On donne le texte suivant extrait des Caractères de Jean de La Bruyère :
Arrias a tout lu, a tout vu, il veut le persuader ainsi ; c'est un homme universel, et il se donne pour tel : il aime mieux mentir que de se taire ou de paraître ignorer quelque chose. On parle à table d'un grand d'une cour du Nord : il prend la parole, et l'ôte à ceux qui allaient dire ce qu'ils savent ; il s'oriente dans cette région lointaine comme s'il en était originaire ; il discourt des mœurs de cette cour, des femmes du pays de ses lois et de ses coutumes ; il récite des historiettes qui y sont arrivées ; il les trouve plaisantes, et il en rit le premier jusqu'à éclater. Quelqu'un se hasarde de le contredire, et lui prouve nettement qu'il dit des choses qui ne sont pas vraies. Arrias ne se trouble point, prend feu au contraire contre l'interrupteur : "Je n'avance rien, lui dit-il, je ne raconte rien que je ne sache original : je l'ai pris de Sethon, ambassadeur de France dans cette cour, revenu à Paris depuis quelques jours, que je connais familièrement, que j'ai fort interrogé, et qui ne m'a caché aucune circonstance". Il reprenait le fil de sa narration avec plus de confiance qu'il ne l'avait commencée, lorsque que l'un des conviés lui dit : "C'est Sethon à qui vous parlez, lui même, et qui arrive fraîchement de son ambassade."
Quelle est la cible visée par le texte ? Justifier la réponse.
- L'auteur s'attaque ironiquement aux figures de pédants égocentriques et vaniteux.
- Il dénonce les personnages de beaux parleurs.
Les beaux parleurs sont la cible du texte.
Quelle est la thèse défendue par le texte ? Justifier la réponse.
- L'auteur montre que ceux qui se mettent le plus en avant et monopolisent la parole en société ne sont pas ceux qui maîtrisent les savoirs.
- L'auteur souligne les comportements déviants que mettent en place certains courtisans pour se mettre en avant en société.
Le texte défend la thèse selon laquelle certains courtisans sont prêts à tout pour monopoliser l'attention, au détriment de ceux qui ont réellement des choses à dire.
Quels sont les procédés de l'ironie mis en œuvre ? Justifier la réponse.
- L'auteur met en place un portrait satirique d'autant plus efficace qu'il est en action : pour cela il utilise le présent de narration.
- L'énumération de ses attitudes prend la forme d'une accumulation qui souligne le grotesque du personnage.
- Le rythme binaire des phrases pointe le décalage entre la perception de l'égocentrique Arrias et la réalité : "Arrias a tout lu, tout vu, il veut le persuader ainsi".
- Les hyperboles montrent l'exagération du comportement d'Arrias : "il en rit le premier jusqu'à éclater", "il prend feu".
- Le narrateur reste en retrait de cette description en action mais la chute, l'ultime phrase au discours direct de Sethon invite à une relecture critique de tout le portrait.
Les procédés de l'ironie sont le portrait en action, les accumulations et hyperboles et la pointe finale qui crée un effet de chute.