La visée d'une poésie didactique Exercice fondamental

La poésie didactique se distingue de la poésie lyrique ou satirique par sa visée : son but est avant tout d'instruire, de procurer au lecteur un enseignement explicite. La forme esthétique est mise au service d'une finalité pratique : le poète noue avec son lecteur une relation de maître à élève. La visée peut tout d'abord être morale et philosophique. Dans un second temps, la visée peut être plus technique.

Tout d'abord, la visée de la poésie didactique est morale. Au Moyen Âge, une grande part de la production poétique peut être considérée comme didactique du fait de sa dimension morale et religieuse. Les poètes sont influencés par les auteurs antiques, comme Caton l'Ancien, dont les distiques sont toujours très utilisés dans l'enseignement médiéval. Cette visée morale devient plus philosophique avec les poètes de la Pléiade, qui reprennent les questionnements de leur époque dans leurs poèmes. C'est notamment le cas de Ronsard dans ses Hymnes ou de Scève dans la Délie : leurs poèmes tentent d'éduquer le lecteur, de lui enseigner la manière de penser le monde et l'amour. La poésie didactique se distingue en cela du lyrisme amoureux qui se contente de célébrer la femme aimée et de chanter les sentiments sans chercher à instruire le destinataire. De ce point de vue, c'est sans doute La Fontaine qui est le plus représentatif du didactisme en poésie : ses fables, qui se divisent entre récit et morale, utilisent la forme poétique pour faciliter, par la musicalité des vers, la remémoration de la leçon que cherche à dispenser le fabuliste. La forme poétique devient un moyen mnémotechnique au service d'un enseignement moral. La fable intitulée "Le Corbeau et le Renard", par exemple, avertit le lecteur contre les dangers de la vanité qui permet au flatteur, à l'hypocrite de triompher. La poésie didactique peut également se proposer comme un art de vivre qui mêle conseils moraux et sociaux pour une vie harmonieuse en société. C'est le cas dans l'Art Poétique de Boileau qui mêle réflexions esthétiques et conseils moraux, plus particulièrement aux poètes et écrivains. Cette visée philosophique de la poésie didactique connaît son apogée au siècle des Lumières chez un auteur comme Voltaire : dans son Discours en vers sur l'homme, le philosophe utilise la forme poétique pour dispenser un enseignement sur la nature humaine.

Par ailleurs, la visée de la poésie didactique peut être plus scientifique : le poète cherche à comprendre et révéler le fonctionnement de l'univers, à rendre compte de la connaissance du monde et de ses lois. C'est tout particulièrement le cas à la Renaissance : les auteurs humanistes mettent en avant un modèle intellectuel complet, un "homme mêlé" capable de s'intéresser à tous les domaines de la connaissance. Les poètes, dans la lignée d'auteurs antiques comme Hésiode dans Les Travaux et les Jours ou Lucrèce dans De Natura Rerum, utilisent la poésie pour instruire le lecteur sur les sciences qui fleurissent à l'époque. La botanique, l'alchimie, la physique, et même la zoologie, dans les bestiaires par exemple, trouvent alors leur place dans la poésie didactique. On peut citer Les Météores de Baïf qui, s'inspirant des Géorgiques de Virgile, s'intéresse notamment à l'astronomie au travers d'une poésie plus scientifique que lyrique. Boileau quant à lui cherche à définir une science de l'écriture, les règles techniques qui doivent permettre la réalisation de l'idéal esthétique. Si la littérature est bel et bien le sujet de ce poème, plutôt que la science, elle est cependant traitée comme un objet de connaissance sur lequel Boileau construit un enseignement qu'il cherche à dispenser, voire à mettre immédiatement en pratique, à travers la forme poétique : la visée de la poésie didactique est alors esthétique. Par la suite, au XVIIIe siècle, la soif de connaissance prime. Ainsi, dans son Épître sur la philosophie de Newton, Voltaire recourt à la forme versifiée pour vulgariser un savoir scientifique majeur qu'il confronte à la Bible. Toutefois, le retentissement de la poésie didactique s'amenuise dès le XIXe siècle : certains écrits célèbrent les nouvelles inventions (Whitman ou Verlaine pour la locomotive, Cocteau pour l'avion) mais la méfiance des auteurs vis-à-vis du progrès scientifique et industriel se traduit dans des poèmes qui conservent une dimension didactique même si celle-ci s'assortit également d'une visée plus satirique.