L'explication psychanalytique des œuvres Question sur 12 points type bac

Sigmund Freud est un psychanalyste qui a pris appui sur le mythe d'Œdipe afin de développer sa théorie portant sur le complexe d'Œdipe entre 1897 et 1936. Selon lui, chaque personne est soumise, dès sa naissance, à la loi de la sexualité. La pulsion qui existe en chacun va se transformer peu à peu en un désir de l'Autre, incarné chez les enfants par leurs parents. Le petit garçon va alors s'attacher à sa mère (pour une petite fille, on parle du "complexe d'Électre"). Il la désire, ce qui l'amène à vouloir prendre la place de son père. Il s'agit de l'écarter afin de prendre sa place. Au fur et à mesure que l'enfant grandit, il rencontre d'autres figures féminines et ce complexe tend à se dissiper peu à peu. S'il renonce à sa mère ce n'est pas par obligation naturelle mais sociale, car cela constitue un interdit, un tabou sociétal : l'inceste. Ce complexe se situe à un jeune âge expliquant que l'enfant n'en ait aucun souvenir.

Toutefois, cette relation d'attirance et d'exclusion n'est pas le seul aspect psychanalytique se retrouvant dans le mythe. En effet, la parole est le principal outil du psychanalyste pour qui la vérité est toujours présente mais cachée. De même qu'Œdipe se lance dans une enquête glissant progressivement vers une quête identitaire, l'analyse doit permettre de lever les voiles masquant la vérité afin d'apporter des vérités parfois violentes et douloureuses au patient. À ce titre, Tirésias pourrait jouer le rôle de l'analyste car il pousse Œdipe à se questionner sur lui-même. À de nombreuses reprises, il l'invite à chercher au fond de lui, donc dans son inconscient, les réponses qui lui font défaut : "Tu ne sais pas voir celui qui loge chez toi". Pasolini lui aussi met en avant cet élément en faisant dire à Tirésias : "Tu ne veux pas connaître la nature qui est en toi", "Tu ne veux pas voir le mal qui est en toi". Ces injonctions feront leur chemin et permettront peu à peu à Œdipe de se rapprocher de la vérité.

Dans son film, Pasolini met en avant la relation incestueuse. Jocaste y tient un rôle beaucoup plus important que dans la pièce de Sophocle. Si elle ne s'exprime pas longuement, elle est présente devant la caméra et toujours associée au personnage d'Œdipe. Elle est à l'écran du premier plan au dernier. Dans le prologue, tous les symboles liés à la vie d'une jeune mère sont montrés : l'accouchement, les soins apportés à l'enfant et l'allaitement au cours duquel un lien très fort se crée. Les lieux sont également symboliques, le parc et le jardin dans lesquels l'enfant évolue sont présents lors de l'épilogue ce qui montre que le cercle se referme. Œdipe retourne là où tout a commencé. Ce qui est également visible, c'est l'attirance d'Œdipe pour Jocaste. Elle est illustrée à travers les gestes tendres qu'il a pour elle et leurs relations passionnées. La reine semble d'ailleurs être la seule femme pour laquelle il éprouve de l'attirance. L'autre versant du complexe est présent, voire accentué, porté à son paroxysme, puisque Œdipe va jusqu'à tuer son propre père. La haine du fils est visible à travers les regards qu'il lui porte ainsi que l'acharnement avec lequel il le frappe.

De plus, à travers le prologue et l'épilogue, Pasolini livre aux spectateurs une histoire familiale universelle qui expose la difficulté que peuvent éprouver les couples lors de la naissance d'un enfant. Cette animosité du père, jaloux à l'égard de l'enfant, est mise en exergue sur un carton dans le prologue : "Tu es là pour prendre ma place dans le monde, me rejeter dans le néant, et me voler tout ce que j'ai. La première chose que tu me voleras, ce sera elle, la femme que j'aime […], et déjà tu me voles son amour". C'est donc en partie une dimension autobiographique que livre Pasolini : "L'enfant du prologue, c'est moi, son père est mon père, officier d'infanterie, et sa mère, une institutrice, est ma mère. Je raconte ma vie, mythifiée, naturellement, rendue épique par la légende d'Œdipe."

Enfin, cette trajectoire incestueuse suivie par Œdipe est symbolisée durant tout le film à travers l'accessoire du chapeau qui est laissé dans le prologue à côté du bébé comme pour le rassurer. Lorsqu'Œdipe part sur les routes, il est accompagné de cet accessoire qu'il jettera au sol puis reprendra avant de l'abandonner totalement après le meurtre de son père, rejetant ainsi toute protection maternelle. Toutefois, celui-ci réapparaîtra sous une forme, celle de la couronne qu'il a usurpée à Laïos.

Tout d'abord, la pièce de Sophocle s'inscrit dans une trilogie qui respecte toutes les caractéristiques de la tragédie antique permettant la catharsis, c'est-à-dire la purgation des passions. La pièce débute au moment où Œdipe est au sommet de sa gloire, il est un roi puissant et aimé de tous ses sujets. Il a une femme aimante et qu'il aime ainsi que quatre enfants. Il a obtenu tout ceci grâce à sa perspicacité et sa présence d'esprit qui lui ont permis de trouver la réponse à l'énigme du Sphinx. C'est pour cela qu'il incarne aux yeux des Thébains la figure du héros, le seul capable de les sauver de la terrible maladie qui s'abat sur la ville. Le spectateur assiste donc à l'enquête qui développe l'ironie tragique puisque celle-ci le conduira à sa perte.

Œdipe est, au début de la pièce, un homme puissant, heureux mais également intelligent, et l'association de ces trois caractéristiques ne semble pas possible. En effet le paradoxe est le suivant : ignorant, Œdipe peut être heureux. Cependant, il ne peut pas vivre dans l'ignorance : il fait même preuve d'orgueil en cherchant à trouver des réponses. Il s'attache à répondre à une des questions existentielles primordiales : qui sommes-nous ? Or, en obtenant cette réponse, il perd son pouvoir et le bonheur dans lequel il vivait jusqu'alors. Un autre paradoxe, condamnable à l'époque de la Grèce antique, est la remise en question de la parole sacrée de l'oracle. En effet, Jocaste fait preuve d'impiété en refusant de croire qu'un Homme puisse transmettre la parole des dieux. Elle ne croit pas en leur prophétie. Œdipe quant à lui refuse de croire l'annonce de la mort de Polybe, décédé de cause naturelle. De plus, il refusera également d'entendre les paroles de Tirésias qu'il accusera d'être le criminel recherché. Le couple maudit ne peut donc être heureux que dans le mensonge et en refusant le sacré.

Cependant, même si l'on se ment à soi-même, la vérité trouve des façons de se manifester. Cela pourrait expliquer l'obsession grandissante d'Œdipe vis-à-vis de son enquête : inconsciemment il connaît la vérité qu'il a occultée. De fait, un souvenir ou un acte traumatisant, refoulé, peut ressortir de façon très violente chez la personne souffrant alors de névrose. Son état devient symptomatique. Tel est le cas, chez Sophocle, de la ville de Thèbes atteinte par la maladie de la peste. Ce n'est pas le roi qui est atteint mais ses sujets qui souffrent d'un mal inconnu, manifestation de l'inconscient d'Œdipe.