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Médias et opinion publique en France depuis l'Affaire Dreyfus Composition type bac

Ce contenu a été rédigé par l'équipe éditoriale de Kartable.

Dernière modification : 07/08/2019 - Conforme au programme 2019-2020

Métropole 2016, voie ES

En vous appuyant sur les exemples étudiés au cours de l'année, vous traiterez le sujet suivant : médias et opinion publique dans les grandes crises politiques en France depuis l'affaire Dreyfus.

De quand date la loi sur la liberté de la presse en France ?

Sur quelle période l'affaire Dreyfus se déroule-t-elle ?

Quel plan aurait pu permettre de traiter le sujet ?

Quel est le titre du journal fondé par Jean Jaurès ?

Quelle est la proportion de foyers français disposant d'un poste radio à la veille de la Seconde Guerre mondiale ?

En quelle année a lieu le "séisme du 21 avril" ?

Lors de la campagne électorale de la présidentielle française de 2017, de nombreux candidats ont régulièrement dénoncé le manque d'objectivité du "système médiatique" qui favoriserait certains candidats au détriment d'autres. Ainsi, la presse qui informerait sur les affaires des candidats ne serait pas honnête pour ses détracteurs car elle serait en réalité animée par une volonté de déstabilisation politique plus que par une volonté d'informer objectivement. Voilà une manière bien particulière de défendre la liberté d'expression des médias. Il est certain que les médias, et notamment les médias de masse, considérés comme l'ensemble des moyens permettant une diffusion d'informations ou d'opinions auprès d'un large public, ont partie liée avec le politique dans la mesure où, en démocratie du moins, ils informent ce qu'on a coutume d'appeler l'"opinion publique". On peut rappeler ici que cette expression désigne l'ensemble des convictions d'une société. De fait, les médias tendent autant à l'influencer qu'à la refléter. Cela est particulièrement sensible lors des crises politiques qui déstabilisent ou mettent en danger le régime. De ce point de vue, la France apparaît comme un excellent terrain d'observation dans la mesure où les crises politiques qu'elle a pu traverser ont impliqué les médias et mobilisé l'opinion publique. De l'affaire Dreyfus à la crise du 21 avril 2002, les relations entre médias et opinion publique par gros temps ont été analysées et commentées à l'aune des impératifs démocratiques et alors que le monde médiatique n'a eu de cesse de se transformer.
On pourra dès lors interroger cette relation singulière que médias et opinion publique entretiennent pendant les crises politiques que traversent la France à compter de l'affaire Dreyfus qui apparaît rétrospectivement comme un événement fondateur.
Pour ce faire, nous considérerons dans un premier temps la période 1894 - 1944, c'est-à-dire entre le début de l'"affaire" et la Libération, avant de nous pencher sur la séquence qui court de 1945 aux années 1970 et qui s'avère marquée par la diversification et la massification du monde médiatique. Enfin, nous envisagerons les enjeux contemporains de la question.

I

Médias et opinion publique dans les crises politiques françaises de l'affaire Dreyfus à la Libération

A

Les médias à l'heure de la République libérale

Pour traiter la question des relations entre médias et opinion publique, on ne peut faire l'économie d'un rappel : en 1881, le Parlement vote la loi relative à la liberté de la presse qui permet de publier sans autorisation préalable ; pour autant, la liberté d'expression est encadrée car on ne saurait tolérer certaines dérives. Les incitations au crime et au délit sont naturellement interdites, de même que la diffamation. Cependant, certaines entorses ont pu être faites à ces principes généreux. En effet, la crise anarchiste que traverse la France au début des années 1890 incite le gouvernement à faire adopter les lois dites "scélérates" de 1893 qui élargissent sensiblement les délits de presse en interdisant notamment la diffusion des idées anarchistes.

Quoi qu'il en soit, la liberté de la presse permet au secteur médiatique de prendre son essor dans un contexte technique par ailleurs favorable : on a inventé les rotatives qui permettent une impression de masse, les moyens de transport ont sensiblement été améliorés et les journaux peuvent être diffusés en provinces grâce au chemin de fer notamment. Par ailleurs, le développement du télégraphe puis du téléphone permet aux journalistes d'être en prise directe avec les événements survenus à l'autre bout du pays. Outre ces aspects techniques qui permettent de faire baisser les frais et donc les prix de vente, il faut ajouter le contexte culturel : les Français sont de mieux en mieux formés grâce à l'École républicaine telle que les lois Ferry de 1881 - 1882 l'ont établie ; l'alphabétisation progresse et, en conséquence, le lectorat s'accroît. Tous ces éléments expliquent que la fin du XIXe siècle soit marquée par le développement et le renforcement d'une opinion publique.

Enfin, on peut signaler que le paysage médiatique français tend à refléter les orientations de l'opinion publique dans la mesure où les titres de presse adoptent des lignes éditoriales assez clairement identifiées. Ainsi, on peut rappeler que L'Humanité, fondée par Jean Jaurès en 1904, est clairement marquée à gauche, de même que L'Assiette au beurre dont les satires reflètent les idées anarchistes d'une partie de ses rédacteurs et caricaturistes. A contrario, L'Action française de Charles Maurras ou La Libre parole d'Édouard Drumont sont marquées du coin du nationalisme d'extrême droite. Mais, à cette presse d'opinion, on peut opposer une presse populaire moins politiquement marquée : Le Petit Journal, diffusé à plus d'un million d'exemplaires dans les années 1890, se contente souvent de relater des faits divers ou sensationnels.

B

La presse et les crises de la République jusqu'en 1918

Dans ce contexte médiatique nouveau, le régime affronte des crises dont les enjeux sont véhiculés par la presse. Parmi celles qui secouent la République, on doit évidemment citer l'affaire Dreyfus qui débute en 1894. Accusé de trahison pour le compte de l'Allemagne, le capitaine Dreyfus est condamné par un tribunal militaire au bagne à perpétuité en décembre 1894. Cette affaire est largement médiatisée, notamment par La Libre parole de Drumont qui y voit la confirmation que les Juifs constituent bien l'anti-France ; la presse populaire, à l'instar du Petit Journal, couvre également largement cette affaire comme en témoigne la célèbre Une représentant la dégradation de Dreyfus dans la cour des Invalides. La médiatisation est cependant accentuée à compter de 1897, date à laquelle la remise en cause du jugement prend de l'ampleur. La presse, à l'image de l'opinion publique, se divise entre dreyfusards et antidreyfusards. Si L'Aurore de Clemenceau publie "J'accuse" d'Émile Zola, La Croix ou Le Petit Journal sont les porte-voix des antidreyfusards. Cette crise qui interroge les valeurs essentielles de la République mobilise donc l'opinion et les médias et suscite un profond clivage au sein de la société française dont les répercussions se font sentir bien au-delà de 1906, date de la réhabilitation de Dreyfus au terme d'une épopée judiciaire à nulle autre pareille.

Si la presse s'est avérée libre de publier ce que bon lui semblait au cours de "l'affaire", il n'en va de même lors de la Première Guerre mondiale qui débute à l'été 1914. L'intégrité et les intérêts vitaux du pays sont menacés. Dès lors, le gouvernement ne tarde pas à prendre des mesures draconiennes pour contrôler l'information et l'opinion publique qui, dans le cadre de cette "guerre totale", doit être mobilisée. La liberté de la presse est suspendue et la censure refait son apparition. La presse se fait l'écho des communiqués officiels et étouffe toute information susceptible de démoraliser l'opinion publique. Les armées françaises sont glorifiées à longueur d'articles et les ennemis décriés comme des barbares. Les mauvaises nouvelles sont tues et les bonnes largement amplifiées. Ainsi, les Parisiens ne découvrent le danger qui a pesé sur eux en septembre 1914 que lorsque la presse fait part des succès français sur la Marne. Ce "bourrage de crâne" est dénoncé par certains journalistes qui réussissent à user de moyens détournés pour alerter leurs concitoyens. Ainsi Le Canard enchaîné, créé en 1915, publie des encarts blancs indiquant clairement la mention "article censuré", manière de montrer que le gouvernement contrôle l'information et cache des éléments à l'opinion.

C

Les médias et l'opinion publique d'une guerre à l'autre

La paix revenue en 1918, la presse retrouve sa liberté d'expression ; elle va en user à maintes reprises lors des crises qui marquent la période. La crise du 6 février 1934 est à cet égard emblématique du rôle des médias dans la crise profonde que le pays traverse. Alors que la France doit faire face aux conséquences politiques et sociales de la crise économique et financière survenue en 1929, l'extrême droite ne cesse de brocarder la république et l'extrême gauche n'a pas de mots assez durs pour dénoncer la république bourgeoise.

La presse d'opinion se fait l'écho de ces positions tranchées et relaie les appels à manifester qui débouchent sur la crise du 6 février 1934. Pour les uns, l'échec du 6 février est avant tout l'échec du fascisme quand les autres considèrent que les véritables patriotes ont été injustement réprimés. Quoi qu'il en soit, la crise aboutit à la chute du gouvernement Daladier et à la constitution d'un front antifasciste qui gagne les élections de 1936. Mais la victoire du Front populaire ne met pas fin à la guerre des deux France puisque, si le gouvernement de Léon Blum est soutenu par une partie de la presse comme L'Humanité ou Marianne, il est violemment critiqué par une autre partie emmenée par Gringoire ou Je suis partout. Tous les moyens sont bons pour nuire au gouvernement. Certains journalistes n'hésitent pas en effet à calomnier comme l'affaire Salengro en témoigne : le ministre, accusé à tort de désertion lors de la Première Guerre mondiale, finit même par se suicider.

La montée des périls et l'entrée en guerre font entrer le monde des médias dans la mêlée. Comme en 1914 - 1918, les médias sont mobilisés au service de l'effort de guerre dès les premiers jours du conflit ; la censure refait son apparition. Mais la débâcle de mai - juin 1940, l'occupation allemande et la mise en place du régime de Vichy aboutissent au contrôle total des médias et, pour ce qui est de la zone occupée, de la suppression des journaux. La propagande du maréchal Pétain est largement diffusée - notamment par Radio Paris - et la presse collaborationniste tente de justifier les choix politiques du régime. Les Allemands, de leur côté, font circuler Signal qui est un redoutable instrument de propagande.

Cette mainmise sur les médias suscite évidemment une réaction de la part des résistants. De Gaulle se lance dans la "guerre des ondes" en diffusant son légendaire appel du 18 juin 1940 sur la BBC avant de développer son propre réseau radiophonique autour de Radio Alger et Radio Brazzaville. Enfin, les réseaux de résistance intérieure diffusent des informations via leur presse clandestine dont les principaux titres sont Libération ou Témoignage chrétien.

À l'heure du retour à la démocratie, la presse retrouve sa liberté bien que le pouvoir gaullien tente d'exercer un certain contrôle sur le paysage médiatique à partir de 1958.

II

Les médias et l'opinion publique après la Seconde Guerre mondiale

A

La liberté des médias en question

La Libération permet au secteur médiatique de retrouver une certaine liberté même si certains journaux, compromis avec le régime de Vichy ou l'occupant sont interdits, à l'exemple du Temps, dont les locaux sont repris par Hubert Beuve-Méry pour y fonder Le Monde. Parallèlement, un certain nombre de titres issus de la presse clandestine de la Résistance subsistent : Combat ou France Soir en sont les meilleurs exemples. Par ailleurs, le PCF retrouve son journal, L'Humanité, qui avait été interdit dès l'entrée en guerre. En d'autres termes, le paysage de la presse française est fortement transformé au sortir de la guerre.

Pour autant, il serait erroné de considérer que les médias jouissent d'une totale liberté. En effet, l'État exerce une certaine emprise sur le secteur comme en témoigne la création de la RTF (Radio-Télévision française) en 1949 : la radio et la télévision sont des monopoles étatiques soumis à des cahiers des charges très stricts. Les sujets politiques sont étroitement encadrés. Si la presse est libre, les nouveaux médias dont la croissance est fulgurante le sont nettement moins même si les radios périphériques comme Europe n°1 ou RTL, qui émettent depuis Stuttgart et Luxembourg, peuvent être des alternatives au monopoles d'État.

Il est certain que le contrôle de ces nouveaux médias apparaît comme essentiel aux yeux de l'État du fait de leur popularisation. Pour mémoire, rappelons que la part des foyers équipés d'un poste radio passe de 50 % en 1939 à 90 % au début des années 1960. La télévision quant à elle trouve très vite son public : 5 % des familles françaises possédaient un poste en 1958 ; elles seront 61 % dix ans plus tard. La télévision devient un moyen d'information très plébiscité dès lors que la RTF lance ses premiers journaux télévisés au début des années 1950.

B

Les médias et la crise algérienne

Il apparaît clairement que les médias jouent un rôle majeur lors la guerre d'Algérie qui se déroule de 1954 à 1962. Ainsi, après des mois d'instabilité gouvernementale et de tensions, la crise du 13 mai 1958 éclate à Alger : des étudiants, soutenus par les pieds noirs et par l'armée, provoquent une crise majeure. Les généraux français Massu et Salan en appellent ainsi à la constitution d'un Comité de salut public avant de réclamer le retour de De Gaulle. La presse et les médias s'emparent de cet événement qui fait vaciller la IVe République au point de la faire s'écrouler en quelques semaines. Pour la presse de gauche, il s'agit d'un coup d'État militaire contre lequel les républicains doivent réagir. Pour la presse conservatrice de droite, ce coup de force est l'expression du désarroi de l'armée et de l'incurie du régime qu'elle appelle, dans la lignée de De Gaulle, à réformer.

Le rôle des médias est encore plus flagrant lors du putsch des généraux d'avril 1961. Alors que De Gaulle avait promis de conserver l'Algérie française, il s'achemine vers l'autodétermination dès 1959. Ceux qui avaient contribué à son rappel au pouvoir et, in fine, à la création de la Ve République, se sentent floués. À Alger, les généraux organisent un putsch. Les médias couvrent les événements. Plus que cela, ils apparaissent comme des acteurs de la crise dans la mesure où les deux partis les utilisent pour l'emporter. Le "quarteron de généraux en retraite" (pour reprendre la formule lapidaire de De Gaulle) s'adresse aux Algériens sur les ondes de Radio Alger et fait diffuser largement ses intentions dans la presse locale alors que le président de la République, revêtu pour l'occasion de son uniforme, s'adresse à la nation et aux soldats cantonnés sur le sol algérien via la radio et la télévision. Il enjoint les Français à faire bloc derrière lui et intime l'ordre aux appelés du contingent de ne plus suivre leurs chefs. D'une certaine manière, on peut considérer que son intervention radiophonique, diffusée en boucle sur Radio Monte Carlo, reçue en Algérie, permet de couper la hiérarchie militaire putschiste de ses bases et donc de réduire à néant ses efforts.

Plus largement, les médias sont au cœur du conflit algérien. La censure est de rigueur et les saisies sont nombreuses. Il s'agit d'éviter autant que possible les prises de positions contraires à ce que le gouvernement considère comme les intérêts vitaux de la nation. En temps de guerre - même si la guerre d'Algérie n'en est officiellement pas une - le contrôle des médias est une nécessité pour le gouvernement. Cela n'empêche pas les informations d'être diffusées. Les révélations sur la torture et les critiques adressées par des intellectuels comme Sartre ont un impact non-négligeable sur l'opinion qui finit par considérer que la paix en Algérie doit s'imposer, fût-ce au prix de l'indépendance. La guerre d'Algérie s'est donc aussi jouée dans les médias.

C

Mai 68 : la critique du système médiatique de la République gaullienne

Si les médias ont été au cœur de la crise algérienne, ils ont aussi, plus largement, eu un rôle important dans la vie politique du pays des "années De Gaulle". En effet, le locataire de l'Élysée considère que le contrôle de l'information est indispensable à son action politique. Il renforce donc la tutelle de l'État sur les médias en créant l'ORTF (Office de radiodiffusion-télévision française) en 1964 et en confiant à Alain Peyrefitte le ministère de l'Information qui a clairement la tutelle de la radio-télévision française. Par ailleurs, De Gaulle use des médias à sa convenance : il intervient régulièrement à la télévision dans le cadre d'allocutions solennelles au cours desquelles il explique les enjeux politiques du moment et expose ses choix. Par ailleurs, des conférences de presse très formelles sont organisées à l'Élysée au cours desquelles les journalistes sont invités à poser des questions qui permettent au président de présenter les principes de sa politique. En aucun cas, il ne s'agit de déstabiliser le pouvoir, de le contester. D'une certaine manière, on peut parler d'un système médiatique officiel aux ordres. Cela se manifeste également par la faible exposition médiatique des opposants au président De Gaulle.

Cette mainmise étatique sur les médias n'est pas sans susciter de vives critiques. De ce point de vue, la crise de mai 1968 agit comme un révélateur du mécontentement. Parmi les revendications des manifestants, il en est une qui rencontre un certain écho dans la société française : la libéralisation des médias. Les affiches des étudiants des Beaux-Arts illustrent avec brio les griefs de la jeunesse française : "La police vous parle tous les soirs à 20h" ou "Presse, ne pas avaler" sont autant de slogans qui accompagnent ces affiches placardées dans toutes les rues du Quartier latin. Très clairement, cette jeunesse issue du baby-boom refuse l'ordre gaullien et la mainmise du gouvernement sur les médias.

Alors que le gouvernement entend bien contrôler l'information afin de circonscrire les événements, les salariés de l'ORTF refusent les injonctions du pouvoir et se mettent en grève, privant le pouvoir d'un levier important. Le contrôle semble d'autant plus échapper au pouvoir gaulliste que les radios périphériques comme Europe n°1 notamment suivent les événements de près en interrogeant les manifestants et en relayant leur mécontentement. Le pouvoir semble perdre la bataille de l'information jusqu'à ce que De Gaulle réapparaisse sur les écrans et sur les ondes radio et réaffirme son autorité. Parallèlement, il licencie près de deux cents journalistes de l'ORTF en juin 1968 dans le but de reprendre la main. Néanmoins, cette victoire gaullienne peut apparaître à bien des égards comme une victoire à la Pyrrhus tant la contestation a été virulente et le pouvoir déstabilisé.

La crise mai 68 montre donc que la société française ne supporte plus la mainmise de l'État sur les médias et que l'heure de la libéralisation a sonné.

III

Médias et opinion publique dans les crises politiques à l'heure des recompositions et de la libéralisation

A

Recomposition et libéralisation

Après le coup de tonnerre de mai 68, le temps semble venu d'opérer une libéralisation du secteur, d'autant que le contrôle s'avère vain à l'heure des radios périphériques qui ont le vent en poupe. Le président Pompidou, qui succède à De Gaulle en 1969, amorce ce mouvement de libéralisation en desserrant quelque peu la tutelle sur les médias mais il faut attendre l'arrivée de Valéry Giscard d'Estaing en 1974 et, surtout, de François Mitterrand en 1981 pour que cette libéralisation prenne toute son ampleur. Ainsi, en 1974, l'ORTF est supprimé et les chaînes qui le composaient jouissent dès lors d'une large autonomie. Parallèlement, les "radios libres" ou "radios pirates" se multiplient et jouissent d'un succès croissant, ce qui pousse Mitterrand à les autoriser dès 1982. Enfin, l'État autorise les chaînes de télévision privées à émettre : Canal+ fait son entrée en 1984 avant que La Cinq, première chaîne privée gratuite ne lui emboîte le pas. En 1987, TF1 est privatisée et échappe donc au contrôle de l'État qui ne conserve que le groupe France télévision, qui s'affirme comme un service public avec ses chaînes généralistes comme Antenne2 (qui deviendra France2) ou FR3 (France3).

L'offre se diversifie en même temps que la tutelle de l'État s'étiole. Les chaînes thématiques font leur apparition dans les années 1990 et des "bouquets" payants sont proposés par le câble ou le satellite. Surtout, le secteur médiatique est bouleversé par l'arrivée d'Internet qui s'impose progressivement comme un média populaire et puissant. Outre les sites d'informations dits sérieux, les réseaux sociaux et autres blogs se font une place dans le paysage médiatique et rebattent les cartes. Jamais, les Français n'ont eu la possibilité de s'informer aussi bien. Jamais, ils n'ont eu une telle diversité et une telle liberté. Mais, cette explosion de l'offre n'est pas sans susciter des interrogations, notamment sur la fiabilité de ces sources d'informations.

B

Les médias curateurs de la démocratie ?

Indéniablement, les médias apparaissent aujourd'hui comme une sorte de contre-pouvoir capable de remettre en cause le pouvoir politique. Un certain nombre d'affaires témoignent du rôle salvateur des médias dans une démocratie. Ainsi, on peut rappeler l'affaire du Rainbow Warrior en 1985, qui contraint le gouvernement de Laurent Fabius à d'acrobatiques manœuvres pour contrer les accusations lancées par la presse. Alors que le navire de Greenpeace s'apprête à appareiller pour Mururoa dans le but de contester les essais nucléaires français, il est coulé dans la baie d'Oakland en Nouvelle Zélande. Rapidement, la presse dénonce une opération des services secrets français. Le gouvernement nie en bloc avant d'être contraint d'avouer leur implication quelques semaines plus tard ; le ministre de la Défense, Charles Hernu est contraint à la démission et la réputation du président Mitterrand est entachée.

Plus récemment, on peut citer les affaires qui ont éclaboussé le monde politique. "L'affaire Cahuzac", du nom du ministre de Jean-Marc Ayrault accusé de fraude fiscale alors qu'il était précisément censé lutter contre ce phénomène, est révélée par Médiapart qui porte haut, sous la tutelle de son fondateur Edwy Plenel, les couleurs de la presse d'investigation. Là encore, les accusations, fondées, aboutissent à la démission du ministre et à sa traduction devant la justice. On pourrait aussi citer "l'affaire Fillon" qui a fortement perturbé la campagne électorale de 2017 : Le Canard enchaîné a révélé des soupçons d'emplois fictifs et de trafics d'influence qui ont conduit le candidat de la droite à être mis en examen. Si on est encore loin de l'épilogue judiciaire, il est clair que les médias ont joué un rôle clef dans cette affaire et on pourra considérer qu'ils ont œuvré pour la salubrité publique si François Fillon est condamné ; dans le cas contraire, l'opinion pourra à bon droit considérer que l'opprobre injustement jeté sur ce candidat a modifié le cours des événements en influençant le choix des électeurs induits en erreur.

Enfin, la presse, libre, est en mesure de relayer des informations qui peuvent contribuer à alerter les citoyens. On peut citer les affaires liées au financement des partis politique : l'affaire URBA concernant le PS (Parti socialiste) ou celle des HLM de Paris qui impliqua le RPR de Jacques Chirac dans les années 1990. Tous ces scandales, largement médiatisés, ont poussé les gouvernements successifs à proposer des lois visant à encadrer le financement des partis politiques et, in fine, à améliorer le fonctionnement du système politique en le rendant plus transparent. De ce point de vue, la liberté des médias est une garantie indispensable à l'exercice démocratique.

C

Les médias à l'heure de la démocratie d'opinion

"Démocratie d'opinion", voilà un terme qui revient régulièrement à l'heure où chacun est en mesure d'exprimer son opinion et où les responsables politiques tentent de la saisir autant que de la contrôler. D'une certaine manière, cela est lié en partie à la généralisation des sondages d'opinion. Censés donner une photographie de l'opinion, ils ont été progressivement érigés en instrument de gouvernement. Nombre de responsables politiques ont ainsi été accusés de "gouverner au sondage" afin de répondre aux attentes de l'opinion, ce qui n'est pas sans interroger car les méthodes des sondeurs sont parfois discutables. Leur rôle, lorsqu'il est perverti joue aussi dans l'autre sens comme la crise politique de 2002 l'a prouvé. Les sondages ont pronostiqué des mois durant un "duel" Chirac-Jospin. À telle enseigne que les électeurs, persuadés de l'issue du scrutin, ont boudé les urnes (28,4 % d'abstention) ou se sont dispersés sur de "petits" candidats, ce qui a entraîné la qualification de l'extrême droite.

Outre l'addiction du monde politico-médiatique aux sondages, il faut souligner la place croissante des réseaux sociaux et autres blogs dans le jeu politique. "Tweeter" et "re-tweeter", "liker", "sharer". Autant de verbes qui sont devenus pour nombre d'individus des évidences du quotidien. D'aucuns estiment que leur opinion a une valeur et qu'il est légitime de la partager pour faire avancer la "réflexion". On crée ainsi des "communautés" d'opinion qui nourrissent parfois les rumeurs les plus folles quand ce n'est pas des théories complotistes. Ou tout simplement des informations fausses : pensons à Christine Boutin qui a annoncé inopinément la mort de Jacques Chirac en septembre 2016.

Enfin, les campagnes présidentielles américaine et française ont montré toute l'importance pour une démocratie de disposer de médias sérieux qui respectent un code de déontologie et une éthique professionnelle. Face à la déferlante de "fake news" visant à faire sensation et à s'attirer les suffrages des masses, la vérification et le croisement des informations se sont, plus que jamais, avérés indispensables. Sans ces précautions qui sont au fondement même du métier de journaliste, la démocratie ne peut que sombrer. Mais, il est frappant de constater la perte d'influence et de crédit des élites médiatiques traditionnelles : avec le monde politique, le monde médiatique est celui qui fait l'objet de la plus grande défiance. D'aucuns subodorent les manipulations machiavéliques sans considérer que ces manipulations passent aussi, sinon plus, par les réseaux dont les filtres sont par essence inexistants et les modérations peu efficaces.

Indéniablement donc, les médias ont joué un rôle majeur dans les crises politiques traversées par le pays depuis l'affaire Dreyfus dont on a pu voir qu'elle a inauguré le règne de l'opinion publique. Influencer, relayer, contrôler l'opinion publique, voilà des actions qui sont au cœur des problématiques liées aux médias. L'État, très tôt, a compris l'importance du contrôle et de l'encadrement des médias, notamment en temps de crise.
Aujourd'hui, le contrôle de l'opinion publique par les autorités traditionnelles semble plus compliqué : les réseaux sociaux et, plus largement, Internet changent la donne. En France, pays démocratique et libéral, le secteur médiatique jouit d'une enviable liberté. Si la menace ne vient plus de l'État, elle n'en reste pas moins présente. L'anonymat qu'Internet confère et la libéralisation des moyens d'expression font peser des risques sur la qualité de l'information dont on a pu voir qu'elle était pourtant indispensable au fonctionnement d'une démocratie.

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