Pondichéry, 2012, voie L
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Joachim Du Bellay, Les regrets, "Sonnet CL" (orthographe modernisée)
1558
En 1553, Du Bellay quitte la France pour Rome. Il accompagne le cardinal Jean du Bellay, un cousin de son père, à la cour du Pape. Il y écrit le recueil des Regrets.
Seigneur, je ne saurais regarder d'un bon œil
Ces vieux singes de cour, qui ne savent rien faire
Sinon en leur marcher1 les princes contrefaire2
Et se vêtir, comme eux, d'un pompeux appareil3.
Si leur maître se moque, ils feront le pareil,
S'il ment, ce ne sont eux qui diront du4 contraire,
Plutôt auront-ils vu, afin de lui complaire,
La lune en plein midi, à minuit le soleil.
Si quelqu'un devant eux reçoit un bon visage5,
Ils le vont caresser, bien qu'ils crèvent de rage ;
S'il le reçoit mauvais, ils le montrent au doigt.
Mais ce qui plus contre eux quelquefois me dépite,
C'est quand devant le roi, d'un visage hypocrite,
Ils se prennent à rire, et ne savent pourquoi.
1 marcher : démarche
2 contrefaire : imiter, singer
3 appareil : vêtements, habits
4 du contraire : le contraire
5 reçoit un bon visage : reçoit un bon recueil
Dans les deux premières strophes, comment sont les rimes ?
Du Bellay, Les Regrets, "Sonnet CL"
1558
En 1553, Du Bellay quitte la France pour Rome. Il accompagne le cardinal Jean du Bellay, un cousin de son père, à la cour du Pape. Il y écrit le recueil des Regrets.
Seigneur, je ne saurais regarder d'un bon œil
Ces vieux singes de cour, qui ne savent rien faire
Sinon en leur marcher1 les princes contrefaire2
Et se vêtir, comme eux, d'un pompeux appareil3.
Si leur maître se moque, ils feront le pareil,
S'il ment, ce ne sont eux qui diront du4 contraire,
Plutôt auront-ils vu, afin de lui complaire,
La lune en plein midi, à minuit le soleil.
Si quelqu'un devant eux reçoit un bon visage5,
Ils le vont caresser, bien qu'ils crèvent de rage ;
S'il le reçoit mauvais, ils le montrent au doigt.
Mais ce qui plus contre eux quelquefois me dépite,
C'est quand devant le roi, d'un visage hypocrite,
Ils se prennent à rire, et ne savent pourquoi.
1 marcher : démarche
2 contrefaire : imiter, singer
3 appareil : vêtements, habits
4 du contraire : le contraire
5 reçoit un bon visage : reçoit un bon recueil
Que dénonce Du Bellay dans ce poème ?
Du Bellay, Les Regrets, "Sonnet CL"
1558
En 1553, Du Bellay quitte la France pour Rome. Il accompagne le cardinal Jean du Bellay, un cousin de son père, à la cour du Pape. Il y écrit le recueil des Regrets.
Seigneur, je ne saurais regarder d'un bon œil
Ces vieux singes de cour, qui ne savent rien faire
Sinon en leur marcher1 les princes contrefaire2
Et se vêtir, comme eux, d'un pompeux appareil3.
Si leur maître se moque, ils feront le pareil,
S'il ment, ce ne sont eux qui diront du4 contraire,
Plutôt auront-ils vu, afin de lui complaire,
La lune en plein midi, à minuit le soleil.
Si quelqu'un devant eux reçoit un bon visage5,
Ils le vont caresser, bien qu'ils crèvent de rage ;
S'il le reçoit mauvais, ils le montrent au doigt.
Mais ce qui plus contre eux quelquefois me dépite,
C'est quand devant le roi, d'un visage hypocrite,
Ils se prennent à rire, et ne savent pourquoi.
1 marcher : démarche
2 contrefaire : imiter, singer
3 appareil : vêtements, habits
4 du contraire : le contraire
5 reçoit un bon visage : reçoit un bon recueil
Comment est construit un sonnet ?
Du Bellay, Les Regrets, "Sonnet CL"
1558
En 1553, Du Bellay quitte la France pour Rome. Il accompagne le cardinal Jean du Bellay, un cousin de son père, à la cour du Pape. Il y écrit le recueil des Regrets.
Seigneur, je ne saurais regarder d'un bon œil
Ces vieux singes de cour, qui ne savent rien faire
Sinon en leur marcher1 les princes contrefaire2
Et se vêtir, comme eux, d'un pompeux appareil3.
Si leur maître se moque, ils feront le pareil,
S'il ment, ce ne sont eux qui diront du4 contraire,
Plutôt auront-ils vu, afin de lui complaire,
La lune en plein midi, à minuit le soleil.
Si quelqu'un devant eux reçoit un bon visage5,
Ils le vont caresser, bien qu'ils crèvent de rage ;
S'il le reçoit mauvais, ils le montrent au doigt.
Mais ce qui plus contre eux quelquefois me dépite,
C'est quand devant le roi, d'un visage hypocrite,
Ils se prennent à rire, et ne savent pourquoi.
1 marcher : démarche
2 contrefaire : imiter, singer
3 appareil : vêtements, habits
4 du contraire : le contraire
5 reçoit un bon visage : reçoit un bon recueil
Quelle figure de style utilise le poète quand il écrit "Ces vieux singes de cour"?
Du Bellay, Les Regrets, "Sonnet CL"
1558
En 1553, Du Bellay quitte la France pour Rome. Il accompagne le cardinal Jean du Bellay, un cousin de son père, à la cour du Pape. Il y écrit le recueil des Regrets.
Seigneur, je ne saurais regarder d'un bon œil
Ces vieux singes de cour, qui ne savent rien faire
Sinon en leur marcher1 les princes contrefaire2
Et se vêtir, comme eux, d'un pompeux appareil3.
Si leur maître se moque, ils feront le pareil,
S'il ment, ce ne sont eux qui diront du4 contraire,
Plutôt auront-ils vu, afin de lui complaire,
La lune en plein midi, à minuit le soleil.
Si quelqu'un devant eux reçoit un bon visage5,
Ils le vont caresser, bien qu'ils crèvent de rage ;
S'il le reçoit mauvais, ils le montrent au doigt.
Mais ce qui plus contre eux quelquefois me dépite,
C'est quand devant le roi, d'un visage hypocrite,
Ils se prennent à rire, et ne savent pourquoi.
1 marcher : démarche
2 contrefaire : imiter, singer
3 appareil : vêtements, habits
4 du contraire : le contraire
5 reçoit un bon visage : reçoit un bon recueil
De quoi est composé ce poème ?
Du Bellay, Les Regrets, "Sonnet CL"
1558
En 1553, Du Bellay quitte la France pour Rome. Il accompagne le cardinal Jean du Bellay, un cousin de son père, à la cour du Pape. Il y écrit le recueil des Regrets.
Seigneur, je ne saurais regarder d'un bon œil
Ces vieux singes de cour, qui ne savent rien faire
Sinon en leur marcher1 les princes contrefaire2
Et se vêtir, comme eux, d'un pompeux appareil3.
Si leur maître se moque, ils feront le pareil,
S'il ment, ce ne sont eux qui diront du4 contraire,
Plutôt auront-ils vu, afin de lui complaire,
La lune en plein midi, à minuit le soleil.
Si quelqu'un devant eux reçoit un bon visage5,
Ils le vont caresser, bien qu'ils crèvent de rage ;
S'il le reçoit mauvais, ils le montrent au doigt.
Mais ce qui plus contre eux quelquefois me dépite,
C'est quand devant le roi, d'un visage hypocrite,
Ils se prennent à rire, et ne savent pourquoi.
1 marcher : démarche
2 contrefaire : imiter, singer
3 appareil : vêtements, habits
4 du contraire : le contraire
5 reçoit un bon visage : reçoit un bon recueil
Quel registre domine le poème ?
Du Bellay, Les Regrets, "Sonnet CL"
1558
En 1553, Du Bellay quitte la France pour Rome. Il accompagne le cardinal Jean du Bellay, un cousin de son père, à la cour du Pape. Il y écrit le recueil des Regrets.
Seigneur, je ne saurais regarder d'un bon œil
Ces vieux singes de cour, qui ne savent rien faire
Sinon en leur marcher1 les princes contrefaire2
Et se vêtir, comme eux, d'un pompeux appareil3.
Si leur maître se moque, ils feront le pareil,
S'il ment, ce ne sont eux qui diront du4 contraire,
Plutôt auront-ils vu, afin de lui complaire,
La lune en plein midi, à minuit le soleil.
Si quelqu'un devant eux reçoit un bon visage5,
Ils le vont caresser, bien qu'ils crèvent de rage ;
S'il le reçoit mauvais, ils le montrent au doigt.
Mais ce qui plus contre eux quelquefois me dépite,
C'est quand devant le roi, d'un visage hypocrite,
Ils se prennent à rire, et ne savent pourquoi.
1 marcher : démarche
2 contrefaire : imiter, singer
3 appareil : vêtements, habits
4 du contraire : le contraire
5 reçoit un bon visage : reçoit un bon recueil
Quelle figure de style utilise le poète quand il écrit "La lune en plein midi, à minuit le soleil"?
Du Bellay, Les Regrets, "Sonnet CL"
1558
En 1553, Du Bellay quitte la France pour Rome. Il accompagne le cardinal Jean du Bellay, un cousin de son père, à la cour du Pape. Il y écrit le recueil des Regrets.
Seigneur, je ne saurais regarder d'un bon œil
Ces vieux singes de cour, qui ne savent rien faire
Sinon en leur marcher1 les princes contrefaire2
Et se vêtir, comme eux, d'un pompeux appareil3.
Si leur maître se moque, ils feront le pareil,
S'il ment, ce ne sont eux qui diront du4 contraire,
Plutôt auront-ils vu, afin de lui complaire,
La lune en plein midi, à minuit le soleil.
Si quelqu'un devant eux reçoit un bon visage5,
Ils le vont caresser, bien qu'ils crèvent de rage ;
S'il le reçoit mauvais, ils le montrent au doigt.
Mais ce qui plus contre eux quelquefois me dépite,
C'est quand devant le roi, d'un visage hypocrite,
Ils se prennent à rire, et ne savent pourquoi.
1 marcher : démarche
2 contrefaire : imiter, singer
3 appareil : vêtements, habits
4 du contraire : le contraire
5 reçoit un bon visage : reçoit un bon recueil
C'est au cours du XVIe siècle que le personnage du courtisan prend de plus en plus d'importance dans une cour où il est instrumentalisé par le roi. Les critiques à son encontre se font de plus en plus acerbes. En 1553, le poète Du Bellay quitte la France pour Rome. Il y écrit Les Regrets, célèbre recueil de sonnets dans lequel il critique la ville du pape et expose la tristesse de l'exil.
Le sonnet étudié est une satire de la cour, et particulièrement du comportement des courtisans. Du Bellay en fait une peinture sans concession qui épingle tous leurs travers.
En quoi ce sonnet dresse-il un portrait satirique de la figure du courtisan et de la cour ?
Dans une première partie, nous étudierons la façon dont le poète utilise les outils du sonnet pour faire sa caricature, et dans une seconde partie, nous analyserons les travers de la cour et des courtisans.
Un sonnet satirique
Un rythme efficace
- Le sonnet est formé de deux quatrains et deux tercets. Le premier quatrain critique les apparences, le deuxième quatrain critique le mensonge, le premier tercet critique la jalousie et la cruauté, et le dernier tercet critique l'hypocrisie.
- Le rythme du poème est très travaillé. Du Bellay utilise particulièrement la ponctuation. Les phrases du poème sont longues et affirmatives. Elles sont descriptives. Il y a de nombreuses virgules et un point-virgule. Dans la lecture, il y a plusieurs pauses pour mettre en valeur le discours.
- On trouve de nombreux parallélismes syntaxiques : les vers sont construits sur le même modèle. Par exemple : "Si leur maître se moque, ils feront le pareil, / S'il ment, ce ne sont eux qui diront du contraire".
- Il y a une anaphore de "Si" deux fois et "s'" deux fois aussi. Le son entendu à chaque fois est [si] donc anaphore du même son quatre fois.
- L'allitération en "n" souligne la négation, donc le portrait négatif des courtisans. Il y a aussi des assonances en "i" et "e".
Une série d'oppositions
- Le poème est construit sur une série d'antithèses. Les courtisans font le contraire de ce qu'ils pensent. Les antithèses soulignent cette idée.
- Le vers qui symbolise le mieux l'idée des oppositions est : "La lune en plein midi, à minuit le soleil". Chiasme (inversement des termes). On peut parler ici de double oxymore.
- Il y a des antithèses dans les actions des courtisans : "Ils vont le caresser, bien qu'ils crèvent de rage" ; "ils se prennent à rire, et ne savent pas pourquoi".
- On retrouve une opposition dans les idées : "mentir"/"dire le contraire".
Le registre satirique
- Le sonnet est particulièrement satirique. Du Bellay se moque de l'attitude des courtisans, et donc de la cour en général.
- On trouve une métaphore péjorative : "ces vieux singes de cour". Il y a une comparaison entre les courtisans et des singes, donc des animaux. Cette idée revient avec leur attitude, ils obéissent au roi comme des chiens. Ils "crèvent de rage". L'idée de l'animal est relayée avec le verbe "caresser", ils caressent les autres courtisans qui sont aussi des chiens.
- On trouve le terme dépréciatif de "vieux".
- Il y a une absurdité des actions des courtisans. Ils "ne savent rien faire", ils font des choses, mais "ne savent pas pourquoi". Ce sont des pantins.
Ce sonnet satirique est une critique de la cour et des courtisans.
Une vive critique de la cour et des courtisans
Le royaume des apparences
- La cour est le lieu où les apparences règnent.
- On trouve le champ lexical de la cour : "seigneur", "roi", "cour", "prince".
- Le champ lexical du regard est également utilisé : "œil", "regarder", "vu".
- Les apparences cachent la vérité avec la rime "visage"/"rage". Ainsi, les courtisans cachent leurs vraies émotions et paraissent heureux quand ils sont en colère.
- Deux rimes embrassées également lient "œil" et "appareil", donc la vision et le vêtement.
- Il y a une importance de la démarche et des habits que les courtisans empruntent au prince. On constate l'idée qu'il faut être comme lui jusque dans l'apparence.
Duplicité et hypocrisie des courtisans
- Les courtisans sont des menteurs et des hypocrites.
- Du Bellay joue sur les temps pour souligner cette idée. Ainsi, lorsque le roi fait quelque chose (présent : "se moque", "ment"), ils l'imitent (futur : "feront", "diront"). Il y a un lien de cause à effet, le futur est prévisible, les courtisans font toujours la même chose : suivre le roi.
- Il démontre l'absurdité des courtisans qui iraient jusqu'à affirmer voir "la lune en plein midi, à minuit le soleil". Du Bellay dénonce la bêtise de ces hommes qui n'ont aucune conviction.
- On retrouve la rime avec "faire"/"contrefaire". La seule chose que savent faire les courtisans c'est mentir, tricher. Une autre rime également avec "complaire"/"contraire". Pour faire plaisir au roi, ils deviennent menteurs.
- L'hypocrisie se double de cruauté, puisque les courtisans n'hésitent pas à "montrer du doigt" celui qui ne plaît pas au roi. Il démontre l'opportunisme des courtisans.
L'instrumentalisation des courtisans
- On a vu plus haut que les courtisans sont comparés à des chiens, donc à des animaux qui obéissent au roi, suivent le roi.
- Les courtisans sont aussi des pantins puisqu'ils ne savent qu'imiter, que "contrefaire".
- Ces deux idées permettent d'affirmer que Du Bellay ne critique pas simplement les courtisans, mais aussi le roi. En effet, c'est lui qui tire les ficelles, c'est lui qui attend ce comportement des courtisans. À la rime, on trouve ainsi "pareil"/"soleil", le "soleil" étant le roi. C'est lui qui veut qu'on fasse comme lui.
- Le poème se termine sur le pronom interrogatif "pourquoi" qui rime avec "doigt". C'est le doigt des courtisans, mais cela peut aussi être le doigt du roi qui commande, et les courtisans suivent sans se poser de questions.
- La tonalité est polémique, le poète s'exprime au début du poème avec le conditionnel : "jamais je ne pourrais".
Dans ce sonnet, Du Bellay dénonce donc le comportement des courtisans, en dressant d'eux un portrait satirique. Il épingle leurs défauts, comme la jalousie, l'hypocrisie et la duplicité. Il dénonce le règne des apparences à la cour et l'absurdité d'un système où un homme est prêt à affirmer qu'il a vu la lune à midi.
Utilisant toutes les ressources du sonnet, le poète fait un portrait sans concession qui est aussi une critique du roi. En effet, si la critique des courtisans est évidente, elle cache une attaque contre le roi, qui profite de ce système et en tire même les ficelles.