On considère le texte suivant :
Victor Hugo, préface au Dernier Jour d'un condamné, 1829
« Ceux qui jugent et qui condamnent disent la peine de mort nécessaire. D'abord, – parce qu'il importe de retrancher de la communauté sociale un membre qui lui a déjà nui et qui pourrait lui nuire encore. – S'il ne s'agissait que de cela, la prison perpétuelle suffirait. À quoi bon la mort ? Vous objectez qu'on peut s'échapper d'une prison ? Faites mieux votre ronde. Si vous ne croyez pas à la solidité des barreaux de fer, comment osez-vous avoir des ménageries ?
Pas de bourreau où le geôlier suffit.
Mais, reprend-on, – il faut que la société se venge, que la société punisse. – Ni l'un, ni l'autre. Se venger est de l'individu, punir est de Dieu.
La société est entre deux. Le châtiment est au-dessus d'elle, la vengeance au-dessous. Rien de si grand et de si petit ne lui sied. Elle ne doit pas "punir pour se venger" ; elle doit corriger pour améliorer. Transformez de cette façon la formule des criminalistes, nous la comprenons et nous y adhérons.
Reste la troisième et dernière raison, la théorie de l'exemple. – Il faut faire des exemples ! il faut épouvanter par le spectacle du sort réservé aux criminels ceux qui seraient tentés de les imiter ! - Voilà bien à peu près textuellement la phrase éternelle dont tous les réquisitoires des cinq cents parquets de France ne sont que des variations plus ou moins sonores. Eh bien ! nous nions d'abord qu'il y ait exemple. Nous nions que le spectacle des supplices produise l'effet qu'on en attend. Loin d'édifier le peuple, il le démoralise, et ruine en lui toute sensibilité, partant toute vertu. Les preuves abondent, et encombreraient notre raisonnement si nous voulions en citer. Nous signalerons pourtant un fait entre mille, parce qu'il est le plus récent. Au moment où nous écrivons, il n'a que dix jours de date. Il est du 5 mars, dernier jour du carnaval. À Saint- Pol, immédiatement après l'exécution d'un incendiaire nommé Louis Camus, une troupe de masques est venue danser autour de l'échafaud encore fumant. Faites donc des exemples ! le mardi gras vous rit au nez. »
Quel est le thème de ce texte ?
Dans cette préface, Victor Hugo aborde le thème de la peine de mort. On repère le thème grâce au titre de l'œuvre préfacée, Dernier Jour d'un condamné, mais aussi en observant le vocabulaire employé. On repère le champ lexical de la justice dans les termes « jugent », « condamnent », « prison », « geôlier », « parquets » et le champ lexical de la mort dans les termes « peine de mort », « bourreau », « échafaud ».
Quelle phrase formule la thèse de Victor Hugo ?
La thèse d'un texte est le point de vue de l'auteur sur le thème qu'il traite. Victor Hugo est un fervent opposant à la peine de mort. La préface du Dernier Jour d'un condamné met en place une argumentation directe car l'auteur exprime explicitement sa thèse.
Quelle démarche d'argumentation Victor Hugo utilise-t-il ?
Pour obtenir l'adhésion du lecteur à sa thèse, Victor Hugo vise à le convaincre. En effet, son argumentation est très rigoureuse. Il emploie des connecteurs logiques : « D'abord », « Mais » et « Reste la troisième et dernière raison » qui classent les arguments du moins fort au plus fort. De plus, il formule les arguments de ses adversaires pour mieux les réfuter. À chaque argument de ses adversaires il oppose donc un contre-argument. Victor Hugo peut ainsi combattre méthodiquement les arguments de ses adversaires en partant de leur propre point de vue.
Dans l'extrait suivant, quel type d'argument est employé par Victor Hugo ?
« Ceux qui jugent et qui condamnent disent la peine de mort nécessaire. D'abord, – parce qu'il importe de retrancher de la communauté sociale un membre qui lui a déjà nui et qui pourrait lui nuire encore. – S'il ne s'agissait que de cela, la prison perpétuelle suffirait. À quoi bon la mort ? Vous objectez qu'on peut s'échapper d'une prison ? faites mieux votre ronde. Si vous ne croyez pas à la solidité des barreaux de fer, comment osez-vous avoir des ménageries ? »
La périphrase « ceux qui jugent et qui condamnent » désigne les juges. Victor Hugo cible donc directement ceux qui prononcent la peine de mort et les attaque en soulignant la faiblesse de leurs arguments. Par l'adresse directe aux juges et/ou par l'emploi d'impératifs « Faites mieux votre ronde », « Si vous ne croyez pas à la solidité des barreaux de fer, comment osez-vous avoir des ménageries ? », Victor Hugo décrédibilise les juges et leur raisonnement.
Quel argument l'exemple suivant illustre-t-il ?
« Les preuves abondent, et encombreraient notre raisonnement si nous voulions en citer. Nous signalerons pourtant un fait entre mille, parce qu'il est le plus récent. Au moment où nous écrivons, il n'a que dix jours de date. Il est du 5 mars, dernier jour du carnaval. À Saint- Pol, immédiatement après l'exécution d'un incendiaire nommé Louis Camus, une troupe de masques est venue danser autour de l'échafaud encore fumant. Faites donc des exemples ! le mardi gras vous rit au nez. »
Les exemples sont les cas particuliers évoqués par l'auteur pour illustrer ses arguments. Dans ce cas-là, Victor Hugo évoque un fait divers très précis (date et lieu de l'événement, nom du condamné) et vérifiable. Il démontre, par l'emploi d'un exemple, que l'argument de ses adversaires n'est pas valide. Ainsi, contrairement à ce qu'ils avancent, la peine de mort ne fait pas peur aux gens. La preuve en est que des personnes déguisées sont venues faire la fête autour d'une guillotine peu après une exécution.