Expliquer la société américaine dans les Trente Glorieuses Exercice fondamental

On appelle Trente Glorieuses la période qui s'étend de 1945 à 1974 marquée par une forte croissance économique dans les pays développés à la tête desquels se trouvent les États-Unis. Cette expression de l'économiste Jean Fourastié n'illustre cependant pas toute la réalité de la société américaine de l'époque certes transformée par une forte croissance économique mais marquée par la question des droits civiques et des remises en cause à l'issue de la guerre du Vietnam et de la fin de la suprématie financière avec la fin du système monétaire international mis en place à Bretton Woods en 1944.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis sont dans une position dominante. C'est le seul pays qui sort de la guerre plus puissant économiquement qu'avant le conflit. La production a doublé, le plein-emploi est rétabli, la balance commerciale est largement excédentaire et la suprématie du dollar, devenu monnaie de réserve, est consacrée par les accords de Bretton Woods signés en 1944. Grâce à la guerre, les États-Unis retrouvent croissance et prospérité. Après une récession en 1948, l'économie américaine repart grâce à la guerre de Corée et à travers un plan important de réarmement. Dans les années 1950, les salaires augmentent régulièrement ainsi que la consommation. Kennedy lance au début des années 1960 une politique budgétaire (baisse des impôts) et une politique sociale afin de lutter contre la pauvreté. Johnson poursuit cette politique par son projet de nouvelle société. Entre 1945 et 1973 malgré des cycles de croissance irréguliers, le PNB a été multiplié par 6. Dans l'ensemble de la période, la hausse des salaires entraîne la hausse des prix mais aussi de la productivité. La hausse de la productivité entraînant alors en retour une baisse relative des prix par massification de la production. Le cycle de la société de consommation illustre alors ces Trente Glorieuses américaines.

Malgré ce contexte économique favorable, les États-Unis des Trente Glorieuses sont marqués par la lutte des afro-américains pour l'obtention du droit de vote et la reconnaissance de l'ensemble de leurs droits civiques. Ce mouvement qui débute en 1955 vise également à mettre un terme à la ségrégation raciale, en particulier dans les États du Sud. Il s'agit principalement d'un mouvement non violent symbolisé par la figure de Martin Luther King, un pasteur protestant noir. Boycotts et marches sont utilisés pour faire pression sur les autorités fédérales. Violences des États du Sud, défiance envers le gouvernement fédéral marquent cette période qui ternit gravement l'image de la plus vieille démocratie du monde. Ce mouvement se termine avec le "Civil Rights Act", loi de 1964 qui interdit toute forme de discrimination dans les lieux publics et le "Voting Rights Act" qui supprime en 1965 les examens et autres impôts pour devenir électeur aux États-Unis. Même s'il marque la victoire de la non-violence comme moyen de pression et la reconnaissance de l'égalité entre Blancs et Afro-Américains, cet épisode ternit la période car il révèle les fractures de la société américaine et la difficile intégration des minorités dans le pays dont l'histoire est fondée sur l'immigration.

Si ces événements ternissent l'image du modèle américain, la guerre du Vietnam et la fin des accords de Bretton Woods sèment le doute sur la toute puissance affichée des États-Unis. Un des épisodes les plus importants de la guerre froide, la guerre du Vietnam (1963 - 1975) est surtout la première défaite américaine qui a traumatisé le monde et terni l'image prestigieuse de ce pays ainsi remis en question. Les États-Unis n'apparaissent alors plus sous le même jour, mais plutôt comme un pays de désillusions. Des questions se posent, le pays est-il toujours aussi fort, avec des valeurs morales, pays de la liberté et de la justice ? Très coûteuse (environ 140 milliards de dollars), elle est aussi un véritable désastre humain, principalement de jeunes Américains, les "boys", avec près de 57 000 morts et 153 303 blessés. L'atrocité de ce conflit commence à être publiée ; ce sont alors des documents secrets du Pentagone, par exemple, que certains journalistes du New York Times se sont procurés, afin de révéler à la population les massacres qui ont lieu dans le but de s'interroger sur les fondements de leur politique, de leur morale et de leur société. Les Américains ont été très choqués par les images de cette "sale guerre" fortement médiatisée. Mise à mal de la puissance militaire mais aussi de la puissance économique et financière avec le 18 décembre 1971, la conférence de Washington qui signe la fin du système monétaire international défini en 1944 à Bretton Woods. Ce système était fondé sur la convertibilité en or de la monnaie centrale, le dollar, sur la fixité des taux de change et sur la solidarité entre les signataires. L'accord prévoit l'inconvertibilité or du dollar et la dévaluation de la monnaie américaine de 7,89 %, ce qui fait passer l'once d'or de 35 à 38 dollars. Il passe aussi par la réévaluation de plusieurs monnaies étrangères par rapport au dollar. Cette décision s'explique car pour la première fois les États-Unis ont accusé un déficit commercial qui a provoqué une vague de fuite devant le dollar. Face à cette situation critique, le président Nixon a été forcé, le 15 août précédent, d'annoncer des décisions spectaculaires : outre la fin de la convertibilité en dollar (qui dans les faits n'existait plus que pour les banques centrales depuis 1968), l'hôte de la Maison-Blanche annonce l'imposition d'une taxe sur les importations et le blocage des prix et des salaires. Le "coup Nixon" sème la panique sur le marché des changes. C'est la fin de la toute puissance du dollar et de l'économie américaine.