Afrique, 2013, voie S
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Alexandre Dumas, Les Trois Mousquetaires, chapitre IV
1844
En 1625, arrivé à Paris pour se présenter à M. de Tréville, capitaine des Mousquetaires du Roi, d'Artagnan, en raison de maladresses successives, est contraint d'affronter en duel trois mousquetaires : Athos, Porthos et Aramis. Arrive le moment des affrontements, alors qu'un édit de son Éminence le cardinal de Richelieu interdit les duels.
"Et maintenant que vous êtes rassemblés, Messieurs, dit d'Artagnan, permettez-moi de vous faire mes excuses".
À ce mot d'excuses, un nuage passa sur le front d'Athos, un sourire hautain glissa sur les lèvres de Porthos, et un signe négatif fut la réponse d'Aramis.
"Vous ne me comprenez pas, messieurs, dit d'Artagnan en relevant sa tête, sur laquelle jouait en ce moment un rayon de soleil qui en dorait les lignes fines et hardies, je vous demande excuse dans le cas où je ne pourrais vous payer ma dette à tous trois ; car M. Athos a le droit de me tuer le premier, ce qui ôte beaucoup de sa valeur à votre créance1, Monsieur Porthos, et ce qui rend la vôtre à peu près nulle, Monsieur Aramis.
Et maintenant, messieurs, je vous le répète, excusez-moi, mais de cela seulement, et en garde !"
À ces mots, du geste le plus cavalier qui se puisse voir, d'Artagnan tira son épée.
Le sang était monté à la tête de d'Artagnan, et dans ce moment il eût tiré son épée contre tous les mousquetaires du royaume, comme il venait de faire contre Athos, Porthos et Aramis.
Il était midi et un quart. Le soleil était à son zénith, et l'emplacement choisi pour être le théâtre du duel se trouvait exposé à toute son ardeur.
"Il fait très chaud, dit Athos en tirant son épée à son tour, et cependant je ne saurais ôter mon pourpoint ; car, tout à l'heure encore, j'ai senti que ma blessure saignait, et je craindrais de gêner Monsieur en lui montrant du sang qu'il ne m'aurait pas tiré lui-même.
- C'est vrai, Monsieur, dit d'Artagnan, et tiré par un autre ou par moi, je vous assure je verrai toujours avec bien du regret le sang d'un aussi brave gentilhomme ; je me battrai donc en pourpoint comme vous.
- Voyons, voyons, dit Porthos, assez de compliments comme cela, et songez que nous attendons notre tour.
- Parlez pour vous seul, Porthos quand aurez à dire de pareilles incongruités2, interrompit Aramis. Quant à moi, je trouve les choses que ces Messieurs se disent fort bien dites et tout à fait dignes de deux gentilshommes.
- Quand vous voudrez, Monsieur, dit Athos en se mettant en garde.
- J'attendais vos ordres, dit d'Artagnan en croisant le fer.
Mais les deux rapières3 avaient à peine résonné en se touchant, qu'une escouade4 des gardes de Son Éminence, commandée par M. de Jussac, se montra à l'angle du couvent.
- Les gardes du cardinal ! s'écrièrent à la fois Porthos et Aramis. L'épée au fourreau, Messieurs ! L'épée au fourreau !"
Mais il était trop tard. Les deux combattants avaient été vus dans une pose qui ne permettait pas de douter de leurs intentions.
"Holà ! cria Jussac en s'avançant vers eux et en faisant signe à ses hommes d'en faire autant, holà ! Mousquetaires, on se bat donc ici ? Et les édits, qu'en faisons-nous ?"
1 ce qui ôte beaucoup de sa valeur à votre créance : ce qui ôte beaucoup de valeur à ce que je vous dois.
2 incongruités : paroles déplacées
3 rapières : épées longues et effilées
4 escouade : petite troupe de quelques hommes
En quoi cette scène est-elle importante pour la suite de l'histoire ?
Alexandre Dumas, Les Trois Mousquetaires, chapitre IV
1844
En 1625, arrivé à Paris pour se présenter à M. de Tréville, capitaine des Mousquetaires du Roi, d'Artagnan, en raison de maladresses successives, est contraint d'affronter en duel trois mousquetaires : Athos, Porthos et Aramis. Arrive le moment des affrontements, alors qu'un édit de son Éminence le cardinal de Richelieu interdit les duels.
"Et maintenant que vous êtes rassemblés, Messieurs, dit d'Artagnan, permettez-moi de vous faire mes excuses".
À ce mot d'excuses, un nuage passa sur le front d'Athos, un sourire hautain glissa sur les lèvres de Porthos, et un signe négatif fut la réponse d'Aramis.
"Vous ne me comprenez pas, messieurs, dit d'Artagnan en relevant sa tête, sur laquelle jouait en ce moment un rayon de soleil qui en dorait les lignes fines et hardies, je vous demande excuse dans le cas où je ne pourrais vous payer ma dette à tous trois ; car M. Athos a le droit de me tuer le premier, ce qui ôte beaucoup de sa valeur à votre créance1, Monsieur Porthos, et ce qui rend la vôtre à peu près nulle, Monsieur Aramis.
Et maintenant, messieurs, je vous le répète, excusez-moi, mais de cela seulement, et en garde !"
À ces mots, du geste le plus cavalier qui se puisse voir, d'Artagnan tira son épée.
Le sang était monté à la tête de d'Artagnan, et dans ce moment il eût tiré son épée contre tous les mousquetaires du royaume, comme il venait de faire contre Athos, Porthos et Aramis.
Il était midi et un quart. Le soleil était à son zénith, et l'emplacement choisi pour être le théâtre du duel se trouvait exposé à toute son ardeur.
"Il fait très chaud, dit Athos en tirant son épée à son tour, et cependant je ne saurais ôter mon pourpoint ; car, tout à l'heure encore, j'ai senti que ma blessure saignait, et je craindrais de gêner Monsieur en lui montrant du sang qu'il ne m'aurait pas tiré lui-même.
- C'est vrai, Monsieur, dit d'Artagnan, et tiré par un autre ou par moi, je vous assure je verrai toujours avec bien du regret le sang d'un aussi brave gentilhomme ; je me battrai donc en pourpoint comme vous.
- Voyons, voyons, dit Porthos, assez de compliments comme cela, et songez que nous attendons notre tour.
- Parlez pour vous seul, Porthos quand aurez à dire de pareilles incongruités2, interrompit Aramis. Quant à moi, je trouve les choses que ces Messieurs se disent fort bien dites et tout à fait dignes de deux gentilshommes.
- Quand vous voudrez, Monsieur, dit Athos en se mettant en garde.
- J'attendais vos ordres, dit d'Artagnan en croisant le fer.
Mais les deux rapières3 avaient à peine résonné en se touchant, qu'une escouade4 des gardes de Son Éminence, commandée par M. de Jussac, se montra à l'angle du couvent.
- Les gardes du cardinal ! s'écrièrent à la fois Porthos et Aramis. L'épée au fourreau, Messieurs ! L'épée au fourreau !"
Mais il était trop tard. Les deux combattants avaient été vus dans une pose qui ne permettait pas de douter de leurs intentions.
"Holà ! cria Jussac en s'avançant vers eux et en faisant signe à ses hommes d'en faire autant, holà ! Mousquetaires, on se bat donc ici ? Et les édits, qu'en faisons-nous ?"
1 ce qui ôte beaucoup de sa valeur à votre créance : ce qui ôte beaucoup de valeur à ce que je vous dois.
2 incongruités : paroles déplacées
3 rapières : épées longues et effilées
4 escouade : petite troupe de quelques hommes
En quoi le décor a-t-il de l'importance ?
Alexandre Dumas, Les Trois Mousquetaires, chapitre IV
1844
En 1625, arrivé à Paris pour se présenter à M. de Tréville, capitaine des Mousquetaires du Roi, d'Artagnan, en raison de maladresses successives, est contraint d'affronter en duel trois mousquetaires : Athos, Porthos et Aramis. Arrive le moment des affrontements, alors qu'un édit de son Éminence le cardinal de Richelieu interdit les duels.
"Et maintenant que vous êtes rassemblés, Messieurs, dit d'Artagnan, permettez-moi de vous faire mes excuses".
À ce mot d'excuses, un nuage passa sur le front d'Athos, un sourire hautain glissa sur les lèvres de Porthos, et un signe négatif fut la réponse d'Aramis.
"Vous ne me comprenez pas, messieurs, dit d'Artagnan en relevant sa tête, sur laquelle jouait en ce moment un rayon de soleil qui en dorait les lignes fines et hardies, je vous demande excuse dans le cas où je ne pourrais vous payer ma dette à tous trois ; car M. Athos a le droit de me tuer le premier, ce qui ôte beaucoup de sa valeur à votre créance1, Monsieur Porthos, et ce qui rend la vôtre à peu près nulle, Monsieur Aramis.
Et maintenant, messieurs, je vous le répète, excusez-moi, mais de cela seulement, et en garde !"
À ces mots, du geste le plus cavalier qui se puisse voir, d'Artagnan tira son épée.
Le sang était monté à la tête de d'Artagnan, et dans ce moment il eût tiré son épée contre tous les mousquetaires du royaume, comme il venait de faire contre Athos, Porthos et Aramis.
Il était midi et un quart. Le soleil était à son zénith, et l'emplacement choisi pour être le théâtre du duel se trouvait exposé à toute son ardeur.
"Il fait très chaud, dit Athos en tirant son épée à son tour, et cependant je ne saurais ôter mon pourpoint ; car, tout à l'heure encore, j'ai senti que ma blessure saignait, et je craindrais de gêner Monsieur en lui montrant du sang qu'il ne m'aurait pas tiré lui-même.
- C'est vrai, Monsieur, dit d'Artagnan, et tiré par un autre ou par moi, je vous assure je verrai toujours avec bien du regret le sang d'un aussi brave gentilhomme ; je me battrai donc en pourpoint comme vous.
- Voyons, voyons, dit Porthos, assez de compliments comme cela, et songez que nous attendons notre tour.
- Parlez pour vous seul, Porthos quand aurez à dire de pareilles incongruités2, interrompit Aramis. Quant à moi, je trouve les choses que ces Messieurs se disent fort bien dites et tout à fait dignes de deux gentilshommes.
- Quand vous voudrez, Monsieur, dit Athos en se mettant en garde.
- J'attendais vos ordres, dit d'Artagnan en croisant le fer.
Mais les deux rapières3 avaient à peine résonné en se touchant, qu'une escouade4 des gardes de Son Éminence, commandée par M. de Jussac, se montra à l'angle du couvent.
- Les gardes du cardinal ! s'écrièrent à la fois Porthos et Aramis. L'épée au fourreau, Messieurs ! L'épée au fourreau !"
Mais il était trop tard. Les deux combattants avaient été vus dans une pose qui ne permettait pas de douter de leurs intentions.
"Holà ! cria Jussac en s'avançant vers eux et en faisant signe à ses hommes d'en faire autant, holà ! Mousquetaires, on se bat donc ici ? Et les édits, qu'en faisons-nous ?"
1 ce qui ôte beaucoup de sa valeur à votre créance : ce qui ôte beaucoup de valeur à ce que je vous dois.
2 incongruités : paroles déplacées
3 rapières : épées longues et effilées
4 escouade : petite troupe de quelques hommes
Comment peut-on caractériser le duel ?
Alexandre Dumas, Les Trois Mousquetaires, chapitre IV
1844
En 1625, arrivé à Paris pour se présenter à M. de Tréville, capitaine des Mousquetaires du Roi, d'Artagnan, en raison de maladresses successives, est contraint d'affronter en duel trois mousquetaires : Athos, Porthos et Aramis. Arrive le moment des affrontements, alors qu'un édit de son Éminence le cardinal de Richelieu interdit les duels.
"Et maintenant que vous êtes rassemblés, Messieurs, dit d'Artagnan, permettez-moi de vous faire mes excuses".
À ce mot d'excuses, un nuage passa sur le front d'Athos, un sourire hautain glissa sur les lèvres de Porthos, et un signe négatif fut la réponse d'Aramis.
"Vous ne me comprenez pas, messieurs, dit d'Artagnan en relevant sa tête, sur laquelle jouait en ce moment un rayon de soleil qui en dorait les lignes fines et hardies, je vous demande excuse dans le cas où je ne pourrais vous payer ma dette à tous trois ; car M. Athos a le droit de me tuer le premier, ce qui ôte beaucoup de sa valeur à votre créance1, Monsieur Porthos, et ce qui rend la vôtre à peu près nulle, Monsieur Aramis.
Et maintenant, messieurs, je vous le répète, excusez-moi, mais de cela seulement, et en garde !"
À ces mots, du geste le plus cavalier qui se puisse voir, d'Artagnan tira son épée.
Le sang était monté à la tête de d'Artagnan, et dans ce moment il eût tiré son épée contre tous les mousquetaires du royaume, comme il venait de faire contre Athos, Porthos et Aramis.
Il était midi et un quart. Le soleil était à son zénith, et l'emplacement choisi pour être le théâtre du duel se trouvait exposé à toute son ardeur.
"Il fait très chaud, dit Athos en tirant son épée à son tour, et cependant je ne saurais ôter mon pourpoint ; car, tout à l'heure encore, j'ai senti que ma blessure saignait, et je craindrais de gêner Monsieur en lui montrant du sang qu'il ne m'aurait pas tiré lui-même.
- C'est vrai, Monsieur, dit d'Artagnan, et tiré par un autre ou par moi, je vous assure je verrai toujours avec bien du regret le sang d'un aussi brave gentilhomme ; je me battrai donc en pourpoint comme vous.
- Voyons, voyons, dit Porthos, assez de compliments comme cela, et songez que nous attendons notre tour.
- Parlez pour vous seul, Porthos quand aurez à dire de pareilles incongruités2, interrompit Aramis. Quant à moi, je trouve les choses que ces Messieurs se disent fort bien dites et tout à fait dignes de deux gentilshommes.
- Quand vous voudrez, Monsieur, dit Athos en se mettant en garde.
- J'attendais vos ordres, dit d'Artagnan en croisant le fer.
Mais les deux rapières3 avaient à peine résonné en se touchant, qu'une escouade4 des gardes de Son Éminence, commandée par M. de Jussac, se montra à l'angle du couvent.
- Les gardes du cardinal ! s'écrièrent à la fois Porthos et Aramis. L'épée au fourreau, Messieurs ! L'épée au fourreau !"
Mais il était trop tard. Les deux combattants avaient été vus dans une pose qui ne permettait pas de douter de leurs intentions.
"Holà ! cria Jussac en s'avançant vers eux et en faisant signe à ses hommes d'en faire autant, holà ! Mousquetaires, on se bat donc ici ? Et les édits, qu'en faisons-nous ?"
1 ce qui ôte beaucoup de sa valeur à votre créance : ce qui ôte beaucoup de valeur à ce que je vous dois.
2 incongruités : paroles déplacées
3 rapières : épées longues et effilées
4 escouade : petite troupe de quelques hommes
En quoi cet extrait est-il représentatif du genre du roman feuilleton ?
Alexandre Dumas, Les Trois Mousquetaires, chapitre IV
1844
En 1625, arrivé à Paris pour se présenter à M. de Tréville, capitaine des Mousquetaires du Roi, d'Artagnan, en raison de maladresses successives, est contraint d'affronter en duel trois mousquetaires : Athos, Porthos et Aramis. Arrive le moment des affrontements, alors qu'un édit de son Éminence le cardinal de Richelieu interdit les duels.
"Et maintenant que vous êtes rassemblés, Messieurs, dit d'Artagnan, permettez-moi de vous faire mes excuses".
À ce mot d'excuses, un nuage passa sur le front d'Athos, un sourire hautain glissa sur les lèvres de Porthos, et un signe négatif fut la réponse d'Aramis.
"Vous ne me comprenez pas, messieurs, dit d'Artagnan en relevant sa tête, sur laquelle jouait en ce moment un rayon de soleil qui en dorait les lignes fines et hardies, je vous demande excuse dans le cas où je ne pourrais vous payer ma dette à tous trois ; car M. Athos a le droit de me tuer le premier, ce qui ôte beaucoup de sa valeur à votre créance1, Monsieur Porthos, et ce qui rend la vôtre à peu près nulle, Monsieur Aramis.
Et maintenant, messieurs, je vous le répète, excusez-moi, mais de cela seulement, et en garde !"
À ces mots, du geste le plus cavalier qui se puisse voir, d'Artagnan tira son épée.
Le sang était monté à la tête de d'Artagnan, et dans ce moment il eût tiré son épée contre tous les mousquetaires du royaume, comme il venait de faire contre Athos, Porthos et Aramis.
Il était midi et un quart. Le soleil était à son zénith, et l'emplacement choisi pour être le théâtre du duel se trouvait exposé à toute son ardeur.
"Il fait très chaud, dit Athos en tirant son épée à son tour, et cependant je ne saurais ôter mon pourpoint ; car, tout à l'heure encore, j'ai senti que ma blessure saignait, et je craindrais de gêner Monsieur en lui montrant du sang qu'il ne m'aurait pas tiré lui-même.
- C'est vrai, Monsieur, dit d'Artagnan, et tiré par un autre ou par moi, je vous assure je verrai toujours avec bien du regret le sang d'un aussi brave gentilhomme ; je me battrai donc en pourpoint comme vous.
- Voyons, voyons, dit Porthos, assez de compliments comme cela, et songez que nous attendons notre tour.
- Parlez pour vous seul, Porthos quand aurez à dire de pareilles incongruités2, interrompit Aramis. Quant à moi, je trouve les choses que ces Messieurs se disent fort bien dites et tout à fait dignes de deux gentilshommes.
- Quand vous voudrez, Monsieur, dit Athos en se mettant en garde.
- J'attendais vos ordres, dit d'Artagnan en croisant le fer.
Mais les deux rapières3 avaient à peine résonné en se touchant, qu'une escouade4 des gardes de Son Éminence, commandée par M. de Jussac, se montra à l'angle du couvent.
- Les gardes du cardinal ! s'écrièrent à la fois Porthos et Aramis. L'épée au fourreau, Messieurs ! L'épée au fourreau !"
Mais il était trop tard. Les deux combattants avaient été vus dans une pose qui ne permettait pas de douter de leurs intentions.
"Holà ! cria Jussac en s'avançant vers eux et en faisant signe à ses hommes d'en faire autant, holà ! Mousquetaires, on se bat donc ici ? Et les édits, qu'en faisons-nous ?"
1 ce qui ôte beaucoup de sa valeur à votre créance : ce qui ôte beaucoup de valeur à ce que je vous dois.
2 incongruités : paroles déplacées
3 rapières : épées longues et effilées
4 escouade : petite troupe de quelques hommes
Quel portrait Dumas fait-il de son héros d'Artagnan ?
Alexandre Dumas, Les Trois Mousquetaires, chapitre IV
1844
En 1625, arrivé à Paris pour se présenter à M. de Tréville, capitaine des Mousquetaires du Roi, d'Artagnan, en raison de maladresses successives, est contraint d'affronter en duel trois mousquetaires : Athos, Porthos et Aramis. Arrive le moment des affrontements, alors qu'un édit de son Éminence le cardinal de Richelieu interdit les duels.
"Et maintenant que vous êtes rassemblés, Messieurs, dit d'Artagnan, permettez-moi de vous faire mes excuses".
À ce mot d'excuses, un nuage passa sur le front d'Athos, un sourire hautain glissa sur les lèvres de Porthos, et un signe négatif fut la réponse d'Aramis.
"Vous ne me comprenez pas, messieurs, dit d'Artagnan en relevant sa tête, sur laquelle jouait en ce moment un rayon de soleil qui en dorait les lignes fines et hardies, je vous demande excuse dans le cas où je ne pourrais vous payer ma dette à tous trois ; car M. Athos a le droit de me tuer le premier, ce qui ôte beaucoup de sa valeur à votre créance1, Monsieur Porthos, et ce qui rend la vôtre à peu près nulle, Monsieur Aramis.
Et maintenant, messieurs, je vous le répète, excusez-moi, mais de cela seulement, et en garde !"
À ces mots, du geste le plus cavalier qui se puisse voir, d'Artagnan tira son épée.
Le sang était monté à la tête de d'Artagnan, et dans ce moment il eût tiré son épée contre tous les mousquetaires du royaume, comme il venait de faire contre Athos, Porthos et Aramis.
Il était midi et un quart. Le soleil était à son zénith, et l'emplacement choisi pour être le théâtre du duel se trouvait exposé à toute son ardeur.
"Il fait très chaud, dit Athos en tirant son épée à son tour, et cependant je ne saurais ôter mon pourpoint ; car, tout à l'heure encore, j'ai senti que ma blessure saignait, et je craindrais de gêner Monsieur en lui montrant du sang qu'il ne m'aurait pas tiré lui-même.
- C'est vrai, Monsieur, dit d'Artagnan, et tiré par un autre ou par moi, je vous assure je verrai toujours avec bien du regret le sang d'un aussi brave gentilhomme ; je me battrai donc en pourpoint comme vous.
- Voyons, voyons, dit Porthos, assez de compliments comme cela, et songez que nous attendons notre tour.
- Parlez pour vous seul, Porthos quand aurez à dire de pareilles incongruités2, interrompit Aramis. Quant à moi, je trouve les choses que ces Messieurs se disent fort bien dites et tout à fait dignes de deux gentilshommes.
- Quand vous voudrez, Monsieur, dit Athos en se mettant en garde.
- J'attendais vos ordres, dit d'Artagnan en croisant le fer.
Mais les deux rapières3 avaient à peine résonné en se touchant, qu'une escouade4 des gardes de Son Éminence, commandée par M. de Jussac, se montra à l'angle du couvent.
- Les gardes du cardinal ! s'écrièrent à la fois Porthos et Aramis. L'épée au fourreau, Messieurs ! L'épée au fourreau !"
Mais il était trop tard. Les deux combattants avaient été vus dans une pose qui ne permettait pas de douter de leurs intentions.
"Holà ! cria Jussac en s'avançant vers eux et en faisant signe à ses hommes d'en faire autant, holà ! Mousquetaires, on se bat donc ici ? Et les édits, qu'en faisons-nous ?"
1 ce qui ôte beaucoup de sa valeur à votre créance : ce qui ôte beaucoup de valeur à ce que je vous dois.
2 incongruités : paroles déplacées
3 rapières : épées longues et effilées
4 escouade : petite troupe de quelques hommes
Les Trois Mousquetaires est probablement le plus célèbre roman d'Alexandre Dumas, et l'un des plus emblématiques du roman-feuilleton. Le lecteur suit les aventures du jeune d'Artagnan qui veut être mousquetaire, et des péripéties qu'il affronte aux côtés d'Aramis, Porthos et Athos. C'est ce roman qui est à l'origine de la fameuse devise : "Un pour tous et tous pour un !"
Dans cet extrait, d'Artagnan est prêt à se battre contre les trois mousquetaires. Il s'est montré maladroit et doit maintenant les affronter. Le duel est avant tout verbal, les trois hommes maniant fort bien les mots. Cette scène permet de valoriser le personnage de d'Artagnan, mais également de présenter les trois mousquetaires et de dessiner les liens qui vont ensuite les unir.
Quel portrait Dumas dresse-t-il de son héros dans cette scène, et en quoi ce duel met-il en place les futurs relations entre les personnages ?
Dans une première partie nous verrons en quoi d'Artagnan a tout d'un héros positif. Dans une seconde partie nous étudierons la scène en tant que duel verbal. Enfin, nous montrerons que cette scène de duel avortée permet de mettre en place l'histoire.
Un héros courageux et spirituel
Un héros positif
- Le portrait de d'Artagnan est très positif dans cette scène.
- Le jeune homme est seul contre trois hommes, trois mousquetaires. Il est donc seul contre de bons chevaliers. Pourtant, il n'a pas peur.
- On peut remarquer l'idéalisation du personnage : les "lignes fines" qui disent la jeunesse et la beauté du personnage ; les "lignes hardies" qui disent le courage du personnage.
- Le personnage est mis en valeur. Il relève la tête, il a un "rayon de soleil" sur lui. Il est donc très valorisé dans cette scène.
- On peut remarquer l'emploi de l'hyperbole : "le geste le plus cavalier qui se puisse voir". Il est prêt à se battre "contre tous les mousquetaires du royaume".
L'humour du personnage
- Le personnage de d'Artagnan se montre très spirituel. Il est le personnage qui a le plus de répliques dans cette scène.
- Héros amusant qui se moque de ses adversaires : "M. Athos a le droit de me tuer le premier ce qui ôte beaucoup de sa valeur à votre créance, Monsieur Porthos, et ce qui rend la vôtre à peu près nulle, Monsieur Aramis."
- On peut relever la répétition de "Monsieur" qui au lieu d'être respectueux devient ironique.
- On peut remarquer la plaisanterie de d'Artagnan sur sa mort prochaine qui montre qu'il n'a pas peur.
Cette scène de duel permet de mettre en valeur le personnage de d'Artagnan, mais aussi d'amuser le lecteur en lui offrant un duel verbal enlevé et rafraîchissant.
Un duel verbal
La chaleur
- Une scène de duel où la chaleur de l'endroit rappelle l'échauffement des hommes prêts à se battre.
- Les personnages sont échauffés : "sang à la tête".
- On peut remarquer la répétition du mot "sang".
- Il est fait mention de l'heure de la journée la plus chaude : "midi et un quart", "soleil zénith", "ardeur", "chaleur".
- Un des personnages précise : "Il fait très chaud."
- La chaleur sert de moteur au duel, elle excite les mousquetaires et d'Artagnan. En même temps, ils prennent leur temps, ils ne dégainent pas tout de suite leurs épées.
Une joute verbale enjouée
- C'est d'abord un duel verbal. Les personnages ripostent à coups de mots.
- Les personnages se montrent ironiques. Ils exagèrent les politesses. Athos dit ainsi : "Je craindrais de gêner Monsieur en lui montrant du sang qu'il ne m'aurait pas tiré lui-même". La formule est polie, mais ce qui est dit en substance c'est que d'Artagnan serait incapable de le blesser. D'Artagnan répond avec la même ironie : "je verrai toujours avec bien du regret le sang d'un aussi brave gentilhomme". L'hyperbole "aussi brave" est à prendre avec ironie ici.
- Aramis parle des répliques "fort bien dites" et "dignes de deux gentilshommes".
- D'Artagnan et Athos se renvoient des répliques, ils attendent tous les deux que l'autre commence : "quand vous voudrez", j'attendais vos ordres".
Les adversaires : les trois mousquetaires
- La scène permet de présenter les personnalités des trois mousquetaires.
- Athos se montre aussi spirituel que d'Artagnan.
- Aramis est celui qui est impatient. Il dit d'ailleurs "assez de compliments" et "songez que nous attendons notre tour".
- Aramis prend plaisir à regarder Athos et d'Artagnan se disputer.
- Une phrase qui résume les personnalités, au début de l'extrait, parle du "nuage" qui passe sur le visage d'Athos, du "sourire hautain" de Porthos et du "signe négatif" d'Aramis.
Le duel est avorté par l'arrivée de la garde du Cardinal, qui va rapprocher les quatre hommes.
Un duel avorté
L'arrivée des gardes du Cardinal
- L'arrivée soudaine des gardes du Cardinal empêche le duel.
- La conjonction de coordination "mais" est répétée deux fois, provoquant une rupture dans la scène.
- L'idée d'une apparition soudaine de la garde est renforcée par l'expression "à peine".
- L'expression de la surprise de Porthos et Aramis, alarmés de voir la garde, s'exclament : "Les gardes du cardinal !"
- L'idée de fatalité est exprimée : "Mais il était trop tard".
- Le style simple et vivant de Dumas est celui des romans-feuilletons. Il y a des rebondissements et des retournements de situations.
La naissance d'une complicité
- L'extrait se termine de façon abrupte avec l'intervention de Jussac. Mais on peut tout de même parler de la naissance d'une complicité entre d'Artagnan et les trois mousquetaires.
- En effet, la scène de duel s'est transformée en joute verbale. D'Artagnan semble posséder les mêmes caractéristiques que les trois mousquetaires. Il est courageux, drôle et vif.
- Les quatre personnages n'hésitent pas à défier l'édit du Cardinal qui interdit de se battre en duel. Ils sont donc liés contre lui. Ils ont un ennemi commun.
- Lorsque la garde arrive, Porthos et Aramis ne mettent pas simplement en garde Athos, ils préviennent aussi d'Artagnan. Cette scène laisse présager la suite de l'histoire, dans laquelle d'Artagnan et les trois mousquetaires deviendront amis.
Dans cette scène, Dumas dresse le portrait de d'Artagnan. Il est valorisé par rapport aux autres personnages, prêt à se battre seul contre les trois mousquetaires. Il se montre spirituel et courageux, et même le décor semble le mettre en avant avec le soleil qui lui tombe dessus. Dumas présente aussi les personnalités des trois mousquetaires, et il fait du duel une joute verbale enlevée et amusée dans laquelle une certaine complicité se dessine.
L'arrivée des gardes du Cardinal empêche le duel d'avoir lieu et permet à Dumas de rapprocher les quatre personnages, qui trouveront par la suite en la personne du Cardinal un ennemi commun.