La puissance américaine dans le monde depuis 1945
Parmi les propositions suivantes, quel plan aurait pu permettre de traiter le sujet ?
En quelle année la doctrine Truman est-elle édictée ?
Quelles sont les deux alliances militaires mises en place par les États-Unis au début de la guerre froide ?
Quelle expression utilise-t-on pour désigner les États-Unis à partir des années 1960 ?
Quel scandale contraint Nixon à démissionner ?
Quel terme utilise-t-on pour désigner la puissance américaine des années 1990 ?
En octobre 1937, alors que la guerre sino-japonaise vient de commencer et que l'Europe semble gagnée par l'hystérie totalitaire, le président Roosevelt prononce un discours majeur devant le Congrès des États-Unis : le "discours de la quarantaine". Il y précise clairement que son pays est "déterminé à rester en dehors de la guerre", réaffirmant ainsi la position isolationniste de l'Amérique du Nord.
Les Américains n'ont en effet eu de cesse, au cours du XIXe siècle, d'affirmer leur indépendance et d'exclure les Européens du continent américain. C'est tout le sens de la doctrine Monroe de 1823. Il faut attendre l'engagement américain dans la Première Guerre mondiale en 1917 et l'investissement du président Wilson dans le règlement de la paix de Versailles pour que les États-Unis, devenus la première puissance industrielle mondiale à la fin du XIXe siècle, prennent part aux affaires du monde. Néanmoins, en mars 1920, le Congrès des États-Unis désavoue Wilson en refusant de ratifier le traité de Versailles, signé neuf mois plus tôt. C'est le retour à un certain isolationnisme dont le pays ne sortira qu'avec la Seconde Guerre mondiale. En effet, l'attaque surprise de Pearl Harbor le 7 décembre 1941 change radicalement la donne et contraint Washington à s'impliquer ouvertement dans le conflit, marquant le début d'une nouvelle ère, celle de l'affirmation de la puissance américaine dans le monde.
On pourra donc s'interroger sur la manière dont les États-Unis ont assumé leur puissance à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui a vu l'effondrement et la ruine des puissances européennes jadis dominantes et l'émergence de deux grandes puissances : l'URSS et les États-Unis. Après avoir envisagé la superpuissance américaine à l'heure de la guerre froide, nous montrerons que la puissance américaine, si elle s'impose face à l'URSS, n'en subit pas moins un déclin relatif au tournant des années 2000.
La puissance américaine à l'heure de la bipolarisation du monde
Une puissance renforcée par la guerre
Au sortir de la guerre, les États-Unis apparaissent indéniablement comme une puissance de premier plan. D'une part, ils ont réussi à mener la guerre sur deux fronts et à remporter la victoire sur l'Axe. Sur le front européen, ils ont réussi le pari d'organiser des débarquements en Afrique du Nord en novembre 1942, en Sicile en 1943 puis en France en 1944 (Normandie en juin, Provence en août). Dans la guerre du Pacifique, ils reconquièrent une à une les îles et les territoires dominés par l'Empire japonais et mettent un point final aussi spectaculaire que terrifiant à la guerre en larguant les bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki les 6 et 9 août 1945. L'affirmation de cette puissance militaire s'accompagne de celle de la puissance industrielle du pays.
En entrant dans le conflit, les États-Unis mobilisent l'ensemble de leurs forces productives : la machine industrielle américaine tourne à plein régime et le pays devient "l'arsenal des démocratie" dans le cadre notamment du "Victory Program". Ce surcroît d'activité industrielle permet aux États-Unis de sortir de la crise qui les avait frappés dans les années 1930 et de concentrer une part croissante du stock d'or mondial : en 1945, on estime que le pays concentre près des deux tiers des réserves mondiales de métal jaune, ce qui lui assure une puissance financière indéniable. Cette puissance économique et financière se concrétise dès 1944 lorsque le département d'État décide d'organiser une conférence à Bretton Woods au cours de laquelle le pays s'affirme comme le pivot du nouvel ordre économique et financier de l'Occident. Le dollar devient la monnaie de référence, celle qui, seule, détient le privilège de la convertibilité en or. Le pays se propose par ailleurs pour accueillir le siège des grandes institutions internationales créées à Bretton Woods : le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM), signe que le cœur de l'économie mondiale bat désormais sur la Côte-Est des États-Unis.
Politiquement enfin, le pays apparaît avec l'URSS comme le garant du nouvel ordre mondial. Le rôle de Washington dans les conférences qui marquent la fin de la guerre est de ce point de vue révélateur. À Yalta en février 1945 ou à Potsdam en août 1945, les États-Unis de Roosevelt puis de Truman imposent leur marque et s'impliquent pleinement dans le règlement de la paix, comme en témoigne par ailleurs la conférence de San Francisco en juin 1945 au cours de laquelle est signée la charte de fondation de l'Organisation des Nations unies (ONU) dont le siège sera installé à New York. Si les États-Unis avaient esquivé leurs responsabilités après la Première Guerre mondiale, ce n'est donc pas le cas en 1945. Ils y sont d'une certaine manière contraints par le défi que lance l'URSS de Staline au modèle démocratique et libéral qu'ils entendent défendre et promouvoir.
D'une guerre à l'autre : les États-Unis "leader du monde libre"
La Grande Alliance qui, de manière assez contre-nature, avait rassemblé dès la fin 1941 les États-Unis, le Royaume-Uni et l'URSS, ne tarde pas à se dénouer. Dès la fin de la guerre, l'opposition apparaît inéluctable tant les postulats idéologiques sont éloignés et les appétits de puissance importants, surtout en Europe où le "rideau de fer" évoqué par Churchill s'abat tel un couperet. Assez rapidement, les États-Unis se considèrent comme les garants de la démocratie libérale partout dans le monde et mettent leur puissance à son service.
En mars 1947, la doctrine Truman dite du containment marque clairement que les États-Unis entendent s'imposer comme une puissance mondiale. Elle a en effet pour ambition d'éviter toute contagion communiste grâce notamment au plan Marshall qui est adopté en juin 1947 afin d'aider les pays européens désireux de redresser leurs économies et de renouer rapidement avec la prospérité. Outre ses dollars, Washington mobilise ses armées et noue des alliances et des pactes : l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) est ainsi créée en 1949 avant que d'autres organisations du même type ne soient mises en place dans les années 1950 : l'Organisation du traité de l'Asie du Sud-Est (OTASE) en 1954, le Traité d'organisation du Moyen-Orient (ou pacte de Bagdad) en 1955 - 1958, etc. Enfin, Washington mise également sur le Soft power et s'appuie pour ce faire sur le "rêve américain" et l'"American way of life" qu'Hollywood et ses blockbusters diffusés dans tout le monde occidental incarnent à merveille.
La puissance américaine est mise à l'épreuve à de multiples reprises en ce début de guerre froide. Ainsi, le blocus de Berlin de 1948 - 1949 apparaît à bien des égards comme la première vraie crise majeure de ce conflit d'un genre nouveau. Alors que Staline entend imposer sa domination sur Berlin-Ouest en asphyxiant la ville, les Américains réagissent avec vigueur en organisant un pont aérien gigantesque, forçant le Kremlin à reculer. La guerre de Corée qui dure de 1950 à 1953 est aussi l'occasion pour les États-Unis de montrer au monde que la puissance américaine ne compte aucunement céder le pas à l'URSS. La doctrine Truman et son concept d'"endiguement" poussent donc les États-Unis à s'investir dans toutes les régions où le communisme menace de s'étendre. C'est encore le cas au Vietnam à partir de 1955 : alors qu'ils avaient tardé à soutenir la France dans son combat contre Hô Chi Minh au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les Américains sont amenés à reprendre le flambeau afin d'assurer la protection du Vietnam du Sud pro-américain et anti-communiste. Mais le "bourbier" vietnamien aura raison de la puissance américaine qui sera contrainte de se retirer et d'abandonner son allié en 1975. La crise de Cuba d'octobre 1962 apparaît comme le paroxysme de la guerre froide. En effet, Fidel Castro s'est rapproché de Moscou et incite les Soviétiques à installer des missiles nucléaires à quelques encablures des côtes américaines. L'affaire est révélée au grand jour en octobre 1962 et laisse craindre une escalade qui pourrait déboucher sur une guerre thermonucléaire. La crise se termine finalement sur un accord en demi-teinte : les Américains s'engagent à ne pas interférer dans les affaires intérieures de Cuba et acceptent donc de fait la présence d'un régime communiste à leurs portes ; les Soviétiques renoncent quant à eux à installer leurs missiles.
Une "République impériale" : les États-Unis et la puissance dévoyée ?
Au nom de l'anticommunisme, les Américains interviennent de plus en plus dans les affaires intérieures des États qu'ils considèrent comme faisant partie de leur sphère d'influence. C'est à cet égard que le philosophe français Raymond Aron a pu parler de "République impériale" à propos des États-Unis, une "République impériale" qui ne tarde pas cependant à susciter des mouvements de contestation.
Au nom de l'anticommunisme, les administrations américaines successives n'hésitent pas à s'ingérer dans les affaires intérieures de certains pays. On peut rappeler qu'ils soutiennent le dictateur Batista cubain contre les castristes à la fin des années 1950 avant d'aider vigoureusement les exilés anticastristes lors du débarquement de la baie des Cochons de 1961 qui s'avérera in fine un fiasco. Au Brésil, la CIA soutient activement le coup d'État militaire qui renverse le président Goulart et établit une dictature militaire qui durera jusqu'en 1985. En 1973, ils participent activement au renversement du président socialiste du Chili, Salvador Allende, et donnent leur bénédiction à Augusto Pinochet qui installera une dictature sanguinaire qui causera des milliers de morts jusqu'au début des années 1990. D'une certaine manière, on peut voir que l'Amérique latine apparaît bel et bien comme leur "arrière-cour" et que l'objectif des États-Unis est avant tout d'y établir des régimes forts capables de lutter contre le communisme. Il est, pour Washington, hors de question de voir se rééditer le scénario cubain. Ailleurs dans le monde, la Maison-Blanche fait aussi le choix de la dictature : en Iran, elle soutient à bout de bras le régime du Shah qui est loin de pratiquer une politique démocratique ; au Vietnam du Sud, elle appuie le président Diem (1955 - 1963) qui exerce un pouvoir que beaucoup jugent despotique.
Ce que l'on pourrait donc appeler les errements de la puissance américaine ne sont pas sans susciter certaines réactions au sein même du bloc occidental. Certains contestent la puissance et le leadership américain d'autant plus facilement que la Détente inaugurée aux lendemains de la crise de Cuba laisse penser que la menace soviétique s'éloigne quelque peu. Ainsi, la France de Charles de Gaulle claque la porte du commandement intégré de l'OTAN et n'hésite pas à mener une politique étrangère indépendante qui la conduit à critiquer l'intervention américaine au Vietnam et à nouer des relations avec le bloc communiste (voyages dans les pays de l'Est, reconnaissance de la Chine maoïste). En 1968, les journées de contestations qui secouent la France voient la jeunesse dénoncer l'impérialisme américain et critiquer ouvertement le modèle de société fondé sur la consommation à outrance que les États-Unis imposeraient à l'Occident. Aux États-Unis, ceux que l'on appelle les "hippies" dénoncent ce Hard power et prônent le "flower power", notamment à l'occasion du festival de Woodstock, organisé en août 1969.
Alors qu'ils se sont imposés comme les "leaders du monde libre", les États-Unis doivent questionner leur rapport à la puissance. Contestés, mais finalement vainqueur de la guerre froide, ils apparaissent au début du XXIe siècle comme une puissance fragilisée.
Les États-Unis entre doutes et revival
Les États-Unis en proie aux doutes
Les dérives voire les dévoiements de la puissance américaine portent atteinte, à la fin des années 1960 et au début des années 1970, au crédit et à l'influence des États-Unis. Ce discrédit est incarné et porté à son paroxysme lors de la présidence Nixon entre 1969 et 1974. En effet, l'Amérique de Nixon traverse une crise morale sans précédent qu'illustre le scandale du Watergate révélé par le Washington Post. Ce scandale contraint le président Nixon à démissionner en 1974 afin d'éviter l'humiliation de l'impeachment mais laisse de graves séquelles : l'exemplarité morale du pays est ruinée. À cela s'ajoute la prise de conscience que les États-Unis ne sont pas en mesure de s'imposer au Vietnam. En effet, présentes dans la région depuis le milieu des années 1950, les armées américaines s'avèrent dans l'incapacité de remporter une victoire stratégique et subissent l'enlisement. La mort de milliers de soldats américains et les révélations sur les pratiques de guerres américaines déstabilisent la société américaine.
C'est dans ce contexte que les Américains élisent le démocrate Jimmy Carter en novembre 1976. Ce dernier entend prôner une diplomatie des droits de l'Homme et rompre avec certaines pratiques douteuses de ses prédécesseurs ; il considère que la puissance américaine se fera par l'exemple et non uniquement à la force des baïonnettes. S'il obtient un succès remarquable en contraignant l'Égyptien Anouar el-Sadate et l'Israélien Menahem Begin à signer la paix, il doit essuyer un certain nombre de revers, notamment en Iran où la révolution islamique de l'ayatollah Khomeini emporte le shah en 1979 et prive de fait Washington d'un allié précieux dans cette région stratégique. Enfin en Europe même, la puissance soviétique semble se réveiller ; la guerre devient "fraîche" comme en témoigne la crise des euromissiles qui s'ouvre en 1977 : Moscou installe en Europe de l'Est toute une série de missiles à tête nucléaire et provoque ainsi Washington qui hésite d'autant plus à répondre que tous les Européens ne sont pas sur la même longueur d'onde quant à la réponse à apporter.
Les années 1970 apparaissent à bien des égards comme une "décennie noire" pour la puissance américaine qui semble marquer le pas et perdre de son lustre, et ce d'autant que les chocs pétroliers de 1973 et 1979 ont fragilisé les fondements de sa puissance économique.
"America is back" : quand l'Oncle Sam se réveille
L'arrivée de Ronald Reagan à la tête des États-Unis en janvier 1981 donne un nouveau souffle à la puissance américaine : "America is back" comme le veut le slogan de campagne du candidat républicain qui dénonce sans ménagement l'URSS qu'il n'hésite pas à considérer comme "l'empire du Mal" contre lequel il faut lutter sans ménagement. Ainsi, il installe les missiles Pershing en Europe pour contrer les SS20 soviétiques et lance l'Initiative de défense stratégique (IDS) plus connue sous le nom de "guerre des étoiles". Reagan reprend par ailleurs l'initiative sur les scènes d'opération extérieure en soutenant les opposants aux Soviétiques, notamment en Afghanistan où les États-Unis financent les moudjahidines. Enfin, il relance la course aux armements qui avaient été interrompue dans le cadre des accords de désarmement (SALT et START).
Cet activisme intervient à un moment stratégique puisque l'URSS est alors en pleine crise ; son modèle semble épuisé et les gérontocrates qui la gouvernent s'avèrent incapables de nourrir une vision à moyen et long terme. L'arrivée de Gorbatchev en 1985 est trop tardive pour être salvatrice : la Perestroïka et le Glasnost qu'il met en œuvre déstabilisent un régime sclérosé qui s'effondre en quelques années sans que les États-Unis n'aient à lever le petit doigt. En 1989, la chute du mur de Berlin et l'effondrement du "rideau de fer" qu'elle entraîne marquent la fin de 70 ans de communisme soviétique et de 45 ans de tensions. En décembre 1991, l'URSS est finalement dissoute et Gorbatchev démissionne. La guerre froide a cessé faute de combattants et les États-Unis apparaissent comme l'unique puissance à vocation mondiale et son modèle comme le seul possible. C'est en ce sens qu'à la suite de Francis Fukuyama, on a pu parler de "fin de l'Histoire". La démocratie libérale et le capitalisme auraient triomphé.
Les États-Unis s'imposent donc comme une "hyperpuissance" pour reprendre les mots d'Hubert Védrine, c'est-à-dire une puissance qui domine tous les domaines, aussi bien économiques, que militaires ou culturels. Washington aurait le hard et le Soft power et serait de ce fait en mesure d'imposer ses vues au monde. On a parlé du "gendarme" américain. La guerre du Golfe de 1990 - 1991 est, de ce point de vue, révélatrice : en mobilisant une large coalition internationale contre Saddam Hussein, le président Bush réussit à concilier wilsonisme et intérêts nationaux. En effet, il répond à une agression manifeste tout en assurant la stabilité et le contrôle d'une région stratégique en raison de ses stocks d'or noir. Les gendarmes américains interviennent sur de nombreux autres théâtres : dans le conflit israélo-palestinien (accords d'Oslo en 1993), dans le conflit yougoslave (accords de Dayton de 1995), sans compter la forte participation aux missions de paix de l'ONU.
Économiquement, les États-Unis des années 1990 connaissent une envolée ; ils s'imposent comme la puissance dominante de la mondialisation ; leurs firmes transnationales (FTN) caracolent en haut des podiums. La Silicon Valley devient un centre de recherche majeur, un cœur battant de la mondialisation. Le modèle américain se diffuse dans le monde entier, notamment dans les anciens pays de l'Est qui découvrent la société de consommation et l'"American way of life".
Une puissance fragilisée au seuil du XXe siècle
Les attentats du 11 septembre 2001, commandités par Al-Qaïda et son chef historique Oussama ben Laden, rappellent brutalement aux États-Unis que leur puissance est contestée et que l'ennemi qui sommeillait s'est réveillé. L'histoire n'est pas finie et plusieurs personnes s'interrogent sur le "choc des civilisations" théorisé par Samuel Huntington. La civilisation occidentale et sa tête de pont américaine seraient entrées dans une guerre des civilisations contre le monde musulman. Dans cette optique, l'administration Bush décide de réagir avec vigueur en jouant de son atout majeur, la puissance militaire. Quelques semaines après le choc de septembre 2001, une large coalition internationale adoubée par l'ONU attaque le repaire afghan de Ben Laden ; la "guerre au terrorisme" vient de débuter. Dans un premier temps, la puissance américaine semble être en mesure laver l'affront.
Cependant, le Hard power s'avère dépassé comme en témoigne la guerre en Irak de 2003, lancée dans le cadre de la lutte contre l'"axe du Mal". Victorieux de Saddam Hussein en quelques semaines, les Américains se retrouvent embourbés dans un pays qui s'effondre en faisant le lit du terrorisme djihadiste qui s'incarnera dix ans plus tard dans Daesh (organisation État islamique).
La puissance américaine vacille aussi d'un point de vue économique et financier. En effet, les États-Unis vivent à crédit et leurs déficits explosent, qu'il s'agisse du déficit budgétaire ou du déficit commercial. La Chine est devenue l'un des principaux créditeurs de Washington, ce qui n'est pas sans poser question à moyen terme sur l'indépendance du pays. Par ailleurs, la désindustrialisation du pays a vu un certain nombre de ses entreprises se délocaliser dans les pays à bas coût, au premier rang desquels on trouve le Mexique et la Chine. Il est donc indéniable que la mondialisation a rebattu les cartes et que les États-Unis, s'ils restent le cœur de la mondialisation financière, sont imbriqués dans un jeu plus large d'interdépendances dont ils ne sortent pas toujours vainqueurs. C'est sur le thème d'une mondialisation qui se ferait aux dépens des États-Unis que Donald Trump a été élu en novembre 2016.
Enfin, le modèle américain est largement contesté et remis en question : la crise des subprimes de 2007 a révélé si besoin en était les fragilités et les faiblesses du modèle libéral défendu par États-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La dérégulation à outrance a livré les individus aux lois du marché dont on pensait qu'il était en mesure de s'autoréguler pour le bien de tous ("la main invisible du marché" de Smith). Les crises à répétition que le capitalisme libéral a connues ces dernières années ont prouvé qu'il n'en était rien et qu'il fallait un minimum de régulation. Dans ce contexte de défiance, on a vu émerger le mouvement altermondialiste qui va souvent de pair avec l'anti-américanisme ; de ce point de vue, les manifestations survenues en 1999 à Seattle lors du sommet de l'OMC apparaissent comme l'acte de naissance de ce mouvement qui s'épanouira à la fin des années 2000 avec le mouvement "Occupy Wall Street" aux États-Unis, mais aussi avec les "Indignés" en Europe. Pour ceux-là, "un autre monde [que celui du FMI, de la FED et de la BM] est possible".
"America First", "Make America great again" ; ces slogans de campagne, ce sont ceux de Donald Trump en 2016. Ils témoignent de l'état d'esprit d'une Amérique en proie au doute et qui considère que l'heure du repli a sonné. L'économie libérale de marché qui a fait la puissance et la prospérité du pays est remise en cause au profit d'un protectionnisme. Cette remise en cause de l'ouverture au monde des États-Unis va de pair avec le déclin relatif de sa puissance en général.
Alors qu'ils avaient renoncé à assumer leurs responsabilités aux lendemains de la Première Guerre mondiale, les États-Unis ont accepté le leadership que le "monde libre" leur proposait en 1945. À l'issue de la guerre froide, cette superpuissance est devenue l'hyperpuissance des années 1990 avant d'amorcer une phase de déclin. Les États-Unis doivent apprendre à vivre à l'heure multipolaire ; "le siècle américain" est bel et bien terminé.