On considère le texte suivant :
Gustave Flaubert, L'Éducation sentimentale, troisième partie, chapitre 6
1869
« Il voyagea.
Il connut la mélancolie des paquebots, les froids réveils sous la tente, l'étourdissement des paysages et des ruines, l'amertume des sympathies interrompues.
Il revint.
Il fréquenta le monde, et il eut d'autres amours, encore. […] Des années passèrent ; et il supportait le désœuvrement de son intelligence et l'inertie de son cœur.
Vers la fin de mars 1867, à la nuit tombante, comme il était seul dans son cabinet, une femme entra.
— Madame Arnoux !
— Frédéric !
Elle le saisit par les mains, l'attira doucement vers la fenêtre, et elle le considérait tout en répétant :
— C'est lui ! C'est donc lui ! […]
Enfin, il lui adressa quantité de questions sur elle et son mari.
Ils habitaient le fond de la Bretagne, pour vivre économiquement et payer leurs dettes. Arnoux, presque toujours malade, semblait un vieillard maintenant. Sa fille était mariée à Bordeaux, et son fils en garnison à Mostaganem. Puis elle releva la tête :
— Mais je vous revois ! Je suis heureuse !
Il ne manqua pas de lui dire qu'à la nouvelle de leur catastrophe, il était accouru chez eux.
— Je le savais !
— Comment ?
Elle l'avait aperçu dans la cour, et s'était cachée.
— Pourquoi ?
Alors, d'une voix tremblante, et avec de longs intervalles entre ses mots :
— J'avais peur ! Oui… peur de vous… de moi !
Cette révélation lui donna comme un saisissement de volupté. Son cœur battait à grands coups. Elle reprit :
— Excusez-moi de n'être pas venue plus tôt. […]
Et elle lui parla de l'endroit qu'elle habitait.
C'était une maison basse, à un seul étage, avec un jardin rempli de buis énormes et une double avenue de châtaigniers montant jusqu'au haut de la colline, d'où l'on découvre la mer. […] »
À quel rythme l'extrait suivant correspond-il ?
« Il voyagea.
Il connut la mélancolie des paquebots, les froids réveils sous la tente, l'étourdissement des paysages et des ruines, l'amertume des sympathies interrompues.
Il revint.
Il fréquenta le monde, et il eut d'autres amours encore. »
C'est un sommaire. En quelques mots, le narrateur résume les nombreux voyages du personnage, ce qui accélère le rythme du récit. Le sommaire est employé car les détails de ses voyages n'ont pas d'importance pour la suite du récit. De plus, cela montre que, même s'il était très occupé, le personnage ne semble pas particulièrement intéressé par ce qu'il vit. Rien ne semble avoir de réelle importance pour lui.
À quel rythme l'extrait suivant correspond-il ?
« Des années passèrent […]. Vers la fin de mars 1867, à la nuit tombante, comme il était seul dans son cabinet, une femme entra. »
L'ellipse passe sous silence une partie de l'histoire. Si le narrateur n'évoque pas ce qui s'est passé c'est que cela est, tout d'abord, sans importance pour la suite du récit. Cela permet donc d'alléger le récit en laissant de côté des moments moins intéressants. De plus, « des années passèrent » montre qu'un temps important s'est écoulé avant la nouvelle rencontre entre Frédéric et Mme Arnoux. Cela prépare à la suite du récit car on comprend ainsi mieux l'étonnement de Frédéric et l'émotion de Mme Arnoux lors de leurs retrouvailles.
À quel rythme l'extrait suivant correspond-il ?
« — Mais je vous revois ! Je suis heureuse !
Il ne manqua pas de lui dire qu'à la nouvelle de leur catastrophe, il était accouru chez eux.
— Je le savais !
— Comment ?
Elle l'avait aperçu dans la cour, et s'était cachée.
— Pourquoi ?
Alors, d'une voix tremblante, et avec de longs intervalles entre ses mots :
— J'avais peur ! Oui… peur de vous… de moi !
Cette révélation lui donna comme un saisissement de volupté. Son cœur battait à grands coups. Elle reprit :
— Excusez-moi de n'être pas venue plus tôt. »
C'est une scène. Grâce à l'emploi de paroles rapportées au discours direct, le rythme de la narration correspond à peu près au rythme de l'histoire. Ainsi, la scène donne l'impression de se dérouler sous les yeux du lecteur. Si le narrateur utilise une scène ici, c'est pour montrer que cette rencontre est l'événement vraiment important.
À quel rythme l'extrait suivant correspond-il ?
« C'était une maison basse, à un seul étage, avec un jardin rempli de buis énormes et une double avenue de châtaigniers montant jusqu'au haut de la colline, d'où l'on découvre la mer. »
C'est une pause. En effet, la narration s'arrête pour laisser place à la description. La pause permet de ralentir le récit. Tout d'abord, cela montre que les deux personnages, ravis de se retrouver, ont beaucoup à se raconter et doivent se redécouvrir. Ainsi Mme Arnoux décrit sa maison à Frédéric. De plus, cela crée un effet d'attente pour le lecteur impatient de savoir comment va se dérouler la suite de leurs retrouvailles.
Quel effet produit l'emploi des différents rythmes du récit dans le texte étudié ?
Les variations du rythme du récit rendent le récit plus dynamique et plus vivant. Ici, le narrateur change de rythme pour montrer la fulgurance et l'intensité des retrouvailles entre les deux personnages. Après une longue errance inintéressante pour Frédéric sans Mme Arnoux (exprimée par un sommaire), le temps semble s'arrêter complètement au moment de leur rencontre (scène et pause) qui arrive de manière soudaine et inattendue (ellipse).