Louis Maillard rend publique sa découverte fortuite le 27 novembre 1911, dans une communication : "L'action des sucres sur les acides aminés". La "réaction" qu'il y décrit fait intervenir une succession de transformations chimiques au cours desquelles réagissent des acides aminés avec des sucres réducteurs pour conduire à la formation de mélanoïdines insolubles, composés de couleur caractéristique jaune-orangé, et à d'autres produits volatils et odorants.
Cette "réaction" se produit dans presque toutes les préparations culinaires, en particulier pendant la cuisson des viandes.
Plus la coloration des mélanoïdines est importante, plus le processus est avancé.
Le but de l'exercice est de montrer comment la connaissance et le contrôle de la "réaction" de Maillard permettent d'agir sur le goût et l'aspect d'un aliment.
Données :
- Électronégativité (échelle de Pauling) de quelques éléments chimiques : \ce{H} : 2,2 ; \ce{C} : 2,6 ; \ce{N} : 3,0 ; \ce{O} : 3,4
- Masse molaire moléculaire : M_{glucose} = 180 g.mol-1 ; M_{alanine} = 89 g.mol-1
- Masse volumique de l'eau : ρ = 1{,}0 g.mL-1
- Arômes générés par la "réaction" de Maillard, en fonction des conditions expérimentales :
| Acide aminé | Sucre | Arôme ou goût généré à 100 °C | Arôme ou goût généré à 180 °C |
|---|---|---|---|
| Cystéine | ribose | boeuf rôti | |
| Lysine | glucose | pain (pH = 5{,}2) tisane (pH = 1) | |
| Valine | glucose | pain de seigle | chocolat fort |
| Alanine | glucose | caramel | sucre brûlé |
| Méthionine | glucose | pomme de terre (pH = 5{,}2) viande (pH = 1) | |
| Phénylalanine | glucose | rose | Violette |
Les réactifs

Glucose

Alanine
Comment peut-on justifier que l'alanine est bien un acide aminé ?
L'alanine est un acide aminé, car il possède une fonction acide carboxylique et une fonction amine :

Quelle caractéristique de l'alanine fait que celle-ci possède des stéréoisomères ?
L'atome de carbone relié à la fonction amine, à l'atome d'hydrogène ou encore à \ce{CH3} est un carbone asymétrique car lié à quatre groupements différents. On peut donc en déduire que la molécule possède deux stéréoisomères qui sont énantiomères.
Parmi ces couples de représentations de Cram de l'alanine, lequel correspond à deux énantiomères ?
Les énantiomères de l'alanine sont images l'un de l'autre dans un miroir :

Mécanisme d'une partie de la "réaction" de Maillard
Un des mécanismes proposé pour la "réaction" de Maillard fait intervenir trois étapes représentées figure 1. Les molécules de glucose et d'alanine sont respectivement représentées par les formules simplifiées suivantes :


Figure 1
Quelle est la bonne représentation indiquant les sites donneurs et accepteurs de doublets électroniques dans la molécule de glucose ?
L'atome de carbone a une électronégativité selon Pauling plus faible que l'atome d'oxygène. Les électrons de la liaison double sont donc davantage attirés par l'atome d'oxygène, l'atome de carbone est donc un site accepteur d'électrons et l'atome d'oxygène un site donneur.

Quelle est la bonne représentation indiquant les sites donneurs et accepteurs de doublets électroniques dans la molécule d'alanine ?
Dans la molécule d'alanine, l'atome d'azote possède un doublet non-liant, il est donc un site donneur d'électrons et les atomes d'hydrogène, étant moins électronégatifs que l'atome d'azote, portent des charges partielles positives et sont donc des sites accepteurs de doublets électroniques.

Quelle est la bonne représentation du mécanisme réactionnel rendant compte de l'étape 1 ?
Dans les mécanismes réactionnels, les mouvements des doublets électroniques sont représentées par des flèches courbes partant des sites donneurs et arrivant sur les sites accepteurs.

Quelle est la bonne représentation du mécanisme réactionnel rendant compte de l'étape 3 ?

Quelle est la formule de l'espèce chimique A intervenant dans l'étape 3 ?
Lors de la troisième étape du mécanisme, le doublet non-liant de l'atome d'oxygène permet de faire une liaison avec l'atome d'hydrogène lié à l'atome d'azote. La molécule A est donc une molécule d'eau \ce{H2O}.
L'espèce chimique A est une molécule d'eau \ce{H2O}.
Dans le but d'étudier et d'optimiser la "réaction" de Maillard, on effectue un suivi en laboratoire de la réaction conduisant aux mélanoïdines afin de déterminer les facteurs qui influencent sa cinétique.
Étude expérimentale
Produits, solutions :
- Glucose solide ; alanine solide
- Solution tampon phosphate : pH = 7,8
- Solution tampon acétique pH = 4,8
- Solution de glucose de concentration molaire c, dans chacune des solutions tampon
- Solution d'alanine de concentration molaire c, dans chacune des solutions tampon
Lors des expériences, plusieurs tubes à essai fermés contenant un mélange équimolaire (solide ou en solution) de glucose et d'alanine ont été préparés et placés dans un bain-marie.
Différents paramètres ont été modifiés ou différentes substances ont été ajoutées, en fonction du facteur à tester.
Pour suivre l'évolution de la "réaction" de Maillard, une fois le tube à essai sorti de l'eau du bain-marie, on le plonge dans un bain eau-glace.
On introduit ensuite une partie du mélange dans la cuve d'un spectrophotomètre réglé sur une longueur d'onde de 420 nm. On relève l'absorbance A du mélange.
Les résultats obtenus pour chaque expérience sont retranscrits ci-dessous sous forme de graphiques :
Expérience 1 : mélange équimolaire de glucose et d'alanine dans une solution tampon phosphate, 80 min de chauffage à différentes températures.

Expérience 2 : mélange équimolaire de glucose et d'alanine à la température 80°C.

Expérience 3 : mélange équimolaire à 2{,}0 \times 10^{-3} mol de glucose solide et d'alanine solide dissous dans différents volumes d'eau (Veau rajoutée), 80 min de chauffage à la température de 80°C.

Avant chaque analyse, les tubes à essai sont plongés dans un bain eau-glace.
Quel est le rôle de cette opération ?
Chauffer un milieu accélère la réaction, le refroidir permet de la ralentir. Plonger les tubes à essai dans un bain eau-glace permet d'arrêter la transformation chimique instantanément en refroidissant très rapidement le milieu réactionnel. Ici, on appelle cette manipulation une "trempe".
Le rôle de cette opération est d'empêcher la réaction de se poursuivre. Elle est cinétiquement bloquée.
Comment peut-on justifier le fait que des mesures d'absorbance permettent de suivre l'évolution de la "réaction" de Maillard ?
On sait que les mélanoïdines sont des molécules colorées jaune-orangé qui absorbent donc à 420 nm. On peut également voir qu'au début de la réaction, la solution n'absorbe pas, donc les molécules de glucose et d'alanine n'absorbent pas à 420 nm. En supposant que les autres produits volatils et odorants de la solution n'absorbent pas à 420 nm, on peut affirmer que l'évolution de l'absorbance permet de suivre l'avancée avec la formation de mélanoïdines. Cependant, on ne peut pas parler de concentration en mélanoïdines, car ces molécules ne sont pas solubles dans le solvant utilisé.
L'absorbance permet de constater la formation de mélanoïdines qui absorbent à 420 nm et donc de suivre la réaction.
D'après les résultats des trois expériences, quels sont les facteurs qui influent sur la "réaction" de Maillard ?
D'après les résultats des trois expériences, on peut mentionner trois facteurs qui influent sur la réaction :
- La température favorise la réaction. En effet, on remarque à l'aide de l'expérience 1 que plus le chauffage se fait à haute température, plus le milieu absorbe, c'est-à-dire que plus de mélanoïdines sont produits.
- D'après l'expérience 2, le pH influe sur la réaction en la favorisant en milieu basique, en effet, plus le pH est élevé, plus la réaction produit de mélanoïdines.
- Dans l'expérience 3, le facteur cinétique est la concentration initiale en réactifs : le volume d'eau rajoutée influe sur la réaction. Il existe un volume pour lequel le milieu absorbe beaucoup, c'est-à-dire pour lequel la réaction produit beaucoup plus de mélanoïdines que pour les autres. Pour exploiter au mieux la réaction, il faut préparer le milieu réactionnel avec ce volume d'eau rajoutée. En effet, s'il y a trop d'eau, la concentration des réactifs est trop faible, et s'il n'y en a pas assez, la réaction ne peut se produire aisément, car il n'y a pas assez d'eau pour solvater les réactifs.
Les facteurs qui influent sur la réaction sont la température, le pH et la concentration initiale en réactifs (via le volume d'eau rajoutée).
Quelles sont les masses des réactifs et d'eau à prélever pour réaliser le mélange équimolaire et avoir une réaction optimale à 80°C ?
On cherche la masse de glucose correspondante à 2{,}0\times 10^{-3} mol :
m_{glucose}=n_{glucose}\times M_{glucose}
Soit :
m_{glucose}=2{,}0\times 10^{-3}\times 180
D'où :
m_{glucose}=3{,}6\times 10^{-1} g
De même, comme le mélange est équimolaire, on cherche la masse d'alanine correspondante à 2{,}0\times 10^{-3} mol :
m_{alanine}=n_{alanine}\times M_{alanine}
Soit :
m_{alanine}=2{,}0\times 10^{-3 }\times 89
D'où :
m_{alanine}=1{,}8\times 10^{-1} g
On cherche maintenant la masse d'eau à prélever pour travailler dans des conditions optimales. On lit sur le graphique de l'expérience 3 qu'il faut rajouter environ 0,15 mL d'eau pour être dans les conditions optimales :
m_{eau}=V_{eau}\times \rho_{eau}
Ici :
- \rho_{eau} = 1{,}0 g.mL-1
- V_{eau}=0{,}15 mL
Donc :
m_{eau}=1{,}0\times 0{,}15
Soit :
m_{eau}=0{,}15 g
On peut alors calculer le pourcentage massique d'eau P :
P=\dfrac{m_{eau}}{m_{eau}+m_{glucose}+m_{alanine}}
D'où :
P=\dfrac{0{,}15}{0{,}15+0{,}36+0{,}18}
Donc :
P=0{,}22
P=22 %
Pour réaliser le mélange équimolaire et que la réaction soit optimale à 80°C, il faut prélever 0,36 g de glucose, 0,18 g d'alanine et 0,15 g d'eau. Ceci conduit à un pourcentage massique en eau de 22%.
Quel est alors le pourcentage massique d'eau ?
D'après le mécanisme réactionnel, pour quelle raison la "réaction" de Maillard est-elle favorisée par un pH supérieur à 11 ?
La première étape de la réaction de "Maillard" consiste en l'attaque nucléophile de la fonction aldéhyde du glucose par la fonction amine de l'alanine. Les amines étant des bases faibles, elles coexistent avec leurs acides conjugués à pH faible. Or, à pH=11, c'est la forme basique "amine" qui prédomine, favorisant ainsi la réaction entre l'alanine et le glucose.
A pH=11, l'alanine a une fonction amine qui ne prend pas la forme de l'acide conjugué, elle peut donc réagir avec le glucose.
D'après la "réaction" de Maillard, quelles sont deux des raisons qui permettent d'expliquer qu'un aliment doré à la poêle n'a pas le même aspect ni le même goût que le même aliment cuisiné à la vapeur ?
La poêle permet de cuire les aliments à une température plus élevée que lors d'une cuisson à la vapeur (qui ne dépasse guère les 100°C d'ébullition de l'eau) et la teneur en eau est plus élevée pour la cuisson à la vapeur.
On peut alors en déduire que la réaction de Maillard est favorisée lorsqu'on fait dorer des aliments à la poêle pour ces deux raisons. De plus, à haute température, d'autres arômes et goûts peuvent apparaître dans certains cas d'après le tableau de début d'énoncé.