Après avoir lu le texte suivant, répondre aux questions qui permettront de l'étudier.
Les Misérables
Victor Hugo
1862
« — Écoutez, reprit Madeleine, il y a encore assez de place sous la voiture pour qu'un homme s'y glisse et la soulève avec son dos. Rien qu'une demi-minute, et l'on tirera le pauvre homme. Y a-t-il ici quelqu'un qui ait des reins et du cœur ? Cinq louis d'or à gagner !
Personne ne bougea dans le groupe. […]
— Ce n'est pas la bonne volonté qui leur manque, dit une voix.
M. Madeleine se retourna, et reconnut Javert. Il ne l'avait pas aperçu en arrivant.
Javert continua :
— C'est la force. Il faudrait être terrible homme pour faire la chose de lever une voiture comme cela sur son dos.
Puis, regardant fixement M. Madeleine, il poursuivit en appuyant sur chacun des mots qu'il prononçait :
— Monsieur Madeleine, je n'ai jamais connu qu'un seul homme capable de faire ce que vous demandez là.
Madeleine tressaillit.
Javert ajouta avec un air d'indifférence, mais sans quitter des yeux Madeleine :
— C'est un forçat.
— Ah ! dit Madeleine.
— Du bagne de Toulon.
Madeleine devint pâle. […]
— Il n'y a donc personne qui veuille gagner vingt louis et sauver la vie à ce pauvre vieux ?
Aucun des assistants ne remua. Javert reprit :
— Je n'ai jamais connu qu'un homme qui pût remplacer un cric. C'était ce forçat.
— Ah ! voilà que ça m'écrase ! cria le vieillard.
Madeleine leva la tête, rencontra l'œil de faucon de Javert toujours attaché sur lui, regarda les paysans immobiles, et sourit tristement. […] On vit Madeleine presque à plat ventre sous ce poids effrayant essayer deux fois en vain de rapprocher ses coudes de ses genoux. […]
Les assistants haletaient. Les roues avaient continué de s'enfoncer, et il était déjà devenu presque impossible que Madeleine sortît de dessous la voiture. Tout à coup on vit l'énorme masse s'ébranler, la charrette se soulevait lentement, les roues sortaient à demi de l'ornière. On entendit une voie étouffée qui criait :
— Dépêchez-vous ! aidez ! C'était Madeleine qui venait de faire un dernier effort. »
Quel est le registre du texte ?
Le registre de ce texte est épique. Le registre épique cherche à provoquer l'admiration et l'enthousiasme du lecteur, en louant les exploits d'un ou plusieurs héros. Ici, c'est l'exploit de Madeleine qui est mis en avant par le registre épique. On retrouve toutes les caractéristiques du registre épique.
- Tout d'abord, le narrateur emploie des métaphores « terrible homme », « œil de faucon », « poids effrayant », « énorme masse ».
- Ensuite, Madeleine accomplit un exploit extraordinaire, hors du commun : « On vit Madeleine presque à plat ventre sous ce poids effrayant essayer deux fois en vain de rapprocher ses coudes de ses genoux ».
- Enfin, la succession d'actions racontées au passé simple et les descriptions de la foule à l'imparfait montrent combien la situation est critique et exceptionnelle.
Quel accident a eu lieu ?
Un vieillard est coincé sous une voiture qui s'enfonce dans une ornière pleine de boue : « — Ah ! voilà que ça m'écrase ! cria le vieillard. », « il y a encore assez de place sous la voiture pour qu'un homme s'y glisse et la soulève avec son dos. Rien qu'une demi-minute, et l'on tirera le pauvre homme ».
Quelle solution M. Madeleine propose-t-il pour sauver le vieillard ?
Monsieur Madeleine propose qu'un des hommes présents se mette sous la voiture pour la soulever et libérer le vieillard : « il y a encore assez de place sous la voiture pour qu'un homme s'y glisse et la soulève avec son dos ».
Que signifie « Y a-t-il ici quelqu'un qui ait des reins et du cœur ? » ?
Cela signifie : « Y a-t-il quelqu'un ici qui soit très fort et courageux ? »
Dans cette phrase, « reins » et « cœur » sont employés de manière métaphorique. « Rein » s'entend de deux manières : le terme est synonyme de dos et symbolise la force physique mais il peut aussi se comprendre comme dans l'expression « avoir les reins solides » qui signifie « avoir une grande force morale ». Quant au terme « cœur », il est employé dans son sens ancien qui signifie « courage ».
« Ce n'est pas la bonne volonté qui leur manque, dit une voix. »
Qu'est-ce qui manque donc aux hommes présents pour aider le vieillard coincé sous la voiture ?
Les hommes présents manquent de force pour aider le vieillard. La voiture est extrêmement lourde. Javert sous-entend donc que si les hommes ne veulent pas soulever la voiture, même si Madeleine leur propose de l'argent, c'est parce qu'ils savent que c'est bien trop lourd pour eux et qu'ils en seraient incapables.
Pourquoi M. Madeleine devient-il « pâle » lorsque Javert dit : « Monsieur Madeleine, je n'ai jamais connu qu'un seul homme capable de faire ce que vous demandez là. [...] C'est un forçat. [...] Du bagne de Toulon » ?
M. Madeleine devient pâle qu'il sait que Javert l'a reconnu : c'est lui le bagnard dont Javert parle. Javert procède par sous-entendus, il souhaite effrayer M. Madeleine. Il connaît la véritable identité de Madeleine et il le lui fait savoir. Madeleine sait qu'il est reconnu et il craint de devoir retourner au bagne.
Qui finit par passer sous la voiture pour la soulever ?
C'est M. Madeleine qui finit par se mettre sous la voiture et la soulever, seul, de toutes ses forces.
« On vit Madeleine presque à plat ventre sous ce poids effrayant essayer deux fois en vain de rapprocher ses coudes de ses genoux. […] Les roues avaient continué de s'enfoncer, et il était déjà devenu presque impossible que Madeleine sortît de dessous la voiture. Tout à coup on vit l'énorme masse s'ébranler, la charrette se soulevait lentement, les roues sortaient à demi de l'ornière. […] C'était Madeleine qui venait de faire un dernier effort. »
Quelle figure de style est utilisée dans l'extrait suivant ?
« Madeleine leva la tête, rencontra l'œil de faucon de Javert toujours attaché sur lui. »
Il s'agit d'une métaphore. La métaphore est une comparaison sans outil de comparaison. Cette métaphore signifie que Javert est semblable à un rapace, un oiseau de proie et que sa proie est Madeleine. Il lui jette des regards menaçants et ne le quitte pas des yeux.
Quelles sont les deux raisons qui font que l'acte de M. Madeleine est particulièrement héroïque ?
L'acte de M. Madeleine est particulièrement héroïque :
- tout d'abord parce qu'il risque sa vie pour sauver le vieillard coincé sous la voiture. Ce sauvetage est très dangereux (« Les roues avaient continué de s'enfoncer, et il était déjà devenu presque impossible que Madeleine sortît de dessous la voiture ») ;
- ensuite parce qu'en soulevant la voiture, il se trahit lui-même. M. Madeleine sait que Javert l'a reconnu. Il sait également que s'il soulève, seul, cette voiture, Javert aura la preuve qu'il est bien le forçat évadé qu'il recherche. C'est pour cela qu'il « sourit tristement » lorsqu'il décide de sauver le vieil homme parce qu'il sait qu'il se trahit auprès de Javert.
À quel type de héros M. Madeleine ressemble-t-il ?
Il ressemble à un héros épique. M. Madeleine est un personnage exceptionnel, extraordinaire.
- Tout d'abord parce qu'il accomplit une prouesse physique inouïe, soulever une voiture, au péril de sa propre vie. Il fait donc preuve d'une force absolument incroyable et d'un très grand courage.
- Ensuite, il fait preuve, également, de grandes qualités morales. Il sauve le vieil homme même s'il sait que cela le trahira et que Javert saura alors qu'il est le forçat évadé. En cela, il a toutes les qualités d'un héros épique.