoin de ma flamme adultère
Observer de quel front j'ose aborder son père,
Le cœur gros de soupirs, qu'il n'a point écoutés,
L'œil humide de pleurs, par l'ingrat rebutés.
Penses-tu que sensible à l'honneur de Thésée,
Il lui cache l'ardeur dont je suis embrasée ?
Laissera-t-il trahir et son père et son roi ?
Pourra-t-il contenir l'horreur qu'il a pour moi ?
Il se tairait en vain. Je sais mes perfidies,
Œnone, et ne suis point de ces femmes hardies,
Qui goûtant dans le crime une tranquille paix
Ont su se faire un front qui ne rougit jamais.
Je connais mes fureurs, je les rappelle toutes.
Il me semble déjà que ces murs, que ces voûtes,
Vont prendre la parole, et prêts à m'accuser
Attendent mon époux, pour le désabuser.
Mourons. De tant d'horreurs qu'un trépas me délivre.
Est-ce un malheur si grand que de cesser de vivre ?
La mort aux malheureux ne cause point d'effroi.
Je ne crains que le nom que je laisse après moi.
Pour mes tristes enfants auquel affreux héritage !
Le sang de Jupiter doit enfler leur courage.
Mais quelque juste orgueil qu'inspire un sang si beau,
Le crime d'une mère est un pesant fardeau.
Je tremble qu'un discours, hélas ! trop véritable,
Un jour ne leur reproche une mère coupable.
Je tremble qu'opprimés de ce poids odieux,
L'un ni l'autre jamais n'ose lever les yeux. »
Quel est le registre de la tirade prononcée par Phèdre ?
Le registre de la tirade prononcée par Phèdre est tragique. Le registre tragique a pour but de susciter l'effroi et la pitié face à la fatalité qui s'abat sur un personnage. On retrouve dans cet extrait de nombreux procédés littéraires caractéristiques de ce registre.
- Tout d'abord, la tirade de Phèdre est dominée par les interrogations et les exclamations.
- Ensuite, Phèdre exprime la nécessité de sa mort pour sauver l'honneur de sa famille. De ce fait, le champ lexical de la mort est très présent.
- Enfin, on trouve de nombreuses figures de style dont des métaphores.
À quelle époque cette pièce de théâtre se déroule-t-elle ?
Cette pièce, bien qu'elle ait été écrite au XVIIe siècle, se déroule dans l'Antiquité. Dans sa tirade, Phèdre évoque « Thésée » et « Jupiter ». Dans la mythologie grecque, Phèdre est la fille du roi de Crète Minos et de Pasiphaé, ce qui en fait la demi-sœur du Minotaure. Thésée est un héros antique. C'est lui qui vainc le Minotaure. Enfin, Jupiter est le dieu romain qui gouverne la terre et le ciel.
Qui est Thésée pour Phèdre ?
Thésée est le mari de Phèdre : « Mon époux va paraître, et son fils avec lui. ». Elle prononce, plus loin, le prénom de son mari : « Penses-tu que sensible à l'honneur de Thésée, / Il lui cache l'ardeur dont je suis embrasée ? ». Le pronom « il » désigne Hippolyte, le fils de Thésée.
Quelle figure de style est utilisée dans l'extrait suivant ?
« Je verrai le témoin de ma flamme adultère »
Il s'agit d'une périphrase. La périphrase est une figure de style de substitution qui emploie plusieurs mots pour désigner ce que l'on pourrait dire en un seul mot. Généralement, on remplace le mot par un groupe de mots qui le définit de façon imagée. Cette figure de style permet d'éviter les répétitions et de mettre en valeur une ou des caractéristiques de la réalité évoquée. Ici, « le témoin de ma flamme adultère » permet de désigner Hippolyte, le fils de Thésée.
Que signifie la figure de style « ma flamme adultère » ?
La figure de style est une métaphore, celle de « la flamme adultère ». Elle signifie que Phèdre est amoureuse d'un autre homme que son mari. En effet, Phèdre nourrit « une flamme », c'est-à-dire un amour pour un autre homme que son mari. Elle aime Hippolyte le fils de Thésée qui l'a eu d'une première union avec une Amazone. Or, Thésée est le mari de Phèdre. Elle est donc amoureuse de son beau-fils. C'est pour cela que son amour est adultère. C'est un « crime » dont elle se sent « coupable ».
Le fils de Thésée a-t-il accepté les avances de sa belle-mère ?
Non, le fils de Thésée n'a pas accepté les avances de sa belle-mère. Phèdre explique à Œnone que son beau-fils « n'a point écouté » ses « soupirs » et que ce dernier a « rebuté » ses « pleurs » c'est-à-dire qu'il n'y a pas prêté attention.
Que craint Phèdre ?
Phèdre craint qu'Hippolyte n'explique à son père qu'elle nourrit des sentiments pour lui. Cela serait logique qu'Hippolyte fasse cet aveu. En effet, il doit veiller à l'honneur de Thésée qui est à la fois son père et son roi. Hippolyte a un véritable devoir de vérité envers son père. S'il ne le lui dit pas, cela serait une double trahison : « Penses-tu que sensible à l'honneur de Thésée, / Il lui cache l'ardeur dont je suis embrasée ? / Laissera-t-il trahir et son père et son roi ? »
Pourquoi Phèdre décide-t-elle d'avouer tout de même à Thésée qu'elle aime son fils ?
Elle ne pourrait pas vivre avec ce secret sur la conscience. Phèdre fait preuve de beaucoup d'honnêteté et d'honneur. Elle assume ses actes et leurs conséquences. Elle explique qu'elle ne pourrait jamais vivre l'esprit tranquille si elle cachait cela à son mari.
« [...] Je sais mes perfidies,
Œnone, et ne suis point de ces femmes hardies,
Qui goûtant dans le crime une tranquille paix
Ont su se faire un front qui ne rougit jamais. »
Quelle figure de style est utilisée dans l'extrait suivant ?
« Il me semble déjà que ces murs, que ces voûtes,
Vont prendre la parole, et prêts à m'accuser
Attendent mon époux, pour le désabuser. »
Il s'agit d'une personnification. Une personnification attribue des caractéristiques humaines à une chose ou un animal. Ici, ce sont les « murs » et les « voûtes » qui « vont prendre la parole » pour trahir le secret de Phèdre. La parole est une caractéristique humaine. Cette personnification sous-entend également que s'ils prennent la parole, c'est qu'ils ont écouté. Ne dit-on pas que les murs ont des oreilles (une autre personnification !) ?
Pourquoi Phèdre envisage-t-elle la mort ?
Elle ne souhaite pas qu'elle ou ses enfants ne vivent dans le déshonneur à cause de ce qu'elle a fait. En effet, Phèdre préfère mourir que de vivre le déshonneur ou de l'imposer à sa famille. Elle fait preuve de beaucoup de noblesse dans cette décision. Elle fait passer l'honneur des siens avant sa propre vie.
Quel type d'héroïne est Phèdre ?
Phèdre est une héroïne tragique. Les héroïnes tragiques sont des héroïnes fortes, prêtes à sacrifier leur vie pour leurs idées. Elles se montrent nobles et courageuses même si elles ne prennent pas les armes. Phèdre est, de ce fait, une véritable héroïne tragique car elle préfère la mort au déshonneur. Ces héroïnes sont également complexes. Elles n'ont pas que des qualités. Ainsi, Phèdre n'est pas totalement innocente puisqu'elle a nourri des sentiments adultères et incestueux pour son beau-fils. Enfin, les héroïnes tragiques donnent souvent leur nom au titre de l'œuvre. C'est ce que l'on appelle des héroïnes éponymes. Ici, Phèdre héroïne principale devient Phèdre, titre de la tragédie de Jean Racine.