Qu'est-ce que l'argumentation directe et dans quel type d'œuvre la trouve-t-on ? Donner des exemples.
Qu'est-ce qui permet de distinguer l'argumentation directe de l'apologue ?
Quel genre de l'argumentation directe se caractérise avant tout par son recours à l'ironie ?
Quel auteur est considéré comme l'inventeur des Maximes ?
Quelle est la particularité de l'argumentation dans le genre de la fable et du conte ?
Par quoi se caractérise le registre polémique ?
Contrairement aux formes de l'apologue, comme le conte ou la fable, de nombreuses formes argumentatives relèvent de l'argumentation directe : le lecteur n'a pas besoin de déduire le message à partir d'un récit car les auteurs formulent leurs thèses sans détour, le plus clairement possible et en explicitant leur message pour convaincre. Ils parlent en leur nom propre, sans se cacher, et en utilisant parfois une dimension affective pour persuader. Cette démarche est caractéristique de plusieurs formes de l'argumentation, qui manient l'art de dénoncer et de délibérer.
Tout d'abord, l'argumentation directe cherche souvent à dénoncer explicitement un adversaire ou une situation à travers des formes et genres variés. Le pamphlet est un genre très en vogue dès le XVIIe siècle même si l'appellation n'apparaît qu'au XIXe : il se caractérise par une forte dimension polémique et cherche la plupart du temps à dénoncer et critiquer le pouvoir en place. Le message est sans nuance, parfois même caricatural, et les termes utilisés sont virulents et hyperboliques. Outre convaincre, il s'agit pour le pamphlétaire d'inciter le lecteur à l'action, à la révolte. Mazarin est tout particulièrement la cible des pamphlétaires sous la Fronde. Plus tard, c'est Louis XIV et ses maîtresses qui subissent la dénonciation d'auteurs comme Voltaire. La satire se distingue du pamphlet par sa dimension ironique : sa dénonciation est explicite et directe mais elle cherche à convaincre par le rire. On en trouve des exemples dans différents genres littéraires, de la poésie au théâtre, chez Molière par exemple qui satirise les comportements et travers de ses contemporains. C'est également la démarche d'auteurs comme La Bruyère dans ses Caractères ou La Rochefoucauld qui invente le genre des "maximes" : ces dernières se définissent comme des sentences brèves et lapidaires destinées à condenser la pensée critique de l'auteur. La visée est explicitement moralisatrice et se veut la plus directe possible. Enfin, l'argumentation directe se retrouve dans le genre épistolaire : la lettre ouverte peut être le lieu d'un réquisitoire directement adressé et rendu public par l'auteur. Le célèbre "J'accuse !" d'Émile Zola est ainsi une lettre ouverte au président de la République, publiée dans le journal L'Aurore. Elle devient alors une alternative au discours qui se définit comme l'exposé rigoureux et argumenté d'une thèse pour convaincre mais aussi persuader grâce aux procédés de la rhétorique, souvent hérités des orateurs antiques. Cette forme d'argumentation directe est particulièrement en vogue au XVIIIe siècle chez des philosophes des Lumières qui s'y expriment directement, en leur nom propre : c'est par exemple le cas de Rousseau, auteur du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité entre les hommes où il dénonce la perversion de l'homme naturel par la société hiérarchisée.
De plus, l'essai et le dialogue philosophique sont des formes d'argumentation directe qui s'inscrivent dans le genre rhétorique classique de la délibération qui cherche à peser le pour et le contre dans le but de prendre une décision, de débattre pour faire le choix préférable face à une alternative. Tout d'abord, l'essai se définit comme une mise à l'épreuve de l'auteur et de ses idées : l'œuvre est conçue comme une recherche pour se connaître à travers ses expériences. Ce qui le distingue de l'autobiographie, c'est que l'auteur utilise sa propre existence non pas pour raconter son histoire personnelle mais pour illustrer une idée ou s'offrir comme miroir à la réflexion du lecteur. Les idées sont donc incarnées et peuvent évoluer au fur et à mesure de l'expérience d'un sujet qui s'interroge et se remet en question. C'est le cas de Montaigne dans ses Essais qui abordent les multiples changement d'un Moi insaisissable. En cela, l'essai s'approche du dialogue philosophique qui confronte plusieurs points de vue, qui utilise la polyphonie, comme c'est le cas par exemple dans l'œuvre de Diderot, Le Neveu de Rameau où deux personnages, identifiés comme "Lui" et "Moi", débattent autour de la question de la morale. Le théâtre peut également être le lieu d'un débat argumenté, entre deux personnages ou au sein du monologue qui a parfois une fonction délibérative pour un personnage placé face à un dilemme, notamment dans la tragédie. C'est par exemple le cas dans certaines pièces de Marivaux : dans La Colonie, celui-ci met en scène la construction d'une société utopique et les nombreux débats que suscitent l'adoption de nouvelles lois. Ces genres se caractérisent souvent par le registre polémique : en effet, la polémique engage un débat, suppose une thèse adverse à combattre, à débattre. Le discours peut ainsi être polémique et dès lors se constituer comme une invitation au débat, au dialogue quand il reprend la thèse adverse ou tente de provoquer l'adversaire.
- L'argumentation directe formule une thèse explicite et cherche à transmettre un message sans détour.
- Elle est souvent utilisée pour dénoncer, à travers les genres du pamphlet, de la satire, de la lettre ou du discours.
- La délibération, genre majeur de la rhétorique classique, se retrouve dans des genres variés, de l'essai au dialogue philosophique en passant par le discours polémique.