À l'aide des connaissances, et après avoir répondu aux questions suivantes, répondre à la question d'interprétation littéraire :
«Comment ce texte montre-t-il que l'homme est capable de dépasser les limites de l'entendement ? »
Maylis de Kerangal, Réparer les vivants, 2014
Le travail de suture est enfin achevé. On purge le greffon, on évacue l'air afin d'éviter que des bulles remontent au cerveau de Claire : le cœur peut désormais recevoir le sang.
La tension remonte en flèche autour de la table, Harfang déclare : ok, c'est bon, on va pouvoir remplir. C'est maintenant. Le remplissage est effectué au millilitre, il exige un débit hypercalibré, toute opération trop brutale déformerait le greffon qui ne pourrait jamais plus retrouver sa forme initiale — les infirmières retiennent leur respiration, les anesthésistes sont aux aguets, le perfusionniste lui aussi transpire, quand Alice, elle, demeure imperturbable. Plus personne ne bouge dans le bloc, un silence compact recouvre le lit chirurgical tandis que le cœur est lentement irrigué. Alors vient enfin le moment électrique. Virgilio se saisit des palettes, il les tend à Harfang, elles demeurent suspendues en l'air le temps d'un croisement de regards puis Harfang lance un coup de menton vers Virgilio, vas-y, fais-le — et en cet instant, peut-être que Virgilio ramasse tout ce qu'il sait de prière et de superstition, peut-être qu'il supplie le Ciel ou au contraire qu'il ressaisit tout ce qui vient d'être accompli, la somme des actions et la somme des mots, la somme des espaces et des sentiments —, il appose soigneusement les palettes électriques de chaque côté du cœur, jette un œil sur l'écran de l'électrocardiogramme. On choque ? Feu ! Le cœur reçoit la décharge, le monde entier s'immobilise au-dessus de ce qui est maintenant le cœur de Claire. L'organe remue faiblement, deux, trois soubresauts, puis il se fige. Virgilio déglutit, Harfang a posé les mains sur le rebord du lit et Alice est si blanche que l'anesthésiste, de peur qu'elle ne s'écroule, la tire par le bras pour qu'elle descende de l'estrade. Deuxième essai. On choque ?
— Feu !
Alors, le cœur se contracte, un tressaillement, puis ce sont des secousses quasi imperceptibles, mais que l'on peut voir si l'on s'approche, ces faibles battements, et l'organe peu à peu recommence à pomper le sang dans le corps, et il reprend sa place, puis ce sont des pulsations régulières, étrangement rapides, qui bientôt forment rythme, et leur frappe évoque celle du cœur d'un embryon, cette saccade que l'on perçoit lors de la première échographie, et c'est bien la frappe initiale qui se fait entendre, la première frappe, celle qui signe l'aube.
Quelle problématique correspond au sujet ?
Quels arguments seraient pertinents à utiliser ?
Quel plan pourrait convenir ?
Quelle accroche pourrait convenir ?
Quels exemples permettent d'étayer l'argument "Le dépassement des limites de l'humain se perçoit par la dramatisation de la scène. En effet, pour raconter la réimplantation du cœur dans le corps de Claire et les premiers battements du cœur, le narrateur insiste sur la tension dramatique et le temps semble comme suspendu." ?
Quels exemples permettent d'étayer l'argument "Par ailleurs, le texte semble mimer le rythme de la nouvelle activité cardiaque. De fait, toute l'action se déroule dans une extrême lenteur et les phrases s'allongent pour symboliser la lenteur et la fragilité des battements. L'intervention étant particulièrement risquée, les médecins craignent de perdre la patiente" ?
Quels exemples permettent d'étayer l'argument "C'est donc la vie de Claire, jusqu'alors condamnée, qui reprend grâce à l'intervention de l'humain. Ce dernier réussit à dépasser les limites du monde sensible en se faisant véritable Démiurge, c'est-à-dire créateur, à l'image de Dieu. Il est capable de dépasser les limites de la vie et de la mort." ?
Quelle phrase du texte justifie l'idée selon laquelle tout le monde retient son souffle ?
Quel autre auteur montre que les avancées technologiques sont une bonne chose ?
On suit ici les différentes étapes pour rédiger la question d'interprétation littéraire. Le plan est détaillé par souci méthodologique, mais ce n'est pas ainsi qu'il faut présenter sa copie le jour de l'épreuve. Sur la copie, les titres des différentes parties n'apparaîtront pas et le contenu sera intégralement rédigé.
Pistes de réflexion :
- L'auteur cherche à mettre en avant le savoir-faire humain, capable de dépasser les limites de la vie et de la mort.
- À travers une longue description de l'intervention chirurgicale, Maylis de Kerangal met en avant la capacité de l'être humain à utiliser les sciences et la technique pour élargir au maximum les capacités humaines.
- La transplantation du cœur permet de mettre à jour les plus grandes avancées scientifiques qui aident à rallonger l'espérance de vie, grâce à un travail méthodique des hommes.
C'est au XXe siècle que l'on voit apparaître les plus grandes avancées technologiques et scientifiques. L'homme parvient alors à défier les lois de l'univers en élargissant au maximum les capacités humaines.
- En 2014, Maylis de Kerangal publie Réparer les vivants, roman qui relate le parcours du cœur de Simon, jeune garçon en état de mort cérébrale, transplanté dans le corps de Claire. L'extrait proposé à notre étude décrit la transplantation du cœur et ses premiers battements.
- Le narrateur crée une atmosphère particulière pour décrire l'intervention en dramatisant la scène. De fait, la structure même du texte semble suivre le rythme des battements du cœur. Il s'agit alors de montrer que l'homme est capable de dépasser les limites imposées par la nature en donnant une nouvelle vie à Claire.
- On peut alors se poser la question suivante : Comment ce texte montre-t-il que l'homme est capable de dépasser les limites de l'entendement ?
Paragraphe 1
Argument : Le dépassement des limites de l'humain se perçoit par la dramatisation de la scène. En effet, pour raconter la réimplantation du cœur dans le corps de Claire et les premiers battements du cœur, le narrateur insiste sur la tension dramatique et le temps semble comme suspendu.
Exemple : Chaque personnage présent dans la pièce retient son souffle en attendant les battements du cœur, tension symbolisée par l'emploi de la personnification : « le monde entier s'immobilise ». De plus, La métaphore de l'aube symbolise le renouveau, la naissance ou la renaissance de ce nouveau cœur de manière poétique, ce qui contrebalance avec le cadre réaliste du bloc opératoire : « c'est bien la frappe initiale qui se fait entendre, la première frappe, celle qui signe l'aube ».
Paragraphe 2
Argument : Par ailleurs, le texte semble mimer le rythme de la nouvelle activité cardiaque. De fait, toute l'action se déroule dans une extrême lenteur et les phrases s'allongent pour symboliser la lenteur et la fragilité des battements. L'intervention étant particulièrement risquée, les médecins craignent de perdre la patiente.
Exemple : On remarque l'emploi d'une longue phrase complexe à la fin de l'extrait, qui s'étire sur sept lignes. À travers l'utilisation des conjonctions de coordination et des adverbes de temps, le narrateur mime les premiers battements du cœur de Claire. Ceux-ci sont très faibles, comme l'indiquent les formulations : « tressaillement, secousses quasi imperceptibles, faibles battements ».
Paragraphe 3
Argument : C'est donc la vie de Claire, jusqu'alors condamnée, qui reprend grâce à l'intervention de l'humain. Ce dernier réussit à dépasser les limites du monde sensible en se faisant véritable Démiurge, c'est-à-dire créateur, à l'image de Dieu. Il est capable de dépasser les limites de la vie et de la mort.
Exemple : Sans l'intervention méthodique de l'homme, cette intervention n'aurait pas pu avoir lieu. Ainsi, les nombreux verbes d'action montrent que c'est bel et bien grâce aux médecins et aux scientifiques que l'on peut redonner la vie à quelqu'un : « on purge, on évacue, on va pouvoir remplir ». Chaque intervenant connait son rôle et l'applique avec la plus grande précision : « Le remplissage est effectué au millilitre, il exige un débit hypercalibré, toute opération trop brutale déformerait le greffon, les infirmières retiennent leur respiration, les anesthésistes sont aux aguets ».
- De fait, Maylis de Kerangal souhaite mettre en avant dans ce texte le dépassement des capacités humaines grâce à une maîtrise impeccable des sciences et de la technique. C'est grâce à ceux-ci que les hommes parviennent à déjouer les lois de l'univers.
- Le cœur revêt dans ce texte une dimension symbolique, puisqu'il est à la fois l'image de la vie et de la mort, mais également le symbole de la maîtrise de l'homme sur la nature.
- De nombreux auteurs au XXe siècle cherchent à mettre en garde les hommes sur le développement trop rapide et non maîtrisés des sciences et de la technologie, à l'image de Barjavel dans La nuit des temps.