Liban, 2013, voie S
Vous développerez votre propos en vous appuyant sur les textes du corpus, les textes que vous avez étudiés en classe et sur vos lectures personnelles.
La poésie doit-elle célébrer la vie ?
Texte A : Pierre de Ronsard, Le Second Livre des Odes, Ode 18
1571
J'ai l'esprit tout ennuyé
D'avoir trop étudié
Les Phénomènes d'Arate1 :
Il est temps que je m'ébatte,
Et que j'aille aux champs jouer.
Bons Dieux ! qui voudrait louer
Ceux qui collés sur un livre
N'ont jamais souci de vivre ?
Que nous sert l'étudier,
Sinon de nous ennuyer ?
Et soin dessus soin accroître2
À nous, qui serons peut-être
Ou ce matin, ou ce soir
Victimes de l'Orque noir3 ?
De l'Orque qui ne pardonne,
Tant il est fier, à personne.
Corydon4, marche devant,
Sache où le bon vin se vend :
Fais rafraîchir la bouteille,
Cherche une ombrageuse treille5
Pour sous elle me coucher :
Ne m'achète point de chair,
Car, tant soit-elle friande,
L'été je hais la viande.
Achète des abricots,
Des pompons6, des artichauts,
Des fraises, et de la crème :
C'est en été ce que j'aime,
Quand sur le bord d'un ruisseau
Je les mange au bruit de l'eau,
Étendu sur le rivage,
Ou dans un antre sauvage.
Ores que7 je suis dispos
Je veux rire sans repos,
De peur que la maladie
Un de ces jours ne me die8,
Je t'ai maintenant vaincu :
Meurs, galant, c'est trop vécu.
1 Arate : poète et astronome grec
2 Que nous sert l'étudier, / Sinon de nous ennuyer ? / Et soin dessus soin accroître : à quoi sert d'étudier, sinon à multiplier nos besognes et nos soucis ?
3 L'Orque noir : démon incarnant la mort
4 Corydon : ici, nom de valet
5 Treille : vigne
6 Pompons : melons
7 Ores que : maintenant que
8 Ne me die : ne me dise
Texte B : Victor Hugo, Les Rayons et les Ombres, "Regard jeté dans une mansarde"
1840
Regard jeté dans une mansarde
L'église est vaste et haute. À ses clochers superbes
L'ogive1 en fleur suspend ses trèfles1 et ses gerbes1 :
Son portail resplendit, de sa rose1 pourvu ;
Le soir fait fourmiller sous la voussure2 énorme
Anges, verges, le ciel, l'enfer sombre et difforme,
Tout un monde effrayant comme un rêve entrevu.
Mais ce n'est pas l'église, et ses voûtes sublimes,
Ses porches, ses vitraux, ses lueurs, ses abîmes,
Sa façade et ses tours, qui fascine3 mes yeux ;
Non ; c'est, tout près, dans l'ombre où l'âme aime à descendre
Cette chambre d'où sort un chant sonore et tendre,
Posée au bord d'un toit comme un oiseau joyeux.
Oui, l'édifice est beau, mais cette chambre est douce.
J'aime le chêne altier moins que le nid de mousse ;
J'aime le vent des près plus que l'âpre ouragan ;
Mon cœur, quand il se perd vers les vagues béantes,
Préfère l'algue obscure aux falaises géantes.
Et l'heureuse hirondelle au splendide océan.
1 Ogive , trèfle, gerbe et rose (rosace) : éléments d'architecture gothique
2 Voussure : courbure
3 Fascine : s'accroche ici avec "l'église" (vers 8)
Texte C : Arthur Rimbaud, Poésies complètes, "La Maline"
1870
La Maline
Dans la salle à manger brune, que parfumait
Une odeur de vernis et de fruits, à mon aise
Je ramassais un plat de je ne sais quel mets
Belge, et je m'épatais1 dans mon immense chaise.
En mangeant, j'écoutais l'horloge, - heureux et coi2.
La cuisine s'ouvrit avec une bouffée,
- Et la servante vint, je ne sais pas pourquoi,
Fichu3 moitié défait, malinement coiffée
Et, tout en promenant son petit doigt tremblant
Sur sa joue, un velours de pêche rose et blanc,
En faisant, de sa lèvre enfantine, une moue,
Elle arrangeait les plats, près de moi, pour m'aiser4 ;
- Puis, comme ça, - bien sûr, pour avoir un baiser, -
Tout bas : "sens donc, j'ai pris une froid5 sur la joue…"
Charleroi, octobre (18)70.
1 Je m'épatais : je m'installais confortablement.
2 Coi : tranquille
3 Fichu : foulard
4 M'aiser : me mettre à l'aise
5 Une froid : c'est Rimbaud qui souligne "une" en le mettant en italiques.
Texte D : Eugène Guillevic, Terre à bonheur, section "Exposé", II, "Au-devant de la lumière…"
1951
Au-devant de la lumière,
Au-devant de la journée,
Je vais. Et si mon pas
N'est pas encore très sûr
C'est que l'heure et l'espace
Me laissent récolter
Contentement et connaissance.
Le buis1 m'attire et je resterais là,
Sentant à peine le matin se transformer
Si le merle tout près
Ne venait me parler d'une lointaine eau noire
Et froide quelque part, et je regarde alors
À mes pieds la rosée tout autre qui entend.
Je ne ferai pas plus longtemps
Voyage avec le merle.
L'heure est au jour qui s'ouvre grand.
Quelques fleurs du volubilis
Prennent l'azur comme il se donne
Si d'autres attardées d'un acacia géant
Le voudraient plus prudent.
Le lierre, lui, s'acharne à demeurer secret.
Le tilleul s'est rempli de moineaux qui criaillent,
Affolés, on dirait.
Et soudain l'épervier en sort, majestueux,
Emportant l'un d'entre eux
Dont le cri fait pitié.
C'est le même épervier
Qui planait ces jours-ci sur les champs d'à côté.
L'orgue est partout.
C'est le grand orgue
Qu'on entend moins
Qu'on ne devine.
Chant d'orgue sur les branches, sur le mur
Chant d'orgue sur les buis, sur quelques roses,
Chant d'orgue sur les toits, chant d'orgue sur les prés,
Chant de l'orgue sur l'horizon.
Les papillons
Sont souffle d'orgue dans l'aigu.
Les cyprès
N'ont jamais été plus recueillis.
C'est que l'instant se donne
Quand le jour s'est donné.
1 Buis : espèce d'arbuste
Quel est le message du poète ?
Texte A : Pierre de Ronsard, Le Second Livre des Odes, Ode 18
1571
J'ai l'esprit tout ennuyé
D'avoir trop étudié
Les Phénomènes d'Arate1 :
Il est temps que je m'ébatte,
Et que j'aille aux champs jouer.
Bons Dieux ! qui voudrait louer
Ceux qui collés sur un livre
N'ont jamais souci de vivre ?
Que nous sert l'étudier,
Sinon de nous ennuyer ?
Et soin dessus soin accroître2
À nous, qui serons peut-être
Ou ce matin, ou ce soir
Victimes de l'Orque noir3 ?
De l'Orque qui ne pardonne,
Tant il est fier, à personne.
Corydon4, marche devant,
Sache où le bon vin se vend :
Fais rafraîchir la bouteille,
Cherche une ombrageuse treille5
Pour sous elle me coucher :
Ne m'achète point de chair,
Car, tant soit-elle friande,
L'été je hais la viande.
Achète des abricots,
Des pompons6, des artichauts,
Des fraises, et de la crème :
C'est en été ce que j'aime,
Quand sur le bord d'un ruisseau
Je les mange au bruit de l'eau,
Étendu sur le rivage,
Ou dans un antre sauvage.
Ores que7 je suis dispos
Je veux rire sans repos,
De peur que la maladie
Un de ces jours ne me die8,
Je t'ai maintenant vaincu :
Meurs, galant, c'est trop vécu.
1 Arate : poète et astronome grec
2 Que nous sert l'étudier, / Sinon de nous ennuyer ? / Et soin dessus soin accroître : à quoi sert d'étudier, sinon à multiplier nos besognes et nos soucis ?
3 L'Orque noir : démon incarnant la mort
4 Corydon : ici, nom de valet
5 Treille : vigne
6 Pompons : melons
7 Ores que : maintenant que
8 Ne me die : ne me dise
Que célèbre le poète ?
Texte B : Victor Hugo, Les Rayons et les Ombres, "Regard jeté dans une mansarde"
1840
Regard jeté dans une mansarde
L'église est vaste et haute. À ses clochers superbes
L'ogive1 en fleur suspend ses trèfles1 et ses gerbes1 :
Son portail resplendit, de sa rose1 pourvu ;
Le soir fait fourmiller sous la voussure2 énorme
Anges, verges, le ciel, l'enfer sombre et difforme,
Tout un monde effrayant comme un rêve entrevu.
Mais ce n'est pas l'église, et ses voûtes sublimes,
Ses porches, ses vitraux, ses lueurs, ses abîmes,
Sa façade et ses tours, qui fascine3 mes yeux ;
Non ; c'est, tout près, dans l'ombre où l'âme aime à descendre
Cette chambre d'où sort un chant sonore et tendre,
Posée au bord d'un toit comme un oiseau joyeux.
Oui, l'édifice est beau, mais cette chambre est douce.
J'aime le chêne altier moins que le nid de mousse ;
J'aime le vent des près plus que l'âpre ouragan ;
Mon cœur, quand il se perd vers les vagues béantes,
Préfère l'algue obscure aux falaises géantes.
Et l'heureuse hirondelle au splendide océan.
1 Ogive , trèfle, gerbe et rose (rosace) : éléments d'architecture gothique
2 Voussure : courbure
3 Fascine : s'accroche ici avec "l'église" (vers 8)
Que célèbre Rimbaud ?
Texte C : Arthur Rimbaud, Poésies complètes, "La Maline"
1870
La Maline
Dans la salle à manger brune, que parfumait
Une odeur de vernis et de fruits, à mon aise
Je ramassais un plat de je ne sais quel mets
Belge, et je m'épatais1 dans mon immense chaise.
En mangeant, j'écoutais l'horloge, - heureux et coi2.
La cuisine s'ouvrit avec une bouffée,
- Et la servante vint, je ne sais pas pourquoi,
Fichu3 moitié défait, malinement coiffée
Et, tout en promenant son petit doigt tremblant
Sur sa joue, un velours de pêche rose et blanc,
En faisant, de sa lèvre enfantine, une moue,
Elle arrangeait les plats, près de moi, pour m'aiser4 ;
- Puis, comme ça, - bien sûr, pour avoir un baiser, -
Tout bas : "sens donc, j'ai pris une froid5 sur la joue…"
Charleroi, octobre (18)70.
1 Je m'épatais : je m'installais confortablement
2 Coi : tranquille
3 Fichu : foulard
4 M'aiser : me mettre à l'aise
5 Une froid : c'est Rimbaud qui souligne "une" en le mettant en italiques
Quelle figure de style Eugène Guillevic utilise-t-il dans les deux premiers vers de son poème?
Texte D : Eugène Guillevic, Terre à bonheur, section "Exposé", II, "Au-devant de la lumière…"
1951
Au-devant de la lumière,
Au-devant de la journée,
Je vais. Et si mon pas
N'est pas encore très sûr
C'est que l'heure et l'espace
Me laissent récolter
Contentement et connaissance.
Le buis1 m'attire et je resterais là,
Sentant à peine le matin se transformer
Si le merle tout près
Ne venait me parler d'une lointaine eau noire
Et froide quelque part, et je regarde alors
À mes pieds la rosée tout autre qui entend.
Je ne ferai pas plus longtemps
Voyage avec le merle.
L'heure est au jour qui s'ouvre grand.
Quelques fleurs du volubilis
Prennent l'azur comme il se donne
Si d'autres attardées d'un acacia géant
Le voudraient plus prudent.
Le lierre, lui, s'acharne à demeurer secret.
Le tilleul s'est rempli de moineaux qui criaillent,
Affolés, on dirait.
Et soudain l'épervier en sort, majestueux,
Emportant l'un d'entre eux
Dont le cri fait pitié.
C'est le même épervier
Qui planait ces jours-ci sur les champs d'à côté.
L'orgue est partout.
C'est le grand orgue
Qu'on entend moins
Qu'on ne devine.
Chant d'orgue sur les branches, sur le mur
Chant d'orgue sur les buis, sur quelques roses,
Chant d'orgue sur les toits, chant d'orgue sur les prés,
Chant de l'orgue sur l'horizon.
Les papillons
Sont souffle d'orgue dans l'aigu.
Les cyprès
N'ont jamais été plus recueillis.
C'est que l'instant se donne
Quand le jour s'est donné.
1 Buis : espèce d'arbuste
Quel plan convient pour ce sujet ?
Qu'est-ce que la poésie engagée ?
Qu'est-ce que l'Odyssée ?
À l'origine, la poésie est chantée. C'est Orphée et sa lyre, le poète qui récite en jouant de la musique. La poésie exalte. Elle dit l'amour, elle célèbre la nature et les héros. La poésie rend compte de la beauté. C'est l'art littéraire le plus proche des autres Arts, l'art qui veut être un objet à lui seul. Le langage poétique même semble fait pour célébrer.
Toutefois, on peut se demander si la poésie n'a pas d'autre but que de chanter la beauté et l'héroïsme. Les définitions qu'on en donne sont en effet variées, parfois même contradictoires. S'il y a bien Ronsard, s'il y a bien Du Bellay, des poètes pour qui il faut chanter l'amour et les passions, il y a aussi Baudelaire qui prend pour sujet la mort, il y a Aragon et ses chants engagés.
Quelle est la fonction de la poésie et du poète ? La célébration de la vie est-elle le seul sujet valable pour un faire un poème ?
Pour répondre à cette question, il convient dans un premier temps de montrer comment l'origine même de la poésie la lie à l'idée de célébration. Il faudra ensuite montrer que le langage poétique se prête à la célébration, avant de conclure sur les autres fonctions de la poésie.
La poésie, un chant exalté
Le lyrisme amoureux
- La poésie lyrique chante l'amour. La personne aimée et le sentiment amoureux sont des sujets privilégiés de la poésie. L'amour est chanté sous toutes ses formes. Certains poètes préfèrent l'amour précieux, d'autres l'amour passion, d'autres l'amour platonique, et nombreux sont ceux qui chantent l'amour malheureux.
- Le poète célèbre souvent la femme aimée. C'est le cas de Ronsard qui chante la beauté d'Hélène et Cassandre. Dans "La Courbe de tes yeux", Paul Éluard dit la beauté des yeux de son amante.
- L'amour est aussi celui plus vaste de l'amour maternel, de l'amour pour la patrie, de l'amour pour quelque chose de plus grand. Victor Hugo dans "Regard jeté dans une mansarde" célèbre Dieu. La poésie peut ainsi être au service de la religion.
L'héroïsme, la nature et la beauté : des sujets privilégiés
- La poésie met en avant l'héroïsme. C'est l'art parfait pour souligner et exalter le courage de certains héros. Ainsi, on peut citer "La Chanson de Roland" qui date du Moyen Âge et relate les exploits de Roland. C'est un long poème épique qui décrit le combat de Roland. On peut aussi rappeler que l'Odyssée et l'Iliade de Homère sont écrits sous la forme de longs poèmes épiques.
- L'épique ne date pas seulement de l'Antiquité ou du Moyen Âge. Victor Hugo a écrit ce qui est considéré comme le dernier poème épique avec La Légende des siècles. L'écrivain y célèbre l'Homme et met en scène la lutte entre le Bien et le Mal.
- La poésie permet de célébrer la nature. C'est un thème qui revient très souvent. On peut citer "Fleurs" de Rimbaud, ou Baudelaire qui parle souvent des parfums des fleurs.
- Le poème est surtout un hymne à la beauté. Cette dernière peut être celle d'une personne, de la nature, d'un sentiment. La beauté peut être évoquée en convoquant les dieux : "Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre / Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour, / Est fait pour inspirer au poète un amour / Éternel et muet ainsi que la matière" (Baudelaire).
La vie quotidienne
- Surtout au XXe siècle, la poésie commence à être utilisée pour évoquer la vie quotidienne et rappeler la beauté de la vie de tous les jours. Il faut trouver de la beauté dans toutes choses. Ponge célèbre des objets comme le pain ou bien encore le cageot. Prévert célèbre l'alcool.
- Le poète est aussi celui qui donne une voix à ceux qu'on préfère oublier. Il parle des pauvres, on peut citer "Le Jouet du pauvre" de Baudelaire. Il parle des morts, on peut citer "La Ballade des pendus" de Villon. La poésie permet de redonner de la dignité à ce qui n'est pas noble. Elle offre la beauté au quotidien, aux miséreux, à ce qui est normalement considéré comme très éloigné de la beauté et de la poésie.
Si la poésie est l'art qui permet de célébrer la vie, c'est parce qu'elle a les outils pour.
Le langage poétique, célébration des mots
Les ressources du langage
- La poésie est lyrique. Le lyrisme consiste à utiliser des émotions, à les exalter. Le poète s'appuie sur les passions, les sentiments. Il joue sur des hyperboles pour exagérer, il choisit un vocabulaire affectif.
- La poésie est le lieu où l'écrivain peut utiliser à foison les images, les métaphores, les comparaisons.
- La poésie donne vie à ce qui est inanimé. Par exemple, dans un texte du corpus on trouve le vers : "Le lierre, lui, s'acharne à demeurer secret." Il s'agit d'une personnification, tout à coup le lierre est associé à "acharner", le lierre devient vivant, comme un animal ou un homme qui lutte.
- La poésie est d'abord née pour être chantée. C'est un genre qui est proche de la musique. Verlaine met bien cela en avant dans "Art poétique".
- La poésie se nourrit du rythme, des répétitions. Tout cela rappelle les chants.
- Le poète joue avec les mots. Il invente un nouveau langage. Il joue sur les associations. Par exemple dans "Voyelles", Arthur Rimbaud associe à chaque lettre une couleur. Le but est de creuser la langue, de s'amuser avec, de trouver ce qui sera le plus beau.
Réinventer le langage, réinventer le monde
- Le poète réinvente le monde. Il offre à voir la langue française sous un nouveau jour. Il donne de nouveaux sens aux mots. Dans "Le Pain", Ponge nous plonge dans la mie et la croûte d'un aliment qu'on croit connaître. Il nous pousse à voir la beauté cachée d'un objet normal. Pour cela, il associe au pain un vocabulaire rarement utilisé pour le décrire. Il parle de crevasse, de vallées. Le pain devient un monde.
- Pour Baudelaire, le poète est celui qui permet d'expliquer le monde, de révéler la vérité aux hommes. Dans "Correspondances" il montre qu'il y a, tout autour de nous, des signes, des preuves de l'existence de Dieu. Mais l'homme normal n'y fait pas attention. Le poète est sensible, il perçoit ces signes, et il les met dans ses poèmes, pour que le lecteur comprenne. Le poète a donc une mission. C'est un traducteur, un voyant.
- Les surréalistes poussent cette idée plus loin en associant des idées contraires ensemble, en redessinant la réalité. Ainsi, Paul Éluard écrit le célèbre vers : "la terre est bleue comme une orange". Sous sa plume, le bleu devient orange, ou l'orange devient bleue, ou la terre et l'orange ont une couleur inconnue, nouvelle, inventée par lui.
Mais la poésie n'est pas que célébration. Elle est aussi un outil qui permet de dénoncer.
La poésie engagée : un outil de dénonciation
Le poète, un combattant
- Certains estiment que le rôle du poète est de dénoncer. La poésie engagée existe pour cette raison. Il s'agit alors de défendre ses idées. C'est le cas d'Aragon avec "Strophe pour se souvenir". Il rend hommage à des résistants de la Seconde Guerre mondiale qui ont été condamnés à mort. Il continue de lutter pour eux en écrivant ce poème.
- La poésie devient une arme. Elle s'inscrit dans son époque. Elle n'est plus nécessairement intemporelle, elle devient actuelle. Victor Hugo écrit pour rendre le monde meilleur. Dans Les Châtiments, il dénonce le pouvoir de l'empereur en place et l'appelle "Napoléon le Petit". Victor Hugo a été exilé pour avoir défié le pouvoir.
- La Fontaine dénonce l'injustice dans "Les Animaux malades de la peste".
La poésie : une arme
- La poésie joue sur les images. C'est donc une arme très forte. Elle permet de frapper l'imagination. Elle peut persuader facilement son lecteur. De plus, la poésie est souvent courte. Elle est facile à retenir.
- Les répétitions font de la poésie une arme incantatoire. "Au nom des larmes dans le noir…/ […] Au nom des hommes en prison…/ Au nom des femmes déportées" de Paul Éluard.
- Dans la poésie, on peut utiliser différents registres pour dénoncer. Victor Hugo utilise la satire pour se moquer de Napoléon III, Baudelaire utilise le pathétique quand il parle des pauvres.
Un éloge de la résistance
- Mais finalement, dénoncer, c'est aussi rendre hommage, on l'a vu, à ceux qui résistent. Rendre hommage, n'est-ce pas célébrer ? Tout en dénonçant, la poésie soutient donc ceux qui se battent.
- On peut aussi dénoncer pour célébrer une idée. Victor Hugo demande le retour de la République et de ses valeurs dans Les Châtiments. Dénoncer, n'est-ce pas célébrer indirectement ?
- Dans "Le Dormeur du Val", Rimbaud décrit l'innocence fauchée d'un jeune soldat. Il oppose à la guerre la jeunesse. Il célèbre les jeunes gens et regrette leur mort inutile.
- Surtout, on l'a vu, le poète utilise toujours des mots pour décrire des images. Qu'il fasse l'éloge de la beauté ou qu'il dénonce quelque chose, c'est toujours en trouvant ce qui, dans le langage, permet de frapper, de célébrer, de révéler. La poésie est donc toujours une célébration du langage.
La poésie est donc née pour célébrer la vie, pour chanter la beauté, l'héroïsme et la nature. Elle a longtemps été associée à ce qui est noble, à ce qui est grand. Petit à petit, la poésie n'a plus été de longs poèmes épiques, de glorieux vers pour les héros ou les dieux. Elle est devenue un art au service du quotidien, un art qui célèbre les plus démunis. Elle a aussi été utilisée pour dénoncer, pour se révolter.
La poésie, car elle utilise toutes les ressources du langage, est idéale pour célébrer la vie. Finalement, qu'importe la fonction que lui donne le poète, elle est toujours, et peut-être même d'abord, une célébration de la parole, de la musique de la langue, du pouvoir des mots.