Dans quelle mesure la fable a-t-elle une visée argumentative ? Illustrer par un exemple de La Fontaine.
Comment La Fontaine appelle-t-il les deux parties qui composent la fable ?
Quel est le rôle du récit dans la fable ?
Pourquoi le fabuliste choisit-il l'argumentation indirecte ?
Quelle est la visée principale de la métaphore animalière ?
Que dénonce implicitement La Fontaine dans la fable "Les Deux Coqs" ?
La fable est un petit récit fictif qui illustre de manière implicite un enseignement moral. Elle fait partie des formes de l'argumentation indirecte : elle est considérée comme un apologue. On peut se demander dans quelle mesure la fable a une visée argumentative. Nous verrons tout d'abord le rôle didactique de l'histoire vis-à-vis de la morale explicite. Puis nous nous intéresserons à la dimension allégorique des personnages de la fable qui permet une seconde argumentation plus implicite.
Tout d'abord, la fable fonctionne en deux temps : elle se compose la plupart du temps d'une histoire suivie d'une morale au présent gnomique qui se détache du reste du texte. La Fontaine, dans la préface de ses Fables, définit la fable et la moralité comme "le corps et l'âme" de l'apologue. Le récit doit illustrer la morale, en montrer la vérité : la morale intervient donc pour tirer une leçon de l'anecdote. Dans "Les Deux Coqs", une poule vient créer la querelle dans une basse-cour : deux coqs se battent sans merci pour ses faveurs mais le vainqueur, qui veut "chanter sa victoire" est emporté par un vautour. La morale dit alors ceci : "La fortune se plaît à faire de ces coups ; / Tout vainqueur insolent à sa perte travaille. / Défions-nous du sort, et prenons garde à nous / Après le gain d'une bataille." L'histoire de ces animaux de basse-cour permet à La Fontaine de délivrer une leçon d'humilité et condamne l'orgueil des vainqueurs. C'est à la fois une critique de la guerre et un avertissement contre les dangers du hasard. L'amusement du lecteur face à cette histoire ainsi que la dimension ludique de la symbolique des animaux permettent d'enseigner et de plaire, "placere et docere" : la fable séduit avant de convaincre, l'auteur capte l'attention de son lecteur avant de délivrer sa leçon.
Mais, au-delà de la dimension moralisatrice explicite dans la fable, l'apologue utilise d'autres moyens au service de sa visée argumentative. Ainsi, la métaphore animalière, que le lecteur se plaît à décrypter, permet de contourner la censure et de construire une critique qui joue à un autre niveau : les coqs peuvent avoir plusieurs sens symboliques. Ils sont associés à l'orgueil, à l'esprit combatif et belliqueux mais sont également l'allégorie de la France. Par ailleurs, dans "Les Deux Coqs", la basse-cour peut aussi renvoyer à la cour du roi Louis XIV. Le lecteur contemporain de La Fontaine peut comprendre le jeu de référence à l'actualité caché dans le texte. La fable force donc son destinataire à réfléchir tout en le distrayant. On constate ainsi que cette fable a une visée parodique : La Fontaine détourne le genre de l'épopée pour évoquer une querelle de poulailler. On peut alors se demander s'il ne critique pas les velléités guerrières de Louis XIV. Au-delà de la visée moralisatrice, l'argumentation indirecte de l'apologue a donc également une visée dénonciatrice qui permet à La Fontaine de contourner la censure pour proposer une critique de la société qui joue sur le symbolisme de la métaphore animalière.
- La fable est un apologue, une argumentation indirecte qui se compose d'un récit et d'une morale.
- La première visée argumentative de la fable est moralisatrice et didactique : la fable illustre la morale et permet de délivrer une leçon au lecteur tout en le distrayant.
- La seconde visée argumentative repose sur un jeu de références implicites : la dimension allégorique et la symbolique des animaux permettent au fabuliste de contourner la censure pour critiquer la société de son époque.