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L'efficacité de l'argumentation indirecte Dissertation type bac

Ce contenu a été rédigé par l'équipe éditoriale de Kartable.

Dernière modification : 24/10/2018 - Conforme au programme 2018-2019

Pondichéry, 2012, voie L

Vous appuierez votre réflexion sur le corpus et les textes que vous avez lus et étudiés.

Dans quelle mesure l'argumentation indirecte est-elle efficace pour offrir au lecteur une réflexion sur l'Homme et son comportement en société ?

Document 1

Texte A : Joachim Du Bellay, Les Regrets, sonnet CL (orthographe modernisée)

1558

En 1553, Du Bellay quitte la France pour Rome. Il accompagne le cardinal Jean Du Bellay, un cousin de son père, à la cour du pape. Il y écrit le recueil des Regrets.

Sonnet CL

Seigneur, je ne saurais regarder d'un bon œil
Ces vieux singes de cour, qui ne savent rien faire
Sinon en leur marcher1 les princes contrefaire2
Et se vêtir, comme eux, d'un pompeux appareil3.

Si leur maître se moque, ils feront le pareil,
S'il ment, ce ne sont eux qui diront du4 contraire,
Plutôt auront-ils vu, afin de lui complaire,
La lune en plein midi, à minuit le soleil.

Si quelqu'un devant eux reçoit un bon visage5,
Ils le vont caresser, bien qu'ils crèvent de rage ;
S'il le reçoit mauvais, ils le montrent au doigt.

Mais ce qui plus contre eux quelquefois me dépite,
C'est quand devant le roi, d'un visage hypocrite,
Ils se prennent à rire, et ne savent pourquoi.

1 Marcher : démarche
2 Contrefaire : imiter, singer
3 Appareil : vêtements, habits
4 Du contraire : le contraire
5 Reçoit un bon visage : reçoit un bon recueil

Document 2

Texte B : Molière, Le Misanthrope, acte I, extrait scène 1

1666

Alceste et son ami Philinte débattent des exigences de la vie en société.

[…]

ALCESTE :
Je veux qu'on soit sincère, et qu'en homme d'honneur
On ne lâche aucun mot qui ne parle du cœur.

PHILINTE :
Lorsqu'un homme vous vient embrasser avec joie,
Il faut bien le payer de la même monnoie1,
Répondre comme on peut à ses empressements,
Et rendre offre pour offre, et serments pour serments.

ALCESTE :
Non, je ne puis offrir cette lâche méthode
Qu'affectent la plupart de vos gens à la mode ;
Et je hais rien tant que les contorsions
De tous ces grands faiseurs de protestations,
Ces affables donneurs d'embrassades frivoles,
Ces obligeants2 diseurs d'inutiles paroles,
Qui de civilités avec tous font combat,
Et traitent du même air l'honnête homme et le fat3.
Quel avantage a-t-on qu'un homme vous caresse4,
Vous jure amitié, foi, zèle, estime, tendresse,
Et vous fasse de vous un éloge éclatant,
Lorsqu'au premier faquin5 il court en faire autant ?
Non, non, il n'est point d'âme un peu bien située6
Qui veuille d'une estime ainsi prostituée ;
Et la plus glorieuse a des régals peu chers7,
Dès qu'on voit qu'on nous mêle avec tout l'univers :
Sur quelque préférence une estime se fonde,
Et c'est n'estimer rien qu'estimer tout le monde.
Puisque vous y donnez, dans ces vices du temps,
Morbleu ! vous n'êtes pas pour être de mes gens ;
Je refuse d'un cœur la vaste complaisance
Qui ne fait de mérite aucune différence ;
Je veux qu'on me distingue ; et, pour le trancher net,
L'ami du genre humain n'est point du tout mon fait.

PHILINTE :
Mais, quand on est du monde8, il faut bien que l'on rende
Quelques dehors civils9 que l'usage demande.

ALCESTE :
Non, vous dis-je ; on devrait châtier sans pitié
Ce commerce10 honteux de semblants d'amitié.
Je veux que l'on soit homme, et qu'en toute rencontre
Le fond de notre cœur dans nos discussions se montre,
Que ce soit lui qui parle, et que nos sentiments
Ne se masquent jamais sous de vains compliments.

[…]

1 Monnoie : monnaie
2 Obligeants : aimables
3 Fat : vaniteux
4 Caresse : flatte
5 Faquin : canaille
6 Un peu bien située : noble
7 Régals peu chers : satisfactions méprisables
8 Du monde : de la bonne société
9 Dehors civils : marques de politesse
10 Commerce : échange

Document 3

Texte C : Jean de La Bruyère, Les Caractères, "De la société et de la conversation"

1688

J'entends Théodecte de l'antichambre ; il grossit sa voix à mesure qu'il s'approche ; le voilà entré : il rit, il crie, il s'éclate1 ; on bouche ses oreilles, c'est un tonnerre. Il n'est pas moins redoutable par les choses qu'il dit que par le ton dont il parle. Il ne s'apaise, et il revient de ce grand fracas que pour bredouiller des vanités et des sottises. Il a si peu d'égard au temps2, aux personnes, aux bienséances, que chacun a son fait3 sans qu'il ait eu l'intention de le lui donner ; il n'est pas encore assis qu'il a, à son insu, désobligé4 toute l'assemblée. A-t-on servi, il se met le premier à table et dans la première place ; les femmes sont à sa droite et à sa gauche. Il mange, il boit, il conte, il plaisante, il interrompt tout à la fois. Il n'a nul discernement des personnes, ni du maître, ni des conviés ; il abuse de la folle déférence5 qu'on a pour lui. Est-ce lui, est-ce Euthydème qui donne le repas ? Il rappelle à soi toute l'autorité de la table ; et il y a un moindre inconvénient à la lui laisser entière qu'à la lui disputer. Le vin et les viandes n'ajoutent rien à son caractère. Si l'on joue, il gagne au jeu ; il veut railler6 celui qui perd, et7 il l'offense ; les rieurs sont pour lui : il n'y a sorte de fatuités8 qu'on ne lui passe. Je cède enfin et je disparais, incapable de souffrir9 plus longtemps Théodecte, et ceux qui le souffrent.

1 Il éclate : il parle à très haute voix
2 Temps : circonstance, moment
3 Chacun a son fait : chacun reçoit son lot de reproches
4 Désobligé : agacé, exaspéré
5 Déférence : respect
6 Railler : plaisanter sur
7 Et : mais
8 Fatuités : sotte prétention
9 Souffrir : supporter

Document 4

Texte D : Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, "Le Côté de Guermantes"

1922

Swann, qui souffre d'une grave maladie, annonce à la duchesse de Guermantes, son amie, qu'il va bientôt mourir, au moment où cette dernière se rend à un dîner mondain.

- Hé bien, en un mot la raison qui vous empêchera de venir en Italie ? Questionna la duchesse en se levant pour prendre congé de nous.
- Mais, ma chère amie, c'est que je serai mort depuis plusieurs mois. D'après les médecins que j'ai consultés, à la fin de l'année le mal que j'ai, et qui peut du reste m'emporter tout de suite, ne me laissera pas en tous les cas plus de trois ou quatre mois à vivre, et encore c'est un grand maximum, répondit Swann en souriant, tandis que le valet de pied ouvrait la porte vitrée du vestibule pour laisser passer la duchesse.
- Qu'est-ce que vous me dites là ? s'écria la duchesse en s'arrêtant une seconde dans sa marche vers la voiture et en levant ses beaux yeux bleus et mélancoliques, mais pleins d'incertitude.

Placée pour la première fois de sa vie entre deux devoirs aussi différents que monter dans sa voiture pour aller dîner en ville, et témoigner de la pitié à un homme qui va mourir, elle ne voyait rien dans le code des convenances qui indiquât la jurisprudence à suivre1 et, ne sachant auquel donner la préférence, elle crut devoir faire semblant de ne pas croire que la seconde alternative eût à se poser, de façon à obéir à la première qui demandait en ce moment moins d'efforts, et pensa que la meilleure manière de résoudre le conflit était de le nier. "Vous voulez plaisanter ?" dit-elle à Swann.

- Ce serait une plaisanterie d'un goût charmant, répondit ironiquement Swann. Je ne sais pas pourquoi je vous dis cela, je ne vous avais pas parlé de ma maladie jusqu'ici. Mais comme vous me l'avez demandé et que maintenant je peux mourir d'un jour à l'autre… Mais surtout je ne veux pas que vous vous retardiez, vous dînez en ville, ajouta-t-il parce qu'il savait que, pour les autres, leurs propres obligations mondaines priment la mort d'un ami, et qu'il se mettait à leur place, grâce à sa politesse. Mais celle de la duchesse lui permettait aussi d'apercevoir confusément que le dîner où elle allait devait moins compter pour Swann que sa propre mort. Aussi, tout en continuant son chemin vers la voiture, baissa-t-elle les épaules en disant : "Ne vous occupez pas de ce dîner. Il n'a aucune importance !" Mais ces mots mirent de mauvaise humeur le duc qui s'écria : "Voyons, Oriane, ne restez pas à bavarder comme cela et à échanger vos jérémiades avec Swann, vous saviez bien pourtant que Mme de Saint-Euverte tient à ce qu'on se mette à table à huit heures tapant. Il faut savoir ce que vous voulez, voilà bien cinq minutes que vos chevaux attendent. Je vous demande pardon, Charles, dit-il en se tournant vers Swann, mais il est huit heures moins dix. Oriane est toujours en retard, il nous faut plus de cinq minutes pour aller chez la mère Saint-Euverte."

Madame de Guermantes s'avança décidément2 vers la voiture et redit un dernier adieu à Swann. "Vous savez, nous reparlerons de cela, je ne crois pas un mot de ce que vous dites, mais il faut en parler ensemble. On vous aura bêtement effrayé, venez déjeuner, le jour que vous voudrez (pour Mme de Guermantes tout se résolvait toujours en déjeuners), vous me direz votre jour et votre heure", et relevant sa jupe rouge elle posa son pied sur le marchepied. Elle allait entrer en voiture, quand, voyant ce pied, le duc s'écria d'une voix terrible : "Oriane, qu'est-ce que vous alliez faire, malheureuse. Vous avez gardé vos souliers noirs ! Avec une toilette rouge ! Remontez vite mettre vos souliers rouges, ou bien, dit-il au valet, dites tout de suite à la femme de chambre de Mme la duchesse de descendre des souliers rouges".

1 Jurisprudence à suivre : ce qu'il convenait de faire
2 Décidément : d'un pas décidé

Que dénonce ici Du Bellay ?

Texte A : Joachim Du Bellay, Les regrets, sonnet CL (orthographe modernisée)

1558

En 1553, Du Bellay quitte la France pour Rome. Il accompagne le cardinal Jean Du Bellay, un cousin de son père, à la cour du pape. Il y écrit le recueil des Regrets.

Sonnet CL

Seigneur, je ne saurais regarder d'un bon œil
Ces vieux singes de cour, qui ne savent rien faire
Sinon en leur marcher1 les princes contrefaire2
Et se vêtir, comme eux, d'un pompeux appareil3.

Si leur maître se moque, ils feront le pareil,
S'il ment, ce ne sont eux qui diront du4 contraire,
Plutôt auront-ils vu, afin de lui complaire,
La lune en plein midi, à minuit le soleil.

Si quelqu'un devant eux reçoit un bon visage5,
Ils le vont caresser, bien qu'ils crèvent de rage ;
S'il le reçoit mauvais, ils le montrent au doigt.

Mais ce qui plus contre eux quelquefois me dépite,
C'est quand devant le roi, d'un visage hypocrite,
Ils se prennent à rire, et ne savent pourquoi.

1 Marcher : démarche
2 Contrefaire : imiter, singer
3 Appareil : vêtements, habits
4 Du contraire : le contraire
5 Reçoit un bon visage : reçoit un bon recueil

Quel comportement de la cour Molière évoque-t-il ?

Texte B : Molière, Le Misanthrope, acte I, extrait scène 1

1666

Alceste et son ami Philinte débattent des exigences de la vie en société.

[…]

ALCESTE :
Je veux qu'on soit sincère, et qu'en homme d'honneur
On ne lâche aucun mot qui ne parle du cœur.

PHILINTE :
Lorsqu'un homme vous vient embrasser avec joie,
Il faut bien le payer de la même monnoie1,
Répondre comme on peut à ses empressements,
Et rendre offre pour offre, et serments pour serments.

ALCESTE :
Non, je ne puis offrir cette lâche méthode
Qu'affectent la plupart de vos gens à la mode ;
Et je hais rien tant que les contorsions
De tous ces grands faiseurs de protestations,
Ces affables donneurs d'embrassades frivoles,
Ces obligeants2 diseurs d'inutiles paroles,
Qui de civilités avec tous font combat,
Et traitent du même air l'honnête homme et le fat3.
Quel avantage a-t-on qu'un homme vous caresse4,
Vous jure amitié, foi, zèle, estime, tendresse,
Et vous fasse de vous un éloge éclatant,
Lorsqu'au premier faquin5 il court en faire autant ?
Non, non, il n'est point d'âme un peu bien située6
Qui veuille d'une estime ainsi prostituée ;
Et la plus glorieuse a des régals peu chers7,
Dès qu'on voit qu'on nous mêle avec tout l'univers :
Sur quelque préférence une estime se fonde,
Et c'est n'estimer rien qu'estimer tout le monde.
Puisque vous y donnez, dans ces vices du temps,
Morbleu ! vous n'êtes pas pour être de mes gens ;
Je refuse d'un cœur la vaste complaisance
Qui ne fait de mérite aucune différence ;
Je veux qu'on me distingue ; et, pour le trancher net,
L'ami du genre humain n'est point du tout mon fait.

PHILINTE :
Mais, quand on est du monde8, il faut bien que l'on rende
Quelques dehors civils9 que l'usage demande.

ALCESTE :
Non, vous dis-je ; on devrait châtier sans pitié
Ce commerce10 honteux de semblants d'amitié.
Je veux que l'on soit homme, et qu'en toute rencontre
Le fond de notre cœur dans nos discussions se montre,
Que ce soit lui qui parle, et que nos sentiments
Ne se masquent jamais sous de vains compliments.

[…]

1 Monnoie : monnaie
2 Obligeants : aimables
3 Fat : vaniteux
4 Caresse : flatte
5 Faquin : canaille
6 Un peu bien située : noble
7 Régals peu chers : satisfactions méprisables
8 Du monde : de la bonne société
9 Dehors civils : marques de politesse
10 Commerce : échange

De quel comportement La Bruyère se moque-t-il ?

Texte C : Jean de la Bruyère, Les Caractères, "De la société et de la conversation"

1688

J'entends Théodecte de l'antichambre ; il grossit sa voix à mesure qu'il s'approcher ; le voilà entré : il rit, il crie, il s'éclate1 ; on bouche ses oreilles, c'est un tonnerre. Il n'est pas moins redoutable par les choses qu'il dit que par le ton dont il parle. Il ne s'apaise, et il revient de ce grand fracas que pour bredouiller des vanités et des sottises. Il a si peu d'égard au temps2, aux personnes, aux bienséances, que chacun a son fait3 sans qu'il ait eu l'intention de le lui donner ; il n'est pas encore assis qu'il a, à son insu, désobligé4 toute l'assemblée. A-t-on servi, il se met le premier à table et dans la première place ; les femmes sont à sa droite et à sa gauche. Il mange, il boit, il conte, il plaisante, il interrompt tout à la fois. Il n'a nul discernement des personnes, ni du maître, ni des conviés ; il abuse de la folle déférence5 qu'on a pour lui. Est-ce lui, est-ce Euthydème qui donne le repas ? Il rappelle à soi toute l'autorité de la table ; et il y a un moindre inconvénient à la lui laisser entière qu'à la lui disputer. Le vin et les viandes n'ajoutent rien à son caractère. Si l'on joue, il gagne au jeu ; il veut railler6 celui qui perd, et7 il l'offense ; les rieurs sont pour lui : il n'y a sorte de fatuités8 qu'on ne lui passe. Je cède enfin et je disparais, incapable de souffrir9 plus longtemps Théodecte, et ceux qui le souffrent.

1 Il éclate : il parle à très haute voix
2 Temps : circonstance, moment
3 Chacun a son fait : chacun reçoit son lot de reproches
4 Désobligé : agacé, exaspéré
5 Déférence : respect
6 Railler : plaisanter sur
7 Et : mais
8 Fatuités : sotte prétention
9 Souffrir : supporter

Quel procédé Proust utilise-t-il pour moquer la duchesse ?

Texte D : Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, "Le Côté de Guermantes"

1922

Swann, qui souffre d'une grave maladie, annonce à la duchesse de Guermantes, son amie, qu'il va bientôt mourir, au moment où cette dernière se rend à un dîner mondain.

- Hé bien, en un mot la raison qui vous empêchera de venir en Italie ? Questionna la duchesse en se levant pour prendre congé de nous.
- Mais, ma chère amie, c'est que je serai mort depuis plusieurs mois. D'après les médecins que j'ai consultés, à la fin de l'année le mal que j'ai, et qui peut du reste m'emporter tout de suite, ne me laissera pas en tous les cas plus de trois ou quatre mois à vivre, et encore c'est un grand maximum, répondit Swann en souriant, tandis que le valet de pied ouvrait la porte vitrée du vestibule pour laisser passer la duchesse.
- Qu'est-ce que vous me dites là ? s'écria la duchesse en s'arrêtant une seconde dans sa marche vers la voiture et en levant ses beaux yeux bleus et mélancoliques, mais pleins d'incertitude.

Placée pour la première fois de sa vie entre deux devoirs aussi différents que monter dans sa voiture pour aller dîner en ville, et témoigner de la pitié à un homme qui va mourir, elle ne voyait rien dans le code des convenances qui indiquât la jurisprudence à suivre1 et, ne sachant auquel donner la préférence, elle crut devoir faire semblant de ne pas croire que la seconde alternative eût à se poser, de façon à obéir à la première qui demandait en ce moment moins d'efforts, et pensa que la meilleure manière de résoudre le conflit était de le nier. "Vous voulez plaisanter ?" dit-elle à Swann.

- Ce serait une plaisanterie d'un goût charmant, répondit ironiquement Swann. Je ne sais pas pourquoi je vous dis cela, je ne vous avais pas parlé de ma maladie jusqu'ici. Mais comme vous me l'avez demandé et que maintenant je peux mourir d'un jour à l'autre… Mais surtout je ne veux pas que vous vous retardiez, vous dînez en ville, ajouta-t-il parce qu'il savait que, pour les autres, leurs propres obligations mondaines priment la mort d'un ami, et qu'il se mettait à leur place, grâce à sa politesse. Mais celle de la duchesse lui permettait aussi d'apercevoir confusément que le dîner où elle allait devait moins compter pour Swann que sa propre mort. Aussi, tout en continuant son chemin vers la voiture, baissa-t-elle les épaules en disant : "Ne vous occupez pas de ce dîner. Il n'a aucune importance !" Mais ces mots mirent de mauvaise humeur le duc qui s'écria : "Voyons, Oriane, ne restez pas à bavarder comme cela et à échanger vos jérémiades avec Swann, vous saviez bien pourtant que Mme de Saint-Euverte tient à ce qu'on se mette à table à huit heures tapant. Il faut savoir ce que vous voulez, voilà bien cinq minutes que vos chevaux attendent. Je vous demande pardon, Charles, dit-il en se tournant vers Swann, mais il est huit heures moins dix. Oriane est toujours en retard, il nous faut plus de cinq minutes pour aller chez la mère Saint-Euverte."

Madame de Guermantes s'avança décidément2 vers la voiture et redit un dernier adieu à Swann. "Vous savez, nous reparlerons de cela, je ne crois pas un mot de ce que vous dites, mais il faut en parler ensemble. On vous aura bêtement effrayé, venez déjeuner, le jour que vous voudrez (pour Mme de Guermantes tout se résolvait toujours en déjeuners), vous me direz votre jour et votre heure", et relevant sa jupe rouge elle posa son pied sur le marchepied. Elle allait entrer en voiture, quand, voyant ce pied, le duc s'écria d'une voix terrible : "Oriane, qu'est-ce que vous alliez faire, malheureuse. Vous avez gardé vos souliers noirs ! Avec une toilette rouge ! Remontez vite mettre vos souliers rouges, ou bien, dit-il au valet, dites tout de suite à la femme de chambre de Mme la duchesse de descendre des souliers rouges".

1 Jurisprudence à suivre : ce qu'il convenait de faire
2 Décidément : d'un pas décidé

Quel genre se prête à l'argumentation indirecte ?

Qu'est-ce que persuader ?

Quelle peut être la limite de l'argumentation indirecte ?

Que permet l'argumentation indirecte ?

Argumenter est un exercice auquel se livrent de nombreux écrivains. Ils peuvent rallier le lecteur à leur cause en utilisant le genre indirect, qui s'oppose au genre direct. Le genre indirect regroupe toutes les formes de littérature fictionnelle, de l'apologue au roman en passant par la poésie et le théâtre.
La littérature offre un cadre formel à l'argumentation, elle permet, grâce à différents genres littéraires, d'aborder de nombreux thèmes. Les écrivains traitent de la condition humaine, et peuvent détailler le comportement humain en société. La Fontaine a ainsi écrit de nombreuses fables pour dénoncer les attitudes hypocrites à la cour de Louis XIV, Zola a entrepris les Rougon-Macquart dans le but de montrer comment vivaient les pauvres, et Jean Anouilh a adapté Antigone aux problèmes de son temps.
On peut dès lors se demander dans quelle mesure l'argumentation indirecte permet de prendre du recul et de faire réfléchir l'Homme sur sa condition et son comportement en société. Quelles sont les limites de cette méthode ?
Il faudra d'abord montrer dans une première partie quels sont les genres de l'argumentation indirecte. Dans une seconde partie, nous verrons en quoi ils permettent de persuader le lecteur en lui faisant prendre du recul et en globalisant sa réflexion. Enfin, nous montrerons les limites de la méthode.

I

Les genres de l'argumentation indirecte

A

Des genres efficaces

  • Persuader, c'est s'adresser aux émotions du lecteur. On parle à sa sensibilité. On s'adresse à ses sentiments. Cela permet de toucher le lecteur, de l'émouvoir.
  • Les apologues divertissent le lecteur tout en traitant de sujets sérieux. Ils sont faussement légers. L'apologue est un court récit allégorique en prose ou en vers, dont on tire une instruction morale, comme La Dent d'or de Fontenelle.
  • Il y a aussi le conte philosophique. Ainsi, Voltaire a écrit de très nombreux contes philosophiques qui sont très amusants, mais abordent l'injustice et l'intolérance. On peut citer Candide ou encore Micromégas et L'Ingénu.
  • Le roman peut dénoncer des conditions difficiles et avoir un très fort impact émotionnel. Ainsi, la série des Rougon-Macquart de Zola est une peinture de la misère des pauvres et de l'opportunisme des plus riches.
  • Les fables de La Fontaine amusent autant qu'elles moquent et font réfléchir. Dans "Le Gland et la Citrouille", l'écrivain montre comment l'Homme peut être prétentieux, mais que finalement il y a des choses plus grandes que lui.
  • La parabole est un récit d'évangile qui utilise des scènes quotidiennes pour délivrer un enseignement religieux et spirituel. On peut citer "Le retour de l'enfant prodigue" dans l'Évangile. Ce texte montre que l'enfant qui est parti et a dépensé tout l'argent du père est fort bien accueilli à son retour, alors que le fils qui est resté avec le père et a travaillé durement est négligé.
  • L'utopie est un récit sur un monde idéal imaginaire, écrit pour proposer un monde meilleur et critiquer le monde réel. Rabelais, avec Gargantua notamment, a écrit de nombreuses utopies.
B

Le dialogue pour débattre

  • Le dialogue peut aussi être un moyen très efficace pour persuader. Il permet de confronter deux personnages, et souvent deux idées.
  • Le théâtre est évidemment un genre où il y a de nombreux dialogues. La mise en scène est souvent symbolique. Les personnages peuvent incarner des idées, à l'image d'Andromaque qui symbolise la fidélité. Le théâtre peut traiter de la condition humaine. Les écrivains du théâtre de l'absurde ont particulièrement abordé la mort et l'impossibilité de lui donner un sens (En attendant Godot de Beckett).
  • Le dialogue se retrouve dans d'autres genres. Ainsi, dans les romans épistolaires, on peut confronter des idées. C'est le cas dans les Lettres persanes de Montesquieu, qui permet au lecteur occidental de voir ses mœurs et ses habitudes critiquées par un Perse.
C

La poésie pour émouvoir

  • La poésie émeut particulièrement, car elle exalte le monde. Le poète est un homme qui utilise ses émotions, son vécu. Il est très proche de son lecteur, ce qui pousse Victor Hugo à dire : "Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous."
  • La poésie joue avec les symboles et les images. Elle est souvent lyrique, elle crée l'émotion. La poésie peut dénoncer la guerre ("Le dormeur du Val" de Rimbaud), elle peut traiter de l'amour ("La courbe de tes yeux" d'Éluard), elle peut traiter de la mort (Les Contemplations de Victor Hugo). Dans des textes souvent courts, la poésie évoque ainsi tous les sentiments et problèmes humains.
  • La poésie fait aussi réfléchir. Les poètes, en utilisant toutes les ressources poétiques, se révoltent, défendent, réclament justice ou résistent ("Strophes pour se souvenir" d'Aragon).

La littérature se prête donc efficacement à l'argumentation indirecte, de nombreux genres pouvant être utilisés par les écrivains. Ce style d'argumentation permet au lecteur de prendre du recul et de globaliser sa réflexion.

II

Mise en perspective et adhésion du lecteur : les avantages de l'argumentation indirecte

A

Divertir le lecteur pour le pousser à réfléchir

  • Les genres de l'argumentation indirecte ont avant tout pour but de divertir le lecteur. Ce dernier est plus réceptif à certaines idées quand il est diverti. Par exemple, le lecteur/spectateur qui lit Le Misanthrope de Molière ou assiste à une représentation va être amusé avant tout, il va rire. Il trouvera le héros ridicule. Mais finalement, il se posera la question de ce qu'est l'honnêteté, il se demandera si elle est possible d'une façon absolue dans notre société, si le mensonge est acceptable ou non.
  • Pareillement, en lisant le poème de Ronsard dans le corpus, le lecteur va d'abord apprécier la beauté de la langue, le choix des rimes, des images, mais il réfléchira ensuite à l'attitude des hommes, à l'hypocrisie des cardinaux et des hommes de cour (les "vieux singes") et au pouvoir du pape ou du roi.
  • Certains thèmes sont particulièrement difficiles à adapter, et l'argumentation indirecte permet de ne pas aborder le sujet de manière trop frontale ou dure. On peut penser au conte Le Petit Chaperon rouge qui met en garde contre la sexualité avant le mariage à une époque où ce comportement n'est pas accepté (on peut aussi y voir une allusion au viol). Le lecteur est d'abord diverti, emporté par l'histoire de la fillette qui doit échapper au loup. La réflexion peut presque être décrite comme involontaire, comme inconsciente.
B

Globaliser la réflexion

  • Le style indirect en appelle donc à l'imagination du lecteur. Il le pousse surtout à s'identifier au personnage fictif dont l'histoire est contée, voire au théâtre à expérimenter la catharsis. Dans l'extrait proposé dans le corpus d'À la recherche du temps perdu de Proust, le lecteur se sent proche du personnage qui annonce qu'il est mourant. Il est d'autant plus choqué par l'attitude de la duchesse qui hésite entre un dîner mondain et réconforter son ami. Proust utilise ici la satire, le lecteur peut réfléchir à l'hypocrisie de l'aristocratie en général à travers le personnage de la duchesse.
  • L'argumentation indirecte permet une prise de recul, une rationalisation. En plongeant dans l'œuvre de Voltaire, le lecteur prend conscience de la condition humaine, de sa bêtise aussi, du poids de l'intolérance. C'est particulièrement le cas dans Micromégas qui place le lecteur dans la peau d'un extraterrestre. Il observe alors le monde des humains comme s'il était extérieur à cette race. Seul le genre indirect permet cela, permet à l'Homme de devenir un être d'une autre espèce.
  • Le lecteur, à partir de la fiction, peut donc globaliser sa réflexion, réfléchir à l'Homme en général, à son comportement en société dans l'absolu.

Il existe néanmoins des limites à l'efficacité de l'argumentation indirecte, que nous allons maintenant analyser.

III

Les limites de la méthode

A

De mauvaises interprétations

  • Certaines références dans les textes ne sont plus comprises par le lecteur contemporain. Certaines idées sont aussi dépassées. L'écriture peut paraître difficile, le vocabulaire est inconnu, la syntaxe semble complexe. Par exemple, dans le corpus, la langue du poème de Du Bellay a été modernisée, car autrement son style serait difficile à comprendre.
  • Les textes de Voltaire particulièrement, qui sont teintés d'ironie, demandent du recul. L'humour doit être compris en prenant de la distance, mais certains ne le font pas et comprennent donc le texte de travers. Il faut savoir bien interpréter les textes.
  • Aujourd'hui, les images ont remplacé les mots. Si les gens continuent de lire, ils sont souvent plus marqués par les images qui nous entourent que par les textes. Certaines œuvres sont jugées trop obscures, trop complexes.
B

L'importance de l'argumentation directe

  • L'argumentation directe n'a pas le risque d'être mal comprise. L'auteur n'utilise alors par l'ironie. Le propos est plus clair.
  • L'argumentation directe permet de traiter d'un sujet de façon frontale. L'auteur dénonce clairement quelque chose, attaque sans se cacher derrière la fiction. C'est le cas notamment dans les Essais de Montaigne, où la fiction ne prend jamais le pas sur la réflexion. L'auteur s'exprime sans détour.
  • L'argumentation directe fait réfléchir le lecteur sans l'amuser, le lecteur est donc parfaitement conscient des enjeux, il lit pour apprendre, pour se renseigner. Le lecteur est impliqué dans la réflexion de façon efficace.
C

Un moyen, pas un but

  • Il ne faut pas oublier que la littérature est un moyen, pas un but. L'argumentation directe, aussi forte puisse-t-elle être, ne remplace pas les actions.
  • La littérature ne peut donc pas s'adresser à tout le monde, et même dans le cercle des lecteurs, tout le monde ne lit pas la même chose. Par ailleurs, si la littérature permet de poser des questions sur la condition humaine, elle ne donne pas nécessairement de réponses. Le lecteur doit apprendre à forger sa réflexion personnelle.

L'argumentation indirecte est un bon moyen pour l'écrivain de traiter de la condition humaine et du comportement de l'Homme en société, car elle met plusieurs genres à sa disposition. Cette méthode est efficace, car elle permet d'émouvoir le lecteur, mais aussi de l'amuser et surtout de le divertir. Le lecteur est donc plus ouvert à la réflexion, plus à même de recevoir des arguments et d'y réfléchir, car il est dans une bonne disposition mentale.
Mais l'argumentation a des limites. D'une part, la réflexion étant "cachée" dans le récit, elle n'est pas forcément accessible à tous les lecteurs, elle peut rester obscure, incomprise. Par ailleurs, elle ne permet pas d'aborder frontalement des problèmes, comme l'argumentation directe. Enfin, elle n'est qu'un moyen pour présenter à l'Homme des idées, et non pas un but. Le lecteur doit pousser seul sa réflexion.

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