Polynésie, 2012, voie L
Vous appuierez votre réflexion sur les textes du corpus, les œuvres étudiées en classe et vos lectures personnelles.
En quoi les œuvres littéraires permettent-elles de construire une réflexion efficace sur la condition de l'homme ?
Texte A : Michel de Montaigne, Essais, Livre II, chapitre XII, "Apologie de Raymond Sebond"
XVIe siècle
Dans le chapitre XII du livre II des Essais, Montaigne analyse sans indulgence les faiblesses et les imperfections des hommes.
Considérons donc pour le moment l'homme seul, sans secours étranger, armé seulement de ses armes et dépourvu de la grâce1 et de la connaissance divine qui sont tout son honneur, sa force et le fondement de son être. Voyons combien il a de solidité dans ce bel équipage2. Qu'il me fasse comprendre en employant la force de sa raison sur quels fondements il a bâti ces grandes supériorités qu'il pense avoir sur les autres créatures. Qu'est-ce qui lui a persuadé que ce cours admirable de la voûte céleste, la lumière éternelle de ces flambeaux roulant si fièrement sur sa tête, les mouvements effrayants de cette mer infinie, aient été établis et se continuent pendant tant de siècles pour son avantage et pour son service ? Est-il possible d'imaginer chose aussi ridicule que le fait que cette misérable et chétive créature, qui n'est pas seulement maîtresse d'elle-même, qui est exposée aux atteintes de toutes choses, se dise maîtresse et impératrice de l'univers dont elle n'a pas le pouvoir de connaître la moindre partie, tant s'en faut de la commander ? Et ce privilège qu'il s'attribue d'être le seul dans ce grand édifice qui ait la capacité d'en reconnaître la beauté et les parties, le seul qui puisse rendre grâces de cela à l'architecte3 et tenir le compte de ce qui se crée et de ce qui se perd dans le monde, ce privilège, qui le lui a scellé4 ? Qu'il nous montre des lettres patentes5 qui lui confient cette belle et grande charge. Ont-elles été octroyées en faveur des sages seulement ? Elles concernent en ce cas peu de gens. Les sots et les méchants sont-ils dignes d'une faveur aussi extraordinaire et, étant la pire partie du monde, méritent-ils d'être préférés à tout le reste ?
1 Grâce : faveur divine
2 Dans ce bel équipage : avec de telles ressources
3 L'architecte : ici, le créateur du monde
4 Scellé : accordé dans un document rendu officiel par un sceau
5 Lettres patentes : décisions royales accordant une faveur
Texte B : Jean de La Fontaine, Fables, Livre IX, 4
1679
Le Gland et la Citrouille
Dieu fait bien ce qu'il fait. Sans en chercher la preuve
En tout cas Univers, et l'aller parcourant,
Dans les Citrouilles je la treuve1.
Un villageois, considérant
Combien ce fruit est gros et sa tige menue :
A quoi songeait, dit-il, l'Auteur de tout cela ?
Il a bien mal placé cette Citrouille-là !
Hé parbleu ! Je l'aurais pendue
A l'un des chênes que voilà.
C'eût été justement l'affaire ;
Tel fruit, tel arbre, pour bien faire.
C'est dommage, Garo2, que tu n'es point entré
Au conseil3 de celui que prêche ton Curé :
Tout en eût été mieux ; car pourquoi, par exemple,
Le Gland, qui n'est pas gros comme mon petit doigt,
Ne pend-il pas en cet endroit ?
Dieu s'est mépris : plus je contemple
Ces fruits ainsi placés, plus il semble à Garo
Que l'on a fait un quiproquo.
Cette réflexion embarrassant notre homme :
On ne dort point, dit-il, quand on a tant d'esprit.
Sous un chêne aussitôt il va prendre son somme.
Un gland tombe : le nez du dormeur en pâtit.
Il s'éveille ; et portant la main sur son visage,
Il trouve encor le Gland pris au poil du menton.
Son nez meurtri le force à changer de langage ;
Oh, oh, dit-il, je saigne ! Et que serait-ce donc
S'il fût tombé de l'arbre une masse plus lourde,
Et que ce Gland eût été gourde4 ?
Dieu ne l'a pas voulu : sans doute il eut raison ;
J'en vois bien à présent la cause.
En louant Dieu de toute chose,
Garo retourne à la maison.
1 Treuve : forme ancienne de "trouve", pour la rime
2 Garo : nom de paysan
3 Conseil : avis, décision
4 Gourde : désigne la citrouille
Texte C : Jean Rostand, Pensées d'un biologiste
1954
Jean Rostand, fils d'Edmond Rostand (auteur de Cyrano de Bergerac) est un biologiste qui a fait connaître la génétique. Savant humaniste, il propose une réflexion sur les relations entre l'homme et le monde.
Mais, laissant au moraliste le soin de peser les douleurs et les satisfactions individuelles, demandons-nous ce que l'homme, en tant que membre de l'espèce, peut penser de lui-même et de son labeur.
Certes, à se souvenir de ses origines, il a bien sujet de se considérer avec complaisance. Ce petit-fils de poisson, cet arrière-neveu de limace, a droit à quelque orgueil de parvenu. Jusqu'où n'ira-t-il pas dans sa maîtrise des forces matérielles ? Quel secret ne dérobera-t-il pas à la nature ? Demain, il libérera l'énergie intra-atomique, il voyagera dans les espaces interplanétaires, il prolongera la durée de sa propre vie, il combattra la plupart des maux qui l'assaillent, et même ceux que créent ses propres passions, en instaurant un ordre meilleur dans ses collectivités.
Sa réussite a de quoi lui tourner un peu la tête. Mais, pour se dégriser aussitôt, qu'il situe son royaume dérisoire parmi les astres sans nombre que lui révèlent ses télescopes : comment se prendrait-il encore au sérieux, sous quelque aspect qu'il s'envisage, une fois qu'il a jeté le regard dans les gouffres glacés où se hâtent les nébuleuses spirales !
Quel sort, au demeurant, peut-il prédire à son œuvre, à son effort ? De tout cela, que restera-t-il, un jour, sur le misérable grain de boue où il réside ? L'espèce humaine passera, comme ont passé les dinosaures et les stégocéphales1. Peu à peu, la petite étoile qui nous sert de soleil abandonnera sa force éclairante et chauffante…Toute vie alors aura cessé sur la terre qui, astre périmé, continuera de tourner sans fin dans les espaces sans bornes… Alors, de toute la civilisation humaine ou surhumaine – découvertes, philosophies, idéaux, religions -, rien ne subsistera. Il ne restera même pas de nous ce qui reste aujourd'hui de l'homme du Neandertal, dont quelques débris au moins ont trouvé un asile dans les musées de son successeur. En ce minuscule coin déjà, peut-être, s'est achevée sur d'autres mondes… Aventure qui, en d'autres mondes peut-être, se renouvellera… Et partout soutenue par les mêmes illusions, créatrice des mêmes tourments, partout aussi absurde, aussi vaine, aussi nécessairement promise dès le principe à l'échec final et à la ténèbre infinie…
1 Stégocéphales : amphibiens préhistoriques
2 Falote : insignifiante
3 Protoplasme : substance qui constitue la cellule, à l'origine de la vie
Que dénonce Montaigne ?
Texte A : Michel de Montaigne, Essais, Livre II, chapitre XII, "Apologie de Raymond Sebond"
XVIe siècle
Dans le chapitre XII du livre II des Essais, Montaigne analyse sans indulgence les faiblesses et les imperfections des hommes.
Considérons donc pour le moment l'homme seul, sans secours étranger, armé seulement de ses armes et dépourvu de la grâce1 et de la connaissance divine qui sont tout son honneur, sa force et le fondement de son être. Voyons combien il a de solidité dans ce bel équipage2. Qu'il me fasse comprendre en employant la force de sa raison sur quels fondements il a bâti ces grandes supériorités qu'il pense avoir sur les autres créatures. Qu'est-ce qui lui a persuadé que ce cours admirable de la voûte céleste, la lumière éternelle de ces flambeaux roulant si fièrement sur sa tête, les mouvements effrayants de cette mer infinie, aient été établis et se continuent pendant tant de siècles pour son avantage et pour son service ? Est-il possible d'imaginer chose aussi ridicule que le fait que cette misérable et chétive créature, qui n'est pas seulement maîtresse d'elle-même, qui est exposée aux atteintes de toutes choses, se dise maîtresse et impératrice de l'univers dont elle n'a pas le pouvoir de connaître la moindre partie, tant s'en faut de la commander ? Et ce privilège qu'il s'attribue d'être le seul dans ce grand édifice qui ait la capacité d'en reconnaître la beauté et les parties, le seul qui puisse rendre grâces de cela à l'architecte3 et tenir le compte de ce qui se crée et de ce qui se perd dans le monde, ce privilège, qui le lui a scellé4 ? Qu'il nous montre des lettres patentes5 qui lui confient cette belle et grande charge. Ont-elles été octroyées en faveur des sages seulement ? Elles concernent en ce cas peu de gens. Les sots et les méchants sont-ils dignes d'une faveur aussi extraordinaire et, étant la pire partie du monde, méritent-ils d'être préférés à tout le reste ?
1 Grâce : faveur divine
2 Dans ce bel équipage : avec de telles ressources
3 L'architecte : ici, le créateur du monde
4 Scellé : accordé dans un document rendu officiel par un sceau
5 Lettres patentes : décisions royales accordant une faveur
Pour La Fontaine, qui est supérieur à l'homme ?
Texte B : Jean de La Fontaine, Fables, Livre IX, 4
1679
Le Gland et la Citrouille
Dieu fait bien ce qu'il fait. Sans en chercher la preuve
En tout cas Univers, et l'aller parcourant,
Dans les Citrouilles je la treuve1.
Un villageois, considérant
Combien ce fruit est gros et sa tige menue :
A quoi songeait, dit-il, l'Auteur de tout cela ?
Il a bien mal placé cette Citrouille-là !
Hé parbleu ! Je l'aurais pendue
A l'un des chênes que voilà.
C'eût été justement l'affaire ;
Tel fruit, tel arbre, pour bien faire.
C'est dommage, Garo2, que tu n'es point entré
Au conseil3 de celui que prêche ton Curé :
Tout en eût été mieux ; car pourquoi, par exemple,
Le Gland, qui n'est pas gros comme mon petit doigt,
Ne pend-il pas en cet endroit ?
Dieu s'est mépris : plus je contemple
Ces fruits ainsi placés, plus il semble à Garo
Que l'on a fait un quiproquo.
Cette réflexion embarrassant notre homme :
On ne dort point, dit-il, quand on a tant d'esprit.
Sous un chêne aussitôt il va prendre son somme.
Un gland tombe : le nez du dormeur en pâtit.
Il s'éveille ; et portant la main sur son visage,
Il trouve encor le Gland pris au poil du menton.
Son nez meurtri le force à changer de langage ;
Oh, oh, dit-il, je saigne ! Et que serait-ce donc
S'il fût tombé de l'arbre une masse plus lourde,
Et que ce Gland eût été gourde4 ?
Dieu ne l'a pas voulu : sans doute il eut raison ;
J'en vois bien à présent la cause.
En louant Dieu de toute chose,
Garo retourne à la maison.
1 Treuve : forme ancienne de "trouve", pour la rime
2 Garo : nom de paysan
3 Conseil : avis, décision
4 Gourde : désigne la citrouille
De quoi traite ce texte ?
Texte C : Jean Rostand, Pensées d'un biologiste
1954
Jean Rostand, fils d'Edmond Rostand (auteur de Cyrano de Bergerac) est un biologiste qui a fait connaître la génétique. Savant humaniste, il propose une réflexion sur les relations entre l'homme et le monde.
Mais, laissant au moraliste le soin de peser les douleurs et les satisfactions individuelles, demandons-nous ce que l'homme, en tant que membre de l'espèce, peut penser de lui-même et de son labeur.
Certes, à se souvenir de ses origines, il a bien sujet de se considérer avec complaisance. Ce petit-fils de poisson, cet arrière-neveu de limace, a droit à quelque orgueil de parvenu. Jusqu'où n'ira-t-il pas dans sa maîtrise des forces matérielles ? Quel secret ne dérobera-t-il pas à la nature ? Demain, il libérera l'énergie intra-atomique, il voyagera dans les espaces interplanétaires, il prolongera la durée de sa propre vie, il combattra la plupart des maux qui l'assaillent, et même ceux que créent ses propres passions, en instaurant un ordre meilleur dans ses collectivités.
Sa réussite a de quoi lui tourner un peu la tête. Mais, pour se dégriser aussitôt, qu'il situe son royaume dérisoire parmi les astres sans nombre que lui révèlent ses télescopes : comment se prendrait-il encore au sérieux, sous quelque aspect qu'il s'envisage, une fois qu'il a jeté le regard dans les gouffres glacés où se hâtent les nébuleuses spirales !
Quel sort, au demeurant, peut-il prédire à son œuvre, à son effort ? De tout cela, que restera-t-il, un jour, sur le misérable grain de boue où il réside ? L'espèce humaine passera, comme ont passé les dinosaures et les stégocéphales1. Peu à peu, la petite étoile qui nous sert de soleil abandonnera sa force éclairante et chauffante…Toute vie alors aura cessé sur la terre qui, astre périmé, continuera de tourner sans fin dans les espaces sans bornes… Alors, de toute la civilisation humaine ou surhumaine – découvertes, philosophies, idéaux, religions -, rien ne subsistera. Il ne restera même pas de nous ce qui reste aujourd'hui de l'homme du Neandertal, dont quelques débris au moins ont trouvé un asile dans les musées de son successeur. En ce minuscule coin déjà, peut-être, s'est achevée sur d'autres mondes… Aventure qui, en d'autres mondes peut-être, se renouvellera… Et partout soutenue par les mêmes illusions, créatrice des mêmes tourments, partout aussi absurde, aussi vaine, aussi nécessairement promise dès le principe à l'échec final et à la ténèbre infinie…
1 Stégocéphales : amphibiens préhistoriques
2 Falote : insignifiante
3 Protoplasme : substance qui constitue la cellule, à l'origine de la vie
Qu'est-ce que convaincre ?
Qu'est-ce que persuader ?
Quel genre permet l'argumentation directe ?
Quel genre permet de persuader ?
Quel est le plan adapté pour répondre à ce sujet ?
En 1933, Malraux reçoit le prix Goncourt pour son roman intitulé La Condition humaine. Si le titre du livre est équivoque, Malraux est pourtant loin d'être le seul à avoir traité de la condition humaine. Qu'est-ce que l'être humain ? Pourquoi vit-on ? Pourquoi meurt-on ? Pourquoi le mal existe ? Toutes les grandes questions que se pose l'homme sont des questions que se pose l'écrivain. Pour y répondre, il écrit. Dans la littérature, la réflexion sur la place de l'homme dans le monde, l'évolution des idées et des sociétés humaines, ont une grande importance. La littérature permet ainsi de répondre efficacement aux peurs humaines.
Pourquoi la littérature peut-elle si bien traiter des préoccupations existentielles des hommes, et ce depuis l'Antiquité ?
Plusieurs raisons peuvent être invoquées pour répondre à cette question. Dans un premier temps, nous verrons que la littérature est efficace quand il s'agit de convaincre l'homme. Ensuite, nous montrerons que l'écrivain dispose de plusieurs outils pour émouvoir le lecteur. Après avoir analysé en quoi la littérature est un très fort outil pour argumenter, démontrer et toucher, nous traiterons des limites de la réflexion en littérature.
La littérature pour convaincre
L'argumentation directe
- La littérature permet de convaincre, c'est-à-dire de parler à la logique de l'homme, de s'adresser à son intelligence, de le faire réfléchir.
- L'essai, le traité et le discours sont des genres de l'argumentation directe. Ils permettent de traiter d'une idée de façon méthodique, d'exposer une thèse. Plusieurs textes peuvent être cités, et notamment les différents articles de l'Encyclopédie de Diderot comme "Genève" ou "Philosophe".
- Les dialogues de Platon font penser à des discours. Dès l'Antiquité, on voit ainsi que l'importance de l'argumentation directe est présente. Platon met en scène Aristote, qui défend ses idées et questionne les autres. Sans cesse, il parvient à remettre le monde et les croyances des autres en question, à les faire réfléchir sur la condition humaine.
- Au siècle des Lumières surtout, les philosophes et écrivains multiplient les textes où l'argumentation directe est utilisée. On peut citer Rousseau avec Émile ou De l'éducation ou encore Montesquieu dans De l'esprit des lois.
Une démonstration rigoureuse
- L'argumentation en littérature doit être rigoureuse. Différents moyens permettent de démontrer des thèses. En utilisant la logique, l'écrivain s'inspire des démonstrations scientifiques. Dans les Essais, Montaigne applique ainsi un raisonnement logique. Dans l'extrait du corpus, il procède par une suite de questions/réponses qui mènent à sa conclusion.
- La logique permet de mettre en avant des causes, des conséquences. La structure des textes a souvent quelque chose de mathématique. Par exemple, dans les Pensées, Pascal base tout son ouvrage sur deux infinis, l'infiniment grand et l'infiniment petit.
- Le texte du corpus de Rostand montre que l'écrivain peut aussi s'inspirer de la biologie. Il cite ainsi ses connaissances sur l'évolution des espèces pour prédire l'avenir de l'homme.
- La démonstration permet donc de convaincre efficacement le lecteur en imitant les sciences dures.
Impliquer le lecteur
- On peut convaincre le lecteur en utilisant son expérience personnelle. Ainsi, les Essais de Montaigne sont basés sur sa propre expérience, sur son vécu : "Je suis moi-même la matière de mon livre."
- L'écrivain implique alors le lecteur dans son raisonnement. Il peut lui parler, comme le fait Montaigne dans l'extrait du corpus. Il utilise des questions de rhétoriques et des apostrophes, ce que fait aussi Rostand.
La littérature ne permet pas simplement de convaincre le lecteur, elle peut aussi le persuader.
La littérature pour persuader
Des genres efficaces
- Persuader, c'est s'adresser aux émotions du lecteur. On parle à sa sensibilité. On s'adresse à ses sentiments. Cela permet de toucher le lecteur, de l'émouvoir.
- Différents genres permettent de persuader. L'apologue et le roman sont des genres efficaces. Ils mettent en scène des situations et des personnages très divers. Du coup, le lecteur est confronté à différentes personnalités, à différents lieux. La littérature permet ainsi de faire voyager l'homme, de le mettre à la place d'autres hommes.
- Les apologues divertissent le lecteur tout en traitant de sujets sérieux. Ils sont faussement légers. Ainsi, Voltaire a écrit de très nombreux contes philosophiques qui sont très amusants, mais qui abordent l'injustice et l'intolérance. On peut citer Candide ou encore Micromégas et L'ingénu.
- Le roman peut dénoncer des conditions difficiles et avoir un très fort impact émotionnel. Ainsi, la série des Rougon-Macquart de Zola est une peinture de la misère des pauvres et de l'opportunisme des plus riches.
- Les fables de La Fontaine amusent autant qu'elles moquent et font réfléchir. Dans celle proposée dans le corpus, l'écrivain montre comment l'homme peut être prétentieux, mais que finalement il y a des choses plus grandes que lui.
- Ces genres parlent à l'imagination du lecteur. La force des histoires permet de les toucher. Ils s'adressent à un plus large public que les genres faits pour convaincre.
Le dialogue pour faire entendre
- Le dialogue peut aussi être un moyen très efficace pour persuader. Il permet de confronter deux personnages, et souvent deux idées.
- Le théâtre est évidemment un genre où il y a de nombreux dialogues. Les personnages peuvent incarner des idées, à l'image d'Andromaque qui symbolise la fidélité. Le théâtre peut traiter de la condition humaine. Les écrivains du théâtre de l'absurde ont particulièrement abordé la mort et l'impossibilité de lui donner un sens (En attendant Godot de Beckett).
- Le dialogue se retrouve dans d'autres genres. Ainsi, dans les romans épistolaires, on peut confronter des idées. C'est le cas dans Les Lettres persanes de Montesquieu, qui permet au lecteur occidental de voir ses mœurs et ses habitudes critiquées par un Perse.
La poésie pour émouvoir
- La poésie émeut particulièrement, car elle exalte le monde. Le poète est un homme qui utilise ses émotions, son vécu. Il est très proche de son lecteur, ce qui pousse Victor Hugo à dire : "Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous."
- La poésie joue avec les symboles et les images. Elle est souvent lyrique, elle crée l'émotion. La poésie peut dénoncer la guerre ("Le dormeur du Val" de Rimbaud), elle peut traiter de l'amour ("La courbe de tes yeux" d'Éluard), elle peut traiter de la mort (Les Contemplations de Victor Hugo). Dans des textes souvent courts, la poésie évoque ainsi tous les sentiments et problèmes humains.
- La poésie fait aussi réfléchir. Les poètes, en utilisant toutes les ressources poétiques, se révoltent, défendent, réclament justice ou résistent ("Strophes pour se souvenir" d'Aragon).
La littérature est donc efficace pour traiter de la condition humaine, car elle permet la réflexion et l'émotion. Toutefois, elle a ses limites.
Les limites de la littérature
Des textes "obscurs"
- Aujourd'hui, les images ont remplacé les mots. Si les gens continuent de lire, ils sont souvent plus marqués par les images qui nous entourent que par les textes. Certaines œuvres sont jugées trop obscures, trop complexes.
- Certaines références dans les textes ne sont plus comprises par le lecteur contemporain. Certaines idées sont aussi dépassées. L'écriture peut paraître difficile, le vocabulaire est inconnu, la syntaxe semble complexe.
- Les textes de Voltaire particulièrement, qui sont teintés d'ironie, demandent du recul. L'humour doit être compris en prenant de la distance, mais certains ne le font pas et comprennent donc le texte de travers. Il faut savoir bien interpréter les textes.
La littérature, un moyen, pas un but
- L'écrivain doit choisir à qui il s'adresse. Les Essais de Montaigne ou les Pensées de Pascal s'adressent plutôt à des personnes qui veulent réfléchir et débattre, alors que les œuvres de Voltaire sont pour un plus large public et permettent de divertir.
- La littérature ne peut donc pas s'adresser à tout le monde, et même dans le cercle des lecteurs, tout le monde ne lit pas la même chose. Par ailleurs, si la littérature permet de poser des questions sur la condition humaine, elle ne donne pas nécessairement de réponses. Le lecteur doit apprendre à se forger sa réflexion personnelle.
L'écrivain a plusieurs genres et moyens à sa disposition qui lui permettent de traiter efficacement de la condition humaine. Il est capable de défendre des idées et d'exposer ses thèses grâce à l'argumentation directe, mais il peut aussi émouvoir le lecteur en choisissant de raconter des histoires. Qu'importe le genre qu'il choisit, l'écrivain traite de sujets universels, puisqu'il aborde des thèmes aussi variés que les sentiments, l'injustice, la mort, etc. L'écrivain est un homme qui "porte en [lui] la forme entière de l'humaine condition".
L'écrivain permet au lecteur de prendre conscience de certaines choses, et le pousse ensuite à mener sa propre réflexion. Néanmoins, à une époque où l'image domine le monde, on peut se demander si le pouvoir des mots est toujours aussi fort. La réflexion sur la condition humaine transcende les époques, mais il faut que les lecteurs fassent l'effort de se plonger dans les œuvres littéraires pour redécouvrir les mots, qui permettent bien plus certainement de faire réfléchir que certaines images.