Interpréter les marques de modalisation dans les textes suivants.
« Alors, je rentrai chez moi l'âme bouleversée, car je suis certain, maintenant, certain comme de l'alternance des jours et des nuits, qu'il existe près de moi un être invisible, qui se nourrit de lait et d'eau, qui peut toucher aux choses, les prendre et les changer de place, doué par conséquent d'une nature matérielle, bien qu'imperceptible pour nos sens, et qui habite comme moi, sous mon toit... »
Guy de Maupassant, « Le Horla », 1887
Dans cet extrait du « Horla » de Guy de Maupassant, c'est un sentiment de certitude qui est exprimé par le narrateur :
- Il utilise l'adjectif « certain » et compare cette certitude à « l'alternance des jours et des nuits ».
- Il s'exprime au présent, temps qui permet l'assertion : « je suis certain », « il existe », « qui habite ».
« Voilà le carrefour de la vie, jeune homme, choisissez. Vous avez déjà choisi : vous êtes allé chez notre cousine de Bauséant, et vous y avez flairé le luxe. Vous êtes allé chez madame de Restaud, la fille du père Goriot, et vous y avez flairé la Parisienne. Ce jour-là vous êtes revenu avec un mot écrit sur votre front, et que j'ai bien su lire Parvenir ! Parvenir à tout prix. Bravo ! ai-je dit, voilà un gaillard qui me va. Il vous a fallu de l'argent. Où en prendre ? Vous avez saigné vos sœurs. Tous les frères flouent plus ou moins leurs sœurs. Vos quinze cents francs arrachés, Dieu sait comme ! Dans un pays où l'on trouve plus de châtaignes que de pièces de cent sous, vont filer comme des soldats à la maraude. Après, que ferez-vous ? Vous travaillerez ? Le travail, compris comme vous le comprenez en ce moment, donne, dans les vieux jours, un appartement chez maman Vauquer, à des gars de la force de Poiret. »
Honoré de Balzac, Le Père Goriot, 1835
Dans cet extrait du Père Goriot de Balzac, c'est un sentiment de certitude qui est exprimé par le personnage de Vautrin. Il utilise les modes impératif et indicatif. Cette certitude est d'autre part exprimée par les temps employés et leur aspect catégorique :
- Le présent, temps qui permet l'assertion de vérités générales : « Le travail, compris comme vous le comprenez en ce moment, donne, dans les vieux jours, un appartement chez maman Vauquer, à des gars de la force de Poiret. »
- Le passé composé qui permet de revenir sur des faits et des déductions certaines qui se sont réellement produites : « Vous avez déjà choisi : vous êtes allé chez notre cousine de Bauséant, et vous y avez flairé le luxe. Vous êtes allé chez madame de Restaud, la fille du père Goriot, et vous y avez flairé la Parisienne. Ce jour-là vous êtes revenu avec un mot écrit sur votre front, et que j'ai bien su lire Parvenir ! Parvenir à tout prix. »
« — Oh ! c'est que je t'aime ! reprenait-elle, je t'aime à ne pouvoir me passer de toi, sais-tu bien ? J'ai quelquefois des envies de te revoir où toutes les colères de l'amour me déchirent. Je me demande : « Où est-il ? Peut-être il parle à d'autres femmes ? Elles lui sourient, il s'approche… » Oh ! non, n'est-ce pas, aucune ne te plaît ? Il y en a de plus belles ; mais, moi, je sais mieux aimer ! Je suis ta servante et ta concubine ! Tu es mon roi, mon idole ! Tu es bon ! Tu es beau ! Tu es intelligent ! Tu es fort ! »
Gustave Flaubert, Madame Bovary, 1857
Dans cet extrait de Madame Bovary de Flaubert, c'est un sentiment mêlé de certitude et d'incertitude qui est exprimé par le personnage, Emma.
- D'une part, pour exprimer ses certitudes, elle utilise le présent de l'indicatif et le verbe « savoir » : « mais, moi, je sais mieux aimer ! ». Cette certitude s'exprime également par une accumulation d'exclamations mélioratives : « Tu es mon roi, mon idole ! Tu es bon ! Tu es beau ! Tu es intelligent ! Tu es fort ! ».
- D'autre part, pour exprimer ses incertitudes, elle utilise des interrogations et l'adverbe « peut-être » : « Je me demande : « Où est-il ? Peut-être il parle à d'autres femmes ? »
« - Oui, monsieur, dit le nègre, c'est l'usage. On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l'année. Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe. »
Voltaire, Candide, 1759
Dans cet extrait de Candide de Voltaire, ce sont des certitudes qui sont exprimées par le personnage de l'esclave.
- D'une part, il utilise des phrases affirmatives : « Oui, monsieur, dit le nègre, c'est l'usage. On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l'année ».
- D'autre part, il s'exprime au présent, temps qui permet d'informer sans conteste sur la condition vécue et réelle des esclaves : « Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main », « C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe ».
« — Dites-moi, vicomte, avez-vous entendu parler des Saunoy de Varfleur ? le fils aîné, Gontran, avait épousé une demoiselle de Coursil, une Coursil-Courville, et le cadet, une de mes cousines, Mlle de la Roche-Aubert qui était alliée aux Crisange. Or M. de Crisange était l'ami intime de mon père et a dû connaître aussi le vôtre.
— Oui, Madame. N'est-ce pas ce M. de Crisange qui émigra et dont le fils s'est ruiné ?
— Lui-même. Il avait demandé en mariage ma tante, après la mort de son mari, le comte d'Éretry ; mais elle ne voulut pas de lui parce qu'il prisait. Savez-vous, à ce propos, ce que sont devenus les Viloise ? Ils ont quitté la Touraine vers 1813, à la suite de revers de fortune, pour se fixer en Auvergne, et je n'en ai plus entendu parler.
— Je crois, Madame, que le vieux marquis est mort d'une chute de cheval, laissant une fille mariée avec un Anglais, et l'autre avec un certain Bassolle, un commerçant, riche, dit-on, et qui l'avait séduite. »
Guy de Maupassant, Une vie, 1883
Dans cet extrait d'Une vie de Guy de Maupassant, ce sont des incertitudes qui sont exprimées par les personnages.
- D'une part, ils utilisent des interrogations : « avez-vous entendu parler des Saunoy de Varfleur ?», « Savez-vous, à ce propos, ce que sont devenus les Viloise ? ».
- D'autre part, les hypothèses ou suppositions des personnages sont renforcées par l'emploi des verbes « devoir » et « croire » qui expriment la possibilité : « a dû connaître aussi le vôtre », « Je crois, Madame, que le vieux marquis est mort d'une chute de cheval ».