Le rôle de Jocaste Question sur 8 points type bac

Le personnage de Jocaste possède une fonction dramatique dans la pièce de Sophocle. Jocaste accompagne Œdipe dans sa quête de la vérité, elle est à ses côtés et l'aide de son mieux. Elle participe pleinement à la progression de l'action même si elle n'est pas toujours physiquement présente sur scène. Chez Pasolini, sa présence est encore amplifiée, elle apparaît à de nombreuses reprises et ses sentiments sont exacerbés grâce aux gros plans. Ainsi, au cours de l'intrigue, elle intervient pour calmer Œdipe lors de l'âgon avec Créon, elle prie Apollon et s'entretient longuement avec Œdipe à propos de son passé avec Laïos. Toutefois, à partir de l'instant où elle comprend, elle tente de freiner la quête de son fils, elle ne veut pas qu'il découvre la vérité : "Ne pense plus à cela. Oublie ces propos qui n'avancent à rien". Alors qu'Œdipe ne comprend pas le soudain revirement de sa femme, le spectateur est sensible à sa détresse et à sa tentative de le détourner d'une vérité trop cruelle.

Ce qui fait de Jocaste un personnage important est également son statut de reine. Elle est soucieuse du peuple de Thèbes et de ce qui pourrait lui arriver. Elle offre sa main à celui qui délivrera la ville du Sphinx, elle s'inquiète de l'épidémie de peste. Plus tard, lorsqu'Œdipe devient obsédé par sa quête devenant personnelle, elle est inquiète du sort de la Cité qui pourrait souffrir de ce comportement.

Enfin, une des particularités de ce personnage est son impiété. Elle est souvent représentée comme n'accordant que peu de foi aux oracles, les dénigrant, se moquant d'eux comme elle le fait avec la Pythie ou Tirésias. Elle affirme à Œdipe : "il n'est pas de mortel qui possède vraiment de don de divination". Cette attitude est très choquante à l'époque de la Grèce antique, elle est d'ailleurs condamnée lors d'un stasimon car c'est une preuve d'hybris. Cette attitude négative est exacerbée chez Pasolini qui montre Jocaste en train de rire en entendant les paroles accusatrices de Tirésias. Toutefois, cette impiété est difficile à comprendre car elle est paradoxale. À côté de cela, elle fait des offrandes à Apollon et ne remet jamais en cause l'existence des dieux. Ce qui semble davantage lui poser problème, c'est la parole des humains comme intermédiaires divins. Cette attitude de défiance s'explique sans doute par son histoire. Selon elle, elle a été obligée d'abandonner son enfant à la naissance à cause d'une prédiction qui ne s'est jamais réalisée.

Jocaste est le personnage féminin central de cette œuvre. Que ce soit dans son rôle de mère ou de femme, ce qui la relie aux autres personnages, c'est avant tout l'amour qu'elle leur porte. Elle aime Œdipe, son regard est souvent attendri, elle tente de l'apaiser lors des scènes violentes comme celle qui l'oppose à son frère Créon. Une de ses principales fonctions est de protéger et c'est ce qui peut expliquer la colère qui semble parfois l'envahir. Celle-ci est liée à la perte de son premier enfant, elle se sent en effet coupable de l'avoir laissé et veut empêcher que cela se reproduise et qu'une autre personne qu'elle aime souffre.

Pasolini insiste sur cet aspect protecteur de la mère qui enlace Œdipe, qui a pour lui des gestes et des regards tendres. Ces regards d'ailleurs, témoignent de la complicité qui unit les deux personnages. Jocaste n'a pas choisi son mari mais elle l'aime d'un amour vrai se rapprochant parfois de celui d'une mère. Pasolini explique que ce personnage représente pour lui l'image de la mère éternelle, intemporelle, qui ne vieillit pas : "Elle est un pur mystère [...] Avec Jocaste, j'ai représenté ma propre mère, projetée dans le mythe, et une mère ne mue pas."

De plus, la question de la culpabilité de Jocaste peut se poser, car même si elle fait preuve d'hybris, elle est punie à cause de Laïos qui a désobéi en ayant un enfant malgré l'interdiction des dieux. Son amour pour Œdipe est si fort qu'elle ne veut pas qu'il découvre la vérité. Chez Pasolini, cet aspect est encore plus ambigu car de nombreux éléments peuvent laisser sous-entendre qu'elle connaît peut-être depuis leur mariage sa véritable identité. Ainsi, le rire qui éclate lorsque Tirésias parle peut également être interprété comme un rire nerveux ou libératoire à l'annonce de ce qu'elle sait être vrai. Enfin, lorsqu'elle dit à Œdipe "si tu tiens à ta vie, abandonne ces recherches", cela sonne comme un ultime sacrifice. Par amour, elle est capable de garder le secret de l'inceste pour le protéger. C'est certainement ce qui explique son suicide, davantage lié au sentiment amoureux qu'à celui de la honte.